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 Modestie, tu n'es plus la bienvenue!

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Inès de Soltariel
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MessageSujet: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeMar 8 Mar 2011 - 11:04

Le port de Boniverdi – réputé pour ses inénarrables crevettes à la sauce Coque-Telle – avait, il y a bien longtemps, perdu son indépendance pour se muer en une excroissance de la ville de Soltariel. Insatiable gueule cyclopéenne, il emboquait continuellement la cité ducale, toujours plus opulente grâce à sa maxime « les emmerdes sont monnaie courante, se spécialiser là-dedans ne remplira pas votre bourse». A toute heure du jour et de la nuit, des navires remontaient le Tyrion, lourds de leur cargaison, afin d’aller garnir les étals du quartier-marchand. Ce n’était, d’ailleurs, pas sans raison que la Compagnie du Ponant s’y révélait aussi présente : de là, elle exerçait un contrôle, enviable, sur une part importante du commerce soltari.



« Bé niquedouille! S’pas des galéjades : tout l’Ordre de la Boutonnière, ‘vec la Sereine, ouais monsieur. Pour « faire entrer la ville dans l’siècle de l’Inès », qu’il m’a bavé, cézigue. Rien que ça ! Même, t’sais, qu’ils marinent à l’alcazar rien qu’pour un crapoussin! ‘faitement ! J’le tiens d’cousin d’ma belle-doche qu’est membre d’la valetaille du palais» expliquait fiévreusement un marchand d’huiles fines à un collègue « même qu’la dame va distribuer des pièces d’argent dans des pains, pour célébrer ça, pour sûr » murmura-t-il, à moitié pour lui-même, l’air songeur « de bons pains bien dorés comme…comme… » il se surprit à rougir.



La duchesse avait de grands projets. C’était, d’ailleurs, le problème, avec elle : les projets modestes, c’était bon pour les grouillots, par pour celle devant qui les dieux lares s’agenouillaient ! En ce jour, elle escomptait bien faire des jaloux parmi ses contemporains mais également, et surtout, parmi les générations futures (et, par ce biais, reléguer ses éventuels successeurs au rang de parenthèses historiques).
Tout avait commencé lorsqu’elle avait déclaré à son chambellan : « Si, pour le plus grand malheur de l’humanité, je venais à trépasser, il serait de ma très sainte tâche de veiller à ce que, dans mille ans, les gens puissent encore aisément recourir à mon rassurant souvenir. ». Le pauvre homme avait alors, sans le savoir, commis une erreur qui marquerait l’histoire en répondant, sur le ton de la conversation « pour les guider, ô altesse ? ».



Sise sur un trône qui évoquait confusément la forme d’une fleur de nénuphar – un nénuphar recouvert d’or et de pierreries – la thaumaturge, coiffée d’une couronne de lauriers et vêtue d’un agréable chiton vermeil retenu par une ceinture d’argent – que rehaussaient, évidemment, quelques saphirs – honorait de son auguste présence son hôtel particulier. Plus concrètement, elle observait deux brutes aussi membrues qu’huilées qui s’affrontaient dans un combat de pancrace soltari. Toute la salle bruissait des paris que prenait une cour aussi joueuse qu’inconditionnelle de ce sport où l’on ne pouvait que se pâmer d’admiration devant ces corps sculpturaux se mêlant dans une lutte acharnée d’une violence inouïe. Des dieux faits bêtes ! D’ailleurs, il fut nécessaire d’apporter les sels afin de ranimer une dame que l’émotion avait fait défaillir.

Tandis que la duchesse, absorbée, portait son indexe gauche à ses lèvres charnues en murmurant un « hoo…il a dû avoir mal » d’un air tout à la fois anxieux et ravi, un majordome vint lui susurrer quelque chose à l’oreille. Elle en parut réjouie.

« Mes braves vassaux ! » lança-t-elle en levant ses bras d’un air solennel « Notre invité est finalement arrivé ! Soltari Gloria! » Ce à quoi la chorale ducale répondit en entonnant l’Inessi Deum. Puis, une dizaine de joueurs de cornicines soufflèrent – avec brio – dans leurs instruments tandis que s’avançait, face au trône, l’architecte.

« Sa Pilosité Dun Eyr » annonça un héraut.

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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeMer 9 Mar 2011 - 0:32

Ah ! Qu’elles étaient charmantes, ces bourgades provinciales.

Dun Eyr, fourbu, la barbe en ébouriffée bourrasque, avait parcouru de longues et sempiternelles lieues depuis le port de Sybrondil, et les blanches-falaises. Quelques merles, l’ombre d’un furet dans les herbes, et des cohortes de gardes à la maraude, voilà bien tout ce que la Poigne de Lirgan avait croisé sur son chemin. A la réflexion, surtout des gardes à la maraude – il fallait dire que les Nains se trouvaient quelque peu traqués dans ces contrées rupestres et barbares du Sud, pour des motifs aussi divers que divertissants : bien sûr, il y avait les sérieux, les rudes gardes aux visières d’argent, et qui de leur hallebarde flamboyante préservaient l’intégrité de leur bourgade, comme d’une pucelle la primeur. Et puis, il y avait les autres, qui seuls s’intéressaient aux variétés de breuvages plus ou moins toxiques – et plutôt plus que moins – que les racontars de marins prêtaient à toute besace de Nain ; ce qui était fort sot, car pas deux lieues avaient filé depuis que Dun Eyr avait quitté le port de la cité, que déjà il jetait au flanc de la route son tonnelet vidé d’un trait – alors pensez qu’aux abords de Soltariel, sa gorge n’avait guère plus que la fraîcheur d’un désert de l’Ithri’Vaan. Et enfin, comble du raffinement de ces Suderons aux oreilles décollées, à l’haleine décollante – il y avait les naïfs, les territoriaux, les fils et petits-fils de paysannerie du bon terroir ; et qui prêtaient encore, contre toute intelligence, un crédit fort large aux légendes de ces contrées-là, qui prétendaient donc que les Nains avaient pour l’or, l’attrait qu’ont les porcs pour la truffe.
Par deux fois, Dun Eyr reçut laisse au cou pour aller farfouiller des racines de chêne.

Aussi, lorsque la flamboyante, la magnifique, l’intrépide et suprêmissimement rayonnante cité de Boniverdi – l’Inéssique Splendeur, comme chantaient les aèdes nubiles – était venue à dévoiler ses charmes à l’œil aguerri de Dun Eyr, celui-ci avait eu le sourire fat et joyeux du prélat examinant les devers de sa basse-contrée.
Il était vrai qu’elle se trouvait plutôt coquette, cette petite perle de ville soltari, ainsi assoupie à la lèvre de l’Océan ; elle soupirait tranquillement, et étendait ses quelques reliefs de pierre sur les bords du rivage, nonchalamment parsemée de ses marchés et de ses étals, de ses forains et de ses chalands. Il n’y avait rien de fort stupéfiant dans les ruelles de ces faubourgs maritimes, et c’était bien l’éclat un peu clinquant, un peu tapageur d’une gamine fardée à la poudre de sa marâtre, le goût rutilant du petit domaine des seigneurs à la goguette.
Soltariel, le havre balnéaire à portée de bourse de tout châtelain.
C’était donc Sybrondil en plus vaste ; la décadence au surplus.

Parmi ces étalages de dorures et tapis de toutes sortes, au travers des colonnades de portefaix libres et de nervis sous contrat honnête – les chaînes, c’était mine d’une ambiance – cheminait ainsi notre Dun Eyr, les bottines largement écartées sur le dos de son poney ; et quelques pans de sa robe, et de sa cape d’ocre, allaient onduler dans son dos. Nulle garde, nulle escorte – c’eût été insulte et outrage à l’âme d’un Nain, que de rendre visite avec haches et larbins.
Et puis, à la vérité, ces trente Nains harassés par des semaines de navigation, ces trente mineurs du Nord forcés à se terrer dans les bois, puis à bondir entre les remous de l’Océan – ils n’étaient guère sortable dans la Haute, la Mondaine ; la Du-Dessus-De-l’En-Haut.

C’était donc en seigneur Nain du temps jadis, comme revenu d’entre les ruines fumantes, et passablement poussiéreuses de Kirgan, que le Haut-Prêtre se présenta à la vue et au jugement de ces grands badauds d’Hommes de la Boue – fussent-ils dans la boue d’une demeure cossue. Et ce fut donc en seigneur Nain qu’il alla honorer la dame des lieux, ne cédant guère aux nouvelles mœurs de la jeune génération ; et c’est pourquoi, chamboulant la garde du lieu, il pénétra à dos de poney jusqu’à la grand’salle du lieu, et depuis le sellette harangua la diaphane damoiselle qui lui faisait face :

– De Sa Pilosité Dun Eyr, à l’Inéssique Jouvencelle en Soltari, aimables salutations.

Et sans plus attendre, prenant pour marchepied de sa bottine ferrée le musculeux dos d’un athlète évanoui sur le sol – et baignant dans un délicieux vin à la robe pourpre – Dun Eyr bondit à terre, et s’en attendit pour découvrir quelles pouvaient bien être les coutumes cérémonielles et diplomatiques de l’endroit.


