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 Le roi est mort, vive le roi !

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Aetius d'Ivrey
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Aetius d'Ivrey


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MessageSujet: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeSam 4 Fév 2012 - 13:13

On arrivait enfin à la cinquième et dernière porte.

Après avoir passé la veille et sa nuit en dehors des murailles de Diantra, comme la tradition l’exigeait, le prince Eliam et son oncle Aetius étaient rentrés dans la cité jusqu’au Temple de Deina, le temple cathédral. Bien sûr, les deux princes n’étaient pas seuls, et à leur côté, les prélats et les seigneurs du domaine marchaient, tandis que les précédaient et les suivaient des centaines de soldats. Une fois dans la nef du temple, Eliam fut mis sur le trône royal, cet antique siège de pierre à l’allure usée, le fameux Cathèdre.

Alors les centaines de soldats, les nobles et les roturiers, seul public autorisé dans le Temple du Cathèdre, poussa un immense cri de joie. Et alors qu’on acclamait le jeune prince, une poignée de guerriers et de seigneurs soulevèrent le trône de pierre et son frêle habitant pour l’emmener au travers des rues de Diantra.

« Place, les Hommes, place, votre roi s’en vient ! » répétait-on au milieu du brouhaha des « Noël ! », des « Damedieu ! » et des autres bénédictions jetées par cette armée qui pavoisait au milieu d’une ville exsangue. Cela ne faisait qu’une douzaine de jours que le comte de Scylla avait annoncé la mort (suspecte ?) du bon roi Trystan, et seulement dix que le saccage avait cessé. Aetius, hésitant encore entre la punition des Diantrais rebelles ou leur pardon, avait refusé que la ville royale s’orne des guirlandes et des lampions coutumiers à ce genre d’événements. De même, il avait interdit les festins publics normalement offerts au peuple de Diantra ; tout comme le deuil public. Il était comme partagé la symbolisation de la mort du roi Trystan, nécessaire au royaume, et le besoin d’affirmer le fragile prince Eliam. Cette pusillanimité, étrange chez le fougueux prince du sang, était paradoxalement appuyée par une grande fermeté sur sa position. Qu’importent les conseils qu’on lui prodiguait, Aetius restait fermement planté sur sa politique de l’expectative. Et Diantra elle-même, partagée entre culpabilité et colère, semblait attendre que l’Ivrey se décide.

La troupe bruyante avait déjà passé la troisième porte. La coutume voulait que le futur roi, une fois sur le Cathèdre de Sainte-Deina, entre cinq fois dans la ville sous l’acclamation du peuple et de l’armée. Les cinq passages, associés aux cinq dieux, signifieraient la prise de la ville, alors liée à son nouveau maître. Eliam, âgé de huit ans, était ainsi porté dans la cité. Emmitouflé dans ses fourrures, rien ne le protégeait. Négligence ou naïveté de son oncle ? Ce dernier, chevauchant aux côtés de son neveu, portait pourtant l’armure complète. A croire qu’il craignît que l’on attente à sa vie qu’à celle du prince. Entouré de ses soldats qui n’en finissaient pas de chanter, de hurler alors que la populace, aux fenêtres ou timidement accolée à l’embrasure de leur porte, encourageait un peu la longue procession.

Celle-ci se composait de beaucoup d’étrangers. Les chevaliers du Baudrier d’argent tenaient clairement le haut du pavé, mais les Hautvalois et leur hallebarde, ainsi que les Heldirois, vêtus de leur plaid et de leur grand arc, étaient tout aussi nombreux et autrement plus tapageurs. Quelques effectifs de l’armée royale accompagnaient cependant le défilé, mais bien peu de capitaines royaux avaient été invités à y participer. Le comte, en dehors du sort qu’il devait réserver à Diantra, semblait déjà préparer ses réformes pour les terres de son neveu…

On arrivait enfin à la cinquième et dernière porte. A mesure qu’on l’approchait, le bruit allait crescendo. Alors, au milieu du fracas, Aetius glapit un « Morneblois ! » Et un cavalier s’en vint. C’était un homme d’une taille proche de celle de l’Ivrey, aux yeux et aux cheveux de même semblance, bien que ceux-ci tombaient jusqu’à ses épaules et venaient rogner sur les joues du bonhomme, à l’inverse d’Aetius, qui avait opté par une coupe rasée de frais. L’homme intéressait assez le jeune comte, et les anecdotes qui couraient à son sujet lui avaient permis de garder sa place dans l’ost royal, du moins jusqu’à ce qu’il fut dûment analysé et testé.

« Ne trouvez-vous pas ces gens ingrats ? », l’interrogea Aetius en montrant d’un geste du menton la maigre foule qui assistait à la parade de celui qui allait bientôt être couronné roi.



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Alrik
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MessageSujet: Re: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeMer 8 Fév 2012 - 20:04

Un mois. Cela faisait bientôt un mois que le chaos s'était installé à Diantra. Il y eut d'abord l'assassinat de la reine, puis les émeutes. De mémoire d'homme, on n'avait jamais vu un soulèvement populaire aussi violent, bien sûr il y avait eu la Guerre Civile huit ans auparavant, mais ici c'était le peuple de Diantra lui-même qui se révoltait contre son souverain, agacé par quelque taxe et encouragé par quelque conspirateur semant des rumeurs. Le château fut rapidement assiégé et Alrik dut donner l'ordre à ses hommes de tirer sur la foule. Cela ne servait à rien, bien sûr, sauf à attiser encore plus la colère du peuple qui se voulait souverain et même si Alrik n'y pouvait rien — les ordres venaient d'en haut comme on dit — il eut du mal à accepter de faire tuer les habitants d'une ville qu'il avait juré de protéger, même s'ils méritaient la mort. Le roi décida heureusement rapidement de cesser le massacre en se rendant à ces hommes, les soldats furent désarmés et enfermés dans les dortoirs du fort de la Vaillance en attendant de savoir ce qu'ils allaient faire d'eux.

Puis vint le comte de Scylla et son armée, ils triomphèrent rapidement des malheureux qui espéraient garder le contrôle, l'armée de Diantra fut libérée et on s'adonna à un pillage quelque peu teinté de vengeance. Alrik n'y participa pas, si le pillage était quelque chose qui était considéré comme normal dans une cité ennemie il ne cautionnait pas les exactions faites dans sa ville, bien qu'elles fussent inévitables et que les frondeurs méritassent leur sort. Le glas annonça la mort du roi quelques heures plus tard, le changement était en marche c'était évident, bien qu'on ne puisse pas encore dire s'il serait bon ou mauvais.

