[Autel] En quête de réponses [Alia]

Quelques heures auparavant, Alia était encore en compagnie de Lenwë, devisant devant et dans la cathédrale, faisant simplement connaissance. Après son départ, Alia s'était retirée dans les profondeurs de l'imposante bâtisse afin de méditer sur tout ce qui venait de se passait, essayant de mettre un peu d'ordre dans toutes les nouvelles questions qui se bousculaient dans sa tête, lui donnant un début de migraine. L'accueillant avec bonheur, elle continua à se triturer les méninges, essayant en vain de tout mettre en ordre. Depuis combien de temps n'avait-elle pas été malade? Souffrante? Elle avait beau fouillé dans sa mémoire, elle ne se rappelait pas avoir jamais eu le moindre petit rhume de sa vie. Alors, une migraine... C'était délicieux. A ne voir jamais son corps souffrir sous les affres de la maladie, elle en venait à se demander si elle était réellement vivante. Mais que serait-elle d'autres, si ce n'était pas le cas? Cette question était sans intérêt, car elle connaissant la réponse. Elle vivait la réponse.

S'attelant à mettre ses idées en ordre, et à définir un éventuel plan d'action, les cloches de la cathédrale sonnèrent, annonçant bruyamment l'heure et la sortant de ses pensées. S'étirant, afin de détendre ses muscles endoloris par l'inaction, Alia décida qu'un peu de mouvement et d'air frais lui feraient du bien. Rester immobile à ruminer ne l'amènerait pas plus loin aujourd'hui. Il lui fallait quelque chose d'inattendu pour pouvoir avancer.

De retour dans la nef de la cathédrale, elle se balada sans but, dans l'ombre rassurante du bâtiment. Le silence régnait, les fidèles étant peu nombreux à cette heure-ci de la journée. Etait-ce à cause de la forte affluence qu'elle remarque l'homme, son regard attiré par sa silhouette comme l'aiguille d'une boussole l'est par le nord? Ou était-ce à cause de sa démarche un peu pesante et de son air émerveillé, comme si c'était la première fois qu'il mettait les pieds ici? Certainement tout à la fois. Le suivant discrètement, elle le regarda s'asseoir sur un banc, vers les premiers rangs. Il semblait écrasé par la majesté des lieux, bien qu'Alia soupçonnait également une autre raison. Il avait l'air... abattu, comme à bout de force, ballotté de partout par des puissances le dépassant.

Et puis... Il se mit à pleurer. Il fallut quelque temps à la prêtresse pour remarquer cette attitude, les larmes coulant silencieusement sur les joues du visiteur. Et si Alia avait jamais décidé de s'intéresser à lui, cette réaction totalement décalée dans ce lieu acheva de la convaincre : cet homme n'était certainement pas banal et il titillait sa curiosité. Après Lenwë, voilà que le destin mettait sur sa route une autre personne, un autre homme. Qu'allait-il se passer cette fois? Alia s'approcha doucement, un mélange d'appréhension et d'excitation accompagnant ses pas.

Doucement, avec précaution, elle s'assit derrière l'homme, un petit peu en décalé, de sorte qu'en se retournant, il pourrait la voir sans aucun problème. Après un temps qu'elle estima suffisamment long, elle murmura doucement, d'une voix apaisante :
"Cet endroit à beau être d'une beauté sans égal, je me doute que ce n'est pas à cause de sa splendeur que les larmes baignent tes joues. En ce jour ensoleillé, béni par les Dieux, qu'est-ce qui peut donc bien assombrir ainsi ton âme ?"
Comme toujours lorsqu'elle posait une question, l'on pouvait entendre comme un écho à peine perceptible, chantant doucement : Ne t'inquiète pas, si tu ne veux pas me répondre, je m'en irais sans plus poser de questions.

Soudain consciente que, parler à une étrangère n'était peut-être pas très bien vu, Alia ajouta un peu précipitamment, comme si elle redoutait que l'homme se lève et quitte le silence tranquille de la cathédrale, sans rien dire :
"Parle sans crainte, je suis Alia, Haute Prêtresse de Néera."
Ce nom lui dirait-il quelque chose? Mais surtout, chasserait-il ses éventuels doutes, lui permettant d'ouvrir son coeur à la prêtresse? Alia l'espérait grandement.