Dernière édition par Dun Eyr le Sam 12 Mar 2011 - 10:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeJeu 10 Mar 2011 - 18:19

Un silence, si absolu qu’il en parut presque consistant, masse informe d’anti-son, fit écho aux paroles du nain. Cela ne dura qu’un fugace instant mais profita à la morgue naturelle des Soltaris. Même les plus sceptiques furent amenés à reconnaître le talent, incontestable, des silentiaires du palais.
Plumes d’autruche fièrement dressées sur sa barbute ambrée, un eunuque de la maison ducale frappa à trois reprises de la partie inférieure de sa hallebarde sur le dallage de marbre afin d’obtenir le silence, déjà présent, certes, mais il avait toujours eu un faible pour le cérémoniel, et postillonna : « Son Altesse Sérénissime, Maîtresse de la Sauge et du Laurier, Celle Qui Eclaire va parler. Soltari Gloria !» Les cornicines eurent le bon goût de se rappeler aux tympans de l’assemblée.

- Mestre nain, c’est pour Soltariel un plaisir non dissimulé que de recevoir la visite d’un homme aux mains bénies des Dieux. Soyez le bienvenu dans notre agréable alcazar.

D’un geste d’une morbidesse à défroquer le plus zélote des moines, elle désigna la salle aux murs couverts de mosaïques évoquant des exploits guerriers réalisés par des héros dénudés.

- Vous l’avez, sans nul doute, déjà senti : une nouvelle ère est en marche, sire, l’enjeu n’étant rien de moins qu’un Monde nouveau ! Soltariel ne sera pas simple spectateur de ce bouleversement, au contraire ! Nous comptons embrasser ce futur radieux qui nous apportera une milliasse de richesses !

Elle adressa un imperceptible signe de tête à un quelconque hiérarque qui, d’un claquement de doigts, fit s’avancer deux valets poussant ce qui s’apparentait, plutôt de loin que de près, à un cadre sur roulettes. Néanmoins, là où l’on se serait attendu à voir un portrait, siégeait un dessin représentant, à s’y méprendre, une vue des quais de Boniverdi.

- Boniverdi, la Sublime Porte ! la Gardienne du Tyrion !... Bientôt étouffée par sa propre magnificence ! Voyez-la se développer à un rythme effréné ! S’approche le jour où ses infrastructures actuelles lui feront honte. Je me refuse à voir ce jour arriver, sire.

Inès marqua une courte pause et parut relever, pour la première fois depuis que Dun Eyr avait fait irruption dans le palais, la présence du poney. S’en formalisa-t-elle ? Impossible de le dire. Elle avait ce don, propre aux personnes détentrices de grands pouvoirs, de faire abstraction de la réalité. L’animal avait donc, aux yeux de la thaumaturge, pris consistance un quart de seconde durant, pour se volatiliser, dès l’instant suivant, de son très sélectif esprit. Un poney, ce n’était pas assez grand…

- Notre enveloppe physique ne dispose que d’un temps limité sur ce Monde. Un jour funeste viendra où mon bon peuple se trouvera dans le désœuvrement le plus total, abattu par la perte de sa souveraine. Par conséquent, pour leur plus grand bien, il est d’une nécessité vitale de leur démontrer que ma materne présence transcendera les âges eux-mêmes ! Que toujours nos crânes marins pourront s’en remettre à ma bienveillante lumière ! Qu’aucune profondeur hadale ne menacera ceux qui suivront ma flamme ! Messer, j’ambitionne que vous bâtissiez un phare. Non l’un de ces ternes édifices comme on en trouve partout sur la Péninsule mais au contraire une construction d’une élégance rare – que dis-je, unique – un bâtiment : à mon effigie.

La vivacité comptant au nombre des qualités de l’habile courtisan, la cour bruissa de murmures d’approbation. « Quelle lumineuse idée ! » se risqua même à déclarer un cocasse. En d’autres lieux, le projet aurait surpris. A Soltariel, on connaissait la Maîtresse de la Sauge et du Laurier.

- Nous nous adressons à vous car, si l’on porte crédit aux rumeurs, la pierre irait jusqu’à chanter sous vos ciseaux et vous la modèleriez avec plus d’aisance encore que s’il s’agissait d’argile ! Vous seriez, de facto, le seul à pouvoir rendre justice à ma séraphique vénusté pour un si formidable ouvrage. Quelle est l’étendue réelle de votre ingénierie, messer ? Êtes-vous en mesure d’inscrire la perfection dans la pierre ?

Prétendre la duchesse exigeante aurait été, techniquement, une erreur : elle était bien au-delà de l’exigence.
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeSam 12 Mar 2011 - 10:52

« Ne t’éloigne point trop, ou le Grand Bonhomme de la Boue viendra te prendre ! », telles étaient les recommandations qu’édictaient, dans la lointaine Kirgan – avant qu’elle ne succombât à l’avalanche et la fournaise – les bonnes matrones Naines. Et de tous les joyeux bambins qui allaient chaparder des chèvres aux cols des montagnes, tous gardaient la doucereuse angoisse des filets des Horribles Humains, qui auraient fourgué le sac aux Nains à califourchon de leur étalon, et filez sur les domaines du Sud ! La vie du Nain, dès lors, n’aurait plus été que douloureuse captivité entre les griffes d’un fortin boueux, forcé qu’aurait été le Montagnard à se soumettre aux mille tortures des Barons du Nord, dans la profondeur des geôles glaciales – ou bien pire encore, que les Nains fussent livrés aux caprices des Damoiselles et de leurs longs doigts cruels.
Et le boudoir aux murs tendus de rose, aux fenêtres calfeutrées de romantiques éventails, au sein duquel aurait été ligoté le Nain à la barbiche torsadée, condamné au supplice de l’aquarelle des minois de Princesses – voilà bien qui glaçait les sangs de plus d’un des tailleurs de la pierre.
Or voilà que la demeure soltari, avec ses mille mosaïques d’éphèbes, s’empuantissaient fort bien d’un parfum de cauchemar, lorsque Dun Eyr parcourut l’ensemble d’un regard alourdi.

Ce fut donc avec la plus aimable des duperies, qu’il s’empressa de ployer l’échine devant la Suzeraine de la Sauge et du Laurier – mais d’une courbette brève, et raide, à la Naine.

– C’est un grand honneur, Madame, que de goûter les splendeurs de l’hospitalité des Soltaris.

Et quelle hospitalité, par la Sainte-Barbe.
Le Haut-Prêtre admettait fort raisonnablement que les récentes émeutes Kirganiques aient quelque peu terni le prestige des Nains, et que la grande clameur de son peuple vole avec moins d’éclat au-delà des contrées ; que certes, dans les terres les plus australes, l’on commence bien aisément à oublier les grands Seigneurs du Temps Jadis, les matadors des batailles d’antan qui avaient jusqu’alors conservé gloire et noblesse dans la mémoire des Nains – mais, scrogneugnain, aurait-on déjà remisé les plus grand contours du peuple des Montagnes, les esprits seraient-ils percés à ce point ?
Car c’était bien la première que l’on faisait l’hospitalité à Nain fourbu par le voyage, sans même lui offrir le moindre cuissot de poulet à rogner. Et Dun Eyr aurait donné sa barbe à tonsurer, si dans le mois tous les Nains ne recevaient pas la rumeur – transmise par ses soins – qu’à Soltariel, on laisse le gosier du Petit Peuple tout à fait vide.

Ce fut donc sans grande aménité, que la Main de Lirgan fit tomber ses œillades sur le petit portrait du port, qu’on lui avait diligemment présenté ; cette esquisse colorée avait toute la criante sincérité des marchands de Méca, et Dun Eyr se mit à espérer que l’on eût pas donné moult pièces d’or en salaire au peintre, qui avait barbouillé d’un beau soleil une vue très agrandie, et très arrangée, des quais houleux de l’endroit. L’on eût bien apporté au Nain un petit pinceau, et une mignonnette palette de toutes les couleurs, pour qu’il peignît au milieu de cette niaiserie un joli petit phare de beau granit, voilà qui n’aurait guère surpris notre Dun Eyr au ventre empli de grondements. Déjà, avides comme le sanglier à la glandée, les profils imprécis des courtisans se rapprochaient de la Nanesque attraction du jour, et c’était comme une armada de parfums nauséeux qui débarquait sur notre Nain.
De l’air et de la pierre, c’était cela qu’il fallait au Maître Ciseleur – et si donc la noble valetaille de corridor voulait du prodigieux, elle en aurait à faire tomber ses fards rutilants.

Avec toute l’aura naturelle dont jouit le Nain fourbu par des lieus de cavalcade, au milieu des aficionados des hautes-places qui n’avaient guère de gnomes que dans leur cohorte de duègnes, Dun Eyr fendit la foule – qui s’écarta avec déférence et un soupçon de dégoût – pour atteindre le mur qui faisait face à la noble Duchesse de la Splendeur, et il s’assura d’un coup d’œil qu’elle aurait bien en vue la scène qu’il allait tramer à son honneur.
Car enfin, qu’y avait-il donc à s’étaler sur la mosaïque de cette pierre-là ? De nobles figures de guerriers, aux corps fort aiguisés par le ciseau des sculpteurs et l’œillade des jouvencelles, qui partout exhibaient la splendeur de leur musculature, et indécemment s’étreignaient dans l’ocre gloire des batailles. Et tous ils étaient là, vibrionnant de noblesse, qui bondissaient d’estacades en estacades au nom des Soltaris.
Amusant, songea Dun Eyr.