Aetius d'Ivrey s'imposa rapidement — et sans véritable surprise au vu de la situation — comme le véritable successeur de son cousin, le prince Eliam étant bien trop jeune encore pour décider quoi que ce soit dans le royaume. Le régent de la Couronne semblait avoir beaucoup de projets en tête, notamment au niveau des armées : si les chefs qui avaient libéré la ville avaient l'honneur pour eux, les autres se contentaient d'attendre, appréhendant une réforme dont ils seraient exclus. Alrik quant à lui n'était pas le plus à plaindre, il ne déplaisait visiblement pas au comte puisqu'il avait été un des rares capitaines de l'armée royale invités au couronnement du roi qui se tenait ce jour-là. Il chevauchait devant la procession, vérifiant qu'aucune menace ne se présente sur le passage du prince, étant particulièrement attentif aux potentiels tireurs embusqués. En effet, une semaine seulement après la "pacification" de la ville les tensions étaient fortes et ce couronnement était le moment parfait pour un attentat, le prince étant sans protection, il suffisait d'une flèche pour mettre fin à la lignée royale. Il chevauchait ainsi devant le convoi, avec quelques soldats à lui, les rares soldats Diantrais, tandis que la foule des étrangers qui avaient libéré la ville acclamaient le Roi. Ils traversèrent ainsi les quatre premières portes de la ville, veillant à ce que tout se passe au mieux. Autour d'eux, les ruelles de la ville semblaient bien étrangères à cette fête, la ville n'était pas décorée selon la tradition et bien peu de gens sortaient de chez eux pour acclamer le jeune roi. Ils approchaient de la cinquième porte, devant eux s'étendait le château, dont les tours étaient tellement hautes que leur ombre assombrissait toute la rue.

Un « Morneblois ! » retentit derrière lui, il se retourna et reconnut le Chevalier d'Ivrey qui l'appelait. Il éperonna son cheval et traversa la foule pour le rejoindre. Arrivé à son côté il fit les formalités d'usage, soucieux de ne pas froisser l'homme le plus puissant de la Péninsule. Il observa cet homme, qui était désormais son chef, du moins officieusement, ils se ressemblaient assez, bien qu'il semblât plus jeune que lui, mais c'était peut-être uniquement dû au fait qu'il avait les cheveux courts et la barbe taillée. Leurs yeux étaient de la même couleur mais le comte avait un regard réellement perturbant, comme s'il était sage et fou à la fois, peut-être était-ce pour cela qu'on le disait sorcier. Mais malgré l'abord plutôt agréable de ce dernier, Alrik conservait toujours en tête le fait que cet homme avait tout pouvoir sur sa vie et que la moindre parole de travers pouvait l'envoyer tout droit au cachot. Il ne put pas s'empêcher de laisser échapper un rire bref, cependant, à la remarque du comte sur la maigre foule qui assistait au défilé.
« C'est toujours préférable à une émeute, croyez-moi ! » s'exclama Alrik. En effet, étant affecté à la protection du Prince, son pire cauchemar était la présence d'un mouvement de foule impossible à endiguer qui briserait tout espoir de garantir sa sécurité et celle de son oncle. Il se reprit tout de même :
« Pardonnez-moi mais je ne pense pas qu'il faille s'en formaliser, on ne peut pas juger un roi à l'accueil qu'il a reçu lors de son couronnement. Et le contexte n'est pas des plus favorables non plus, Diantra panse ses blessures, le peuple commence à comprendre qu'on ne se joue pas de son roi impunément et même les honnêtes gens ont peur de votre courroux, désormais. Ici, la vie reprend lentement son cours et lorsque le Roi sera en âge de gouverner, tout ceci sera oublié. »
Il lui sourit, espérant n'avoir pas dit le mot de trop, quelque peu intimidé par le pouvoir qui émanait de sa personne.
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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Re: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeSam 11 Fév 2012 - 19:50

« Certes, » concéda le prince du sang en remettant sa cape fourrée en place. La discussion s’arrêta là, et Morneblois continua la marche avec un Aetius lui prêtant à peine attention. C’est que l’Ivrey n’avait pas l’habitude qu’on ne l’aime pas, et s’il détestait le peuple diantrais et ses caprices, il n’arrivait pas à concevoir qu’ils le craignaient là où ils auraient dû l’apprécier. Le reste de la marche continua sans incident, et l’on arriva enfin au château, où le Cathèdre surmonté du prince Eliam était juché jusqu’à la grand-salle du palais. La pièce, un immense rectangle de pierre de taille vêtu de tapisseries et de brocarts, détonait par rapport à la ville en elle-même. Remplie d’une foule bariolée d’officiers de la couronne, de nobles locaux et de notables de Diantra, elle était chauffée depuis des heures, et ce malgré les plafonds vertigineux et leur consommation de bois gargantuesque.

L’enfant de Trystan, emmitouflé dans ses fourrures, jetait parfois des regards paniqués à l’immense foule de ses sujets. L’Ivrey, quant à lui, était certes nerveux, mais ne le montra pas. Le silence se fit, on amena le diadème et Aetius, en tant que vassal du roi, apposa la couronne sur le frêle chef d’Eliam. Alors il mit son épée à nue et prononça d’une voix forte et lente : « Longue vie à Eliam premier du nom, roi des Hommes ! » Et la foule de reprendre l’antique formule d’une seule voix et cinq fois. Lorsque le silence fut de nouveau revenu, Aetius fit un geste à son neveu qui dit au héraut qu’il aimerait lire quelques mots. Le héraut cria à la foule que le roi allait prononcer ses premiers mots, et Eliam, d’une voix hésitante, débuta. Il s’agissait, dans une première partie, des formules de circonstances, que tous les rois, disait-on, avaient déclaré avant Eliam. Cependant, la suite était moins classique…

« Et pour ces hommes qui eurent occis le roi mon père, je les tiens tous pour responsables de cet acte sacrilège, qu’ils aient porté le coup fatal ou été complices de l’inhumain crime. Ils seront voués aux supplices des régicides : leurs mains et leurs yeux seront consumés par le feu et le soufre, on remplira leur bedaine de plomb fondu, les écartèlera et aucune cérémonie ne leur sera vouée, afin que leur âme erre et ne puisse rejoindre les Enfers, et que jamais la paix ne l’étreigne. Leurs parents et leurs enfants doivent s’exiler hors des terres des Hommes, tous enfants du roi, leurs maisons seront détruites, leurs familiers, jusqu’à la troisième génération, devront s’acquitter de trois messes par an pour le repos du roi mon père et enfin le nom des régicides ne sera plus porté par leurs familiers. »

Il s’arrêta un instant, comme pour se remémorer le texte qu’on lui avait fait apprendre. Pendant ce temps, la foule était restée calme. Certains chuchotaient, mais la peine semblait était pour un régicide.

« Enfin, je veux que tous sachent… que tous sachent que mon bon oncle, Aetius de Scylla, est mon baillistre, et tous devront le considérer comme régent de mon royaume et sénéchal de mes armées. Il gouvernera mes terres jusqu’à ce que je sois homme fait et puisse diriger les Hommes en bon seigneur. »

Les regards s’étaient alors tournés vers le jeune comte, qui était debout à côté de son « neveu » – Eliam n’était que son petit-cousin, mais il fallait l’appeler son « neveu. » Tous savaient qui étaient le vrai maître de la Péninsule, mais peu pensaient que le comte irait si loin dans la titulature. Non content d’être le tuteur du roi, il était dès lors régent du royaume et, surtout, sénéchal. Faute de testament de Trystan (tout papier d’importance avait étrangement disparu…), le fils de ce dernier, ses terres et ses titres étaient offerts aux puissants parents d’Eliam, et Aetius faisait montre d’un appétit d’ogre dans ce domaine. Autant la régence avait un aspect temporaire, autant le sénéchalat risquait de transformer le comte de Scylla en une sorte potentat inamovible, un parasite au cœur de la cour royale, et ce jusqu’à sa disparition…

On ne broncha pas pour autant, et la cérémonie des hommages commença, faisant défiler tous les puissants du domaine, de l’armée et de l’administration royales.