Sans s'impatienter, Alia attendit une quelconque réaction de l'homme. Il s'était retourné dès qu'elle avait prononcé ses quelques paroles mais, depuis ce moment, il n'avait pas eu d'autres réactions. Etait-il en train de réfléchir à ce qu'il allait dire? Hésitait-il sur la conduite à adopter? Ou alors, essayait-il, rien qu'en la regardant, de voir si l'on pouvait se fier à elle? Alia n'en savait rien, et cela lui était indifférent. Détournant pudiquement les yeux lorsque l'homme essuya ses larmes, elle supporta sans montrer aucun signe de malaise son inspection : elle sentait ses yeux la détailler, mais cela aussi lui était indifférent. Qu'il la regarde autant que cela lui plaise ! Il ne serait pas long à remarquer son étrange apparence, figée dans le temps, et plus vite il saurait à quel sorte d'être il avait affaire, plus vite ce moment désagréable serait passé.

Les mains sagement posées sur ses cuisses, un sourire engageant relevant légèrement le coin de ses lèvres, Alia patientait, perdue dans ses réflexions, attendant que l'homme se décide enfin à réagir. Elle avait eu le temps de le détailler également mais, si son physique révélait quelque chose sur sa personnalité, Alia était bien incapable de dire en quoi. L'homme possédait un physique agréable, pour autant qu'elle pouvait en juger dans la pénombre, des traits fins et délicats, qu'elle n'aurait cru appartenir qu'aux elfes. Oui, cet homme possédait un physique avenant, tout en douceur : mais c'était bien la seule chose qu'Alia pouvait deviner à son sujet. Tout le reste n'était que suppositions et, ayant remarqué il y a bien longtemps qu'elle n'était pas très douée à ce genre de jeu, elle n'essaya pas de deviner quel genre d'homme il pouvait être.

Enfin, alors qu'Alia se décidait à laisser l'homme tranquille et à quitter sa place, il sembla prendre une décision, car sa voix s'éleva dans le silence de la cathédrale. Apparemment, il avait décidé de faire confiance à la jeune femme, et Alia en fut heureuse. Son sourire n'en fut que plus chaleureux et, avec un petit signe de tête, encouragea l'homme à parler sans crainte ni réserve.

La surprise se peignit fugitivement sur ses traits, lorsque l'homme, Eldis, annonça qu'il venait d'un village elfe. Une telle chose était-elle possible? Un humain élevé par des elfes? Alia n'avait jamais entendu parlé d'un tel précédent mais, après tout, cela ne lui paraissait pas être d'une originalité hors du commun. Il devait y avoir bon nombre d'humains élevés par des elfes, et inversement. Il faudrait qu'elle se renseigne sur de telles pratiques, si elles étaient courantes, comme elle le supposait, ou non. Cela l'intriguait au plus au point : peut-être Lenwë pourrait-il la renseigner? Oui, elle lui demanderait la prochaine qu'ils se verraient.

S'ils se reverraient, ajouta une petite voix mélancolique dans sa tête. Mais Alia chassa ces pensées. Elle ne voulait pas voir son humeur s'assombrir à cause de suppositions qui, peut-être, ne se vérifieraient jamais. Il tait bien inutile de se morfondre à l'avance sur des choses qui n'arriveraient peut-être jamais.

Ecoutant attentivement les états d'âme d'Eldis, elle se sentit gagné par l'appréhension. Que devait-elle faire? Toute cette tristesse émanant de cet homme ! Comment faire pour l'apaiser? Comment faire pour le réconforter? C'était une chose nouvelle pour la prêtresse, elle qui n'avait jamais eu à réconforter quelqu'un, et à soulager les peines d'un ami. Comment devait-on s'y prendre? A deux doigts de se laisser submergée par l'incertitude et la peur, elle essaya de garder pied, cherchant vainement quelque chose à répondre. Toutes les formules qui s'agençaient dans sa tête sonnaient faux, paraissaient vides de sens et d'intérêt. Que devait-elle faire? Jamais elle ne s'était sentie dans un tel désarroi, complètement impuissante, ignorant comment réagir. A cet instant, elle aurait donné n'importe quoi pour que Néera lui vienne en aide mais la Déesse s'obstinait à rester silencieuse, ne lui apportant aucune aide. Il lui faudrait supporter seule cette épreuve.

