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 Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren

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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeMar 8 Mai 2012 - 13:54

Barkos de Printemps, deuxième jour de la première ennéade.

L’armée serpentait au pied des montagnes d’Avosne, remontant toujours plus au nord. L’ost était des plus réduits, mais la masse de parasites et autres intermédiaires qui l’accompagnaient lui donnaient un côté gigantesque. Il ne devait pas y avoir plus d’un millier d’hommes de guerre dans cette foule. Le régent, prudent, n’avait pas voulu retirer des garnisons diantraises un trop grand nombre de soldats. La capitale était déjà bien assez remuante comme ça, et son absence allait sûrement donner des idées à cette racaille qui, quelqu’un mois plus tôt, avait mis la ville royale à feu et à sang, tuant leur propre roi dans l’opération. Heureusement, Aetius s’en était venu, mettant à son tour la ville royale à feu et à sang (mais pour de meilleures raisons, n’est-ce pas), et depuis, l’alchimie entre troupes d’occupation et population conquise était des plus détonantes.

A la tête de son ost, accompagné d’une poignée de gens de confiance et de quelques bardes jouant un air de pipeau, il progressait vers le bourg d’Erac, repensant à tout ce qui l’avait retenu à la capitale. La mort de son fils n’avait pas pu plus mal tomber. Il avait entraîné, comme on le sait, la réunion d’un maigre concile du clergé alentour pour abroger son mariage ; et le dit concile, soigneusement choisi, avait rendu sa décision sur la base de la supposée malédiction jetée sur cette union et sur le lien familial, presque sacrilège, entre Blanche et Aetius, qui sont cousins germains. La décision, pourtant facile (Aetius avait vite fait savoir à l’assemblée ce qu’il attendait d’elle) prit pourtant plus de temps que prévu, et les débats s’envenimèrent, les discussions s’embourbèrent dans les vétilles pendant des journées. Les prêtres et grands prêtres se sentaient-ils pris de remords à l’idée de briser une alliance célébrée sous les yeux de la Damedieu, ou ces derniers, heureux de pouvoir faire bombance chaque soir aux palais des Dômes, la résidence royale, sous le regard d’un régent qui ne voulait et ne pouvait froisser ces juges qui allaient décider de son sort matrimonial ?

« Sire, nous sommes à moins d’un jour de marche d’Erac. » Aetius plissa les yeux et jeta un coup d’œil au loin, du côté de l’horizon. Vu la vitesse de cette oste, avec ses cochons, ses convois, ses bagages, ses chars remplis d’armes de siège démontées, ses barbiers, ses prêtres et ses putains, il aurait sûrement pu s’élancer en solitaire jusqu’au bastion royaliste, et rejoindre la bourgade d’une traite. En une cavalcade, une heure, peut-être deux, il aurait les pieds dans un lit chaud, se serait assommé de vins épicés et aurait dormi tout son soûl. Au lieu de cela, il ferait tout ceci ici, dans son campement. Il donna quelques ordres, et l’armée s’installa sur une butte à la lisière des forêts montagneuses, élevant en quelques heures une ville de toiles colorées, de bâtiments ras et compacte. Des palissades, des simulacres de tours de guet, des étables, des porcheries et des bordels, limités par des rondes de calèches et de carrioles, avait donné naissance à un campement éphémère où la pauvreté des putains et des traîne-savates côtoyaient le faste des barons des domaines royaux et de la cour du régent dans une cacochromie criarde.

Aetius, installé au sommet de la motte dans les ruines de ce qui avait dû être un moulin, voire d’un minuscule fortin, se réchauffait les petons en présence de sa cour, qui édictait quelques évidences, comme prévenir le Justiciaire Cléophas de l’arrivée du régent, de l’envoi d’espions, etc. Pages et fourriers, quant à eux, s’échinaient à meubler la pièce de planches et de toile, plaçant les oriflammes, montant la table de commandement, ramenant les rares litières que le voyage avait épargné.
« Toujours pas de nouvelles de Morneblois ? »
« Non, Sire, il semble qu’il a disparu… »
« Ce traître est allé se vendre au vieillard du Lyron ; je ne savais pas ce que j’avais en tête quand j’ai envoyé ce sauvage par devant nos troupes… » Le régent mit son visage dans sa main, qui massa son crâne. Il regrettait tant de choses depuis quelques semaines. Les rébellions d’une noblesse réfractaire, les errances de sa femme, désormais ex-femme, le grondement du peuple. Il avait été habitué, depuis sa jeunesse, à accomplir des exploits avec la plus grande facilité. Depuis le tournoi royal, tout lui avait réussi, et même les Scylléens, connus pour leur soif d’indépendance et leur faim d’intrigues, avaient fini par l’aimer, à force de victoires et de privilèges arrachés aux seigneurs étrangers. Mais il n’était plus à Pharembourg, il n’était plus un simple comte profitant de la faiblesse du pouvoir royal pour s’adonner à quelque tours de force et de prédation. A présent, il était ce pouvoir royal, faible, sans reconnaissance. Que pouvait-il faire, que devait-il faire ? Ecraser les ennemis du jeune Eliam, étendre ses possessions et les sécuriser aux dépens des princes du royaume. Cela semblait être le plus honorable, mais que se passerait-il quand l’enfant deviendrait un homme, quand il serait roi dans son entier ? Alors le comte de Scylla, cet oncle encombrant, serait à sa merci, et la puissance qu’il aurait bâtie au nom de son « bon neveu » se retournerait contre lui.

« Sire, une lettre de la duchesse de Langehack. » La missive interrompit les circonvolutions du régent, qui s’empara du parchemin avec empressement, brisant le sceau sans attendre. Il avait beau mépriser cette jouvencelle qui s’amusait à jouer la duchesse dans sa ville décadente, il aurait tout donné pour une diversion à ses moroses pensées. Dépliant la peau de bête, il commença à lire, au milieu du brouhaha, le message, parcourant d’abord en diagonale ce qui y était dit, puis s’échinant à lire en détail l’objet de celui-ci. Une fois la lecture consommée, il reposa la lettre décachetée et enfonça de nouveau sa tête entre ses mains.

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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeJeu 24 Mai 2012 - 18:14

« Owy ! Owy Messire, owy ! »
C’était une jeune femme à la longue chevelure torsadée et au visage grimé de khôl d’Estrévent qui recevait les coups de reins d’Aetius en cette nuit noire. Ondulant sous le corps humide de son client, elle s’accrochait à son dos musclé, l’agrippait avec ses ongles longues, l’entourait avec ses jambes glissantes comme un boa entoure sa proie, elle semblait diablement heureuse de partager la couche du prince et ses glapissements allaient s’écraser sur les longs murs de la chambre déserte. Enfin… déserte était peut-être un grand mot.

Cette grande pièce – il s’agissait, en temps normal, de la chambrée du sire de Morène, qui l’avait gracieusement offert le temps du séjour de l’Ivrey – était éclairée par une cheminée où flamboyait un foyer de plusieurs bûches incandescentes, et, si on laisse un moment de côté le couple enchevêtré, elle accueillait un jeune page qui remuait de temps en temps le feu ainsi que la silhouette immobile d’un robuste barbu assis dans un coin de la salle, loin du bruit et de la lumière. On vivait rarement seul quand on était à la tête du royaume, cependant, cette promiscuité était presque inexistante par rapport au reste de la forteresse. Depuis l’arrivée des armées du régent, il n’était pas une seule chambre qui n’eut été prise d’assaut. Le taux impressionnant de seigneurs et de chevaliers avait donné lieu, pendant toute la semaine, à une guerre encore plus violente que celle qui se déroulait au dehors des murailles. Et il n’était pas rare, par exemple, qu’un sire retrouva son mobilier dans la basse-cour, au milieu des tentes et des auvents, parce que sa domesticité, en son absence, n’avait pu lutter contre les laquais d’un autre grand, qui s’était ainsi arrogé une pièce digne de son rang – du moins provisoirement. Et même ce dernier, une fois le larcin consommé, cohabitait avec écuyers, chevaliers, pages et chiens, lesquels s’endormaient sur le sol de sa chambre.