Théâtral et empli de gravitas – car enfin, il fallait bien s’adapter aux coutumes de l’endroit – Dun Eyr tira de ses besaces la courte pointe de son stylet, et s’en entailla férocement la paume ; enfin, férocement, il en résulta une bien rude estafilade qui alla faire dégoutter le sang le long du bras, et jusqu’au sol – tant pour le plaisir de voir quelques mines effarées d’une auto-mutilation Naine, que pour la joie de salir un peu le noble manoir. Mais la taillade dans la chair n’avait été qu’un peu de poudre aux yeux, et surtout manière de s’y esquisser le contour d’une bien belle Rune Lirganique ; et qu’enfin, écachant l’emblème d’un coup de sa lame – doux soupirs dans l’assistance – le Haut-Prêtre s’en vint appliquer la pogne saignante contre la froideur des mosaiques.
Quoique fort thaumaturgique, faire danser des mosaïques n’était guère bien ardu pour un Ciseleur de la trempe de Dun Eyr – et il fit donc libre cours à sa joie, pour aller talonner en esprit les nobles fessiers rebondis de ces Grands Guerriers Glorieux. Et avec quelle superbe, avec quelle splendeur s’en furent ces parangons de virilité, se retirant et refluant hors du mur de la démarche des Nains sous l’averse ; alors, parcourant en entrechats les murets, ils furent légion à se masser derrière les épaules viriles de leurs comparses des trois murs, et dégagèrent ainsi pour le Nain une grande et vierge étendue de pierre.
L’on avait voulu lui faire barbouiller un petit quart d’esquisse de peintrillon servile – mais là, avec toute l’immensité qui sied aux petites personnes, le Maître Ciseleur allait pouvoir œuvrer, et même chef-d’œuvrer à pleines voiles.

Un vague souvenir du petit portrait qui gisait abandonné là-derrière, et quelque mémoire pour ce qu’il avait vu à son arrivée à Boniverdi, suffirent à notre Nain pour refaire jaillir sur la mosaïque de pierre les reliefs de l’endroit ; et c’était comme si les facettes colorées vous mimaient une gigue, une bourrade endiablée, lorsqu’elles jaillissaient d’un angle à l’autre pour figurer les ruelles du dehors, et le grand port du Tyrion. Les voleurs de chapons, les matelots titubants, et les tavernes croulant sous les enseignes aux nobles noms, voilà qui concourut grandement à faire rejaillir sur la roche une peinture quelque peu crue, réaliste et viscérale, de ce grand capharnaüm d’humanité bravant tous les interdits pour s’en emplir le gosier. Se souvenant de quelques lectures sur l'orgueil des Bonshommes de la Boue – et l’inventivité de leurs supplices – Dun Eyr s’empressa d’y faire rayonner Soleil et mouettes mutines, tandis que les artères obstruées par les escrocs se vidaient soudain, comme par enchantement ; et il y avait un peu de cela. Aussi, après quelques ondulations encore, et d’autres danses de notre mosaïque chasseuse-de-mâles, parut enfin la noble vue du port des Soltaris.
Une Nanesque cabriole, non sans splendeur.

Se retournant alors vers la Grande Duchesse, Dun Eyr s’inclina jusqu’au sol, où le dallage étincelant lui renvoya l’éclat de son très grand sourire ; et, se redressant :

– Un phare, certes, Madame. Un grand phare, à n’en point douter, musarda-t-il. Mais grand comment ?


Et alors il put goûter tout le charme, certes grandiloquent, des silences de Soltariel.
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Inès de Soltariel
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeDim 13 Mar 2011 - 20:18

Drôlet, le bougre ! Tandis que le façonneur s’escrimait sur une illustre paroi, où se trouvait, entre autres œuvres majeures, Anticlée l’Imberbe terrassant le cyclope de Porroco, Inès se fit la réflexion qu’elle serait bien avisée de nanifier un peu sa cour. Ces gens avaient des tas de choses à apporter à la civilisation (ndlt : Soltariel), par exemple cette façon, plutôt cocasse, de se déplacer. C’était étonnant ce qu’ils arrivaient à faire avec leurs exhilarantes petites jambes. Un jour, on lui avait assuré que la démarche d’une personne trahissait sa nature profonde. La démarche de Dun Eyr laissa la thaumaturge songeuse : que pouvait-elle bien trahir ? Il y avait sans doute matière à remplir trois épais volumes de riantes anecdotes. Sans compter les illustrations.

Toujours est-il qu’en sus de mollets mémorables, le nain savait épater la galerie. Un atout utile pour le « grand monde ». La magie, ça faisait toujours son effet. Comme de l’exotisme mais en « bien de chez nous ». On savait à quoi s’en tenir, avec la magie ou, plus exactement, on savait qu’on ne savait pas à quoi s’en tenir. Certes, on aurait pu s’étonner que la foule ne soit pas plus répugnée que cela à la vue du sang mais la vérité était que cet événement avait un côté terriblement pittoresque. De manière assez paradoxale, le nain apportait une touche de fraîcheur.

La « peinture » du façonneur démontrait des facultés mémorielles dignes d’éloges, un bon point, selon la dame. Ce ne serait pas une mince affaire, pour un mortel, que de ne rien négliger de sa sublime perfection, pensa-t-elle. Après tout, il s’agissait tout de même d’inscrire les traits de la Flamine de la Magnificence dans la pierre. On faisait là, aux mains de Dun Eyr, un honneur sans nom ! Malheureusement, comme bien souvent, leur propriétaire avait des questions. Prenait-il la Papesse de l’Abondance pour un rude maître-bâtisseur aux mains calleuses ? D’autant plus que la réponse était, aux yeux d’Inès, d’une évidence rare.

- Divinement grand, messer. Se contenta-t-elle de répliquer.

A nouveau, les silentiaires remplirent leur charge avec brio. Ce fut également, pour le prêtre de Lirgan, l’occasion de remarquer que les « menus détails » ne relevaient pas de l’intérêt du trône. Il existait des gens, sans doute très bien formés, chargés de s’en occuper. Tout du moins, la duchesse se plaisait à le croire. Elle appréciait les résultats, les petits tracas de parcours, eux, étaient destinés à d’autres. Pour l’heure, la magicienne se délectait, d’avance, de la jalousie qui ne manquerait pas de dévorer la baronne de Merval qui vivait, elle, sous l’ombre écrasante de sa prédécesseure : Morgause.

Aussi sûr que l’argent brillait, Inès ne manquerait pas d’inviter Eulalie à l’inauguration de l’ouvrage.

- La Maîtresse de la Sauge et du Laurier a parlé, les audiences sont terminées ! Que les dieux lares bénissent la maison de Soltariel ! Conclut un eunuque bâti comme un belluaire.

Dans protocole, aucune place n’était prévue pour d’éventuelles âpres négociations. L’audience se résumait à faire connaître la volonté de la dame, qui était plutôt loquace, selon la norme soltari, puisque sous le règne du duc Bonifacio II les audiences officielles se bornaient aux saluades d’usage. Néanmoins, on postulait généralement que la mutité de l’homme avait joué un rôle non négligeable là-dedans.

Tandis que les courtisans se dispersaient afin d’aller médire en privé, un majordome portant la livrée soltari vint informer Dun Eyr qu’il était convié à une petite agape donnée par la duchesse. Cependant, son poney, lui, n’était pas invité. On lui trouverait une chevaline occupation dans les écuries pendant que son cavalier s’entretiendrait avec la maîtresse des lieux.

Les réjouissances se déroulaient dans une cour intérieure au centre de laquelle trônait un ravissant petit bassin au bord duquel, délicieusement allongée sur une ottomane, se prélassait Inès – qui avait retiré sa couronne de lauriers car, après tout, ici, ils étaient entre amis ! - . Plusieurs domestiques, aux cheveux artistiquement ornés de feuilles de vigne, arpentaient les lieux, amphore à la main, et emplissaient les verres des convives, confortablement installés sur des divans.

- Ah ! Messire le bâtisseur ! s’exclama la magicienne tandis qu’on conduisait le prêtre auprès d’elle.

Un échanson parut se matérialiser à côté de Dun Eyr, lui tendant un verre de mulsum, mélange de vin, d’épices et de miel. Un classique de la région.

- Prenez donc place ! invita Inès en désignant une ottomane au nain. Buvez et dites-moi le fond de votre pensée : vous sentez-vous à la hauteur de pareil ouvrage ? Un ouvrage qui doit marquer l’Histoire au fer rouge ! La douleur en moins, évidemment. Précisa-t-elle en ponctuant cela d’un geste vague de la main.