Réprimant une petite grimace, Alia s'entendit répondre, d'une voix hésitante :
"Je suis certaine que ces terribles épreuves se dressent sur votre chemin pour une raison bien précise et que la souffrance n'est que le premier pas sur le chemin menant à cette paix, à cette sérénité que vous avez perdues. Sans nul doute que, quels que soient les tours que vous joue le Destin, derrière se cache une leçon qu'il vous faudra découvrir et apprendre."
Mordillant sa lèvre inférieure, Alia se sentit gagnée par le désespoir. Que venait-elle de dire? Ses paroles résonnaient encore dans sa tête et, alors qu'au début elles lui avaient parut d'une sagesse étonnante, à mesure qu'elles résonnaient encore et encore, tel un écho persistant, elles perdaient tout leur sens, se révélaient complètement vides. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de raconter pareilles sottises?

Ravalant les larmes qui lui montaient aux yeux, elle déglutit difficilement et, tout en posant une main fraîche sur le bras de l'homme, elle ajouta, la voix serrée par le désespoir :
"Quelles que soient ces épreuves, j'espère de tout coeur que vous les vaincrez. Et que votre esprit retrouvera la paix qu'il mérite."
Encore des paroles vides de sens, sans aucun intérêt. Qu'est-ce qui lui prenait de raconter de telles stupidités? Esquissant une vague ébauche de sourire, Alia rajouta, toujours aussi désemparée :
"Sachez que, si je puis vous apporter mon aide, d'une quelconque manière, je le ferais avec joie."
Mais pouvait-elle seulement l'aider, elle qui ne savait même pas de quoi retournait les problèmes d'Eldis? Elle qui était tout bonnement incapable de ne pas plonger, minute après minute, dans un pétrin dont il semblait de plus en plus difficile de sortir?



[Désolée pour cette réponse vraiment nulle --']

[lol, on fait un concours de post nul. Attention, je pense que je vais gagner avec celui-ci ^^]

Alia ne put s'empêcher de faire un petit bon en arrière lorsqu'Eldis se redressa de toute sa hauteur et commença à crier, ses paroles se répercutant sur les parois de la cathédrale, et s'amplifiant à en devenir désagréable. Sa première réaction fut de partir en courant, fuyant cet étrange être plein de colère et de rancoeur. Jamais encore Alia n'avait été confronté à tant d'amertume provenant d'un seul homme, et cela lui donnait une peur bleue. Tremblante, se faisant la plus petite possible, la prêtresse posa un regard tétanisé sur l'homme. Elle se l'imaginait en train de la frapper, afin que ses paroles rentrent mieux dans sa petite tête. Mais, fort heureusement, la tempête se calme d'elle-même et, autant qu'elle put en juger, Eldis avait l'air aussi sonné qu'elle. Apparemment, ces accès d'humeur n’étaient pas une habitude chez lui. Maigre consolation pour la jeune femme, qui tremblait encore de tous ses membres.

Au moins, cet accès de rage avait eu le mérite de lui montrer sous un jour nouveau la situation. Et, si c'était possible, cette nouvelle compréhension accrut la honte qu'elle ressentait. Qu'elle avait du paraître sotte, avec ses paroles bienveillantes et totalement creuses ! Elle s'en voulait affreusement, d'avoir pu déblatérer de telles inepties, juste pour se montrer gentille et compréhensive. Elle s'était plantée pitoyablement sur toute la ligne. Encore une fois, elle avait perdue une occasion de se taire : il lui faudrait encore combien de gaffes de ce genre avant qu'elle comprenne enfin que discuter avec le commun des mortels étaient tout simplement hors de sa portée ? Une bouffée de tristesse l'envahit mais, comme toujours, elle la repoussa avec fermeté : ce n'était vraiment pas le moment de se laisser aller, et de jouer les êtres faibles. Aussi étonnant que cela pouvait paraître, Alia sentait bien que ce pauvre homme avait besoin d'elle, même si elle était d'une maladresse inimaginable. Ce n'était pas en pleurnichant qu'elle apaiserait les souffrances de cet inconnu. Il lui fallait faire un effort. Elle n'avait pas le choix.