Le castel était donc surpeuplé, il retentissait d’une vie bruyante, d’une activité intense. Au côté des bardes et du son des luths, c’était le tambour des sabots et le tonnerre du marteau sur l’enclume. Le bruit et les odeurs envahissaient tout. Mais à présent, on était dans les petites heures de la nuit, et l’Ivrey jouissait du rare privilège de pouvoir pilonner sa putain en silence – exception faite, bien sûr, des cris de celle-ci et du crépitement du feu. Ce dernier enfin se raidit, jouit et tomba sur le dos en poussant un long soupir d’aise.
« Thiégault, apporte-moi du vin, ma mise et maître Gobodas. »

Et le page de s’exécuter sous les yeux de son seigneur, qui se remémorait avec une douce langueur les différents petits événements de la journée. C’est que la semaine avait été chargée : le comte, une fois qu’il eut convaincu le seigneur de Morène qu’offrir son hospitalité, à lui, mais aussi à son armée, était la meilleure solution pour ses terres, se servit incontinent de son château pour lancer de grands raids sur les fiefs des félons. Des hordes de cavaliers s’étaient alors élancés sur les villages, les pâtures, les hameaux et les cultures. Brûlant les fermes, coupant les pommiers et arrachant vignes, ils initiaient le long processus que l’on appelait, dans les milieux fermés du militaire, la politique du « Je brise tout. » A la mode depuis des générations, elle consistait à meurtrir le pays de son ennemi, à violer ses paysannes et castrer ses ribauds, bref, il s’agissait ni plus ni moins qu’une opération de destruction et de pillages structurée et toujours très appréciée parmi la soldatesque. Et les dieux savaient qu’Aetius avait besoin que ses soldats ramènent de bons souvenirs dans les domaines royaux, car sans la fidélité des ostes de son regretté cousin Trystan, il ne faudrait qu’une bouchée aux princes de la Péninsule pour l’expulser d’un trône qu’il ne tenait que fragilement.

« Me voilà, doux seigneur, » c’était Gobodas qui s’en venait. Aetius, pour lui faire bon accueil, remit sa coupe de vin à Tiégault et enfila des braies. « Zyra était-elle à votre convenance ? »
« Comme toujours, mon bon Gob, mais je commence à me lasser de tes dames, peut-être devrais-je m’essayer à quelque chose de plus local : on m’a vanté les Eraciennes, qui sont accueillantes et gratuites, elles… »
« Ah ! Vous connaissez l’expression : « péché payé à moitié pardonné. » Et depuis quelques jours, j’ignore si une seule donzelle du pays peut encore se prétendre saine de toute maladie, contrairement à mes filles. »

Gobodas n’avait pas tort, l’afflux de soldats n’avait guère dû ménager la vertu de la ribaude locale, et Aetius, comme tout bon commandant, avait appris dès son plus jeune âge que s’il fallait craindre une chose d’une campagne militaire, c’était la chaude-pisse. Gobodas le savait, et s’arrangeait pour que ses courtisanes ne traînassent point avec la piétaille, l’hygiène étant une des grandes forces de son commerce. Ce Hautvalois à la calvitie naissante n’était pourtant pas uniquement un abbé*. Il s’agissait d’un marchand fortuné qui avait suivi, comme tant d’autres entrepreneurs, son prince à la guerre, satisfaisant une partie des besoins de la troupe et de la Cour. Venir avec quelques-unes de ses ‘dames’ de Diantra n’était qu’un moyen de s’assurer quelques pièces d’or de plus, ainsi qu’un accès direct auprès du régent. La preuve, il était en compagnie de ce dernier aux heures les plus indues de la nuit, grâce aux apprêts de Zyra.

« As-tu appris pour le nord et le comte d’Arétria ? » s’enquit Aetius, qui avait repris sa coupe et humait les épices qui macéraient dans la boisson cramoisi.
« Si fait, les rumeurs parlent d’une armée forte de cinq mille gens de guerre marchant directement sur Sainte-Berthilde. »
« Ce bandit doit profiter de l’or nain, ou bien pense-t-il en finir avant les moissons… »

En effet l’océan érisien voyait cingler sur ses flots des dizaines de cogues et de caravelles vers la Nanie, et plus précisément du côté de Thanor, ramenant chaque mois des cales remplies de vieux objets des cités naniques. Arétria, au milieu de la voie commerciale, avait dû se tailler sa part, et en profitait maintenant pour se passer des classiques levées de paysans, se payant des troupes de mercenaires. L’Ivrey avait laissé courir du côté de Soltariel. Le duché était tenu par une femme plus occupée des dernières modes que d’égratigner la réputation du régent, et de nombreux accords commerciaux finissaient d’enterrer toutes velléités de conquête du côté du sud. Mais Arétria… c’était une terre frustre, peuplée de brigands faits soldats, une île d’ordre tenue par un seigneur de poigne dans une mer de principautés sans tête. S’il laissait faire le goupil de Rochepont, Aetius pouvait aussi bien envoyer aux Enfers la moitié septentrionale du royaume, car si le Berthilois tombait entre ses griffes, qui se dresserait contre lui quand il prétendrait à la couronne ducale de Serramire ? Personne, et la Rochepont pourrait bien réaliser le projet que les Séraphin et les Kal’Halan avaient fantasmé huit ans plus tôt, l’érection d’un royaume du nord. En comparaison, la rébellion du Lyron avait des airs de comptines pour enfants.

« Réveillez mes clercs, faites-leur savoir que l’ost repartira dans quelques jours. »






*abbé : maquereau
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Léandre d'Erac
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeVen 25 Mai 2012 - 15:36

Le doux pays eracins bruissait des rumeurs venues des quatre coins du royaume. La Péninsule s'agitait comme rarement elle avait eu l'occasion de le faire. Le spectre de la guerre civile semblait d'un coup bien pâle, en comparaison ; car si les troubles d'alors avaient durement marqué les esprits, ce n'était rien comparé avec la mort d'un roi. Les grands princes regardait désormais Diantra d'un œil neuf, alors que la couronne cernait le front d'un pantin. Tout fils de Trystan qu'il était, Eliam n'en restait pas moins un enfant. S'il venait à gouverner — ce que rien n'indiquait, pour l'heure, sinon les belles phrases de l'Ivrey —un jour, ce serait dans de nombreuses années. Peut-être, alors, Diantra ne serait plus qu'un duché parmi tant d'autres. Ce n'était pas là dans l'intention de Léandre, pourtant, que de déposséder l'héritier légitime de la monarchie péninsulaire. S'il était devenu, les années aidant, plus Lyron qu'Erac, il n'en demeurait pas moins fidèle aux serments qu'il avait prêté. Non, ce que voulait le vieil homme, c'était que fût reconnu par le fils de l'Aveugle et son régent ses droits sur la terre de ses ancêtres. Trystan l'Aveugle ne pouvait avoir deux pères et si Charles, son regretté frère, avait fait un temps l'erreur de le reconnaître comme dépositaire légitime de son héritage, la vérité avait fini par éclater. Volonté d'un défunt ou non, Eliam n'avait aucun droit sur Erac.

Quand on avait appelé les nobles à venir prêter serment au Roi, il n'avait pas fait le déplacement et avait préféré levé un ost pour reprendre leurs terres à ceux qui refusaient de le reconnaître comme duc. Six cents hommes d'armes s'étaient lentement aventurés au sud du domaine ducal, tandis que trois cents autres ceinturaient de part en part une terre qui retenait son souffle devant les affres de la guerre ; pas assez pour arrêter qui que ce fut, mais largement suffisant pour garder un œil attentif sur ce qui s'aventurait un peu trop au nord. C'était comme cela que Léandre avait eu vent de l'arrivée d'un ost royal sur ses terres. Sans surprise, le régent avait fait le choix de ne pas regarder du côté de ses fidèles bientôt assiégés mais plutôt du berceau de l'insurrection. Erac tombée, c'était toute la crédibilité du vieillard d'Haren qui chutait avec elle : comment expliquer, sinon, qu'il perdît une cité aux murailles réputées sûres, et ce en quelques semaines seulement ?

Pour autant, le lyron ne s'était pas inquiété. Même avec un milliers d'épées, faire tomber la capitale ducale n'était pas chose aisée. La cité possédait en effet une architecture certes classiques mais résolument défensives et elle n'était pas dénuée d'hommes. La présence, quelques semaines plus tôt, des principaux vassaux du duché avait entraîné un accroissement drastique des hommes d'armes aux alentours. Tous ne s'en étaient d'ailleurs pas retournés chez eux. Cela lui donnait une marge de manœuvre, sinon confortable, acceptable. Au fond, Léandre avait deux solutions : continuer sa reconquête du sud ou contrer le régent. L'ignorer totalement était hors de question, mais réunir une autre armée de taille à le déloger prendrait du temps. Certes, les soldats étaient pour la plupart sur le pied de guerre.