Non loin, un hiérarque à la moustache arrogante donnait l’impression de suivre de très près la conversation. Sans doute faisait-il partie de ces gens formés à s’occuper des menus détails...
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeMar 15 Mar 2011 - 17:45

Quelques mots de la Suprême Suzeraine, et voici donc que la cour des prétentieux prétendants se dispersait dans le froufroutement tabou des aguichantes indécences, et de quelques commérages bien nobliaux dans le fond. L’une de ces belles damoiselles au corset fort délacé, eut même quelque douce remarque sur l’odeur de notre Nain ; mais pour le reste, c’était là le fat public des jongleurs de la rue, des montreurs d’ours sous les chapiteaux. L’espace d’une seconde, Dun Eyr crut bien qu’un de ces chevaliers s’en allait lui jeter quelques piécettes pour le divertissement – mais non, il ne prenait qu’une étoffe pour s’éponger le front ruisselant. Il avait de trop près côtoyé les affriolantes vicomtesses, ainsi, dans le tumulte de l’illusion Nanesque.
Sans guère jeter d’avantage d’œillades sur la volée des courtisans pépiants, qui déjà s’enfuyaient respectueusement par tous les corridors, le Haut-Prêtre se retourna vers les nobles-héros mosaïqués par sa main. Divinement grand, ainsi ? Dun Eyr eut un instant l’idée d’ébaucher l’ouvrage sur ce pan de mur, mais bien vite il s’aperçut qu’il eût fallu une hauteur de séquoia sous le plafond pour figurer ce que le Ciseau allait modeler.
Déjà, quelques détails techniques se bousculaient en son esprit – mais il se garda bien de les essaimer dans la conversation, car la Duchesse ne semblait guère goûter les méditations sur la porosité des roches ; et puis, à dire vrai, la conception d’un tel ouvrage sur le Tyrion nécessiterait tant de remous, tant d’esclaves enchaînés, et les vingt artères de la cité encombrées pour dix années. Aussi, mieux valait-il peut-être conserver ces petites remarques par-devers soi. Et puis enfin, la Main de Lirgan, le Héraut du Moqueur, le Ciseleur des Splendeurs, n’allait tout de même pas dilapider de précieuses heures à expliciter ses projets à une profane tapie sous sa couronne de laurier.
Oui, Soltariel et ses atmosphères vous forgeaient un petit orgueil bien renflé, souvent.

Abandonnant là ses pharaoniques esquisses, et ses inéssiques folies, Dun Eyr suivit la livrée bariolée d’un majordome de Soltariel, et s’en alla auprès de la cour et des jardins de l’endroit ; un dernier regard à son poney – une brave bête, la seule qui n’entretînt pas perpétuellement le Nain à propos de grandeur – et le Haut-Prêtre s’en fut auprès de la Duchesse, lascivement prélassée sous le soleil du jour, entre les rubans dispendieux d’une ottomane. Un reposoir tout identique fut alors indiqué au Nain, et celui-ci put goûter tout l’humour des Soltari une fois encore – car qui, qui donc eût osé convié un Nain pour une amicale parlotte, auprès d’un vaste bassin empli d’eau claire et si corrosive pour la joyeuseté d’un Fils de la Montagne ?...
Et quand bien même le Lirganique avait passé ces derniers mois, un pied perpétuellement sur la bastingage d’un bateau, l’aqua horribilis lui éperonnait toujours les sangs ; qui plus est, lorsqu’elle présentait ses doux filets dans l’anodine courbe d’un petit bassin.
Se remémorant à l’instant que la question « Le Petit Peuple coule-t-il à pic ? » avait un temps eu bonne audience auprès des Nobles Suderons, avides de constater le prodige de visu, Dun Eyr décocha un regard lourd de défiance aux gardes et matadors environnants, avant que d’étendre timidement ses beaux mollets sur la couche à lui offerte.

L’humiliation, dès lors, avait atteint son comble : il fut un temps où les coutumes de l’élégance Naine étaient connues de la plupart des Barons et autres nobliaux des pâquerettes ; malheureusement, cela semblait bien décroître, d’autant plus que Dun Eyr passait à ce jour parmi les contrées barbares du Sud. Mais le Haut-Prêtre était de la vielle école des traditions, et il ne sut que difficilement cacher son mécontentement.
En premier lieu, il avait longuement tressé sa barbe en un enlacement des plus cérémonieux, confinant au pompeux, et nul ne l’avait complimenté sur cet ordre – casus belli dans les temps jadis, et nombreux avaient été les duels d’honneur sur l’entrelacs des barbiches. Au surplus, qu’on lui eût retiré la compagnie de son poney ; qu’on l’eût forcé à se prélasser aux abords de l’eau ; qu’il n’eût rien obtenu comme sustentation, ou pour le moins un petit biscuit, voilà qui mettait le Nain hors de lui, son estomac plus encore.
Persuadé que l’on avait atteint les tréfonds du gouffre des bonnes-manières, Dun Eyr s’en trouva presque contenté, soulagé en un sens ; et, relevant ses deux bottines, il laissa ses jarrets s’égarer en direction du bassin. Vision rocambolesque que celle d’un Nain se lovant à trois pas des clapotis honnis, et de la méchante aquosité de la chose.
Pourtant non, la pluie des catastrophes protocolaires n’était certes pas achevée, et un Moqueur devait quelque part se retourner le ventre dans un hilare soupir – car la soudaine apparition, pleine de théâtralité, de cette haïssable moustache, de cette ignoble bacchante réprouvée par les Nains même les plus rustauds, manqua faire tomber Dun Eyr de son petit trône champêtre. Qu’un homme fût affligé de cette tare, soit, les alliances de sang étaient un peu trop troubles parmi les lascifs Suderons pour que leur constitution évitât quelques bévues de parcours ; mais qu’il affichât avec tant de morgue, tant de superbe cette horrible difformité à vous effaroucher des légions d’Ours de Kraka, voilà qui ne manqua guère de renverser l’esprit de notre bon Ciseleur.

La coupette de vin, de ce mulsum, éclusée en un trait, ne fut qu’un maigre réconfort à tout ceci – peut-être même une taquinerie fort méchante.
Et c’était donc à cette heure-ci, après tant de violations au protocole de tout Nain en ambassade, que la prétentieuse Madame allait lui chanter les contours de son divin profil ?

Forcé alors de faire preuve de son mécontentement aux yeux de Soltaria, Dun Eyr sentit contre son flanc la rotondité d’une petite besace fort replète, et qui renfermait toujours quelque cuissot de bouquetin en dernière nécessité. Mais il eût été assez malvenu, en dépit des nombreuses injures qui avaient été faites à l’honneur des Nains, d’ici faire bonne chère d’un abat de bestiole, sous les regards probablement surpris, et quelques peu désapprobateurs, de toute la Haute de Soltariel.
Alors, quelque peu au fait des manières de cet endroit – l’on était peu loquace sous les tropiques – il porta un regard long, grave, profond, méditatif, hiératique et joyeusement insensible sur la noble figure, le doux profil du Prodige de Soltariel. Il était vrai que, pour une Filette de la Boue, elle était fort agréable à l'oeil ; mais là n'était pas la question.
Et, s’imprégnant du babillage incessant qui semblait être monnaie courante de par les Soltari, Dun Eyr répondit au bouquet de questions apporté par Madame la Duchesse :


– Non.
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeVen 18 Mar 2011 - 18:29


Colossale monstruosité de poils et de muscles, issue de quelque union désapprouvée des dieux, il fallait bien quatre geôliers aux bras noueux, la tenant fermement par de lourdes chaînes d’acier trempé, pour contenir ses deux cent quarante-six livres de force brute animées d’une rage indicible. A n’en pas douter, ses imposantes cornes embrocheraient le premier imprudent à commettre l’idiotie, fatale, de s’approcher.
Soudainement, en poussant un beuglement qui fit trembler jusqu’aux murs de l’alcazar, le minotaure, dans la stupeur générale, brisa les chaînes qui l’entravaient et arracha, sans peine, des mains de l’un de ses gardiens, une lourde masse. « Mroooooo ! » donna-t-il pour toute justification de cet acte.

Un frisson parcourut la cour tandis que l’homme-bête jaugeait la foule. A n’en pas douter, les murs du palais seraient couverts du sang de ses occupants si personne n’intervenait. Le temps parut se figer tandis que, bondissant face à la bête, se dressa un héros au corps huilé avec minutie. Brandissant un glaive étincelant, il lança son cri de guerre « Omnia vicit amor ! » avant de charger sus à son horrifique adversaire. Dans un fracas assourdissants, leurs armes se rencontrèrent, projetant une myriade d’étincelles. Durant un instant, leurs fronts entrèrent en contact avant que d’un formidable coup de pied le minotaure n’envoie son adversaire au sol qui, d’une preste roulade, se remit sur ses jambes, le souffle court. L’affrontement reprit de plus belle. A chaque attaque portée par l’un des belligérants, on entendait distinctement l’acier fendre l’air. Il s’agissait, à n’en pas douter d’une pyrrhique d’exception. D’autant que l’acteur singeant le minotaure était encombré d’une lourde tête de taureau, dans le cou duquel on avait percé des trous afin de lui garantir une vision suffisante.

C’était donc une Inès distraite par ce plaisant spectacle qui faisait face à Dun Eyr. De temps à autre, elle piquait négligemment dans le bol d’olives épicées disposé sur un guéridon, à côté de sa couche, sans paraître désirer prendre le temps de s’intéresser à son invité. Avait-elle seulement entendu la réponse du nain ou se contentait-elle de postuler qu’il n’avait fait que répondre quelques politesses d’usage ? Impossible de le dire. Toujours est-il que son regard se portait davantage sur le reste de la salle que sur son interlocuteur.
Tandis qu’au centre de la pièce les acteurs s’affrontaient toujours, des valets portant de lourds plateaux d’argent, sur lesquels reposaient de splendides cochons de lait à la peau dorée souhait, se glissaient dans les bords salle. Bientôt, les narines du nain furent caressées par des effluves de viandes rôties tandis qu’on disposait un plateau devant lui et qu’un échanson lui proposait un verre de turriculae, un vin au goût particulier, sans doute lié au fait qu’il était additionné, entre autres choses, d’eau de mer.

Alors même que le prêtre de Lirgan aurait pu, enfin, satisfaire son estomac, l’indolente duchesse demanda « Comment cela, non ? ». Des glaçons avaient déjà eu l’air plus chaleureux qu’elle à cet instant.