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MessageSujet: Re: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeMar 14 Fév 2012 - 20:14

    L’œil de l’immobile ouragan. Voilà ce qu’était l’Est. Ici, en Langehack, les seigneurs avaient l’habitude d’être épargnés de grands conflits. Lors de la guerre civile, seul le Nord s’était véritablement insurgé contre l’autorité royale. Le Sud de la péninsule avait tenté de lever ses armées pour marcher sur Diantra sans succès cependant. Mais Cléophas n’avait pas toujours été de ces seigneurs. Lors de la Guerre Civile, il était en Soltariel. Là il avait pu voir le désarroi des princes face à la guerre et dans les yeux des soldats qui composaient l’ost rebelle, il voyait la peur et le doute. Le monde connaît la suite. Le Baron de Sybrondil et le Comte d’Ydril firent aussitôt taire leurs velléités d’indépendance et leurs colonnes n’eurent pas besoin de quitter les frontières de leurs fiefs. La grande et belle cité de Diantra fut ravagée et les loyalistes obtinrent des Dieux une justice fort clémente en ce qu’aucun des rebelles ne put ceindre une couronne sur son front. Le Roi Trystan profita de ce moment de panique pour réaffirmer son autorité et le peuple l’acclama de plus belle. Ne suffisait que d’un tournoi de joutes et voilà que le peuple semblait avoir oublié la triste nuit qu’il avait passée.

    Les plus anciens ressassent sans cesse les mêmes contes. Lorsque la Guerre Civile prit fin, les Corvall étaient plus précautionneux que dans le passé. Ils voyaient une telle accalmie d’un œil distant pour ce que l’expérience leur permit de voir que bien souvent, cacher la flamme ne suffisait guère à éteindre l’incendie. Les années passèrent, les vies autant et ce fut la couronne baronniale que Cléophas se passa au front. Mais ce feint répit ne dura guère pour ce qu’on entendant déjà des cris venir du pays Diantra. Le Baron avait dû remettre en cage nombre de ses oiseaux qui risquaient, dans un tel fracas, de ne plus jamais chanter. Ses émissaires revinrent en hâte et ses associés rejoignirent la côté en moins de temps qu’il n’en fallait au vent pour souffler entre Erac et Diantra. Au Palais de Merval, la situation était tendue, comme toujours depuis quelques temps et bien vite, le chaos de la capitale ne tarda pas à se faire ressentir dans la cité. Les navires restèrent plus longtemps à quais bien que leurs cales restassent vides ; les marchands ambulants commençaient à occuper les rues, n’osant plus traverser le Royaume. La rumeur courait bien vite. Les rixes étaient nombreuses à Diantra et il était malvenu de s’aventurer dans ses rues sans épée au poing ni plates au torse. On disait que le peuple criait famine et qu’il avait grand soif. Sans vin, il était devant la triste réalité de sa condition…et le voilà qui s’insurgeait contre son Roi, devenu plus impotent avec les années. Ces récits ennuyaient presque le Baron tant ils ressemblaient à ceux de la Guerre Civile passée. Ce qui le tira de la torpeur dans laquelle il fut plongé fut l’arrivée soudaine d’un des rares oiseaux qui avaient décidés de rester dans la capitale. Il n’avait semblait-il pas changé de toilette depuis son départ quelques années auparavant, tant son odeur fut pestilentielle. Ses guêtres et sa culotte ployaient sous le fumier et la boue tandis que sur son front la poussière et la sueur se mêlaient à une sorte de pâte abominable. Ses cheveux furent si sales et gras que l’on leur put offrir quelque forme que l’on souhaitât sans grand effort et il avait sans doute passé bien des jours collé à sa monture tant il avait une semblable odeur. Inutile de dire qu’en d’autres circonstances, le pauvre homme aurait été reconduit aux portes du Palais si ce n’est de la cité –pour ce que les gueux ne passaient que rarement les murailles.

    « J’ose espérer Théophraste, que l’urgence de la situation justifie votre état. Vous savez pertinemment que j’ai horreur de voir des nobliaux souiller ma demeure plus encore lorsque ces derniers se plaisent à se travestir en gueux. »

    Dans la salle, un rire soudain éclata, détendant la situation. Cependant, l’éclat de joie fut promptement réprimé par le Baron, qui n’appréciait nullement que l’on prît légèrement de telles questions qui furent graves à ses yeux. Le pauvre enfant se fit vite pardonner lorsqu’il balbutia, dans l’essoufflement et la honte, quelques mots.

    « La Reine est morte. »

    Seule la mort sépare le matricide du parricide. Le Baron en étant conscient et la mort de Lilianna ne signifiait plus qu’une chose. Que Diantra allait bientôt sombrer dans les ténèbres les plus sombres, que ses tours ne seraient plus que flèches émaciées déchirant un ciel ombreux et suffoquant sous la fumée des incendies populaires et que ses portes seraient promptement couvertes de sang. Si Diantra tombait, ce qui allait se produire, alors rien n’allait empêcher le Royaume de se morceler. S’ensuivrait alors une terrible guerre entre roitelets, tous plus avides et avares que les autres. Car si Trystan mourrait, ses enfants le suivraient dans la tombe. Mais qu’avait à faire le Comte de Scylla dans cela ? Les oiseaux chantaient qu’il avait attisé bien des remontrances dans les tavernes et ruelles de la Capitale. Serait-il à marcher sur la cité ? Cléophas appréciait le changement, souhaitait le changement mais aurait sans doute préféré mourir que de voir les héritiers du trône mourir sous les coups d’un peuple sauvage et ignorant. Ainsi fut-il décidé qu’il partirait pour la capitale. A ce moment précis, le Baron pensait, non sans une once de naïveté, qu’il pourrait sauver les enfants du massacre. Toujours est-il qu’il n’avait rien d’imprudent et claires furent ses instructions. Il n’irait pas seul à la Capitale pour ce qu’il aurait risqué sa vie et de fait, celle de ses ouailles et bien qu’il n’eût de grande compassion pour la populace, il avait tant œuvré à revenir sur le trône mervalois qu’à mourir si tôt son sang aurait eu une saveur amère.