Au final, décision fut prise de battre le rappel des hommes laissés en arrière et de réunir les forces en présence. Il fallut quelques jours d'organisation pour y parvenir, mais quand ce fut fait, Léandre avait vu le nombre de ses hommes augmenter de moitié. Désormais à la tête d'une force comparable à celle de « l'agresseur », il ordonna qu'on portât secours à la belle ville d'Erac et à ses campagnes.
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeMar 5 Juin 2012 - 15:14

La Bataille de Pont-Lamor. Barkios, troisième jour de la deuxième ennéade.


La longue plaine était encore un peu trempée de la veille. Si le ciel d’un bleu glacé était déserté par les nuages, la côte érisienne, plus encore celle du Médian, était trompeuse en cette saison. Les giboulées venaient déranger l’azur et asperger, dans un arc en ciel, la plaine et l’armée. L’ost en marche savourait cette fine bruine qui les lavait du voyage et rafraichissait ce voyage, lent et morne. Le régent, en tête, à l’avant-garde, avait décrété qu’on marcherait en armes. Décision qui fit grogner, d’autant plus que le jeune sire, lui, avait décidé de passer la route sans l’armure de plates qu’il portait en temps de guerre. Affublé d’un haubert caché sous un long tabard smaragdin enrichi de diamants et des créatures de ses armes, il embrassait d’un regard distrait l’herbe grasse, ou jetait les yeux vers le sous-bois qui couvrait la gauche du convoi.

Un cavalier, cependant, vint interrompre la quiétude du seigneur. Sa monture, crottée, le cœur aux lèvres, donnait ses dernières forces dans un triple-galops endiablés, tandis que son maître l’éperonnait sans tendresse. La nouvelle devait être importante – on avait déjà passé Erac-le-Châteaux, et, se dirigeant vers Pont-Lamor, le régent avait décidé d’aller frapper sur les terres ennemis, dans le nord éracin, bien qu’aucun agent n’avait su dire précisément où Léandre et ses hommes se tenait. Voilà qu’il s’approche, s’arrête en tirant violemment sur les rênes et manquant tomber.
« Sire ! Lé-Lé-Lé… »
« Calmez-vous, Ser, calm… »
« Léandre et ses sbires, les voilà face à nous ! »
Ah ! Hein ? Voilà ce que la nouvelle fit comme effet à notre brave sire, qui, voulant en avoir le cœur net, se jeta en avant, bientôt suivi par toute l’avant-garde, et le gros de la troupe qui, excité par les remous de l’avant, commençait à se bringuebaler à l’arrière de leur maître. La cavalcade s’ensuivit, et de la plaine morne, humide, presque boueuse, s’éleva le vacarme de mille braves au galop. On laissa tout, on cria l’arrivée de Léandre au dessus du vacarme subit qui avait recouvré les cohortes et les lances. Tous fonçaient sus, mangeant les arpents de sentier transformés en gadoue. La forêt, à leur gauche, altérée par la vitesse de la chevauchées, semblaient courir à reculons, les troncs glissant dans la direction inverse des mille soldats.

Mais bientôt, à la horde d’arbres noirs, une clairière fit place. Coupée en son milieu par une lourde rivière où un vieux pont de pierre, autrefois parasité d’un châtelet que la guerre avait métamorphosé en ruines, l’enjambait étroitement. On devait pouvoir passer une carriole de front, et à peine ! La voie, longtemps délaissée à cause des taxes de passage qu’exerçait le seigneur local, et concurrencées par les multiples guets qui, le printemps et l’hiver, permettaient aux marchands un passage plus dangereux mais gratuit, se réduisait à une bande de terre. Aussi le pont était fort modeste, mais en face, de l’autre côté de la clairière, c’était, semblait-il, tous les vassaux et chevaliers de Léandre, le seigneur d’Haren, qui s’ébranlaient en sa direction.
« Ah ! » s’écria Aetius, qui ne savait s’il devait être indigné par la négligence de ses agents ou heureux d’enfin pouvoir croiser le fer contre l’Usurpateur. « Ah ! », donc : « Le voici enfin, le chien des Lyrons. » Et comme l’armée ennemie, comme la sienne, semblait découvrir au détour des bois ses forces et lui en tête, il ne dit plus rien et regarda les plus valeureux de Léandre foncer sus au pont, pour le tenir et le dépasser. A cette vue, le sang du prince ne fit qu’un tour. Dans le tumulte inerte, sous le chant des clairons et des cors, l’anarchie totale de ses hommes, il chargea. Ce pont, qu’on appelait Pont-Lamor, ce pont sans importance en temps normal, était devenu l’objet de ses désirs les plus violents et, fonçant vers lui, ignorant les flèches éparses et rares qui tombaient devant lui, se dit qu’il mourrait plutôt que le laisser au vieux Léandre, le faux-duc d’Erac.

Ragaillardi par cette charge insensée, les chevaliers royaux crièrent avant de le rejoindre dans sa course. C’était des dizaines de prud’hommes qui se couraient droit dessus, lances au poing, brillant sous le soleil de Barkios. De simples ombres, les chevaliers en harnois blanc et en cotte de maille devinrent des silhouettes, puis des hommes, enfin, des géants bardés d’acier. Le choc eut lieu au milieu du pont, les lances se brisèrent contre les écus ou les os, les chevaux, nés pour la guerre, se bousculaient et se mordaient, tandis qu’on avait déjà sorti les glaives pour venger les premiers tombés, dont les dernières lamentations excitaient la haine des deux côtés.
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Armand de Sacrepon
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeMar 5 Juin 2012 - 16:45

Dans la quiète humidité qui suivait les giboulées locales, Armand se trouvait à la tête de la colonne en compagnie du bon Aetius. Il avait avec lui une dizaine de chevaliers scylléens qui avaient depuis peu troqué les couleurs du comté pour celles de la couronne. Ceux-là étaient des braves à la hardie pilosité faciale, et dont la fougue n'était plus à démontrer. Il y avait notamment parmi ceux-ci le digne chevalier Delamuerte, un humaniste raffiné versé dans les arts de la perforation et du démembrement de ses semblables ; mais aussi le rude Hidalgo Manchetta dont l'accent méridional -délicieux- était aussi prononcé que les angles de sa redoutable musculature. Ces deux-là ainsi qu'Armand bavardaient avec une légèreté de bon aloi au sujet des subtilités du combat à la dague -car ils n'avaient de noble que le sang- quand une estafette époumonée vint à les trouver. Là commençait donc la guerre ! Avec cette vivacité caractéristique des combattants d'expérience, Aetius prit l'initiative de prendre le pont jeté par-dessus les flots impétueux de la rivière, gonflés par les intempéries du printemps.

Les braves ruèrent. Une cavalcade digne de chansons les mena tout droit sur leur piètre ennemi - un fort parti d'ivrognes et d'égorgeurs qu'un ironique hasard avait pourvu de harnois. Les compagnons hurlaient des "Haro" et d'autres railleries dans leur sabir natal, qu'Armand ne saisissait pas dans ses subtilités mais dont il devinait la teneur générale : l'ennemi n'avait qu'à bien se tenir, il avait affaire à de vrais durs.

Le tonnerre des eaux se mêlait à celui des combats, produisant un chaos qui abrutissait les esprits et mettait à rude épreuve les nerfs des combattants. Très vite, le choc initial céda la place à une mêlée violente et désordonnée, enchevêtrement de cris tout à fait atroces, de bruits d'os brisés et broyés, du grincement des corselets éventrés, des panaches surets de sueur et de sang, des défécations puissantes des morts, qui délestaient ce qui leur restait d'ame de tout superflu. Armand baguenaudait dans ce tableau sanglant et incompréhensible comme un brochet dans son lac, fondant sur ses victimes gesticulantes dans une danse à laquelle nul homme sensé ne souhaiterait participer.

