Correspondance Langehack-Régent

Citation :

A Sa Grâce Jeanne Ière, duchesse de Langehack, marquise de Sephren, etc., etc.
Le régent du royaume des Hommes te salue, etc., etc.

Hélas, Ma Dame, je ne puis accepter votre requête malgré sa bénévolence, car si elle est d’heureuse intention, elle ne pourrait trouver heureuse conclusion, car il m’est impossible de séparer mes bons neveux d’entre eux, ce qui leur procurerait un grand mal. En effet, infliger un tragique départ – de nouveau – affligerait par trop la princesse et le roi, qui ne sont que des enfants, et pour qui j’ai l’amour d’un père.

Mais croyez bien que vos intentions louables ne sont point méjugées, et que nous vous renouvelons, Ma Dame, l’estime que je vous porte pour l’estime que vous portez à mes biens aimés neveux. Et sachez que là où la cour, où le roi et où je serai, cet endroit sera toujours pour la duchesse de Langehack comme un second foyer.

Puisse Néera apporter prospérité à votre maison,
Aetius d'Ivrey.

Citation :

En l’an de grâce Six du Onzième Cycle,
Au jour de Tari [9ème jour] de la deuxième ennéade du Barkios de Printemps,

A Sa Grâce Jeanne, duchesse de Langehack, marquise de Sephren, etc., etc.,
Le Régent du royaume des Hommes te salue, etc., etc.,

Dame, j’espère les nouvelles de vos Etats aussi bonnes que les miennes. Le roi a vaincu l’Usurpateur, qui macère entre les murs d’une de mes forteresses, enchaîné comme un vulgaire animal. Avec lui, ses sbires et tous les traîtres à la Paix du roi, du moins ceux qui survécurent à la défaite, car j’ai tué à grand foison dans les osts de Léandre d’Harren, et soumis les autres.

Les Cinq divins ont mené à nous les ostes du félon et nous nous affrontâmes à Pont-Lamor, sur la passerelle même dans un combat sanglant. Les rebelles ne manquèrent point de bravoure, et j’ai cru voir ma défaite de nombreuses fois, mais le Vieillard d’Harren s’enfuit en laissant ses vassaux et lames-liges m’affronter seuls. Car le traître, comme on le sait, est de par sa nature couard et faible. Quand nous prîmes ce pont si âprement disputé, Léandre était déjà loin.

C’était sans compter sur l’allant de mon armée, qui se pressa, dans un élan irrésistible, à prendre en chasse le traître et ses dernières réserves. Comme ils rejoignaient Fiel-Boys, à quelques lieues au nord de Pont-Lamor, j’étais déjà sur eux. Les Cinq mirent la peur en leur cœur et la juste colère de mes hommes s’abattit sur le château comme un lion sur l’agnel. Il ne fallut pas une heure pour que les derniers rebelles ne se rendent et n’abandonnent leur cause inique.

Hélas, la perfidie affecte tous les sangs et toutes les contrées, et j’appris, sûrement plus tard que vous, qu’une poignée de marchands de Pharem profita de mon absence et de mes responsabilités envers le royaume pour miner mon autorité. Soyez sans crainte cependant, car la Cité du Grype m’est attachée, et cette minorité subira bientôt le châtiment qui est réservé aux traîtres et aux profiteurs. Mon Conseiller, Hubert, m’a entretenu de la situation, et j’ai toute confiance en son jugement et sa capacité à préserver la paix dans mes domaines ; il m’a suggéré de faire appel à un homme de confiance, le vicomte Vincente, qui m’a déjà servi avec succès dans les guerres et la paix. Ils feront rendre gorge aux séditieux, et justice sera faite.

J’ignore encore les plans de Rochepont, mais une fois mon frère le baron d’Ancenis à mes côtés, je compte bien marcher jusqu’à lui et arbitrer les querelles qui animent le Berthilois comme je le dois. Si les dieux sont favorables, peut-être nous reverrons-nous dans les prochaines ennéades.

Priez Néera pour mon âme et celles que j’ai arraché à mes frères,
Comme je prie pour qu’elle vous offre Force, Vie, Santé,
Aetius d’Ivrey.

Citation :

En l’an de grâce Six du Onzième Cycle,
Au jour d’Othar [3ème jour] de la troisième ennéade du Barkios de Printemps,

A Sa Grâce Jeanne, duchesse de Langehack, marquise de Sephren, etc., etc.,
Le Régent du royaume des Hommes te salue, etc., etc.,

Si mes lettres se multiplient, c’est tant parce que la guerre s’emballe que par affection pour Votre Grâce. J’ai en effet entendu dire qu’une affliction vous éprenait et vous vidait de vos forces ; je ne suis point un savant, mais mes mages vous conseillent de nombreuses saignées pour équilibrer les humeurs de votre sang, de vivre au soleil et de sacrifier des pigeons noirs tous les jours de Tari, et d’attendre les présages, qui prendront la forme de trois oiseaux de couleur noire en cas de bon présage, trois oiseaux de couleur grise dans le cas contraire. S’il vous plaît, je vous enverrai les plus éminents de mes docteurs.

La guerre, vous disais-je, semble trouver un second souffle avec le retrait de Léandre. Rochepont, en renard qu’il est, s’est jeté sur moi sans préavis ni déclaration. Avec une horde de cavaliers, il me captura avec mon parti en pleine chasse. Face à la rouerie du goupil, je décidai de me grimer et de me faire passer pour l’un des veneurs de la troupe. Le stratagème réussit, et je trompai le matois Anseric. C’est captif que je revis mon frère après des années d’exil ; je le vis de loin, qui traitait avec Rochepont. Lorsque leur entrevue se fut terminée, je présageais quelque sinistre retournement dans la guerre. Quelques heures plus tard, la rumeur des soldats du comte d’Arétria conforta mes soupçons : Aemon d’Ancenis m’avait trahi, et l’armée du comte repartait dans le Berthilois combattre contre Arsinoé d’Olyssea, assuré d’avoir, dans l’Eraçon, son allié ancenois prêt à arracher au roi ses domaines du Médian.

Le complot me laissa dans un grand désespoir. Si certes j’étais sain et sauf, l’impuissance à laquelle j’étais réduit me déchirait le cœur. Me croyant perdu, j’envisageai déjà le pire, quand les dieux répondirent à mes prières. Le comte d’Arétria, contrit par son vilain acte ou agacé par la lenteur qu’imposaient les prisonniers à son armée de reîtres, finit par nous libérer et nous relâcher quelques heures après notre prise dans le nord-ouest de l’Eraçon. Nous reprîmes le chemin jusqu’à la Ferté-Gislain, où mon armée stationnait et devant laquelle campait l’armée de mon frère le baron. J’y entrai sous un faux nom et confrontai Aemon.

Les errements du comte d’Arétria ne resteront pas impunis et comme je vous écris, messagers et éclaireurs se pressent de toutes parts. A Kelbourg, dans le Berthilois, et plus au nord encore, à l’armée ancenoise, pour leur faire savoir que leur seigneur est vaincu, partout dans le Lyron, pour crier aux anciens traîtres la défaite de Léandre, l’Usurpateur. Et à vous, ma dame.

Priez Néera pour mon âme et celles que j’arracherai pour la gloire du royaume,
Comme je prie pour qu’elle vous offre Force, Vie, Santé,
Aetius d’Ivrey.

PS : Veuillez trouver ci-joint le destrier de l’Usurpateur en gage de ma bonne foi à préserver les Etats de notre bon neveu, Sa Majesté Eliam Ier.