    Les trompettes divines n’annoncent-elles pas aussi la vie ? Des dépendances l’on fit sortir le Char : c’est ainsi que l’on appelait le grand carrosse baronnial. Haut, long et large, il était d’autant plus imposé que dénué de presque tous ornements. Quelques ciselures venaient ça et là offrir à la voiture sa noblesse. Quant au Char en lui-même, il avait des panneaux de bois si larges qu’un trait tiré à quelques centaines de mètres ne l’eût pu transpercer. L’attelage comportait douze chevaux de guerre que le Baron avait fait venir d’Erac. Leur robustesse n’enlevait en rien leur capacité à chevaucher à vive allure et ces qualités sans doute motivèrent leur acquisition. Pour rejoindre la Capitale, le Char n’allait pas être seul. C’eut été folie que de traverser une cité en plein soulèvement avec une unique voiture, aussi lourde soit-elle. Ce qu’il fallait, c’était impressionner le peuple afin qu’il n’ose lever la fourche devant le cortège. Cléophas réquisitionna la Garde Baronniale, composée d’une cinquantaine d’hommes. Ces colosses de sable et d’argent étaient si armés que le Baron lui-même se demandait comment ils pouvaient se déplacer. Leurs plaques étaient luisantes et leurs heaumes avaient pour cimier deux ailes se rejoignant. Deux fibules retenaient de longues pelisses de laine noire leur offrant un aspect grandiose et effrayant. Cinquante de ces hommes, montés sur des chevaux aussi sombres que ne l’étaient leurs pupilles allaient accompagner le Baron dans son périple. Au-devant du cortège, deux hommes portaient la bannière de Merval tandis qu’un autre avait les cors de cérémonie, que l’on sonnait à l’arrivée du Baron. L’on croyait voir une petite armée se préparer à la guerre et pourtant, il ne suffit que de quelques heures à cette dernière pour être prête. Le Soleil allait se coucher à l’horizon lorsque le Char se mit à avancer dans une nuée de sable et de poussières et sous le bienveillant regard de la Lune, Cléophas songeait à ce qu’il verrait à Diantra.

    Ce n’est pas parce que notre monde se fige que le temps ne passe pas. Le cortège avait beau avancer fièrement dans la lande refroidie et vidée de Langehack, il n’en était pas moins lent face à ce qui se passait dans la capitale. Chaque heure voyait un nouveau rebondissement, chaque minute un nouveau mort, chaque seconde un nouveau cri. Le Baron avait pris soin d’envoyer quelques uns de ses hommes dans la Cité afin qu’ils lui tiennent un rapport précis de la situation. Cléophas relisait les chroniques de la Guerre Civile et feuilletait les grandes généalogies que Feue sa mère avait écrites et tenues à jour. Peu de temps lui fallut pour comprendre. Toutes ses pensées se turent pour ne laisser qu’un mot transparaître en son esprit : régence. L’Ivrey n’était-il pas du même sang que le Roy ? Bien que ce dernier soit encore en vie, Cléophas savait en son for intérieur que les heures auraient raison de lui. Son jeune enfant, le Prince Eliam, n’avait rien d’un Roy et le Baron allait s’en convaincre de plus en plus. Le sauver du chaos paraissait essentiel, il était l’héritier légitime du trône mais de là à l’y mettre : ce fut une pure folie. Ainsi si le nom de l’Ivrey était sur toutes les bouches, c’est sans doute car son implication allait être grande. Rien n’était encore certain, l’on savait simplement qu’il avait quitté la Cité…mais Cléophas connaissait bien trop les Hommes pour ne pas penser que le Comte reviendrait prendre son « dû ». Bien sûr, ce n’étaient que suppositions. Suppositions qui furent vite étayées par une nouvelle parvenue de la capitale, colportée par un des agents du Baron. Selon ses dires, Aetius avait pénétré dans la Cité à la tête d’une formidable légion et était en passe de pénétrer dans le palais royal. Diantra était purgée de ses dissidents dans la plus grande des hâtes et des barbaries. La revanche des princes du Nord semblait être consommée et leur ancienne faim de pouvoir devait déjà être rassasiée. Il avait fallu si peu de temps pour que ceci se passe. Pas même le temps de traverser le grand duché de Langehack. La nouvelle apprise, le Baron cacha les quelques fenêtres du Char par d’épais rideaux de velours et à la lueur d’une lampe, il rédigea son serment d’allégeance. Tandis que sa plume grattait le parchemin, il ne pouvait s’empêcher de dissimuler un sourire. Il était seul après tout et il n’avait cure de se réjouir de la future mort d’un Homme devant Néera. Cruauté pour les uns, pragmatisme pour d’autres ; toujours est-il que Cléophas était content de savoir que ce Royaume, endormi et raillé par ses voisins allait retrouver un faste qu’il avait perdu. Bien sûr, ce n’étaient que suppositions.

    Même les dieux peuvent pleurer. Et chaque flamme en Diantra semblait être une de leurs larmes. Le Char approchait de la première porte et il aurait été rejeté n’était la présence des bannières baronniales. Tout n’était que mort et que souffrance. La Cité demeurait enveloppée d’un panache de fumée et seule la rougeoyante lueur des flammes égayait ce tableau dont la tristesse aurait pu faire pleurer les plus mélancoliques des Hommes. Les escarmouches avaient cessé, mais leurs traces subsistaient. Dans le caniveau coulait un liquide vineux qui ne s’en différenciait que par sa tendance à noircir avec le temps. Des corps jonchaient encore le pavé, recouverts pour certains d’un vulgaire tissu comme pour leur offrir, non sans hypocrisie, un simulacre de sacrement. Tout était revenu au calme et l’on entendait quelques cris venir de la ville haute. L’Ivrey avait, dit-on, paradé dans la Cité, le prince à son côté car telle était la tradition. Pourtant, le peuple restait méfiant et c’est avec un œil torve qu’ils dévisagèrent le Char durant son ascension. L’inquiétude et la manifeste désillusion de certains dégoûtaient le Baron. A mesure que les portes s’ouvraient et que le carrosse baronnial avançait, l’on voyait se dérouler des scènes étranges. Sous la musique de quelques bardes, l’on apercevait des gardes bousculer quelques gens du peuple et le fifre étrangement allégeait la lourdeur des coups portés. Des êtres radieux dansaient sur de véritables tombeaux et d’autres riaient alors que derrière eux l’auberge flambait. C’était là le paradoxe de la capitale et de la crise qu’elle subissait. Mais le plus grand restait le couronnement d’Aetius. D’aucuns moins sages que Cléophas auraient pu trouver indigne de ceindre sur son front une couronne alors que la Cité n’était pas lavée de son sang et pourtant, le Baron, plutôt que de trouver cela ingénieux le reconnaissait nécessaire. Certaines choses sont cruelles mais doivent être accomplies. Aujourd’hui, l’on avait un peuple désabusé qui ne savait s’il fallait applaudir un être qui risquerait le lendemain de lui couper les mains ou s’il fallait le railler et le remplacer par quelqu’un de pis encore. L’avancée du Char fut longue et solennelle mais voilà qu’il passait la dernière porte et qu’il arrivait au palais qui, posté sur son éperon, semblait narguer la Cité qui croulait sous les flammes et la suie. Comme un chevalier dont le front est fort de sueur après qu’il ait combattu mais dont le sourire réchauffe tous les cœurs, le Palais et ses dômes étaient là : immuables figures marquées par la guerre.