Sa rapière sifflait dans les défauts des armures et abreuvait sa gouttière avec bien plus que sa part. Notre sème-la-mort se trouva malgré ses talents indéniables en fort mauvaise posture. Un fier-à-bras d'une audace démesurée fit voler son sinistre aiguillon et manqua de trancher net la tête si bien faite d'Armand. Par chance, le coup fut dévié par Delamuerte et le malebretteur put trancher les pattes du foireux. Se relevant avec la souplesse d'un guépard, Armando sut faire preuve de sa reconnaissance en étripant littéralement trois fâcheux comme ils profitaient du dos tourné de Delamuerte. C'était cela que la guerre : la franche camaraderie, l'amusement simple, la bonté et l'altruisme. Là s'épanouissait le professionnalisme rigoureux de tout un chacun.

Crotté comme un âne, dégouttant de sang des culottes au chapeau, Armand avait pris les traits d'un ange de la mort juché sur un amoncellement de corps méconnaissables, loins de l'humanité à laquelle pouvaient prétendre leur propriétaire avant de faire connaissance avec notre spadassin. Ivre des charmes suspects de la bataille, Armand poussa un cri galvanisant "FOUDREE PANTOUFLE" et s'enfonça de plus belle dans la mêlée. Mu par une colère surréaliste et pourvu de sa carrure avantageuse, le malebretteur rudoyait de ses coups d'épaule aussi bien les chevaux que les hommes, broyait les membres de ses mains, perçait les plates les plus épaisses sans effort apparent.

Fasciné et charmé à la fois par le spectacle de son maître en action, Aetius avait quelque peu abaissé sa garde. Si bien qu'un géant -un autre !- en armure noire au mufle fumant et aux yeux noirs amorçait un redoutable coup de masse à l'attention du régent, et tout cela à son insu. Ni une ni deux, Armand employa tout son talent pour filer comme une mouette vers le ladre démesuré. Sans ménagement, il darda le monstre à l'aisselle. Ce coup fut si violent qu'il fendit le bougre. En bienfaiteur désintéressé, Armand bondit sur un autre adversaire avant même que ne lui parviennent les quelques remerciement que méritait son intervention providentielle.

Après quelques minutes de combat acharné, le pont était si chargé de dépouilles que certaines tombaient dans la rivière en nombre, et que les autres étaient systématiquement piétinées par les hommes d'armes des deux camps.
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Farren de Lockrive
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeJeu 7 Juin 2012 - 14:55

Morne paysage… D’aussi loin que sa mémoire, cet espèce de tombeau vide, le lui permettait, il n’avait pas vu si triste plaine. On avançait lentement. Si les premières escarmouches dans les villages, les razzias, le sang et la sueur, avaient calmé l’appétit des Rivois, ils s’étaient déjà vu frustrés par le peu de liberté qu’on osait bien leur donner. Ce sont des Eracins. Des Eracins ! Comme si l’argument avait une quelconque valeur. Voila qu’on ne pouvait piller, tuer et détruire que les félons au Lyron, et encore, avec parcimonie.

Farren sentait bien ses quelques hommes s’impatienter. Après tout, ce n’était pas leur guerre. Mais bientôt de nouvelles directives furent données. Il fallait se rassembler. On chuchotait parmi la soldatesque que le cuistre Régent s’entendait à régler le problème eracien prestement. L’affaire fût décidée en peu de temps, il fallait défaire le jeune gourmand et protéger la citée-mère de ce peuple du médian. Alléchés par la perspective du combat, les barbares de Rive s’étaient assagis quelque peu.

On avançait lentement… Si la pluie n’était pas rare en Rive, on avait apprécié l’accalmie de cette journée, permettant aux tissus de sécher un peu. Chevauchant parmi ses hommes, deux centaines d’hommes gaillards aux casques affublés de cornes et aux tatouages bleutés, Farren respirait paisiblement, engouffrant l’air frais au plus profond de son torse avec une certaine jouissance. A ses cotés Guéric, fils de Thénédor d’Alrhelm, seigneur du fief éponyme, semblait tout affairé à l’admiration de ce groupement de gens d’arme. Le garçon, plus qu’un homme, avait tout juste l’âge de porter l’armure, mais on le disait farouche combattant. Alrhelm l’avait dépêché auprès de Farren bien vite, gage de sa fidélité toute acquise au nouveau suzerain du Pays de Rive. Cette jubilation du garçon face aux scintillements de l’armée en marche rappelait à Farren l’étincelle brillante qu’il avait vue dans les yeux d’enfants face aux prouesses d’un spectacle de saltimbanques. Il dessina un mince sourire à cette pensée.

Enfin, on arriva aux environs de Pont-Lamor. En tant que troupe auxiliaire au Lyron, la cohorte rivoise s’était vue placé en bonne position, juste à l’arrière de l’avant-garde. Troupes éclectiques de porteurs de haches, d’épéistes ou encore de cavaliers, l’armée rivoise tranchait par son originalité vestimentaire autant que par sa totale désorganisation. Le diantrais habitué aux cottes de mailles et aux hauberts d’acier aurait eu tôt fait de pousser un juron de surprise à la vue de ces alcides tout en poils et en vulgarité. Parmi ces gens encore, une dizaine de bizarreries se baladaient. Armés qui d’une épée ou d’un fameux fauchon rivois, ils n’avaient pour seule armure qu’un casque se révélant être des crânes de cerfs ou autre sangliers, et d’un pagne pour seul vêtement. Le corps recouvert d’étrange peinture rougeâtre, ils déambulaient mollement, comme hagards. Pourtant personne n’osait les déranger, on s’écartait à leur passage, mêlant crainte et respect dans le regard. C’est hommes, on les appelait Tarerij, les furies. Prêtres mystique du Dieu Sanglier Raqnem, dieu de la force et de la bataille, ces êtres vouaient leur existence au combat. Drogué par diverses potions, en transe perpétuelle et d’une bêtise sans nom, ces hommes à moitié fous ne se révélaient n’être que d’une piètre utilité en temps de paix, pourtant il était toujours respectés en Rive, malgré l’avancé du temps, malgré l’ouverture au monde. Les tarerij étaient intouchables.

Approchant de la rivière, la troupe se mit à s’affoler. Déjà, au loin, approchait l’armée ennemie. Si Léandre savait que les hommes d’Aetius étaient aux portes de Pont-Lamor, il s’était bien gardé de le communiquer au jeune Farren. Plus le temps aux doutes. On chargeait déjà. Si le premier choc fût lourd, il aurait pût être bien pire mais le vieux lyron n’avait pas voulu placer les rivois en première ligne, malgré la réputation bien enracinée dans le coin à propos des sacrées charges pédestre du peuple des falaises. Voila donc la guerre. Malgré l’étroitesse du champ de bataille, les guerriers de Farren s’en sortaient mieux que ceux du vieil homme, peut être plus habitués à se battre dans le chaos le plus totale. Leur seigneur n’était pas en reste. La hache à la main, il découpait gorges et articulations, avec une rage stupéfiante. Alors qu’il s’apprêtait à abréger une vie d’un mouvement ascendant, il, par une malchance héritée d’une autre vie peut-être, trébucha sur l’un de ces cadavres anonymes qui jonchaient le sol. Offrant un dos vulnérable à quelconque pointe d’acier traitre, il ne dût sa survie qu’à la ruée sauvage de Guéric qui planqua littéralement l’assaillant, trop heureux d’une cible facile, au sol. Farren se releva alors péniblement, s’extirpant du sac de cordes que représentaient tous ces cadavres et vint rapidement achever d’un coup d’hache dans le museau le malheureux diantrais. Le jeune seigneur était déjà poisseux de sueur et de sang.

Pour sûr c’était bien la guerre…
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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeMar 19 Juin 2012 - 16:06

« Foudrée Pantoufle ! »
Le hurlement retentit au milieu de l’embardée, bientôt avalée par le crissement du fer et des râles. Le pont n’était plus qu’un indescriptible capharnaüm où des hommes se battaient sur des monceaux de chair, de cuir et d’acier. Un chevalier diantrais était compressé contre la rambarde, une fragile volée de balustres de pierre qui ployait sous le poids des combattants. Sur sa gauche, c’était un cheval qui ruait dans les brancards, rendu fou par la douleur. L’encolure ensanglantée de morsures d’épées, il cabrait comme un diable, hennissant tout son soûl, piétinant les malheureux qui avaient eu la déveine de se trouver à côté.