Hasard ou non : les gardes semblaient plus nombreux. Et plus proches.
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeDim 20 Mar 2011 - 12:01

Dans le fracas des jouets en fer-blanc de deux nubiles huilés comme colimaçon sous les pas d’un importun, alors qu’une autre cohorte de ces légionnaires au corps sentant bon le sable chaud et la tisane de camomille – ils faisaient pour l’heure rutiler leurs beaux souliers dans une formation de ligne, mais à n’en pas douter ils se regrouperaient en tortue pour la bataille, c’est tout de même plus intime – Dun Eyr se sentit tout à coup seul.
Oh, pas qu’il fût vexé que l’inéssique choix se fût porté sur un Minotaure pour rappeler au Nain que sa constitution ne le laissait guère échapper du sol à plus d’un mètre et quelques poils ; mais bien plutôt, que l’autre Duchesse Soltaria se gaussât nonchalamment à la vision de ces quelques amusements, comme l’innocent bambin au milieu de ces si beaux jouets – le Nain était, comme rappelé, un jouet prisé des Humains ; on lui limait même ongles et dents à cette occasion, et tonsurait quelques barbiches, pour qu’il fût plus doux à la caresse – qui écrase les fourmis pour se distraire.
Dun Eyr ne portait pas aux fourmis un amour immodéré, mais là n’était guère le sujet.

Ainsi donc, l’on s’amusait sans notre Nain national.
Quiconque connaîtrait le goût du Petit Peuple pour la fête, saurait qu’il est bien imprudent d’organiser une sauterie et d’en laisser le barbu à la porte, car il ne s’accommode que mal d’un rôle de cerbère pour invités désobligeants. Et qui plus est, il est trop petit pour jouer un cerbère convenable.

Se ressouvenant que quelques jolies lumières magiques, et un peu de sang bucolique, avaient tant obtenu de grâce auprès de ces êtres-là du Sud, Dun Eyr reprit à l’instant son stylet acéré, et retroussa fièrement sa dextre manche jusqu’au-delà-du coude – et même plus haut encore, car sa peau parcheminée se trouvait couturée en tout sens de runiques estafilades, et il fallait peiner pour trouver encore une place, par-devers le creux des veines. Il s’était un peu trop amusé de magie, ces temps-ci ; mais jamais de cette façon.
Faire danser quelques mosaïques relevait bien du b.a-ba du petit Runiste, à tel point que la pensée d’ouvrir une succursale pour apprentis dans les palais de Soltariel, avait un instant effleuré l’esprit du Nain. Mais là, face aux gardes musculeux et sculpturaux jusqu’au bout des doigts, qu’ils avaient fins, Dun Eyr concentra suffisamment d’Âme Lirganique pour faire accroire à la plus sobre des personnes qu’il valsait avec une moufette dans le Soleil de l’hiver, et écacha sobrement sa rune, reléguant le décorum et les joyeusetés du petit théâtre à un autre jour.
Car quoi, ils portaient tout de même quelques cimetières bien francs…

Le Moqueur, qui devait cabrioler quelque part dans une coupette à olives, étendit un long doigt vers la silhouette de tous ces beaux gardes, et en redessina quelques détails dans l’instant, en quelques vaporeux nuages de bleu – Lirgan aimait les étincelles de la fête.
Bien sûr, Dun Eyr eût pu s’emparer lui-même de l’apparence de la Duchesse ; mais il y aurait eu à cela moult inconvénients, le premier étant que les robes et corsets ne seyaient que moyennement à sa charpente.

En revanche, et pour l’heure, voilà que les Gardes s’étaient figés sur le lieu, peinant soudain à charrier leurs longues lames si soigneusement auréolées. Il fallait relever que les longues robes, et les diverses tuniques qui parsemaient-là leurs bâtis, n’aidaient certes pas à porter avec menace ces grands fragments de fer – mais bien plus, les bras laiteux de Sa Splendeur, et leurs trognes hâblées redéfinies en l’Opalescent Visage de Soltaria, vous ouvraient quelques complications à porter livrée de guerre.

Dun Eyr ne put qu’alors remarquer que le Ciseleur s’était offert bon amusement, en tissant comme cotillons sur les sept gardes, le noble profil de la Maîtresse de la Sauge et du Laurier. Le Nain ne put que regretter que le Moqueur, qui n’avait guère depuis des lustres remis pied sur la terre, et que fort dans le Nord, avait assez mauvais goût sur les habits ; et des étoffes de toutes teintes, passablement criardes sur la gauche, ou virant au deuil pour l’un, venaient recouvrir malhabilement le noble corps des autres Inès.

Demander alors, au Nain, s’il n’était guère trop médiocre pour graver un petit quelque chose ressemblant à la Ducale Frimousse, aurait été insulte.

Et, laissant derrière lui la demi-quatorzaine ectoplasmes de gardes devenus soudain plus fiers à l’œil, Dun Eyr alla s’incliner précautionneusement aux pieds de la Suzeraine, qu’elle avait jolis.

– Et pour les drapés et la robe, Madame ?

Faisant volte-face, il fit voler d’un mot les robes à la beauté discutable, et quelques illusions vinrent porter sur ces sept-là quelques coupes bien plus splendides, mais assez simples encore ; ils allaient pouvoir deviser fanfreluches plus gaiement.
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeMer 23 Mar 2011 - 12:00

Si la plupart des damoiselles au physique de canéphore qui peuplent d’ordinaire la cour royale se seraient empourprées devant pareil spectacle, avant de dissimuler, d’un air prude, leur visage cramoisi derrière un éventail, Inès, elle, au contraire, réagit d’une manière toute autre à celle des normes communément admises. La différence, c’était sa norme à elle.
Elle adressa un sourire au nain, découvrant ses belles dents d’un blanc nacré, puis laissa éclater son rire cristallin tandis qu’elle admirait les « modèles » que lui présentait le prêtre de Lirgan.

« De grâce, messer, votre talent ne saurait plus être remis en question ! Nul besoin de me laisser seule face à moi-même ! » D’un bond d’une sensualité féline, elle quitta prestement sa couche pour s’approcher du façonneur. Là, tandis qu’elle lui gratouillait distraitement le cuir chevelu d’un air rêveur, comme il est de coutume de le faire avec d’horribles roquets dans certains salons, elle ajouta « un élégant chiton, voila qui serait tout à fait adapté, n’est-il pas ? ».

En ce jour historique, sous des apparences de badineries, l’architecture de la Péninsule assistait à la naissance de son plus incroyable projet.

L’affaire des falbalas expédiée, on put poursuivre le banquet au son enchanteur des amphions, dont la musique couvrait les nombreux débats que le tour du nain avait engendré. Après tout, le demi-homme s’était vu gratifié d’une ducale gratouille, ce qui ne pouvait que signifier que l’affaire était, pour ainsi dire, conclue. En outre, les « négociations » paraissaient avoir cessé et désormais la silhouette de Dun Eyr disparaissait derrière de grands plateaux d’argent où, nageant dans leur sauce, reposaient de splendides cuissots de sanglier. Le lirganique savourait la bonne chère présente tandis que la Dame savourait sa merveille à venir.


Lorsque le Soleil commença à décliner, tout comme l’appétit, on conduisit le nain à une chambre cossue où l’attendaient trois sylphides, aux rires à même de statufier le plus brave des hommes, qui entreprirent de le vêtir selon les vœux de la duchesse. Le façonneur eut beau se récrier, avancer le fait que ses nippes étaient l’œuvre d’une aïeule on ne peut plus attentive au confort de « son petit barbu », les camérières lui firent comprendre, avec force gloussements, qu’on ne discutait pas les ordres de la Sublime : ce soir, il était invité à bord de Blanche Nef, le navire de plaisance de son Excellence.

Tout espoir d’échapper à ce qui menaçait de suivre était vain.

Le Dun Eyr qu’une litière déposa sur les berges Tyrion était méconnaissable. Prétendre qu’on lui avait fait subir les derniers outrages serait en deçà de la réalité :
En guise de couvre-chef, il s’était vu affublé d’une splendide perruque rousse aux frisottis abondants tandis que ses lèvres avaient été enduites d’un pigment verdâtre, s’accordant parfaitement à l’azuré de ses faux cils. Sa barbe, fierté de tout un peuple, s’était vue, quant à elle, gratifiée d’une multitude de petits grelots qui tintaient avec véhémence dès que leur victime tournait la tête. Evidemment, il avait tenté, en signe de résistance, de lever la main devant ces assauts fangeux mais il en avait été sanctionné par un polissage méticuleux de ses ongles que ses geôlières, véritables diablesses, avaient ensuite colorés à l’henné. Enfin, ses honnêtes vêtures avaient fait place à une ravissante toge pourpre, réajustée pour l’occasion, qui lui donnait une apparence qu’on ne qualifierait de remarquable que si l’on souhaitait donner un exemple d’euphémisme. Nul besoin de préciser qu’on l’avait enduit de suffisamment de parfum pour qu’il laisse, derrière lui, une trainée visible à l’œil nu. Ou alors il s’agissait du fond de teint à l’arsenic, il n’était guère aisé de trancher.

Une chose, seulement, était sûre : ses tourments ne faisaient que commencer. Face au nanesque aquaphobe, s’offrait nonchalamment aux regards le résultat des amours interdits entre un cygne et un lingot d’or : Blanche Nef. Tout n’y était qu’angelots joufflus, colonnes torsadées à l’extrême, tentures rares, coussins moelleux et odeurs enivrantes. Sur le pont, grimées en bacchantes, des servantes emplissaient de vins de grandes coupes dorées à des invités aux costumes époustouflants. Deux eunuques furent chargés de mener Dun Eyr entre des attroupements de danseurs, vêtus de soie translucide et de ce qui s’apparentait, faute de terme plus adapté, à de petites assiettes argentées, jusqu’à la duchesse.