    Les honneurs et le gain, tout nous persuade. L’arrivée du Char se fit en grande pompe. L’on fit sonner les cors et les gardes se déployèrent dans la cour. A défaut d’être des plus fastueux en apparence, Cléophas tenait à entretenir un strict cérémonial qui ne pouvait que convenir à la situation. L’on fit s’arrêter le carrosse devant la porte du Palais tandis que le Baron ajustait sa mise. Une lourde tunique d’un bleu d’océan venait le recouvrir en plusieurs pans et plis, dont un venait recouvrir la mise entière et tenait par l’ingéniosité d’une chaînette, reliant la longue étoffe qui retombait sur son épaule gauche à un crochet sur son épaule droite. Quelques arabesques d’argent venaient offrir un certain relief à ce lourd tissu et rappelaient la couronne d’argent qui ceignait son front. On lui voulut prêter une canne, qu’il déclina aussitôt. Elle avait beau être d’une grande finesse –son fût était fait d’un trait unique d’onyx polie et son pommeau du même n’en était séparé que par une fine bague argentée- il ne souhaitait, disait-il, se présenter devant un jeune Roi couronné en estropié. S’il devrait se reposer, ne lui suffirait que le pommeau de sa rapière, dépassant du reste de la tunique. Posant son soulier de peau gris sur le sol, on chargea le héraut d’aller l’annoncer ce qui fut fait incontinent. Quelques gardes vinrent entourer le Baron et parfaire son autorité puis, les portes s’ouvrirent face à lui et d’un pas rythmé il entra dans cette dernière accompagné de ses hommes d’armes qui prirent soin, une fois entrés, de rester aux côtés de la grande allée. Tandis que le héraut récitait sa titulature, le Baron s’avançait jusqu’à n’être qu’à quelques pas du trône et face à lui : Aetius et le Prince Eliam. Le Roi et son régent…


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Alrik
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MessageSujet: Re: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeMer 15 Fév 2012 - 20:10

Aetius d'Ivrey ne parut pas vraiment ravi de sa réponse et mit rapidement un terme à leur conversation. Alrik se contenta de hausser les épaules, tant pis s'il n'avait pas plu au comte, il n'avait pas pour habitude de mâcher ses mots et en aucun cas il ne lui ferait du lèche-bottes pour s'attirer ses faveurs. Ils traversèrent ainsi la cinquième et dernière porte, et entrèrent au château. À l'intérieur, le faste des réceptions royales n'avait plus rien à voir avec les rues désertes de Diantra. Ici, tout était prétexte à montrer la richesse de la Couronne, les murs étaient ornés de dorures, drapés de tentures. La grand-salle surtout était impressionnante, aux dimensions proprement gigantesques elle n'en était pas moins gardée à la juste température grâce aux cheminées disposées aux quatre coins de la pièce, de grands lustres en cristal éclairaient la pièce aux innombrables invités. Nobles, nobliaux, chefs de guerre, la foule semblait plus nombreuse que tous les spectateurs du défilé présents dans la rue réunis.

On déposa ici le Cathèdre, et Eliam de Diantra se leva pour prononcer un discours. Il commença par les formules de circonstances semblables, du moins dans le souvenir d'Alrik, à celles que son défunt père avait prononcées avant lui. Il annonça ensuite la peine encourue aux meurtriers coupables du régicide, bien qu'il y ait peu de chances pour qu'ils aient pris le risque de venir à la réception. Puis, et ce fut là bien plus inattendu, le roi Eliam donna officiellement ses pouvoirs à son oncle qui, en plus d'être régent du royaume, devenait aussi sénéchal de l'armée royale. Non content de détenir un pouvoir quasi absolu sur la politique du royaume, le comte de Scylla devenait aussi le chef des armées de la Péninsule. Il était donc devenu son supérieur, ce qui pouvait changer beaucoup de choses, notamment au niveau de son futur dans l'ost royal. Si le régent avait toujours un droit de regard sur l'armée de son roi, c'était une tout autre affaire pour le sénéchal qui pouvait décider du sort de chaque soldat qui était sous son commandement, et Aetius d'Ivrey devait déjà avoir sa petite idée à propos des personnes qu'il comptait garder ou au contraire de celles qu'il allait « remercier ». Quand on y réfléchissait de plus près, certaines de ses décisions prenaient beaucoup plus de sens désormais, notamment au niveau du fait qu'il n'avait pas invité beaucoup d'anciens chefs de l'armée royale. En effet s'il n'y avait rien de dramatique à n'être pas invité au couronnement à cause du tuteur du roi, c'était autrement plus inquiétant d'avoir été laissé sur le carreau par le sénéchal, en cela Alrik s'estimait heureux.

Puis la cérémonie des hommages commença, les courtisans prononcèrent quelques paroles mielleuses tandis que les chefs de guerre prononçaient ou renouvelaient leur serment d'allégeance. Alrik était de ces derniers, après avoir attendu son tour il s'avança et s'agenouilla devant son roi.

« Votre Majesté, je jure de vous servir jusqu'à la mort. Mon arc est à vous. »
C'était le serment d'allégeance que tous les soldats gradés prononçaient, à quelques variantes près, un serment tout en simplicité, loin des longs discours de la noblesse de cour. Puis il se tourna le sénéchal d'Ivrey et lui adressa un salut plus militaire :
« Mon sénéchal. Vous pouvez compter sur ma loyauté ainsi que celle de tous mes hommes. » Il se retourna et, remarquant que le maître de l'Ordre des Faiseurs de nuit n'était pas là : « Et si je puis parler au nom de tous les archers de l'armée royale, je peux vous assurer que leur allégeance vous est acquise. » Bien sûr, il n'en savait rien, mais il se doutait que l'armée ne rechignerait pas à guerroyer en son nom, il était tout de même l'homme qui avait libéré Diantra.
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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Re: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeVen 24 Fév 2012 - 15:17

[Je vous prie de m'excuser pour mon énorme retard et la courtitude du message. J'ai eu, comme on dit dans le milieu, une "semaine de ouf". En espérant reprendre un rythme beaucoup plus soutenu dès à présent.]

Vassaux et dignitaires, clercs et notables défilaient devant le régent, qui recevait l’hommage de Diantra et son plat pays, le domaine royal. Puis ce fut au tour d’Alrik de Morneblois, un des archers. Une fois l’hommage rendu, il assura au régent la fidélité des troupes de l’armée royale, du moins du côté des piétons. Assez sceptique quant à cette déclaration, Aetius le toisa un instant, placide, avant de lâcher une nouvelle fois : « Certes » La tentative d’assassinat qu’il avait essuyé de la part de Johann Reinhart, l’âme damnée de l’ancien roi et pivot des troupes royales, n’allait pas dans le sens de Morneblois, aussi l’Ivrey se contenta-t-il d’un silence lourd de sens à l’égard du capitaine royal. Les tensions étaient à leur comble dans la plupart des institutions royales, et notamment au sein de l’armée et de l’ost. Peu d’officiers avaient été invités, et du mauvais sang existait tant du côté des troupes du comte, qui avaient mis à sac la capitale, et des troupes du roi, qui encaissaient les accusations de tiédeur et d’incompétence de la part de l’extérieur. Une armée incapable de sauver son propre roi, cela initiait bien de railleries.