A mesure que l'homme se confiait à elle, certainement involontairement et sous le coup de la colère, Alia fut frappée par la ressemblance de leurs existences. Il y avait un parallèle évident et, à mesure que l'homme racontait son histoire, Alia ne put que se réjouir que le Destin ait mis cet homme sur son chemin. Personne d'autre qu'elle, elle en était persuadée, ne pourrait l'aider mieux que quiconque. Toute excitée, telle l'enfant dont elle avait encore l'apparence, elle fit part de son étrange découverte à Eldis, espérant sincèrement qu'il partage sa folle espérance.
"Aussi fou que cela puisse paraître, je commence à entrevoir une explication à tous les malheurs qui semblent s'accumuler sur votre chemin, ces derniers temps. Je ne prétends pas qu'ils sont les bienvenues et que, sans eux, jamais nous ne nous serions rencontrés mais... Si vous devez vous raccrocher à une explication, aussi maigre soit-elle raccrochez vous à celle-ci. Car je comprends désormais pourquoi nous nous sommes rencontrés, pourquoi la Providence vous a conduit sur mon chemin."
A mesure qu'elle parlait, sa voix se faisait plus assurée, plus exaltée également. Elle sembla retrouver un semblant de paix, et de confiance. Ses yeux brillaient d'une excitation non feinte, et son sourire était tout bonnement éblouissant.

Pleinement emportée par ses paroles, elle se leva à son tour et, dans un accès de sympathie, prit les mains d'Eldis dans les siennes, les serrant fortement, mais néanmoins avec une certaine retenue. Les paroles n'en finissaient plus de sortir de sa bouche, se bousculant pour franchir ses lèvres le plus vite possible. Il lui fallait toute la maîtrise qu'elle avait accumulé ces dernières années pour ne pas bafouiller et pour rester compréhensible, malgré le débit impressionnant de ses paroles :
"Oui, voyez-vous, je suis comme vous. Différente, certes, mais identique à vous. Je suis certaine, et ne le niez pas, que vous me prenez pour une jeune fille, et que vous vous demandez par ailleurs comment une adolescente a pu accéder à un poste aussi élevé dans la hiérarchie cléricale. Vous n'avez pas tort mais, vous n'avez pas raison. Car mon apparence est trompeuse, vous en êtes la preuve vivante. Je n'ai pas dix-huit ans, je n'en ai même pas vingt, comme mon corps le laisserait supposer. Non, j'ai trente et un ans, je les ai fêté il y a maintenant quelques semaines. Et pourtant, je ne suis pas comme les autres humains. Mon corps ne vieillit pas, le temps ne semble laisser aucune empreinte dessus. J'ai la même apparence que lorsque j'avais vingt ans, je n'ai jamais changé depuis. Regardez-moi bien, cher Eldis ! Car, si je suis comme ça, je serais prête à parier ma vie que d'autres peuvent l'être également. Ne serait-ce pas une parade géniale à votre problème? Vieillissant, tout comme moi, bien moins rapidement que les humains ! Peut-être n'atteindrais-je jamais l'extrême longévité de vos parents elfes, néanmoins, je suis certaine que ma longévité restera exceptionnelle pour une humaine. Ne serait-ce pas exceptionnel si nous pouvions, par n'importe quel moyen, faire de vous un être semblable à moi? Ne trouvez-vous pas que c'est une bonne idée ?"

Enfin, Alia arrêta de parler. Oh, elle aurait bien continué pendant des heures encore, parlant, rabâchant les mêmes choses, encore et toujours, toute excitée qu'elle était ! Mais le souffle venait à lui manquer, et sa bouche était sèche d'avoir autant parler. Elle était à bout de force, et ne pourrait pas parler avant de longues secondes. Cherchant à reprendre son souffle, elle plongea son regard bleuté dans les yeux d'Eldis, cherchant une approbation, ou au contraire, une quelconque révolte contre cette idée totalement farfelue.

A mesure que les secondes filaient, silencieuse, l'excitation retomba et, avec elle, le doute commença à pointer son nez. Son discours, qui lui avait parut si plein de bon sens lorsqu'elle l'avait débiter, lui apparaissait maintenant avec des failles gigantesques. Tout n'était qu'un gros tissu de mensonges et d'incertitude, enveloppées d'un vain espoir. Comment avait-elle pu affirmer avec tant de véhémence qu'il lui serait possible de rendre une tierce personne aussi immortelle qu'elle ? Mais l'était-elle, déjà ? Elle n'avait pas encore pu apporter de réponse à sa question et voilà que, déjà, elle se proposait pour faire d'Eldis son égal masculin. Quelle folie ! Quelle arrogance cela avait été de prononcer de telles paroles ! Il était néanmoins trop tard pour faire machine arrière : les dés étaient jetés, et plus rien désormais ne serait comme avant.

