En guettant l'ours [Theodren]

Alors qu'elle le ramassait, elle sentit qu'on la regardait avec insistance. Elle se releva et aperçut un homme qui l'observait de ses yeux fixes et sombres. Quand comme leurs yeux se croisèrent, il esquissa un timide sourire et se retourna pour partir, en resserrant les sangles de son sac à dos, et se fraya un passage à travers la masse d'humains qui parcourait les rues. Il semblait fort et portait à la ceinture une large épée bâtarde.

La dresseuse interpella l'homme. Ce dernier ne comprit pas tout de suite qu'elle s'adressait à lui, mais il se retourna par réflexe et vint à la rencontre de la jeune fille d'une mine renfrognée, et il venait boitillant mais tentait de le cacher par de grandes enjambées.

"Je déteste parler à des gens qui ne connaissent pas mon nom. Je me nomme Théodren, mais si vous voulez vous pouvez m'appeler autrement. Il retrouva alors le sourire. Qu'y a t-il donc? Vous avez besoin de quelque chose? D'un homme fort? Désolé, je cherche du travail et je n'ai que cela en tête en ce moment. Franchement, je ne sers que lors de combats ou de travaux de forces. Malheureusement pour moi, votre ours doit bien être capable de vous protéger." Il avait un air d'aventurier et tentait de paraître le plus fort possible pour que la jeune fille approuve sa puissance et que lorsqu'elle sera confronté à une tâche correspondant aux caractéristiques de Théodren, lui vienne à l'esprit que ce dernier pourrait l'accomplir. Il écarta une mèche rebelle, faisant apparaitre un sourcil gauche mutilé. Sentant qu'il avait l'air prétentieux, il se reprit en la complimentant pour son spectacle :
"Votre spectacle était très impressionnant, avant de voir votre ours je n'aurais jamais cru que ces animaux fussent capables de telles civilités!" Puis, se disant que cela avait été suffisant au niveau des compliments, et qu'il n'avait pas beaucoup de temps, il continua.
"Bon, je ne sais pas pourquoi vous voulez me parler, mais parlez vite car j'ai un rendez-vous dans quelques minutes. Sinon si vous avez besoin de quoi que ce ce soit, j'habite en ce moment dans la petite forge au bout de la rue, dit-il en montrant un petit bâtiment comprenant quelques établis et une cheminée fumante. C'est là que j'ai forgé ma dernière arme, annonça t-il fièrement en présentant son épée bâtarde géante. Mais ce n'est pas chez moi. Si vous y venez, vous rencontrerez mon hôte, le forgeron Brant.
-Eh madame, je peux caresser votre ours? demanda un gamin aux cheveux roux à la jeune fille en désignant Pier.
-Par contre je pars pour Diantra dans moins d'une semaine, reprit Théodren. A part si vous auriez par hasard pour moi un travail rémunérateur ou une aventure palpitante. Dans ce cas je suis prêt à retarder mon départ. De toute façon en ce moment je n'ai vraiment rien d'intéressant à faire, à part une livraison pour un client, de la viande que j'ai dans mon sac depuis une partie de chasse ce matin. Tenez, voilà une pièce pour votre spectacle. Vous voulez de la viande aussi? Bon, allez y, je vous laisse parler ma pauvre, je ne vous ai pas encore laissé la parole une seule fois. Dites moi tout."

"Ah! fit il pensivement. Tant pis. De toute façon, je dois aller à Diantra. J'ai vraiment besoin de trouver du travail vous savez, je suis un travailleur, moi! Si vous y allez aussi je vous accompagne. On verra pour l'argent, vous pourriez par exemple faire danser votre ours en chemin et me donner quelques pièces." Il sourit et se caressa le menton l'air satisfait. Quelle chance! Il allait enfin pouvoir raconter ses aventures à quelqu'un au lieu de devoir l'écrire dans son journal! En plus il pourrait peut-être gagner un peu d'argent! Il pourrait aider dans les spectacles de la fillette, mais il n'avait pas encore d'idée. Il commençait à se perdre dans les récits qu'il pourrait raconter à la dresseuse sur le chemin, et l'imaginait en train de raconter ses récits dans un village.