« Retrouvez-moi ensuite à Chambrevert, nous avons à parler. » La conclusion donnée, les deux hommes vaquèrent à leurs occupations, l’un accueillant les hommages du reste de la foule, l’autre rejoignant la gent de cette immense assemblée. La cérémonie suivit son cours, et ce jusqu’à ce que le baron de Merval s’approcha du Cathèdre, du roi et de son régent. Engoncé dans sa plate, debout et droit comme un i, Aetius commençait à fatiguer. Cela ne l’empêchait pas de se demander ce que faisait l’un des grands vassaux de la couronne à ce couronnement des plus « privés. » En effet, on n’avait pas envoyé de nouvelles et d’invitations aux grands du royaume, l’hiver empêchant les déplacements et la crainte d’essuyer une absence indifférente de ces derniers planant sur cette cérémonie, pourtant vitale pour la légitimité du petit roi Eliam.


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MessageSujet: Re: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeVen 24 Fév 2012 - 23:05

    La Cour sourit devant son Roi mais fléchit devant son fouet
    Les pas du Baron résonnaient dans la salle du trône. Face à lui était le jeune Roi Eliam, encore frêle. Juché sur sa cathèdre, il semblait crouler sous le poids de ses fourrures et des regalias. Pour autant, il paraissait à cet âge plus robuste que ne le fut feu son père durant les dernières années de son règne. A ses côtés se tenait une silhouette bien plus impressionnante, à la hauteur des lieux et du cérémonial imposé. Cléophas avait bien du mal à croire que toute cette Cour s’était déplacée pour prêter serment au Roi, qui n’était encore qu’un chétif enfant. Tous ces nobliaux respiraient la flatterie et la conspiration et Cléophas savait de leurs sourires qu’ils cachaient un poignard et de leurs grimaces qu’elles en cachaient deux. N’était le constant besoin des faveurs royales et de l’ordre princier, ces charognes auraient prestement enfoncé leurs dagues dans le dos de l’enfant-roi. Pourtant, ils courbaient trop bas l’échine et montraient des paumes plus blanches que la peau des vierges…si blanches à dire vrai qu’elles en seraient sales et ce n’étaient ni les faveurs royales, ni les privilèges, ni les cérémonials qui les faisaient s’humilier autant. Non. C’était la présence de cette éminence grise dont ni le rôle ni le nom n’étaient inconnus : ce comte d’Ivrey.

    Le bruissement des feuilles sert à transmettre le plus bas des murmures
    Arrivé à la hauteur de la cathèdre et tandis que sa garde se tenait loin en arrière, Cléophas observa longuement le Comte de Scylla, Sénéchal du Royaume et désormais Prince Régent. Sous sa lourde armure luisante d’expérience et de batailles, le jeune homme paraissait las de toutes ces cérémonies. Après tout, la platitude d’une cour ne saurait convenir à la vigueur d’un jeune guerrier. Seuls les morts ou les fossoyeurs y trouvent un véritable plaisir et les Rois eux-mêmes s’y verraient emprisonnés s’ils n’avaient pas de retraite champêtre et éloignée. Cléophas savait qu’aucun autre vassal n’avait encore mis pied dans la capitale et c’était sa volonté que d’y arriver avant les autres. Son arrivée n’était en rien le fruit du hasard, ni n’était-elle le produit de quelque inspiration divine. Bien qu’il pût laisser planer le doute quant à sa soudaine arrivée et devant l’étonnement général, traduit par quelques yeux hagards et quelques regards inquisiteurs sans compter le chuchotement relayé par les voûtes de la salle, le Baron de Merval décida d’y mettre fin.

    « J’ose croire que vous vous demandez la raison de ma venue. De tous les oiseaux que compte la Péninsule, sachez que nombreux répondent à mon chant et ce sont sur ces discrètes ailes que repose mon empire. Les autres, ces vassaux qui attendent les émissaires et les hérauts se fourvoient sans doute à moins qu’ils ne soient eux-aussi au courant de tous ces faits, auquel cas leur absence ne serait que la preuve manifeste d’une velléité d’indépendance, fort compréhensible en des temps si troublés. Mais mon but n’est pas de déchirer le Royaume et laissons à ces gens le temps d’attendre le dégel. Pour ma part, le froid ne m’effraie guère et il n’est rien face à la tempête que cette cité vient d’essuyer et face à celle qui aurait pu se déchaîner sur le Royaume entier. C’est pour remercier votre effort et éviter que ne s’abatte sur nos fiefs un orage dévastateur que je suis ici présent. »

    L’opulence des cérémonies peut cacher mille félonies
    Le Baron de Merval n’avait d’autre choix désormais que de prêter allégeance et c’était d’ailleurs sa volonté. Ce qui le différenciait de bien des autres était sans doute sa volonté à véritablement défendre la couronne et le Royaume là où d’autres ne voudraient que détourner de leurs prés l’ambition du lion. Merval se défendait de ces intentions par sa petitesse et le fait que peu de Roys sans doute avaient encore connaissance de cette parcelle de terre plongée dans la décrépitude, noyée dans l’échec de ses maîtresses passées. Cléophas entendait bien faire parler de lui par sa vertu et prouver au nouveau Roy qu’il lui serait d’un indéfectible soutien. Quant à l’Ivrey, il lui jurerait par la présente fidélité en ce que le prince de sang était de fait Prince Régent. Les cérémonies d’allégeance étaient bien souvent très réglementées, c’était du moins le cas en pays langecien. Pour autant, le sieur d’Angleroy, toujours épargné des vicissitudes de la vie de Cour n’avait cure des protocoles…Après tout, ses gardes n’avaient-ils pas franchis la porte du Palais, lance à la main ? D’aucuns purent prendre cela comme une menace mais les plus sensés parmi eux auraient simplement compris que le Baron de Merval avait eu pour souhait de redorer le blason terni de son fief auprès de l’héritier d’un Roy négligeant et négligé. Et c’est pour cela que son serment, bien qu’il fût long, n’était en rien dicté par la tradition ou les protocoles. Mais par le cœur et par l’esprit. Point de félonies pour celui qui oublie les cérémonies.