Son inessique splendeur était vêtue d’une robe carmin, rehaussée d’une fibule, qui lui laissait une épaule à nue tandis que son visage, lui, était orné d’un fronteau sur lequel une plume d’un rouge offensant était aussi triomphalement dressée que le vit du dieu Priape. La Papesse de l’Abondance distribuait des salutations de-ci de-là tout en paraissant se délecter du chant de ses castrats, que des adonis accompagnaient à la flûte, au tambourin et à la lyre. A l’approche du nain, elle s’exclama :

« Mestre Dun Eyr ! Vous voila, enfin, en tenue de gentilhomme ! Soyez le bienvenu à bord de Blanche Nef ! Nous nous apprêtions justement à appareiller, vous pourrez ainsi admirer à la lumière crépusculaire les côtes où, bientôt, se dressera ce qui sera, à n’en pas douter, votre œuvre majeure ! »
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeSam 26 Mar 2011 - 20:55

Fier comme d’Artaban, et plus étincelant que Baran Dun au Festin des Trois-Ours, le Mirifique Lirganique – quel autre surnom lui eût convenu, rayonnant qu’il était sous son masque d’arsenic ? – fit une entrée des plus flamboyantes lorsqu’il posa le talon d’une bottine vernie sur le ponton de Blanche-Nef ; et ce fut avec grande grâce, et toute la mondanité de sa noble peuplade, qu’il remonta lentement le bastingage enjolivé de ce monceau d’or sous forme navale, faisant sans pitié tintinnabuler ses splendides grelots jusqu’au haut-trône de Son Inessique Grandeur.

Les castrats poussant de vibrionnantes odes, et toute la fastueuse pureté des courtisanes corsetées comme citadelles sous le siège, tout ceci pâlit un instant lorsque parut le Nain. Qu’il portait beau, qu’il était admirable, ce noble Émissaire des provinces du Nord, venu renouveler à la Ducale Magnanimité les hommages de tout son peuple. Et plus d’un petit-maître d’arrière-ban, et plus d’une gazelle des moyennes-cours, en pâtit en son orgueil en voyant resplendir la barbiche claironnante de notre Dun Eyr.
Quelques piécettes d’or, du bon or des Nains, avait assuré au Petit Être une favorable cabale parmi l’assistance, et dès lors qu’il avait honoré l’angelotisée-cargue de sa présence, les flatteurs serviles s’acquittèrent avec empressement de leur petite charge ; il fallait dire qu’avec la confortable prime que leur avait fait parvenir Dun Eyr, par l’entremise de quelques servantes lors de l'essayage de ses atours, c’eût été un comble de ne pas être zélateur dans le claquement des mains. Le Nain nota également que, pour preuve d’être un pays civilisé, la terre de Soltariel s’était dotée de caméristes et chambrières tout à fait rompues à soudoyer et stipendier des courtisans, et aptes aux hourras tarifés.
Orné de sa parure de vivas et de bravos, certes discrets, néanmoins ouïs, le Haut-Prêtre alla s’incliner noblement aux petons de celle qui serait non seulement la Maîtresse de ses œuvres à venir, mais également sa Seigneurie dans le domaine du bon goût et de la modération.

Et tant qu’à parler de modération, il fallut bien signaler la chorale nubile qui, sous les entrelacs de rubans fleuris, et dans l’alcôve parfumée du Navire rutilant, se mit soudain à entonner un air antique des Mines d’Almia ; quoiqu’avec quelques accents un peu trop méridionaux sur les dentales, ce fut un vibrant hommage à notre Nain, et il en pleurait de joie.
Il fallait néanmoins relever que le surplus de ses piécettes à hommage, avait été transmis à l’orphéon pour cette délicate aubade – et que les larmes tragiques provenaient bien plus des relents du fard à paupières, qui joyeusement dégouttait dans les orbites du Nain.
Acceptant la douleur pour honorer la beauté, et refoulant au même titre les petits morsures d’une fibule de toge qui lui mordait les chairs au sein gauche, Dun Eyr eut un sourire plus langoureux que Duchesse face à un miroir, et applaudit de ses paumes poudrées lorsque le chœur eut achevé son acclamation plutôt dispendieuse, mais ravissante.

Auréolé de sa pourpre couronne d’hommages vibrants, le Haut-Prêtre s’en retourna aux abords de Sa Hauteur, et lui lança ces quelques paroles :

– Madame, votre Blanche Nef mariée tout à la fois de simplicité et de splendeur, fait honneur à toute la lignée Soltari, et au talent de ses ébénistes et orfèvres.

Et qu’un Nain vous fît compliment pour une coque-de-noix, ce n’était pas la moindre des grâces – quand bien même ce Nain eût été enivré par des parures toutes plus moirées et fanfreluchesques.

Alors, se hissant avec noblesse jusqu’à la couche pour lui apprêtée – rehaussée, selon sa condition, de sorte qu’il dominât le reste des courtisans par ici épandus, mais suffisamment terrestre pour ne point faire ombrage à l’Éminence Resplendissante – Dun Eyr tordit le cou vers la Duchesse en ce qui aurait pu figurer un sourire, bien que ses lèvres connussent quelques difficultés à se tordre sous les onguents, et il fit rayonner ses dents voracement blanches.

Et la folle nuitée put enfin commencer.
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeMer 30 Mar 2011 - 13:07

Défiant les lois de la physique elles-mêmes, Blanche Nef fendait les flots toutes voiles – mais était-ce vraiment des voiles ? – dehors. Sur les berges populeuses du Tyrion, la plèbe se signait à son passage, rendant gloire à la ducale embarcation et espérant, secrètement, une distribution de pains fourrés aux pièces. « Mont-Joie ! » lancèrent quelques audacieux.
Mais comment la noblesse aurait-elle pu les entendre ? Le tillac disparaissait sous un véritable feu d’artifice de couleurs coruscantes où les soieries disputaient la prime place aux plumes. De son thyrse d’argent, la Dame distribuait les honneurs, comme les admissions au sein du nobilissime ordre du Très-Saint-Hanap, à la devise inoubliable : « Honni soit qui mal y boit ». En tous lieux, on trouvait des tonneaux de vins aux arômes surprenants où les convives étaient invités à plonger leur rhyton, ce qu’ils faisaient sans modération aucune.

Que dire des danses soltaris ? Fiévreuses, passionnées, elles étaient à la jonction de l’homme et de l’animal. Était-ce un couple qui se formait ou un duel qui s’engageait ? Les corps, passablement dénudés, jouissaient d’une impudente promiscuité sous le regard paterne des dieux lares, auxquels on avait érigé un petit autel sur lequel se consumaient des encens aux arômes entêtants. Juché sur un fût qui n’attendait que d’être percé, un homme, corne à boire en main, entama un chant d’une voix de baryton, bientôt accompagné par un chœur de sylphides masquées.

Les masques ! Quelle place tenaient-ils vraiment ? Profitant de l’anonymat qu’ils conféraient, certains passagers menaient des conduites licencieuses. Cette damoiselle aux traits de Néera, seulement vêtue de soie translucide, avec quel galant s’acoquinait-elle ? Ce « Mogar », la peau couverte de peinture dorée, s’autorisait des caresses libertines sur le corps de sa belle qui, alanguie, l’encourageait à poursuivre par quelques gémissements concupiscents. La nef offrait aux amants mille alcôves où se retirer, les tentures se révélaient d’utiles complices.

L’atmosphère elle-même paraissait différente, à bord du navire. Elle prenait la consistance du miel, donnait la sensation de progressivement recouvrir les passagers, jusqu’à les rendre autre. Elle brisait les résistances, enjoignait à s’abandonner aux plaisirs qui s’offraient aux sens. C’était non sans raison qu’Inès avait veillé à ce que deux eunuques lui procurent de l’air frais à l’aide d’imposants éventails de plumes.

Bientôt, on se trouva en vue de l’emplacement choisi pour accueillir la future Première Merveille du Monde. Là, en lieu et place de simples rocailles, on put apercevoir tout un attroupement, encadré par des braseros, qui paraissait attendre Blanche Nef. Au-devant de cette foule, se trouvait le poney de Dun Eyr. L’animal avait été, semble-t-il, tout entier plongé dans une teinture argentée qui miroitait comme le plus pur des diamants. Sa selle, quant à elle, s’était vue remplacée par de multiples bijoux et autres verroteries qui conféraient une allure étrangement royale au destrier.

« Voyez ! » entama la duchesse « Voyez, messire architecte ! Il est venu à Soltariel simple poney, il est aujourd’hui un destrier digne des dieux eux-mêmes ! Il en sera de même pour vous, une fois l’édifice achevé, car vous serez alors auréolé d’une gloire qui jamais ne faiblira ! »

Des vivats accueillirent autant la remarque que les perdrix farcies qu’une procession de serviteurs apportait des cuisines.

« Ce soir, déjà, les portes de cette gloire immortelle vous seront ouvertes » annonça la Dame en se levant de son trône de coussins. Un chevalier vint présenter, devant elle, une couronne de lauriers dorée dont elle s’empara délicatement.