Quand il sortit de se rêverie, la jeune fille le regardait d'un air las, comme épuisée d'avoir à boire toutes les paroles de l'aventurier. Il observa anxieusement le soleil.
"Bon, jeune fille, il faut que j'y aille. retrouvez moi ce soir à la forge. Vous n'avez pas de spectacle à donner? Oh, une dernière chose avant de partir : je serais prêt à voyager dés demain, puisque nous avons l'air d'accord. Je ferai mes bagages ce soir comme cela je serai prêt et nous pourrons partir quand vous le voulez! Allez, salut... à tout à l'heure!"

Théodren se retourna, commença à partir, se retourna encore et fit un geste de la main à Violette, puis partit en courant, comme à son habitude, mais en boitant. Il avait reçu une grave blessure dans la forêt d'Aduram, mais nul ne connaîtra les horreurs qu'il y vit, car ce qu'il y vécut, il ne souhaite pas le raconter. A part peut-être à Violette, à qui il voulait raconter ses dernières épopées.

Un vieil homme aux cheveux hirsutes se présenta.
"MMMh? Théodren? dit-il en reluquant la jeune fille. V'là que vous m'amenez des gamines! Je ne pensais pas que votre âme sœur était si jeune!"

L'homme ainsi interpelé déboula en trombe des vieux escaliers qui menait à l'étage de la maison, faisant trembler la baraque entière sous son pas pesant. Il trébucha sur une vieille marche en bois bancale et dut se rattraper sur le vieux forgeron.
"Saleté de marche! Je suis bien content d'avoir à quitter ce taudis!" gémit t-il en observant le forgeron avec inquiétude. Ce dernier grimaçait de douleur après avoir réceptionné le poids du rôdeur. Il désigna le sac que portait Théodren avec appréhension.
"Vous êtes sûr qu'il n'y a que vos affaires à vous là dedans? On dirait que vous avez dévalisé ma forge!" demanda le vieil homme. Le sac était effectivement énorme, et Théodren le posa à terre pour aller à la rencontre de Violette.
"Bonjour! Vous voyez, je suis déjà prêt comme promis! dit-il en désignant son sac. Comment-allez vous?" lança chaleureusement Théodren pour rattraper l'accueil de son hôte. Le vieillard ne laissa pas à Violette le temps de répondre, et continua un certain temps de monologuer seul des phrases paillardes au sujet de Théodren et de Violette.

Craignant que la jeune fille ne croit candidement les phrases du forgeron, Théodren la prit sous son bras et l'emmena dans ce qu'il appelait "ses appartements", qui étaient en fait une petite pièce louée au forgeron, avec comme mobilier une tabla et un lit. Sur la table, il y avait un gros poulet rôti avec une cruche d'eau.
"C'est pour vous, si vous avez faim. Si vous trouvez ça bon, j'ai mis beaucoup de nourriture dans mon sac, et j'aime beaucoup cuisiner, ET NON, ce n'est pas un travail de femme." Théodren s'assit sur le lit et Théodren invita Violette à s'asseoir près de lui.
"Commençons. Tout d'abord je voulais vous dire que si vous m'avez vu boiter, c'est fini, je n'ai plus mal, et on pourra donc aller vite. Ensuite, est ce que vous avez réfléchi pour le moment du départ? Oh, comme vous êtes dresseuse, j'ai une question pour vous dont la réponse m'est très importante. Depuis quelques années, je me demande si cela vaut la peine que j'obtienne un animal de compagnie. Ce que je n'aime pas avec les compagnons, c'est qu'il faut s'occuper d'eux, mais en même temps je suis un peu las de voyager seul. Vous me direz, je peux tout aussi bien trouver un compagnon d'armes, mais cette idée me plaît un peu moins, car je devrais tout partager, l'honneur, la nourriture, l'argent... Qu'en penses-tu? Je peux te tutoyer, hein?"