La réddition du Chien tricéphale [pv Goar]

Charles marchait dans les ruines fumantes d'Amblère. De la ville, il ne restait que des cendres et des cadavres calcinés. Derrière lui, ses chevaliers suivaient, avec la milice et la population. Ces derniers découvrirent qu'il ne restait de leurs demeures que quelques pierres sur le sol, des petits tas de cendres et quelques objets métalliques ayant résisté à la chaleur. La forme tordue par la chaleur témoignait du bûcher géant qui avait frappé ici. Baoht, la malédiction d'Estrévent disait certains, mais d'autres disait que Mogar lui même c'était élancé dans la ville et avait été la voix du courroux du Sanglier Ambleron. Le pais en parlait, et la légende était née. Les clercs la graveraient dans les chroniques, les saltimbanques dans les contes et les ménestrels dans les chants. La troupe en passant découvrit des petites bandes de survivants. Certains avait été isolés dans des quartiers et avaient attendu au milieu de place, relativement à l'abri. Un chevalier parmi eux leur apprit que Norman avait disparu, jetant un ultime regard sur ces hommes, il les avait abandonné en ôtant son armure et en sautant dans le fleuve. Perplexe, Charles espéra que le courant l'avait noyé, il fit ramasser l'armure par ses écuyers. Cela ferait un trophée à ramener à son seigneur, se dit-il. L'homme, victorieux, n'en était pas pour autant ravi. Il voyait en la mort de tant de chevaliers, une terrible tragédie. Tant de brave et honorable hommes, morts par la stupidité de leurs seigneurs. Puisse Tyra elle-même lui faire subir mille tourments dans les flots tumultueux de la Vasme.

Charles accorda à tout les survivants un profond respect, allant même jusqu'à prendre en accolade un chevalier qu'il avait connu plusieurs années avant, "un fier fileul dé sgardie" qu'il dit à ses hommes. Il se montra aussi prolixe en signes amicaux avec tout les hommes qu'il rencontrait. Bien qu'il prit toujours grande prudence avant de s'engager. Ayant fait le tour de la cité, il s'arrêta sur l'ancienne place des halles. Se tournant vers le peuple, il les harangua monté sur son destrier. Il leur promit qu'Amblère serait à nouveau une grande ville, que la valeur des hommes de ce pais traverserait les âges, soit rien qui intéressa réellement le bourgeois. Mais bien plus intéressant, il permit à la population d'user des bois seigneuriaux pour tirer les biens nécessaire à leurs travaux, il réduisit les droits de tonlieu afin que des marchands reviennent dans la ville et il s'engagea à donner des statuts privilégiés à tout hommes qui viendrait s'installer. La ville en ruine, semblait être sur le point de renaître. Il faudrait du temps, mais la cité refleurirait, les champs seraient resemés et la vie continuerait. Il signa avec la population plusieurs chartes, dont une se devait de reconstituer les rangs du guet et des milices. Bien qu'incompétent, ces nouvelles recrues aurait pour compagnons, des vétérans, les survivants au conflit ayant été plus guerriers ces dernières années que paysans.

Il restait cependant encore quelques hommes à l'extérieur des murailles. Et après qu'ont eut réparé le mécanisme des herses, changeant les chaînes ayant été brisés, on souleva finalement les lourdes grilles. Ici l'attendait Hagen de Mizar, l'un des vassaux de feu Norman. Charles approchant sa monture de l'homme suivit par ses chevaliers, le toisa. Il reçut de l'homme le marteau de Norman le Benêt. L'arme viendra rejoindre son armure. S'il ne pouvait lui apporter le corps de son ennemie, Charles présenterait à son cousin Goar, les armes de ce dernier. Fort de symbolisme, l'acte serait être gravé par les chroniqueurs. Charles reçut ses adversaires d'hier, comme des amis d'aujourd'hui. Bien qu'il demanda aux miliciens d'ôter leurs armes, il la laissa aux chevaliers, après qu'ils firent promesse de ne pas sortir épée de leur fourreau. Les chevaliers furent reçurent au château, qui épargné par la bataille, n'avait en rien était endommagé. Ils passèrent encore un jour ici. La populace débutant la reconstruction de la ville, tandis que d'autres qui l'avait fuit au début du siège revenaient, et on vit même des paysans venir s'installer. Leurs tenures et demeures ayant subit les ravages de la guerre. Charles, recruta les plus pauvres d'entre eux ainsi que des artisans pour faire réparer la muraille.