« Agenouille-toi, Dun Eyr » lança-t-elle. Puis, tandis qu’il s’exécutait, faisant par là preuve d’une habilité défiant l’entendement tant les caméristes l’avaient garni d’encombrantes pièces d’orfèvrerie, elle lui déposa l’auguste couvre-chef sur tête et déclara « Relevez-vous, Soltari Altus Aedificator ! »

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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeVen 1 Avr 2011 - 6:43

Arrivé simple Nain crotté, encore fumant et soufflant de ses petites provinces boueuses, ou des lointains pâturages champêtres de Sybrondil, Dun Eyr était bien le plus rustre des Nains lorsqu’il avait pour la première fois baragouiné quelques billevesées – ses humbles salutations, alourdies d’un accent rocailleux – à l’adresse de la Splendeur de Soltariel. Le Lirganique, alors, passait pourtant pour le plus civilisé, le plus suderonisé des barbares du Petit Peuple, et la plèbe de Kirgan lui reconnaissait d’extrêmes notions d’élégance et de raffinement en parfaite adéquation avec les Provinces Parfumées des Grandes-Jambes – pour autant, le naturel calleux, et les rudes coutumes du tailleur de la pierre, rejaillissaient souvent dans un florilège tout à fait pittoresque ; et que ce fût une intonation paysanne, une interjection bourrue, ou bien encore quelques coutumes de table tout à fait Nanesques, notre bon Dun Eyr demeurait malgré tout, et sans nul doute permis, un authentique Nain importé droit de la Nanie.

Aussi, quel prodige, quel miracle fut effectué par les doigts de fée de la Divine Duchesse, lorsqu’elle eut achevé de déposer la délicate couronne de laurier sur le crâne replet du bon larron, et l’eut gratifié – au surplus de la sérénissime gratouille de la matinée – de la très nobiliaire distinction de « Soltari Altus Aedificator ».
Quoi que cela eût pu signifier, c’était assurément merveilleusement orgueilleux – ce qui correspondait tout à fait aux nouvelles inclinaisons de Dun Eyr, que l’atmosphère riante et enjouée de Soltariel avait achevé de faire céder aux joies des eunuques et des vins de miel.

Lors donc, adoubé par sa sémillante coiffe de feuillage, qui se mariait admirablement bien avec son masque rutilant pour lui conférer l’aspect de quelque dorade d’un poisson inconnu au bataillon, Dun Eyr ne sentit plus son bonheur, son exubérance ; laissant derrière lui la retenue du prêcheur solitaire, et quelques éclats de la Nanitas gravitas, il plongea dans le stupre et la mêlée.
Blanche-Nef, qui pavoisait sur les flots sybillins, s’était parée des mille danses que l’on vantait tant au-delà des Trois Mers. Oh, ce n’était guère la bourrée des paysans Arétrians, ou bien encore la ronde missédoise des basse-cours – mais là, noyés dans la kyrielle des auras de tissu, environnés d’un véritable nuage de fragrances mielleuses et merveilleuses, tandis qu’au-devers ruisselaient les accords improbables dignes des plus endiablés odéons, les danseurs faisaient ondoyer leurs corps chantants. Des masques, des effigies de terre cuite, sur tous les chefs jetaient le voile des concupiscences vespérales.

Délaissant la Maîtresse de la Sauge et du Laurier, le Lirganique se fit pardonner cet affront par un empressement à s'évanouir parmi les cohortes des bacchantes sylphides, des nubiles musculeux, au sein desquels il brilla un instant par l’éclat de ses atours, avant de se fondre insensiblement. Au milieu de la marée des valseurs et des cavaliers, Dun Eyr noya son être et, s’emparant d’un masque ci-bas abandonné, il acheva de disparaître au creux de la foule qui roule – ses clochettes seules, plus hargneuses à tintinnabuler que jamais, indiquaient encore qu’il devait se trouver quelque part, et plutôt indéracinable qu’éphémère.
Et de fait, notre Nain se trémoussait dans les merveilleux sanglots des angelots, et des autres bambins rayonnants attifés pour l’occasion de grandes ailes, et qui poussaient des plaintes suffisamment larmoyantes pour inciter au réconfort, et à l’étreinte. Quelques barytons jaillirent au-delà, imposant leurs viriles voix de stentor au concert des chérubins, et la mâle chaleur qui se dégageait de ces timbres-là acheva de précipiter les danses dans la plus formidable décadence des sens.
Agrippé à la taille des comparses, ballotté de bras en bras ou de jambes en jambes – et même une fois précipité dans la douceur d’une alcôve ondoyante – le Haut-Prêtre fut radieux, et découvrit par de suaves saveurs que la pierre n’était guère, et de loin, l’unique chemin des extases du corps et de l’esprit. Il fut un instant Kÿria à sa proie enchaîné, puis les visages de cire changèrent de main, et une ombre d'Arcamenel se chargea de faire de lui le plus petit des Dieux de l'Amour, qui eut aussitôt la faveur des vicomtesses se pâmant entre ses bras courts – ce qui ne manqua guère de mettre la courte stature du Nain en de difficiles situations ; le hasard vint à lui proposer une trogne de Gobelin, mais cette sommité de mauvais goût ne reçut guère plus qu'un divin regard outré. Dun Eyr commençait à avoir son petit honneur, par la Sainte-Barbe Embaumée !

Une petite farce, qui était montée là pour amuser les persiffleurs de la Cour, réunissait la haute carrure d'un nervi du Sud, alliée à une douce gazelle des terres intérieures ; les événements jouèrent toutefois de malheur, car la douce avait disparu avec on ne savait trop quel porteur d'éventail sous les pontons les plus reculés, et l'on ne pouvait dignement jouer la fable des Noces du Taureau Azuré et de Symbelmune l'Incane, lors même que celle-ci brillait par sa défection. Le Nain en fut quitte pour remplacer au pied levé la frêle damoiselle, paré qu'il fut de longs rubans de lin blanc – et s'il se fût fort bien acquitté du rôle du Taureau, il s'accommoda avec grand talent de celui de la Mésange. Quelques rieurs parsemés çà et là, qui faisaient pour ainsi dire profession de conférer titres et bons mots, s'entichèrent de lancer dans la foule ravie l'apostrophe de « Dame Dun la Douce », mais quelques piécettes vite extirpées des chausses s'affairèrent à leur faire garder le bec clos, et l'honneur du Nain intact.
Eût-il osé donc paraître une nouvelle fois devant la Sumprême Soltari, ainsi ravalé dans l'estime par un surnom de soubrette des ports ?

Ainsi donc, notre Nain s’arracha à sa chrysalide terreuse, et devint irrémissiblement soltari.

Un hennissement de son poney à la robe d’argent, et quelques soupirs de proches courtisanes, achevèrent de cueillir l’esprit du Lirganique ; quant au vaste pré côtier, il narguait doucement Dun Eyr et sa promesse de pierre.
Aussi, métamorphosé par la nuit, notre Maître Ciseleur s’extirpa soudain des remous de la plèbe dansante, et vint aux petons de la Merveilleuse se prosterner, encore ; un long fil d’argent, arraché à quelque coiffe de marquise masquée, tiendrait bien lieu de brin d’herbe, de fétu de paille.

Et, insensible à la mirifique fontaine de vin-de-mer que portaient pas moins de douze serviteurs à la charpente brune et altière, le Nain prêta hommage à sa Dame, en des termes que nul ne saisit tout à fait dans le mugissement des buccins, mais que tous comprirent joyeusement – et le brave poney sybrondilois, autant pour fêter ces paroles que pour se désengourdir des fards chatoyants, se livra tout entier à la mer dans de vastes éclaboussements de gaieté.
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeMar 5 Avr 2011 - 10:00

Par la suite, on soupçonna une quelconque divinité mineure des festivités de s’être glissée, en catimini, à bord du navire et plus d’un convive alla même jusqu’à assurer qu’il s’était senti possédé, ce soir là. Comment en douter ? Aux danses extatiques succédaient des étreintes passionnées qui donnaient à penser que le Monde jouissait de ses derniers instants. Etendu sur un divan, un seigneur marchand engloutissait faisan sur faisan tandis que, non loin de lui, la langue violacée, deux de ses éminents confrères concevaient les aventures les plus folles en tachant vilainement leurs frusques de vin-de-mer.

La Démesure les séduisait tous, son baiser les transformant en profondeur, faisant ressurgir, en eux, un besoin impérieux de régal. Au nom de ce projet, ils se laissaient emporter par la musique, oubliant qu’il existait des terres au-delà du pont de Blanche Nef, s’oubliant eux-mêmes.
C’est au son des hululements de quelques commensaux que la Sereine déclara, à son nain, qu’il recevrait des honneurs à en faire pâlir les mieux-nés. Dès le lendemain, il serait introduit au sein du très noble ordre de chevalerie de la Boutonnière, dont il deviendrait l’un des gentils compagnons. Ce ne serait qu’un début car, sitôt les travaux achevés, Dun Eyr se verrait également récompensé en terres, serfs et épices. Ses talents, quant à eux, seraient portés au firmament par le ducal parrainage dont il bénéficierait. L’art soltari de demain naitrait de ses mains.

Puis, enfilant un masque d’or à l’effigie d’une gorgone, la Maîtresse de la Sauge et du Laurier entreprit de parcourir le tillac de sa nef, accompagnée d’un Mogar étrangement court sur pattes, à qui elle dépeignait les convives, sans négliger de le nourrir de quelques croustillantes anecdotes sur ces derniers. Bientôt, il fut au courant de mille et un secrets d’alcôve, comme se devait de l’être tout bon courtisan. C’est au son de cette voix suave que la soirée se poursuivit jusqu’aux premières lueurs de l’aube, qui provoquèrent, parmi les banqueteurs, exclamations enjouées et mugissements plaintifs. Faisant écho aux demandes muettes – ou non – , le navire regagna les quais où l’attendaient une multitude de gondoles, palanquins et autres carrosses qui engorgeaient fleuve et rues.