    « Moi, Cléophas d’Angleroy, promet et jure sincèrement que je serai fidèle et jurerai allégeance à Sa Majesté le Roi Eliam Ier et le défendrai autant que me le permettront mes pouvoirs, de toute conspiration ou atteinte quelque qu’elle soit qui pourrait être portée envers Sa personne, Sa couronne ou sa dignité ; et je ferai mon devoir sacré de déjouer et de révéler à Sa Majesté ou héritiers toute trahison ou conspiration du même ordre qui pourrait avoir été formée envers Lui ou Ses héritiers ; et je jure solennellement de défendre l’ordre de succession établi par les lois du Royaume, renonçant de fait de servir ou de jurer allégeance à toute personne se réclamant héritière de la Couronne ; et je renonce à l’idée selon laquelle d’autres princes, prélats, personnes, états ou potentats puissent avoir quelconque juridiction fût-elle civile ou temporelle, quelconque pouvoir, supériorité et ou prééminence, directement ou indirectement dans ce royaume. Je jure de défendre l’ordre établi par les pères de Sa Majesté et par la présente je nie toute intention de détruire ledit ordre tel qu’établi par les lois, de le déranger ou de l’affaiblir ; et je jure solennellement que je ne ferai usage de mes pouvoirs ou de ceux qui me seraient offerts à cette fin. Devant les Dieux et le monde, je professe, déclare et certifie que cette déclaration et que toutes ses parties sont à entendre au sens ordinaire des mots, sans aucune ambiguïté, équivocation ou quelconque réserve morale. Puisse Néera m’aider à observer ce serment et puisse Tari m’embrasser si je venais à le briser. »

    Alors, le Baron enleva sa couronne et, genou à terre, la proposa au Roy pour qu’il lui ceignît le front à nouveau.
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MessageSujet: Re: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeDim 26 Fév 2012 - 20:04

Le baron de Merval n’avait pas les manières de Morneblois. Là où le forestier s’enfermait dans des attitudes semi sauvages et une concision de soldat, qui ne pouvait qu’irriter le chevalier en Aetius mais réjouissait le sénéchal qu’il était, le sieur de Corvall avait en lui les germes des calculs austères du grand sud. Langehack et sa clique d’intellectuels comme de courtisans. Fier chevalier du Médian, Aetius avait toujours eu du mal avec cette engeance-là. Et s’il aimait le faste, la richesse et les belles choses de ce monde, la société de ces aigrefins aux dents longues, à l’érudition aussi vétilleuse que considérable, aux triple-personnalités, ne pouvait que le mettre mal à l’aise. Il l’acceptait très bien au sein de ses domaines, car alors il la commandait et la franchise du Médian pouvait briser, d’un mot, tous les murmures de l’aristocratie suderonne. Oui, à Scylla, il lui suffisait d’un ordre pour éventer les soupçons, les complots et les querelles intestines qui remuaient la cour sans qu’il n’en put rien voir.

On se doute donc que l’arrivée de ce nouveau baron de Merval ne mettait que peu de joie dans son cœur. Merval, cette terre de braves et d’intellectuels, mais aussi de poissonniers et de tronches-en-miettes, à l’histoire gorgée de tyrannies et de révoltes. La baronnie, qui se confondait autrefois dans ce vaste territoire qu’on appelait la Pharétanie, thalassocratie étrangère et républicaine, peuplée de barbares païens et étrangers à la Péninsule, la baronnie, donc, ne faisait autrefois qu’une avec Scylla dans cet ensemble éparse et dynamique, hérétique et iconoclaste. Loin des saines querelles des seigneurs du Médian et du nord, les Pharétans avaient écumé les côtes péninsulaires pendant des siècles, détruisant les cités et les temples, essaimant toujours plus outre. Cette race de conquérants et de sorciers avait bien failli tuer la bonne terre du royaume. Les graines qu’ils avaient plantées tout au long du littoral péninsulaire auraient pu pousser, croître et envahir la culture du royaume, l’étouffant peu à peu.

Et si les fils de Néera avaient vaincu l’envahisseur, si les terres qui avaient soutenu et nourri cette race d’outre-mer avaient été brûlées et salées par les moines-soldats et les seigneurs du royaume, Aetius sentait bien qu’il y avait dans le sud encore un peu de cette culture bizarre et délétère, que les descendants des Pharétans, bien que civilisés et tournés vers les Cinq, gardaient encore le sang maudit de leurs ancêtres. Ils étaient dotés d’une curiosité qui les poussait vers la magie et les fausses idoles, un allant volatile qui les plongeait dans les plus inhumaines des tyrannies comme les plus violentes révoltes. Le Médian et le nord avaient aussi leurs défauts, mais ils étaient aussi doués de bonne raison, savaient accepter le compromis. La liberté, souvent morcelée et distribuée à une poignée de petits seigneurs, était plus saine, mâtinée par les coutumes ancestrales. Ces terres préservaient les traditions les plus sacrées, tandis que le sud s’appuyait sur les lambeaux de lois issues de peuples étrangers et sanguinaires et comblait les vides avec un dynamisme passionné, presque sauvage et trop souvent destructeur.

Il suffisait d’observer les interactions que les princes du sud entretenaient entre eux. Lorsque la flotte de Scylla eut bouté hors Nelen les envahisseurs mervalois, la baronne Eulalie déchaîna sa puissance dans une guerre totale. Ses légions de cataphractaires s’étaient jeté dans le plat pays scylléen, tandis que sa flotte toute entière avait cinglé jusqu’à Pharembourg. Il en avait été de même dans l’isthme soltarien, où Diogène de Systolie, comte d’Ydril, et Inès, duchesse de Soltariel, s’étaient affronté dans une guerre aussi foudroyante qu’énorme. La ville d’Arcani en avait fait les frais, et, lorsque la défaite du vieil Ydrilote avait été consommée, la duchesse avait fait périr la haute noblesse du pays, négligeant les droits de la guerre et la rançon, faisant décapiter seigneurs et paladins ydrilotes. Ces derniers, sans cela, auraient certainement repris les armes deux ans plus tard, et avec d’autant plus de rage. Enfin, le seigneur sybrond, Raoul de Sentazygore, n’avait pas hésité à profiter du climat de violence pour liquider tous les hommes qu’il soupçonnait de sédition voire de tiédeur à son encontre.

Il semblait à l’Ivrey que le sud recouvrait sa vraie nature, celle de despotes. Voilà pourquoi il avait quelque soucis avec Cléophas. Si Merval avait seulement été dirigé par des femmes pendant les vingt dernières années, laissant donc la baronnie dans un retrait discret, il craignait beaucoup ce pays avec à sa tête un homme expérimenté et que l’on disait d’une certaine compétence. De plus, il ne fallait pas se mentir : Aetius convoitait Merval. Depuis la guerre de Nelen, puis lors de la guerre de l’Ydril, le prince ambitionnait de former un véritable empire olien. Avec ses possessions ydrilotes, nélénites et scylléennes, il disposait de nombreux ports d’attache. Aussi, quand vint la mort d’Eulalie et la grande discussion sur le nouveau baron, ses agents poussèrent son nom, mais furent rabroués au profit de Cléophas.