Il n'y avait néanmoins que deux possibilités, bien distinctes. Soit Eldis rejetait en bloc cette folle idée, et tout s'arrêtait là. Ils se quitteraient en mauvais terme, et la prêtresse se serait fait un ennemi. Regrettable, certes, mais pas insurmontable. Elle savait qu'elle s'en remettrait, même si cela devait être long et douloureux.
Soit, et bien que cette alternative était la plus heureuse, elle faisait atrocement peur à Alia, Eldis faisait confiance à ses propos démesurés et acceptait ce défi insurmontable. Il faudrait alors à Alia recherche, peut-être vainement, les causes de son état. Il lui faudrait révéler le mystère de sa condition, afin de l'apprivoiser et, pourquoi pas, de pouvoir s'en servir afin d'aider Eldis. C'était fou. C'était insensé. Toute cette entreprise était vouée à l'échec. Et pourtant... Malgré ce doute qui subsistait, Alia voyait une once d'espoir au bout de ce tunnel de ténèbres. Oui, il y avait une possibilité, infime !, que cette entreprise soit couronnée de succès. Oui, il n'était pas impossible qu'elle finisse par trouver des réponses à sa condition, et que de celles-ci découle une possibilité d'aider Eldis. Tout était possible. Il suffisait d'y croire assez fort.

Et s'il le fallait, Alia y croirait pour deux.


[ouach la longueur... Et encore, j'ai essayé de faire court. Toutes mes excuses ]

Eldis était épuisé. Son eclat l'avait vidé de ses forces. Il était éreinté, et en même temps soulagé. Il avait exprimé tout ce qui lui pesait sur le coeur, ses appréhensions, ses peurs, son désarroi. Il avait tout sortit. Et maintenant, il se sentait honteux, soulagé, et épuisé. Il se sentait encore plus fatigué que s'il avait combattu une armé de Drow à lui tout seul. Il reprenait son souffle, tandis que les pensées retrouvaient une place cohérente dans son esprit. Il devait changer. Il ne pouvait rester cet être mortel voulant devenir parfait comme un elfe. S'il continuait dans cette voie il se tuerait, ou se rendrait malheureux. Il était fou, et il lui fallait guérir de cette folie.

Il avait effrayé la pauvre prêtresse avec son éclat. Confus, il tentait de trouver des paroles justes pour se faire pardonner, lorsqu'il la sentit, fébrile, gagnée par une excitation soudaine. Eldis l'écouta parler, attentif à ce qu'elle avait découvert. Elle avait apparement découvert la raison de tout cela, la raison pour laquelle il était ici, à Diantra, dans cette cathédrale.

Elle lui prit les mains, et ce geste parut surprenant à Eldis de la part de la jeune femme. Jeune? Au dire de cette dernière elle était plus âgée qu'elle n'y paraissait. Intrigué, Eldis redoubla d'attention, et équarquilla les yeux aux révélations de la Prêtresse. Elle était immortelle? Elle, une humaine? Comment était-ce possible?

Mais le plus surprenant fut la suite. Elle lui proposait de devenir comme elle. Avait-il bien entendu? Devenir immortel? Lui? Etait-ce possible? Pouvait-elle le faire? En grandissant chez les elfes, la mort était devenu la bête noire d'Eldis, un ennemi qu'il ne pouvait vaincre, et qui ferait de la peine à tous ses proches. C'était la raison qui l'avait poussé à quitter son village. Il ne voulait pas mourir. Mais c'était ce qui l'attendait. C'était inévitable. Du moins le pensait-il jusqu'à ce qu'Alia lui propose de palier à ce problème.

C'était incroyable, inconcevable et inespéré. Elle lui offrait une lueur d'espoir dans la nuit.

"Vous êtes sérieuse? Vous pourriez le faire? Me rendre semblable à vous-même? Vous pourriez me rendre immortel? Comment? Comment pourriez-vous faire cela? Seul les dieux ont un tel pouvoir."

Il espérait qu'il se trompait. Il espérait qu'elle puisse l'aider à résoudre son problème. Si jamais ça marchait, il pourrait alors revoir sans crainte sa famille, ses amis... et revoir Révérie aussi. Il ne savait pas s'il l'aimait vraiment, mais si c'était le cas, plus rien ne pouvait s'opposer entre eux deux. La mortalité d'Eldis serait un lointain souvenir et il pourrait vivre avec elle. C'était une perspective si réjouissante. Si seulement ça pouvait marcher...