Lorsque le Soleil atteignit son zénith, on vint tirer le lirganique de draps de soie entre lesquels il reposait, dans un fastueux appartement de l’alcazar, afin de le préparer pour la « cérémonie d’introduction ». Cette dernière devait se dérouler sur une petite colline, en bord de mer, où Dun Eyr fut conduit par une escorte qui donnait forme aux paroles prononcées, durant la nuit, par la duchesse : un char majestueux, décoré de feuilles d’or et tiré par quatre splendides étalons, transporta le nain qui fut, sur le véhicule, accompagné d’un valet chargé de maintenir sa couronne de laurier au-dessus de sa tête. Les suivaient d’imposants bœufs à la robe d’un blanc immaculé qui remorquaient, sur des chariots qui tenaient davantage du temple-mobile avec leurs colonnes délicates et leurs guirlandes de fleurs, des statues à l’effigie de la Sublime. Enfin, la procession était encadrée par deux douzaines d’eunuques-licteurs qui annonçaient « Laissez-passer Dun Eyr, Soltari Altus Aedificator ! Soltari Gloria ! ».

Le chant des cornicines l’accueillit lorsqu’il se présenta face à sa suzeraine.
Cette dernière patientait au centre d’un petit édifice circulaire, artistiquement orné de plantes grimpantes, qui consistait en une succession de colonnes retenant un toit de tuiles orangées. Un mince escalier, taillé à même la roche, descendait en pente douce jusqu’à l’océan, en contrebas.
Une chorale aux tonalités lyriques entama le chant rituel tandis qu’Inès entreprit de descendre les marches, jusqu’à se trouver immergée dans l’eau. Pendant ce temps, un chevalier de l’Ordre de la Boutonnière vint enduire le visage de l’architecte d’un mélange de sang et de teintures, lui conférant un faciès quasi-divin. Un faciès à même de recevoir les plus grands honneurs.
On prétendait qu’après son passage dans l’océan, la boutonnière présentée par la Dame s’en trouvait profondément altérée. Elle se muait en une Sainte Relique bénie par les dieux lares eux-mêmes. Essence divine ou reflet du Soleil, toujours est-il que la petite broche luisait admirablement tandis qu’Inès remontait jusqu’au temple.


« Dun Eyr ! » entama la ruisselante duchesse « Par la noblesse de mon sang et l’élévation de mon âme je décrète en ce jour votre admission au sein du Très Noble Ordre de la Boutonnière ! » lui remettant la précieuse relique, elle poursuivit « Chevalier Dun Eyr, soyez le bienvenu parmi vos gentils compagnons ! Que dans les joies et dans les peines ils soient vos frères ! En toute occasion défendez, à leur côté, le trône de votre pays : Soltariel et que la grandeur de votre âme éclaire les siècles à venir! »

« Gloria ! » répondirent les Gentils Compagnons, réunis dans le lieu saint tandis que tambours et cornicines veillèrent à ce que toute la ville puisse être informée de la nouvelle.
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MessageSujet: Re: Modestie, tu n'es plus la bienvenue!   Modestie, tu n'es plus la bienvenue! I_icon_minitimeMar 5 Avr 2011 - 22:47

L’on avait beau avoir accompli son entrée dans le grand monde de façon tout à fait éclatante, et même y avoir pénétré d’un pas de géant – ce qui ne manquait guère d’ironie pour ce petit être barbu communément nommé Nain – sous les plus beaux auspices et les plus ruisselantes chansonnettes vespérales et nocturnes, à passer et filer parmi les lignées de courtisans enivrés de sauge et de stupre, il était quelques situations on l’on ne savait guère se mettre. Quand bien même les cohortes de persiffleurs ducaux lui donnassent désormais du « Grand Maître Nain » à tout bout de courtine, quand bien même il eût été élevé Soltari Altus Aedificator – et songeât en conséquence à doubler le talon de ses bottes, pour signifier son bond social phénoménal, lui qui n’était bien qu’un tailleur de pierres – notre Dun Eyr rosissait et rougissait à pleines étuves, et ce n’était guère son masque teinté de sang qui allait dissimuler ces petits fards qu’inopinément ses rondelettes joues piquaient.
Aussi, tout intimidé qu’il fût lorsque la Suprémissime Splendeur lui agrafa au revers de la bure de soie – étrange mariage d’étoffe s’il en est – sa Boutonnière toute bombinante de beauté rebondie, le Lirganique Ciseleur résista de pleines bottes à la tentation de se pâmer – et elle était portant forte, l’insidieuse pensée de succomber, lorsque tout alentour s’érigeaient les sculptures de la Belle, certes hâtivement taillées, certes barbares, mais chargées des lourds effluves de la pierre ; et le vent de l’automne agonisant, avec ses veuleries de vieillard cacochyme et un brin taquin, n’arrangeait rien à venir ondoyer dans le matin entre les robes Ducales, qui se plaquaient par rafales sur le beau corps.
Loin de la crasse splendeur des Naines sous les cavernes, et de la torve chaleur des étreintes si intimes de la mine, Dun Eyr découvrit d’un brusque coup qu’il s’était soltarisé jusqu’au revers des paupières – qu’il gardait à demi-closes, pour plus de sûreté.

Ainsi donc, le Nain – le Septentrionnal Suderonnisé, comme déjà certaines voix le murmuraient, mais quelques piécettes leur feraient abandonner cette ridicule idée – perdit une grande part de la cérémonie, et les reliquats de substrat de vin-de-mer devaient y être pour beaucoup – mais la corporation des Gentils Compagnons, qui l’accueillirent avec sourire et sympathie, comme leur nom le laissait d’ailleurs présager, sut lui rendre un peu de conscience et de contenance. Dix minutes de compagnie au bord d’une falaise, et l’on se jurait amitié pour la vie, l’on se promettait monts et merveilles – et plus encore, si c’était aux frais de la Duchesse. En une mâtinée, Dun Eyr tissa plus d’indéfectibles compagnonnages que les rudes Nains en mille ans de conviviaux massacres et de chaleureuses croisades.
Néanmoins, tout encore teinté de ses conceptions pour ainsi dire proto-civilisationnelles, et même rudement rupestres, le Nain eut l’indécrottable idée de chercher quelques compagnons de labeur parmi ses charmants petits camarades – car, que diantre, il avait tout de même un petit quelque chose à construire dans le pays…
Horreur, malheur, et blasphème !... Les Gentils Compagnons, outrés de cette indécente demande à peine digne d’un serf de troisième main – travailler, palsambleu ! – s’envolèrent comme moineaux à la battue, et le brave Dun Eyr vit soudain ses indéfectibles amitiés-pour-la-vie prétexter quelques affaires personnelles, et s’enfuir joyeusement. Quant à la Duchesse, il n’était tout de même pas à espérer qu’elle allait demeurer des heures durant au rebord de la falaise, certes jolie, dans la seule idée de complaire aux œillades du Nain – et qui plus est, ce petit coquin de vent avait décoiffé quelques mèches de la Prime Parure. Elle s’en était retournée à ses castels meublés – étirant, dans sa volte, un long bras déroulé vers quelques place de l’Ouest ; manière de se délasser d’une fatigue de la nuit, ou bien encore d’indiquer l’emplacement d’un certain bâtiment qui demeurait à l’état de projet.

Bref, n’ergotant guère plus sur ses talents de société qui, décidément, restaient à parfaire – la Boutonnière demeurant son seul compagnon sur le coteau désormais vidé de toute âme, et encore cette fibule n’était elle guère bien causante, quoique fort jolie à l’œil – Dun Eyr s’en retourna de quelques pas vers le Ponant, où un garçonnet d’écurie se curait nonchalamment les narines – usage peu soltari dans la forme, certes, mais cela le démangeait diantrement – aux côtés d’un certain poney de noble constitution, et à la robe encore un peu humide de la nuit. Quelques paillettes d’argent s’attardaient, et en faisaient dans l’éclat du matin une sorte d’improbable croisement à mi-chemin des canons chevalins, et de la salle au trésor d’un inéssique palais.

Enfourchant assez peu lestement sa monture assez peu noble, Dun Eyr déchira d’un même coup sa belle robe cérémonielle consentie par les caméristes soltariennes ; il lui faudrait songer à se bâtir une petite carriole replète, un jour, tout ornée de nobles joyaux pour seoir à l’ambiance locale.
Mais enfin, pour l’heure, retrouvant quelques temps son statut de vagabond à la Nanesque constitution, le Lirganique détourna son étalon de petit-modèle des hauteurs de la falaise, et s’en dirigea à trot bondissant vers le Sud et vers l’Est ; vers Sybrondil, où quelque négoce l’attendait.
Car enfin, il y avait là de trop gros cailloux pour qu’un Nain seul, fût-il Grande Altesse Ciseleuse, les bougeât de ses seuls petits poignets – mais il trouverait bien correctement, et à prix fort vénal, quelques joyeux lurons pour l’aider dans sa noble tâche d’édifier l’Œuvre du Millénaire.

Une brochette d’esclaves, en somme – des collaborateurs conciliants, selon les belles langues.
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