Premier contact

Alëandir... Du haut d'une colline avoisinante, j'observais la capitale des elfes. Une cité de pierre qui s'élevait au milieu d'un univers végétal, comme une déchirure au milieu de la forêt. Un rassemblement de centaines de milliers de personnes au milieu d'un dessert vert qui, aujourd'hui, n'était plus pour les elfes qu'un décor un peu plus familier qu'un autre. Face à la ville, je ne ressentait plus autant de dégoût que la première fois, mais il me restait une répulsion sourde, au fond de moi, qui s'opposait à cette manière si peu naturelle de vivre, entassé les uns sur les autres.
Durant un instant, je caressait l'idée de faire demi-tour, de retourner parmi mes arbres, dans un univers rassurant. Puis je repensait au vieil elfe. Je repensais au sentiment qu'il avait éveillé en moi en me parlant des rôdeurs, à cette envie que j'avais de lui ressembler. Je repensais à la raison de ma présence ici. Apprendre à connaitre les miens... D'abord réfuté à cette idée, très vite elle m'avais plu. Pour la première fois de ma vie, j'avais un but qui n'était pas égocentrique. Connaître les miens me permettra de devenir rôdeur, et être rôdeur me permettra de les aider à revenir sur la voie de Kÿria.
Au souvenir de tout ceci, je balayais mes hésitation d'un revers de main et me dirigeais vers la cité...

Pour la première fois de ma vie, j'avais l'impression qu'il se passait une évolution en moi. Une évolution que j'avais choisie.



J'arrivais très vite aux portes de la ville. Je m'arrêtais sur le bord de la route qui entrait, fasciné et effrayé de voir tant de personnes, parmi lesquels je découvrit même des humains et des nains ! Puis, résolument, je pénétrais dans la foule, me sentant déplacé avec mes habits usés, déchirés et portant un arc sur l'épaule. Mais je décidais d'ignorer cela, et je pénétrais dans la ville tête haute, près à découvrir ce nouveau monde.

Cela faisait un long moment qu'Iözynn se morfondait chez lui. Même s'il avait bien mérité cette pause, il commençait à avoir hâte de retourner guérir les gens, de sauver des vies, de voyager… Pendant son répit, il avait perfectionné certains de ses sorts avec lesquels il avait le plus de difficulté, et il avait concocté quelques potions en prévision d’une quelconque situation où il en aurait besoin. Mais on ne l’avait pas appelé depuis plusieurs semaines…

Un matin comme les autres, il se promenait dans la forêt qui entourait le vaste territoire que couvrait Alëandir, ramassant quelquefois des plantes médicinales dont il pourrait se servir plus tard. Le guérisseur s’était mis à penser à sa dernière vraie conversation avec quelqu’un. Celle-ci remontait à plus d’un mois. Le mage avait échangé quelques mots avec une petite fée appelée Lyne, lorsqu’il était retourné à son village natal. Par la suite, il n’avait parlé à personne. Il était vrai que le thaumaturge était quelqu’un de relativement solitaire ; mais il commençait à s’ennuyer.

Ayant amassé tout ce qu’il lui fallait et ayant terminée son habituelle promenade matinale, Iözynn emprunta la route qu’il utilisait généralement pour revenir chez lui. Le chemin était bondé de monde. Le guérisseur heurtait quelquefois certaines gens par accident, mais il s’excusait aussitôt. C’est à ce moment qu’il percuta un homme qui lui paraissait d’assez forte stature. Il se retourna pour s’excuser. C’est à ce moment qu’il aperçut le regard quelque peu décontenancé de l’elfe. Il ne semblait pas se retrouver dans les routes de la cité. Le mage lui demanda :

-Avez-vous besoin d’aide ? Vous semblez perdu…

Cela pouvait bien être la première fois que l’homme venait à Alëandir. Comment son maître lui avait enseigné, il fallait être courtois envers les étrangers, sauf s’il s’agissait d’elfes noirs ou encore d’autres créatures ténébreuses ou méphistophéliques. Le thaumaturge mettait ses enseignements en œuvre. Il se présenta:

- Je suis Iözynn Yfenn, apprenti du défunt Nagayth, maître guérisseur. Si vous le voulez, je peux vous guider vers l’endroit où vous voulez aller.