Aetius lui avait perdu son destrier il y avait bien longtemps. Au moins une minute qu’il barbotait avec le reste des braves, dans la cohue. Robert d’Orfe, la brute d’Erac et premiers parmi l’assaut, avait planté sa dague à rouelle dans le col du cheval de guerre sans crier gare, tuant sur le champ l’animal, qui s’écroula presque sur son maître. La riposte à un acte aussi ignoble ne se fit pas attendre, et après trois passes, Robert avait fini à l’eau, emporté par le courant et son armure, laissant la place à Aetius et son imposant espadon. Je serais telle une tornade d’acier s’était-il dit alors qu’il passait son épée en main et demi, mais après trois passes, il abandonna l’encombrant outil pour se résoudre au combat de chat.

Car c’était une foire d’empoigne, sur ce pont-là ! Les cohortes de chevaliers et de soldats, échauffés par le spectacle, se pressaient contre l’ennemi, si bien qu’une immense foule encombrait le chemin de pierre. Le chaos, total, avait donc offert ses faveurs à la dague, aux poings. Il n’était plus question de rançon, ou de belles actions. Les pointes glaciales s’enfonçaient entre les défauts d’armure, on s’agrippait, s’y mettait à plusieurs. C’était comme le festin des miséricordes !

Derrière, il n’y avait pas que la chevalerie qui voulait apporter sa pierre à l’édifice. La piétaille et gens de trait avaient finalement afflué. Collé aux berges, l’archer faisait chanter la corde dans une grande cacophonie. On s’échangeait flèches et dondaines avec munificence, s’interrompait parfois pour se recompter et regarder du côté du pont, avant de faire pleuvoir une nouvelle volée. Voilà dans quel enfer Aetius se trouvait. Les tripes retournées par l’odeur de sueur et de sang ainsi que l’effort, il essayait d’aspirer à grande goulée l’air empuanti à travers son heaume cabossé. Mais à peine eut-il repris ses esprits qu’un géant d’acier vint lui chercher noise, sa longue masse brandie vers le ciel. Les coups plurent contre Aetius et sa dague et le régent finit la tête vers l’eau, incapable de rien y faire. Ca y est… Le chevalier noir leva une dernière fois son arme avant de… se diviser en deux. Sorcellerie ?! Non, le Malebretteur ! Ce dernier disparaissait déjà vers le feu de l’action, comme si de rien n’était. Je te noierai sous des jarres d’or, Sacrepon ! se promit Aetius avant de repartir à l’assaut des Eracins toujours moins nombreux.
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Armand de Sacrepon
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeMer 20 Juin 2012 - 13:37

La mêlée fut fort heureusement aussi rude que brève. Armand, alors qu'il gâtait la rivière d'une dépouille en lambeaux de plus, jeta un coup d'oeil roué à la furieuse algarade et ce qu'il vit le réjouit. Les impétueux diantrais encore vierges des sévices du combat affluaient en remplacement de leurs camarades morts, galvanisés par la bravoure maladroite mais tout à fait ébaudissante du jeune Aetius, tandis que la mort clairsemait avec célérité les rangs Eraciens, que rien ne venait combler. En effet, à quelques toises de là, à l'embouchure du pont ensanglanté, la troupaille médiocre renâclait à l'empoignade.

"Los pourotins sé débinent ! " s'exclama Delamuerte "SOUS ! SOUS ! "


Quelques braves -sans doute les double-soldes et des sergents- ahanaient pourtant des exhortations dans leur langage déplorable, sans succès malheureusement, puisque la rapière d'Armand éprouvait de plus en plus de difficultés à étancher sa soif. Seuls quelques brutes bardées de cuir et de poils avaient encore le culot de se dresser -rien moins que bravement- face à la hargne des diantrais, flanqués d'une poignée d'eraciens trop pris par le combat pour remarquer la lâcheté de leurs congénères. Le pont, bientôt, aurait l'heur de se trouver sous la propriété du régent.

Enhardis par la tournure des évènements, un fort parti de sicaires suderons poussèrent d'affreux cri de guerre tout en consonnes roulées. Cette compagnie bigarrée à grands chapeaux et à moustaches prit la ferme résolution de poursuivre les fuyards plutôt que de s'esquinter face aux taureaux rivois. Armand à leur tête, ils se frayèrent un passage vers l'autre côté de pont par le ministères de sévères chiquenaudes et d'estoc. L'arrière garde adverse débanda définitivement face à cette ultime charge. Les inflexibles spadassins coururent alors comme des diables vers les compagnies de coquins isolées, comme des renards dans un immense et trempé -Armand estima que bien deux galons d'urines constituèrent l'oeuvre de la terreur - poulailler.

La curée allait bon train et laissait intervenir les cruautés, les mesquineries et les petites écarts habituels. On pissait à grand foison sur les mort sans le sou et arrachait les dents en or à grands renforts de bottes et de gantelets d'aciers, on croquait les oreilles ornées de boucles un peu précieuses, on coupait les membres et les cous munis de bracelets. Derrière eux, les compagnons d'Armand ne laissaient que bouillie purpurine et giclées de pulpe sanieuse. Ils furent ainsi suivis à la trace par ceux qui, dans les rangs, se trouvaient être plus brigands que combattants et se détournaient des dernières rixes.

C'était là un beau ménage ! Les derniers rivois se trouvaient acculés sur le pont, les restes chagrins de l'ost eraciens s'égayaient dans les bois environnants et s'y faisaient proprement suriner par des écorcheurs de tout poil. Loin des cris et des hosannas féroces des soldats, le ciel se parait d'orange et de rose, le fond de l'air se rafraîchissait et coulait sous le pourpoint englué du malebretteur. Apaisé par le jour tombant et la brise qui montait entre les branches, celui-ci s'accorda un repos bien mérité au pied d'un chêne. Dressé comme un paon, les mains posées sur son épée, la silhouette d'Armand semblait être celle d'une statue de roi ancien découpée sur le disque sublime, flamboyant, du soleil couchant.
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeJeu 28 Juin 2012 - 18:34

Alors que le ciel demeurait d’un azur grisâtre, il semblait que le temps virait à l’orage pour l’ost eracien. Bien trop pris par la découpe en règle des quelques fous qui osaient s’approcher de trop près, Farren n’avait pas vu la défaite esquisser son regard torve. Avant tout, il fallait survivre.

Il découpait les chairs et brisait les casques avec rage et fureur, développant un tourbillon de cadavres autour de son endroit. Il fallait le reconnaitre, la mort peinait à s’imprimer sur ces satanés diantrais. Leurs lames fines et leurs petites dagues, s’il elles ne se payaient pas d’une virile allure, jouaient en revanche d’efficacité dans cette mêlée étriquée.
Du coin de l’œil, le tout juste seigneur observa alors un spectacle des plus sanglants. Un de ces fous de Tarerij menait une macabre danse dont il avait le secret. Plus léger et plus rapide, il fondait sur l’ennemi, ne craignant pas l’acier malveillant ni son nombre. Sautant, chargeant, roulant même au sol, toujours emplit d’une fureur mystique, la bête fait homme ne cessait de faire pleuvoir le sang, peinturlurant son corps du liquide vital de ses victimes, au nom de son dieu. A cette vision, le courage revint et la fatigue disparut. Empoignant un bouclier qui jonchait le sol, il s’élança vers un groupe de suderons, les faisant plier sous son poids. Le jeu de quille à peine achevé, le voila qui s’échinait à en finir rapidement, séparant les têtes de leur propriétaire au sol. L’heure n’était pas au combat régulier. Mais alors, qu’il affrontait un coriace adversaire, son œil fût de nouveau attiré vers une furie rivoise. La forcené venait d’abattre un molosse largement battit lorsqu’une traitre lame vint lui perforé le dos. Sans armure ni protection, le pauvre ne pouvait espérer une fin heureuse. Observant hébété par le voile de la mort, le bout de métal qui sortait de son thorax, il poussa un cri de rage qui fait trembler son bourreau. Bien vite pourtant une deuxième lame vint taire à jamais l’animal, tranchant net sa gorge. Dans sa chute, la chair pantelante du guerrier avait fait pousser un cri de stupeur au meurtrier. Il semblait encore que l’âme du valeureux tarerij voulait s’arracher au corps devenu inutile pour poursuivre le combat.

Le nombre des diantrais ne semblait pas décroitre. Pire encore, il augmentait. Bientôt submergé par le flot de ces assaillants du Sud, Farren ne put que céder, reculant au point de se voir encerclé. A ses côtés, il eut le mince plaisir de retrouver Guéric d’Alrhelm, ainsi que quelques-uns de ses gens. S’ils faisaient tomber un diantrais, trois autres venaient l’y remplacer. Farren plongea alors son regard vers la terre d’où il put voir les maigres troupes eraciennes se disperser.