Il s’agissait maintenant d’en faire un allié, à défaut d’un sujet. Aussi, lorsque le baron de Merval remit aux pieds du petit roi les insignes de son titre, lorsqu’il tendit la couronne baronniale à Eliam, Aetius, qui savait être sot mais que sa nature audacieuse poussait parfois aux gestes les plus significatifs, prit doucement des mains de son ‘neveu’ la dite couronne. Les gantelets de fer avaient saisi le diadème et la levait haut vers le ciel. Alors l’Ivrey prononça ces quelques mots.
« Au nom d’Eliam Ier, roi des Hommes, fils de Trystan Ier, roi des Hommes, moi, Aetius, baillistre de mon bon neveu Eliam, je jure sur les reliques t’offrir protection et bonne justice qui te sont dues, Cléophas. A présent, relève-toi baron de Merval et homme du roi. »

Alors l’Ivrey posa la couronne sur le chef de Cléophas, prit ses mains et le laissa se relever. Lorsqu’il fut en face de lui, Aetius lui donna le baiser de paix comme à tous les autres. Cette intrusion sauvage dans cette cérémonie d’hommage déjà bâclée était une façon pour Aetius de renforcer sa position au sein du Langecin. En acceptant l’hommage du baron de Merval en tant que régent, il s’élevait au dessus du statut de simple voisin scylléen de Cléophas. Sans oublier que la manœuvre avait sûrement pour intérêt d’enrayer le pouvoir de la jeune duchesse de Langehack sur les terres environnantes. En effet, la détestation qu’éprouvait Aetius à son égard s’était transformé en de la simple suspicion, voire une certaine défiance envers cette jouvencelle qui, délaissant broderies et poèmes, ne cessait de renforcer ses armées.
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MessageSujet: Re: Le roi est mort, vive le roi !   Le roi est mort, vive le roi ! I_icon_minitimeMar 6 Mar 2012 - 22:30

    Les sceptres nous ancrent au fond de notre tombe.
    Alors qu’il s’attendait à ce que le Roi ceignît son front, Cléophas fut surpris par la manœuvre ambitieuse et non moins maladroite de son oncle, régent, sénéchal et vassal Aetius. La surprise ne fut pas des plus mauvaises mais fut loin d’être agréable. Pour autant, après une rapide réflexion, cela ne semblait pas tant étonner le Baron, qui avait entendu bien des mots au sujet de ce Comte dont l’insatiable ambition saurait pousser à d’impensables exactions. Qu’allait-il dire pour le moment ? Fallait-il hausser le ton et faire valoir les droits d’un Roy immature et impotent ou laisser aller les lubies d’un Homme que le pouvoir allait terrasser ? La sagesse semblait dicter au Baron qu’il fallait rester silencieux. Le comte n’était-il pas jeune ? Et la jeunesse n’allait-elle pas aux côtés de l’impétuosité ? Rester sur ses gardes, voilà ce que Cléophas irait faire. Les rumeurs disaient long sur cet Ivrey et son cœur aurait pu être sondé toutefois, il semblait qu’il fût imprévisible. Le Baron n’aimait guère les politiciens imprévisibles, pour bien des raisons. Ce sont les êtres imprévisibles qui envoient leurs légions défendre vainement quelques forts ruinés. Ce sont les êtres imprévisibles qui rasent leurs forêts pour lever des flottes fonçant dans les maelstroms. Ce sont les êtres imprévisibles qui massacrent leurs ouailles sans raisons, par folie, par lubie, par envie. Ce sont les êtres imprévisibles qui se terrent dans leurs palais et laissent brûler leurs contrées. Ce sont les êtres imprévisibles qui promettent à la ruine les duchés, les marquisats, les comtés, les baronnies et toutes les autres contrées sur lesquelles ils sont assis. Le Royaume a eu son lot de seigneurs impétueux et malheureusement, aucun ne fut assez sage pour relever leur réputation. Voilà la raison pour laquelle Cléophas voyait cet homme d’un œil méfiant. Son accession lui plaisait à demi et il n’avait pu savoir quelle genre d’être il était pour ce que les seules paroles qu’ils purent s’échanger furent celles fixées par le protocole royal. Il ne craignait qu’une chose : qu’il devînt fou devant ses responsabilités.

    La parole est le meilleur des traités.
    Il semblait évident, devant son importance, qu’il serait idiot d’en rester là et de repartir en pays Mervalois. Le Baron avait ses propres ambitions qui n’allaient pas particulièrement à l’encontre de celles du régent et bien qu’icelles restassent dissimulées, il semblait évident qu’il en avait. De hautes ambitions serait peu dire. Sénéchal et régent. Cet homme avait en ses mains le pouvoir et l’armée et lorsque sa dignité de régent ne sera plus sienne, nul doute qu’il se sera fait une place plus prestigieuse et importante que celle de Comte de Scylla. Mais ce n’étaient que suppositions et hypothèses infondées sinon sur les mots, les rumeurs et les dires qui couraient les rues et les cours du Royaume. L’important était que son ambition était nourrie par un pouvoir assis et Cléophas ne se souciait guère d’autre chose. Lorsque qu’il se releva, le front ceint par la couronne baronniale et une fois que ses pensées devinrent claires et concises, il sourit au jeune Roy puis, inclinant la tête se tourna vers le régent.

    « Monseigneur, j’aurais à m’entretenir avec vous au sujet d’affaires concernant la stabilité du Royaume. »

    La voix placée, le regard fixe et le corps raide, il lâcha ces quelques mots en un souffle. C’était là une de ses qualités, cette concision qui lui valut tant de surnoms. Sans mot dire, il s’inclina devant le prince régent puis une fois encore devant son neveu le Roy et, ci-fait, il quitta la salle du trône, le pas solennel. Les portes s’ouvrirent à nouveau et laissèrent entrer dans le hall l’air frais de la Cité, débarrassant le Roy de la lourdeur qui pesait jusqu’alors. Les loups qui attendaient sagement regardèrent le Baron s’en aller, suivi par ses quelques gardes et une fois que le dernier des hommes armés eut quitté la salle du trône, l’on en referma les lourdes portes. Le Baron semblait sortir d’une prison d’acier et si Diantra sentait encore la poix, il la préférait à la salive blanchie des courtisans apeurés. Des loups qui n’avaient qu’une seule crainte : de voir leurs meutes être dispersées. La cour recelait encore de nombreux traîtres et nul ne pouvait s’estimer à l’abri d’un coup de poignard au détour d’un étroit couloir.

    Les oiseaux ne grimpent pas.
    Le Baron se dirigea vers la dernière ceinture de muraille, celle qui surplombait la cité entière. Après quelques brefs pourparlers avec le garde de la Cité, il y monta avec deux de ses hommes et là, attendait le régent. Il n’y avait pour Cléophas, point de lui plus sûr que la plus haute muraille d’une cité. De là, on pouvait voir tout ennemi tentant de vous ôter la vie et c’était librement que l’on pouvait s’y entretenir des choses les plus délicates. Dans les palais, les murmures courent sous les coupoles, traversent les couloirs et il n’est pas un mot dit à l’aube qui ne soit pas su dans la soirée. Triste est-il de savoir que c’est là que se retrouvent les conspirateurs. L’air est un allié fidèle, qui laisse les conspirations se perdre dans son souffle sans compter qu’un espion peut s’accrocher à la corniche d’une façade sans être repéré mais bien brave serait celui qui parviendrait à se hisser jusqu’aux créneaux sans se faire arrêter.
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