[je crois que je détiens la palme d'or! Pas réussit à faire plus long, désolé!

Alia aurait sauté de joie lorsqu'elle vit une petite étincelle d'intérêt briller au fond des pupilles d'Eldis. Il la croyait ! Il croyait en ce qu'elle venait de dire ! C'était à peine croyable ! C'était tout simplement inimaginable ! Son sourire s'épanouit encore plus, découvrant deux rangés de dents aussi parfaites que le visage qu'elles éclairaient. Réfrénant son envie de sauter partout, et de crier de joie, elle tritura nerveusement ses mains, n'osant croiser le regard d'Eldis. Le plus difficile restait à faire. Le plus dur restait à dire, ce qui allait peut-être briser prématurément les espoirs du jeune homme.

Cherchant au fond d'elle-même la force d'avouer son ignorance en la matière, et toute son incertitude quand la réussite de cette folle entreprise, Alia leva finalement son regard en direction de la statue trônant au-dessus de l'autel de la cathédrale, essayant d'y puiser le courage nécessaire pour cet aveu terrifiant et ô combien désespérant. Se sentant au bord du précipice, prête à partir en courant d'une seconde à l'autre, fuyant devant l'ampleur gigantesque de la tâche, Alia se jeta à l'eau. Elle n'avait pas le choix. Elle devait le dire, quitte à détruire tous les espoirs naissants d'Eldis. Mentir serait encore plus désastreux.

"Peut-être que seuls les Dieux en ont le pouvoir, murmura-t-elle d'une voix hésitante, comme si elle cherchait ses mots. Certainement même : cette mission me semble bien périlleuse pour être entreprise par un simple mortel. Mais je ne suis pas une simple mortelle, à mon immense regret. Même si cette idée peut vous paraître totalement arrogante, croyez-moi : je ne suis pas simplement Alia, Haute Prêtresse de Néera. Je suis Néera, la Déesse Réincarnée."
Silence. Lourd et pesant, presque dérangeant. Au loin, on entendit les bruits de pas d'un fidèle, venu chercher quelque réconfort dans l'immensité et la solennité de ce lieu.

Incapable de parler plus, trop sonnée par l'ampleur de cette révélation, il fallut quelques instants à Alia avant de pouvoir de nouveau réfléchir normalement. Elle l'avait dit, elle l'avait enfin avoué. La raison de sa condition était enfin révélée. Comment réagirait Eldis ? Comprendrait-il la supercherie ? Comprendrait-il à quel point toute cette entreprise était voué à l'échec ? Non, non, il ne le fallait pas. Il ne fallait pas rester sur cette note négative. Il fallait le réconforter, lui affirmer que tout n'était pas perdu, qu'il y avait quand même de l'espoir. Ce serait la partie la plus difficile. Mais il fallait le faire, ne pas reculer devant cette tâche énorme. Il le fallait. Elle le lui devait.

"Même si cette entreprise me paraît bien vaine, je ne vous le cacherais pas, je suis persuadée qu'il existe un moyen, même s'il me reste obscur pour le moment. Je vous ai promis mon aide : je respecterais ma parole. A partir d'aujourd'hui, j'emploierais tous les moyens à ma disposition afin de trouver un moyen de vous rendre semblable à moi, si ma condition, bien évidemment, est la plus avantageuse pour vous. Je ne trouverais le repos que lorsque, me tenant fièrement devant vous, je vous apporterais une réponse définitive à ce problème épineux. Cela sera un oui, ou cela sera un non. Seul l'Avenir nous le dira. Mais je vous fait la promesse de vous apporter cette réponse, et le plus rapidement qu'il me sera donné de le faire. Je le jure sur ma vie !"
A mesure qu'elle parlait, comme la dernière fois, sa voix se fit plus assurée, et devint de plus en plus forte. C'était avec énergie et résolution qu'elle avait prononcé sa promesse et tout dans son maintient et son regard affirmait que ce n'était pas des paroles en l'air. Quoique cela devrait lui coûter, elle tiendrait sa parole.

Osant enfin poser son regard sur Eldis, elle attendit une quelconque réaction de l’homme. Allait-il protester bruyamment contre cette supercherie, ce mensonge éhonté ? Ou continuerait-il de la croire, malgré l’invraisemblance dont semblait être couvertes ses paroles ? Du fond du cœur, Alia espérait avoir était convaincante.