« Le chien ! », cracha-t-il alors, entre ses dents.

Les couards du Lyron l’avaient abandonné. Le combat semblait perdu. Toujours armé de son bouclier, Farren et sa troupe ne pouvaient que tenir à distance les loups de diantra. Le corbeau de Rive n’était plus qu’un charbon d’où ne brillait plus aucune braise.
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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeVen 29 Juin 2012 - 9:39

« Ah ! »

Loin derrière la cohue, non loin du Train de l’armée lyrone, c’étaient les auxiliaires qui s’étaient permis de s’effacer. En ordre, ils avaient doucement commencé une retraite discrète, prétextant quelque embuscade ou mission de reconnaissance. Les auxiliaires furent bientôt suivis par des soldats, voire des chevaliers. Que faisait le duc Léandre ? Son inaction rongeait le courage de ses hommes, qui murmuraient que c’était le régent, sur le pont parmi ses tueurs, mais qu’il n’y avait nul duc d’Erac… Cette versatilité, cette pusillanimité avait finit par avoir raison de l’ost rebelle. Désorganisés, les soldats étaient parfois le public, parfois le spectacle. On n’allait parfois voir de plus près le pont, voire tenter de participer, mais on ne savait trop quoi faire. Alors on réfléchissait, on s’imaginait les issues du combat, sur le courroux du régent s’il gagnait, sur la gloire dont ils se couvriraient s’il échouait.

Et pendant que l’on disputait, l’assaut redoublait, et lorsque les troupes du bon vieillard virent leurs arrières se clairsemer et les coups ennemis se multipliaient, elles s’en vinrent à crier où était leur seigneur. « Où est Lyron ? » « Où est le duc ? » Il était non loin, coincé sur la pente d’une colline, à l’orée d’un sous-bois dominant les alentours et, notamment, le champ de bataille. Mais il était mal vu, voire pas du tout, et les soldats finirent par écouter les voix qui criait que leur chef était mort, ou qu’il fuyait avec les bagages, comme un voleur. Ces rumeurs se diffusaient vite, et si quelqu’un avait montré un peu de poigne, ou si Léandre s’était rendu auprès des siens pour faire savoir sa bonne santé, tout cela n’aura pas pris de telles proportions. Mais, hélas ! on ne doit pas sous-estimer l’imagination débordante d’une armée au feu, et Pont-Lamor illustrait fort bien cet adage. Par petits groupes, puis par bandes et, enfin, par troupes entières, la soldatesque refluaient du côté des bagages, délaissant leur résistance acharnée, offrant au régent et à ses braves quelques pas de ce pont si âprement disputé, et qui semblait revenir au roi Eliam, vrai duc d’Erac.
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Armand de Sacrepon
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeSam 7 Juil 2012 - 21:30

L'on fit grande fête aux abords des bagages de l'ennemi. Toutes les richesses et les innocents encore vierges de déprédations n'y attendaient que quelques hommes d'armes délicats pour prendre part au combat. Les troupes les plus indisciplinées du régent se ruèrent ainsi sur les chariots, les enfants et les femmes en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Tels des singes hurlants autour d'un panier de fruits, ils semaient la panique et la désolation en bondissant de trésors en trésors. Néanmoins, l'infect Lyron se trouvait toujours être introuvable.

Aux abords du pont, une scène autrement plus digne se déroulait. Les rivois à présent cernés de cadavres s'entêtaient toujours à résister stupidement. Les plus robustes d'entre eux moulinaient à s'en rompre les bras dans un espace vide compris entre eux et quelques reîtres diantrais très circonspects quand à l'attitude à adopter. Une bête au pied du mur n'est elle pas la plus dangereuse des créatures ? Pour les tirer de leur réflexion, Aetius s'en vint avec à ses côtés Armand. Ce-dernier s'avisa des derniers évènements d'un coup d'oeil expert et, sans même que ne soit prononcé un ordre, alla au-devant des sauvages en sueur. A l'approche d'Armand, ceux-ci, non pas pris de peur mais soudain écrasés par l'inéluctabilité de leur destin funeste, résolurent de rendre les armes. C'est ainsi que l'on assista au spectacle stupéfiant d'hommes immenses, charpentés comme des taureaux, tout en muscles et en cicatrices, déambuler soumis au milieu d'une foule de suderons trapus et bruns, qui semblaient de petits singes hargneux par comparaison.

Sa tâche accomplie, Armand s'en retourna.

Absorbé à nouveau par la contemplation des étendues boiseuses du terroir eracien, il fut vite rejoint par un Aetius en quête de conseils. Le brave bougre, assommé par le poids des responsabilités, s'en remettait toujours à son maître d'armes pour aborder les problèmes les plus délicats. En compagnie de quelques autres officiers, ils conversèrent longuement jusqu'à la nuit. Quand ils furent décidés, le ciel était piqueté d'étoiles rouges du sang versé et la terre exhalait des parfums moites.

" - Le lyron a déguerpi ! avait dit Aetius mais dans la terreur la gouape a si bien rudoyé sa bête qu'elle a laissé une piste évidente
- Adoncques l'lyron s'en va dans eul'terrier, laisons le y ! s'était prononcé le seigneur de Roum, un vieillard rustique qui sans doute avait fait ses lettres déplorables en Brande
- JE NE SOUFFRIRAI PAS QUE PAREIL COUARD EN RECHAPPE s'était emporté Armand qui, n'écoutant que son coeur, ne souffrait pas que pareil couard en réchappe. Un feu sacré le faisait se mouvoir et parler à présent, ainsi que des fils d'argent animant un pantin chryséléphantin.

Ces mots abrégèrent la conversation, et ni une ni deux, les conjurés rejoignirent la troupe avec vivacité et hargne. Bien résolus à faire étêter le lyron, ils rassemblèrent un conséquent parti de preux, d'arbalétriers, de sergents. Bran des bagages ! Foin de fardeau ! Sus au lyron ! Éperonnant à en débiter leurs chevaux, les poursuivants du duc filèrent dans la nuit grise comme des loups. La lune mordorée et immense jetait sur eux un feu terrifiant, transformait leurs visages en ceux de diables funestueux, éclaboussait leurs armes de reflets fantasmagoriques. Leur galop frénétique les menait droit sur le refuge médiocre de leur victime qu'était le châtelet de Fiel-Bois où, disait-on, le pleutre et une bande de rustauds s'étaient barricadés dans la crainte de la fureur royale. L'entreprise consistait à donner l'assaut à la place, en passer au fil de l'épée tous ses occupants et mettre la main sur son maître.

Bien des massacres étaient perpétrés sous la bannière du jeune roi.
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeLun 16 Juil 2012 - 20:40

Malgré les apparences, la défaite de l’usurpateur n’avait pas été si lourde que ça. Si des centaines de cadavres gisaient sur Pont-Lamor et dans son ru, et s’il se trouvait parmi eux un fort parti léandrien, le gros de ses forces était parvenu à faire retraite dans le plus grand ordre, sauvant les grands qui suivaient le faux duc, la plupart du bagage et, enfin, le clan de Lyron dans son entier. Beaucoup, certes, s’étaient égaillés dans les bois voisins, mais la battue dans laquelle s’étaient lancé plusieurs bandes de soldats du roi n’arrangeait guère Aetius, qui se retrouvait avec un bon quart de son armée perdu dans les bois noirs d’Eraçon.

Le comte ne pouvait cependant pas les blâmer. Lui-même vivait une petite difficulté également. Le bon prince avait reçu tant d’horions que son heaume, d’excellente facture pourtant, s’était déformé sous le choc des coups. Un large sillon venait partager le heaume en son centre, et si l’impact de la hache qui avait laissé cette vilaine arabesque n’avait sûrement pas cassé l’arête du nez, il était clair qu’on n’arriverait pas à arracher le casque sans les narines de Son Altesse. Aussi, quand on fut assuré que le problème était insoluble, on décida de passer à la scie. Aetius, donc, n’était pas impatient de repartir sur l’heure, et était même parfaitement heureux d’avoir le confort d’être opéré ailleurs que dans une charrette sur la route.
Il regrettera bien vite sa préférence pour une position statique. Car si celle-ci lui évitait un coup de scie, elle ne le prévenait nullement de la grogne d’après-bataille. Ce furent d’abord deux hommes qui vinrent se présenter sous le heaume d’Aetius pour régler une querelle portant sur la capture d’un certain Guéric. D’autres le visitèrent, plaidant leur cause sur le rythme des va-et-vient crissant de la scie du chirurgien. Des prêtres, rouges et blancs notamment, voulaient savoir à quelle divinité il dédierait cette victoire – d’importants revenus revenaient souvent au culte du dieu dédicacé –, mais la plupart des disputes tournaient autour des rançons, qui avaient été bien peu nombreuses. Seigneurs et soldats, inquiétés par la faiblesse de Léandre, craignaient que cette bataille ne soit la seule et l’unique de toute la guerre (la défaite signifiait bien souvent l’ouverture de négociations, pour une trêve ou une réconciliation à l’avantage du vainqueur). Aussi les prisonniers de marque étaient rares et convoités.