Alors que je déambulais complètement perdu, au milieu de la foule, j'observais la ville autour de moi. De hautes maison de pierre, barraient ma vue de manière inhabituelle, le sol pavé créait une drôle de sensation sous mes pied. Partout, je pouvais voir des boutiques où les vendeur vendeurs vantaient des marchandises de toutes origines. Un mélange de bruits et d'odeur qui assaillait mes sens mais que curieusement, je n'arrivait pas à trouver désagréable...
Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de remarquer quelque détails. Les passants portaient souvent un arme au coté et il n'était pas rare de voir un elfe attentif, armes en évidence, qui se dressait près d'une échoppe et dissuadait les clients de toucher autrement qu'avec les yeux. Une chose que je n'avais encore jamais vue dans les différents village où je m'arrêtait parfois. Un syndrome de la ville ? Où tout ces gens avait-il peur de quelque chose ?
Entouré de gens et plongé dans mes réflexion, je passait mon temps à percuter les personnes qui m'entouraient, et qui généralement continuaient leur chemin en grommelant une vague excuse. A une énième bousculade, alors que je m’apprêtais je n'y prêtait même plus attention, l'elfe que dans lequel j'étais rentré me proposa son aide. Ainsi, ce n'était pas que mon impression, je devais vraiment avoir l'air d'un étranger... Un peu surpris par la proposition, je m’offris un moment de réflexion en examinant mon interlocuteur. Une superbe coiffure retenue par un diadème, un collier et des boucles d'oreilles orné de saphir. Manifestement, l'elfe devait être assez riche. Et pourtant, je pouvais voir sur ses genoux ou ses bottes des traces d'usure et de terre qui prouvaient qu'il ne passait pas son temps en ville et qu'il était allé en forêt récemment. un signe qui ne pouvait qu'éveiller ma sympathie. Accompagné de cette arc qu'il portait en bandoulière, je ne pouvais m'empêcher d'apprécier cet elfe que je ne connaissait que depuis quelques secondes.

- Je suis Iözynn Yfenn, repris l'elfe, apprenti du défunt Nagayth, maître guérisseur. Si vous le voulez, je peux vous guider vers l’endroit où vous voulez aller

L'endroit ou je veux aller ? Très bonne question, mais je n'en connaissais pas la réponse. Je n'avais jamais pensé à ce que je ferais une fois à Alëandir... Mais la proposition tombait à pic. Les guérisseurs on généralement beaucoup de contact, il me permettrait sans doute de bien m'installer en ville. Mais peut être ne me proposait-il cela que par politesse, espérant que je refuserait. Après tout, avec ses signes de richesse apparents, il devait être un personnage important... Et bien tans pis pour lui s'il espérait un refus, une telle occasion de connaître la ville était trop belle, je ne pouvais pas la laisser passer.

- Je m'appelle Kÿriandur, je suis rôdeur, enfin, apprenti, je n'ai pas encore terminé ma formation. Je viens juste d'arriver à Alëandir et je ne connais encore rien. Si vous pouviez m'indiquer un endroit où dormir, quelques coins intéressants de la ville, je vous en serait reconnaissant. Puis, décidé à ne pas laisser de blanc, je repris Et puis-je me permettre de vous demander d'où vous viens cet arc? Il m'a l'air de très bonne facture.

L’étranger dévisagea un instant le guérisseur avant de répondre :

-Je m'appelle Kÿriandur, je suis rôdeur, enfin, apprenti, je n'ai pas encore terminé ma formation. Je viens juste d'arriver à Alëandir et je ne connais encore rien. Si vous pouviez m'indiquer un endroit où dormir, quelques coins intéressants de la ville, je vous en serais reconnaissant. Et puis-je me permettre de vous demander d'où vous vient cet arc? Il m'a l'air de très bonne facture.

Iözynn avait déjà entendu parler vaguement des rôdeurs, bien que ses connaissances à leur sujet étaient très limitées.

-Cet arc est un cadeau de mon défunt maître, répondit-il à la dernière question que lui avait posée le rôdeur. Il est effectivement d’assez bonne facture. Je le possède depuis plusieurs années et il ne s’est jamais le moindrement abîmé. Mais je m’en sers rarement…

Il marqua une courte pause avant de poursuivre :

-Un endroit où dormir ? Il y a certainement plusieurs bonnes auberges dans cette ville, bien que je ne les connaisse pas vraiment. Sinon, si vous êtes mal pris, cela me ferait plaisir de vous inviter chez moi, mais vous y seriez certainement moins confortable. Sur le chemin, je pourrais vous montrer quelques endroits intéressants de la cité.

Le mage se souvint alors qu’il avait affaire à un rôdeur. Il espérait qu’il n’avait pas été trop impoli avec lui et qu’il avait agi correctement devant le serviteur de Kÿria.