A mesure que les affaires de rançons se succédaient, le prince put se faire une idée des adversaires qu’ils avaient affrontés. Des pauvres Rivois, auxiliaires farouches mais dérangeants car indisciplinés et sanguins, et des jeunes chevaliers, des tournoyeurs, des cadets voire un ou deux petits bannerets – des guerriers qui, s’ils l’avaient emporté, y auraient gagné un nom et une petite fortune, sans craindre, en cas de défaite, de perdre autre chose que la vie. Léandre s’était donc débarrassé des troupes les moins faciles à tenir, offrant à son adversaire une victoire peu rentable. Et en conséquence, capitaines et nobles seigneurs avaient défilé devant leur suzerain pour fustiger la rébellion et le prier d’écraser une bonne fois pour toute Léandre et les prisonniers en puissance qui lui servaient de cour.
La cupidité ou la frustration de n’avoir pu assouvir celle-ci étaient si fortes que les hommes finirent par se réunir en un grand parti belliciste réclamant qu’on ne perde plus de temps et qu’on donne la chasse au duc.

*

Ce qui suivit ne fut pas un siège dans les règles. Chevaliers et dragons du régent avaient délaissé le bagage pour courir les chemins, à la recherche d’un raccourci pour atteindre au plus vite Fiel-Bois, où l’on disait le duc retranché. Le spectacle était formidable, et les paysans pouvaient voir sur les collines effilées de l’arrière-pays éracin, les silhouettes de dizaines de cavaliers glissant sur les sommets, fantômes muets et noirs sous l’éclat mourant d’un soleil crépusculaire. Les formes avaient envahi les environs, filant à la queue leu leu, s’arrêtant parfois pour se réunir et discuter sur le chemin à prendre ou dire qu’on avait vu le régent tout en bas, sur la route principale.

Ce dernier avait vite cédé sur la stratégie à tenir. On lui avait tant répété que le duc était à ses pieds, mûr pour recevoir le coup de grâce, qu’il avait fini par penser que faire montre de prudence dans cette affaire relevait de la couardise. Il espérait secrètement l’emporter aisément sur son premier adversaire, afin que les Diantrais le craignent à défaut de l’aimer. Il voulait aussi s’assurer de l’affection que lui portaient les dieux, et que son divorce, triste reconnaissance de la colère divine, avait sérieusement rongé. Voilà ce que signifiait cette guerre pour lui : il s’agissait de son premier grand acte en tant que régent, l’incipit qui définirait la réputation qu’il aurait auprès des princes de la Péninsule comme de ses peuples.

Ainsi, lorsqu’il arriva devant Fiel-Bois, le prince du sang balaya les conseils prudents de ses gens avec agacement et favorisa les entreprises les plus folles. Les capitaines, les arbalétriers, les chevaliers, tous avaient leur théorie pour forcer sans coup férir l’entrée au châtelet. La bâtisse, une garçonnière honorée d’un minuscule donjon, ne tiendrait pas longtemps. Les armées du Lyron, arrivées trop tôt et surprises par la vitesse à laquelle les sbires du régent apparurent, n’eurent guère le temps de fortifier son enceinte, déjà fort basse. Le duc, semblait-il, avait dû avoir dans l’intention d’utiliser Fiel-Bois comme point de ralliement temporaire, afin de rassembler ses hommes dispersés dans la campagne et lancer une contre-attaque audacieuse. Mais hélas, la victoire de Pont-Lamor avaient rendu les royalistes intrépides, et si on leur avait laissé quelques heures de plus, nul doute que l’assaut de Fiel-Bois eut pris une toute autre tournure.

La cohue, était pourtant présente dans chacun des camps. Les chevaliers ducaux, furieux d’avoir ainsi été pris en chasse, lancèrent une sortie sous les harangues des plus jeunes, qui criaient vengeance. Aux créneaux, les gens de trait faisaient chanter la corde de leur arbalète avant de se rabattre derrière le créneau pour éviter les dondaines adverses. Tout autour de ces algarades éparses et spontanées, des petits partis s’en allaient expérimenter les défenses du châtelet, si bien qu’une douzaine d’hommes peu à cheval sur l’hygiène avaient même remonté les boyaux des latrines avant de se jeter, en hommes-excréments, sur la garnison qui tenait les remparts. D’autres, plus proprets – ou moins pieux – avaient tenté leur chance en escaladant la petite chapelle du châtelet, qui, avec ses beaux vitraux, offrait le moins de résistance. Le combat continua ainsi, chaotique. Encore ici, le combat de chat régnait en roi. Incapables de tenir une ligne, les deux camps s’étripaient joyeusement loin des portes. La chapelle était le théâtre d’une lutte acharnée entre des écuyers du Lyron et les envahisseurs, tandis que les hommes-excréments refluaient dans leurs latrines, repoussés par les archers de l’enceinte. Ajoutez à cela les attaques sur les poternes, les escalades des murailles aux moellons irréguliers, et vous avez un aperçu parlant du chaos qui avait pris cette bataille, qui tenait, d’ailleurs, plus d’un enchaînement de massacres et de coups de mains que d’un assaut digne de ce nom.
L’armée royale eut bientôt raison de la garnison, et lorsque les portes de Fiel-Bois s’ouvrirent devant Aetius, Léandre et les siens s’étaient dans le donjon, qu’une poignée d’hommes gardaient.
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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeLun 30 Juil 2012 - 1:53

Barkios, dernier jour de la deuxième ennéade.

La brise emportait les volutes bleutées qui s’échappaient de la longue pipe sertie de diamants.
On était à présent à la Ferté-Gislain, un solide donjon planté à quelques heures de marche d’Haren, la forteresse du Lyron et cœur de la petite rébellion léandrienne. Autrefois l’oppidum d’une clairière encerclée par les bois denses de l’Eraçon, la Ferté-Gislain avait été le berceau des essaimages générationnels de la paysannerie locale qui, à mesure qu’elle croissait, réduisait à l’état de cendres les friches alentours, divisait les arpents de forêts mortes et commençait à malmener les nouveaux terroirs pour croître encore, jusqu’au prochain essartage, à la prochaine guerre, famine, épidémie ou apparition d’un nécromancien décidé à réduire la populace locale à l’état d’esclaves morts-vivants – le cas arrive plus souvent qu’on se l’imagine.
C’était donc un beau et solide donjon, celui de la Ferté-Gislain. Grosse masse circulaire s’élevant vers les cieux divins comme une menace phallique dressée ad vitam eternam à l’adresse de Néera l’Effarouchée, il était d’une facture moderne et efficace. Les créneaux avaient été ciselés en une ceinture de mâchicoulis, tandis qu’une épaisse courtine reliait le donjon au reste du castel. Le tout placé sur une colline naturelle et escarpée, encerclé par des fosses aussi profondes que le cul d’Arcam. La bâtisse était impressionnante, et l’homme qui n’aurait pas été découragé à sa vue aurait eu à vivre un siège difficile, fait de frustrations et de beaucoup de deuils. C’était sûrement cela le plus ironique de l’histoire.
Car ce donjon, léandrien avant la défaite de Fiel-Boys, appartenait à Heckart Erdmann, un châtelain de médiocre importance. L’homme avait suivi, comme ses fils, Léandre dans son grand appel du ban et de l’arrière ban, appel censé réunir un parti assez fort pour défaire Aetius et ses hommes. Hélas, la double défaite des Léandriens les avait frappés en plein cœur. La plupart des seigneurs rebelles étaient maintenant morts ou prisonniers du régent, et tous, pour sûr, négocieraient leur rachat contre l’échange préalable de forteresses, remises au duc-baillistre en gage de bonne foi. Quand on avait donc proposé à Heckart son amnistie, il s’était rué sur l’offre, et depuis, il jouait à l’hôte auprès de la Cour, pendant que ses anciens compagnons croupissaient dans ses fosses et ses catacombes.
Tous ses anciens compagnons ? Non. Ceux qui importaient étaient au sommet du donjon, en présence du duc-baillistre, Aetius d’Ivrey. Le temps n’étant pas assez mauvais pour dissuader le premier prince du sang de s’enfermer à l’intérieur de la grande tour, il avait campé une long voile blanc ainsi que des tapis et des chaises. Une petite estrade où étaient installés Aetius et son trône surplombait donc l’assemblée de rebelles qui étaient venus, un à un, faire vœu d’allégeance et prêter l’hommage au roi par le truchement du comte de Scylla. Ils se retiraient à présent sous ses yeux, retournant dans leurs chambres dans l’attente des coûts du pardon royal. Beaucoup seraient libérés contre des otages et chargés de récolter leurs rançons ; ceux-là auraient ainsi le déshonneur de remettre aux agents du roi les châteaux de leur famille, l’or de leurs gens ou encore leur fierté, leur troupeau de chevaux éraciens.
Bien sûr, ce goût amer de défaite donnera envie à certains de cracher sur les promesses faites, aussi Aetius devrait-il laisser, en plus des loyalistes, une partie de ses hommes, le Justiciaire n’ayant jamais stationné de soldats dans les châteaux d’Eliam. Aetius ressassait d’ailleurs la disparition subite du baron de Merval lorsqu’on lui fit parvenir une missive qui portait ses chiffres.

Spoiler:

Le Justiciaire avait fini par faire parler de lui, et Aetius fut un peu apaisé. L’homme fit certes montre de pingrerie pour s’occuper de sa fonction sans force armée autre que locale, et d’une certaine inconstance quant à cette même fonction, mais au moins fournissait-il des renseignements. Alors comme ça le comte d’Arétria était passé aux choses sérieuses…
D’autres lettres, du Langecin cette fois-ci venaient apporter d’autres nouvelles. De simples politesses pour la duchesse de Langehack, ou alarmantes pour celle qui venait de l’habile Hubert. Il décrivait les troubles qui avaient embrasé d’un coup la Brande comme Scylla. Il avouait avoir échappé de peu à quelqu’assassinat en se faisant passer pour un autre, et avoir entendu parler de la destruction de Pharembourg par un dragon – il avait disparu de la cité comtale depuis un moment. L’air d’insécurité aurait poussé les jalousies patriciennes au point qu’on se tuait au port et même dans les balmes. Finalement, Hubert le rassurait et disait prendre, avec la permission gracieuse de Son Altesse, les mesures fermes. Pendant longtemps les gens de Scylla avaient cru pouvoir s’imposer contre la volonté de leur comté, et depuis une dizaine d’années, chaque homme à qui avait échu le pouvoir sur ce pays avait un jour été éprouvé par une confrontation de ce type. L’habile Hubert concluait en disant qu’il fallait être ferme et conseillait une série d’instructions à Aetius, qui les lut avec avidité.
C’est qu’il s’ennuyait un peu, notre régent. A cause de ses pertes (il avait perdu près d’une centaine de chevaliers à Pont-Lamor, et une compagnie entière était tombée entre Lamor et Fiel-Boys), et de l’absence de troupes du Justiciaire, il s’était résigné à attendre son frère et lancer un appel au rassemblement dans les terres de l’Eraçon. Un bon moyen de distinguer les jusqu’au-boutistes des plus modérés. Il attendait également des nouvelles de ce Rivois bizarre qu’il avait relâché avec ces gens ; ce dernier, chargé de s’emparer des places-fortes qui se tenaient entre le régent et le Berthildois, par la ruse et la trahison, n’avait pas encore donné de nouvelles. Si celui-ci décidait de trahir le roi une seconde fois…
« Lucas, j’ai envie de chasser. Prépare ce qu’il faudra et mon cheval pour demain, au petit matin. »
« Ah oui, aussi. Qu’on lève cinq mille hommes dans les Etats de mon bon neveu, des Christabellains, surtout, arrangez-vous avec le Miroir, c’est une urgence. »
Il dicta encore des ordres et des lettres. Une à Manolesti, une autre à Hubert, une, enfin, à la duchesse de Langehack. Lorsqu'il en eut fini avec l'épistolaire, il demanda du vin et qu'on amène Léandre, sans ses fers.




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MessageSujet: Re: Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren   Où l'on s'en vient guerroyer en acontre du vieillard d'Haren I_icon_minitimeLun 30 Juil 2012 - 18:10

Il n’avait jamais vu ça…Pour Gaël, fils de Périck, petit marchand dans la citée aux fers de Nefir, la bagarre, il s’y connaissait. Depuis sa prime jeunesse, il avait toujours été d’un naturel violent, toujours prêt à envoyer son poing contre les nez. C’était donc bien naturellement qu’il avait fait parti des volontaires pour botter du cul suderon. Hélas, il n’avait jamais vu ça. Alors que la bataille semblait aller bon train, alors que le nombre leur était favorable… Ils avaient perdu… Par la traitrise de couards du Lyron. Et les voici à présent enfermés, désarmés, humiliés, dans ces parcs de bois bon à contenir des chevaux. D’aussi loin que sa mémoire le lui permettait, il n’avait que les chants guerriers en tête, les récits d’épiques batailles, de gloire, d’honneur. La vérité de la guerre ne lui laissait qu’un goût âpre en bouche, derrière celui du sang et de la poussière.

La situation n’était pas pour plaire au regard de Farren. Battu pour la première fois depuis sa conquête rivoise, il ne savait plus vraiment quoi faire. Voila donc à quoi ressemblait le Régent, un loup comme les autres dont les yeux brillaient d’avidités. Pourtant de sa démarche et de sa voix ne transparaissait pas du bagout typique de ces gens du Sud, ce qui n’avait pas manqué d’intriguer un Farren fatigué par les combats. Contraint et soumis par la force des choses, Farren n’avait pu que prêter allégeance à un enfant absent, petit pantin couronné d’or. Les ordres ne tardèrent pas à être aboyés, révélant derrière les premiers sourires les crocs gloutons des diantrais. Erac devait être reprise, quels qu’en soit les moyens.
Les journées qui suivirent n’avaient qu’un goût fade… Relâchés, voila les rivois qui marchaient le long des chemins vers le Nord. Un honneur venait d’être pris et c’est abattus, que les guerriers des falaises avançaient vers leur patrie. Mais avant…

Le choix avait été rude. On lui demandait de trahir ses croyances, de trahir la voie des anciens… Mais l’humiliation était telle. Le vieillard avait fuit, le vieillard les avait abandonné le premier. Ce n’était que juste vengeance. Dent pour dent, œil pour œil. Si des rivois avaient péri sur un pont de pierre, la faute en revenait au Lyron, il devait payer le prix des âmes, le prix du sang versé. Aussi, bien que la volonté de ces barbares allait dans le sens du régent, bien qu’aux yeux du monde l’acte criait « trahison », les hommes de Farren allèrent réduire en cendres quelques châteaux autrefois alliés. Ne laissant derrière eux que désolation. Maigre tribut pour chaque rivois tombé.

Ainsi, le visage peint par la boue d’Erac et le sang de ses habitants, les épaules affaissés sous le poids de la honte et de la fatigue, la main serrant sans force la poignée d’une de ces haches typiques de Rive, Farren contemplait le champ de mort qui l’entourait. Là des corps de femmes, d’enfants, de vieillards s’ajoutaient aux cadavres des soldats. Au loin, derrière la douce mélodie des flammes, le jappement alarmé d’un cabot retentissait, accompagnant l’arrivée lente d’un croissant de lune jaunâtre. Devant ses yeux, des corbeaux aussi noirs que la nuit se disputaient la chair d’un cadavre.
A ses côtés, Guéric n’avait plus ce scintillement d’enfant accroché à l’iris. Seuls deux yeux aussi froid que le ciel d’Erac perçaient son visage. La guerre avait déjà laissé sa trace. Indélébile et sale, elle avait remplacé ses espoirs, ses illusions. Etait-il devenu un homme ? Farren expira profondément. Enfin, après un long moment de silence, il lança enfin…

« Nous rentrons. »
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