Le lendemain, Charles laissa à son fils aîné, Philippe d'Audenehem, le soin de gérer la ville avec son clerc, tandis qu'il se rendait à Oesgard-La-Cité accompagné des chevaliers. Les siens et ceux l'ayant rejoint. De même qu'Hagen et ses hommes. Il avait laissé aux miliciens de Norman, le choix de repartir (beaucoup venait d'Oesgard) ou de s'installer à Amblère. Une grande partie avait prit la route pour la capitale la veille. La route fut rapide, les chevaliers jetèrent leurs montures sur la route tandis que des éclaireurs ouvraient et fermaient la marche. Ils arrivèrent en milieu de journée à Oesgard-La-Cité. Les cloches tintèrent à l'arrivé de la compagnie et on entendit quelques gardes crier entre eux. La bannière de Charles flottait au vent, mais cela ne suffisait pas à lui ouvrir la porte. Il fallu qu'Arnoul le Meingre, en charge du guet de la ville, vienne lui même vérifier la compagnie avant de permettre qu'on ouvre les portes. Après des embrassades entre les deux hommes, la compagnie se présenta à la citadelle. Goar et ses capitaines, rendirent compte de la guerre et partagèrent un repas dans la salle du trône. On laissa les autres en dehors des débats, mais non point affamés. Quelques heures plus tard, Goar reçut tout à tour les chevaliers. Il les toisa, demandait à son petit clerc, Pierre Auvray, des détails sur la vie du chevalier. Puis, il leurs rendait justice, bien qu'il accorda à la plupart la même chose : il les prenait sous sa protection en échange de leurs serments d’allégeance et de fidélité, sur les reliques sacrés de Saint-Philippus, à sa personne. Puis arriva le tour, d'Hagen de Mizar. Goar resta un moment à le regarder, assis dans son trône de métal, ses deux lévriers à ses pieds. Il ne savait que penser de cet homme.

"Ah pardis, Hagen de Mizar, j'estois assuré qu'on vous tins pour trépassé. Méh, grand este mon déplaisir dé voir qu'il n'en est pas. Toi qui as esté à la dextre de mon ennemie, toi qui as bastailler ma cité, que viens tu faire céans, desvant moi ?! Parle, où je t'envoirois quelques belîtres te chauffer les pattes !", et tout en parlant, il frappa du poing sur la table, la colère lui montait !

Goar, dont la colère l'aurait fait presque attraper son trône pour le projeter sur l'homme s'il n'avait été aussi bien ancré au sol, se ravisa. Le bougre semblait avoir perdu sa fierté dans le bûcher d'Amblère. Le voilà qui se remettait sans plus autre excuse que la flatterie à son adversaire. Oh, l'idée d'en faire un exemple ne déplu pas à Goar. Il retira son poing de la table, essuyant au passage le vin qui s'en était déversé, et fit signe à l'un de ses serviteur de prendre l'arme. Par le sang de ces ancêtres, Goar ne savait que faire. Il se tourna vers le brave Auvray, qui à la mine hagard qu'il présentait, n'en savait pas plus. Oh, voilà que tout ces bon conseillers n'avait pas plus idée de ce qu'il valait faire que lui ! Plus habitué à tuer qu'à rendre justice, il avait besoin d'un avis nouveau. De sang neuf. Il s'avéra que par hasard, un abbé du Monastère de Saint-Hippolyte d'Arfois, de l'ordre des frères ignites était présent. Le frère de l'ordre de Saint-Ignace, patron des voyageurs, ayant quelques demandes à formuler.

-"Approchièz, Frère..."
-"Frère Bartholomeus, m'seigneur", répondit-il en s'inclinant.

L'homme avait une bonne tête. Non pas hideuse et repoussante comme parfois on se représenter ces religieux, ni plus fait d'un esthète se livrant éhontément à la contemplation de son corps, mais une bonne tête ! Approchant la quarantaine à sa tignasse grisonnante, le nez en cul de pie, il en venait presque à toucher le sol par sa longueur. Mais le regard semblait bienveillant et dénué de vice. Voilà qui plut grandement à Goar.

-"Mo dioul sujet, qu'estois ta requeste ?"
-"Seigneur, nous aviammes moult trousbles dè vils roustiers este cottereaux qui s'en arsoit nos champs este s'en fites trépassoit nostres gens."

Goar, se leva, fort indigné de savoir que pareil malandrins, mercenaires et brigands allaient et venaient piller son pays. Et les bougres n'en épargnait pas moins le monastère de Saint-Ignace ! Hérésie, se dit-il ! Ces manants devait en être informé que point on autoriserait pareil action en son ban ! Il se retourna alors vers le Mizar.

-"Ma foué, sieur de Mizar, qu'en diste vous donc de pareil asffaire ?", le questionna t-il.

Goar fit signe à Auvray se s'approcher et lui murmura quelques mots à l'oreille, tout en gardant le regard sur le chevalier de Mizar. Aussitôt, le petit clerc contourna l'assemblée et sortit précipitamment hors de la pièce. Le Baron de l'Amblois alla se rasseoir sur le trône d'acier. La dureté du métal lui allait à merveille. Il avait connu pire couche durant son exilance, et celui-ci s'il n'était pas confortable avait au moins le privilège de surplomber l'assemblée. Il n'était certes pas près de s'en séparer. Le Lion contemplait la cour de chevaliers réunit ici, tous lui ayant prêté serment de fidélité. Enfin, se dit-il, enfin, le voilà accomplit. Il avait dépassé ses pères, et les pères de ces derniers. Il avait hissé la maisonnée des Falkenberg plus haut qu'elle ne l'avait jamais été.

"Frère Bartholomeus, j'ois enstendu ta requeste, este par Saint Ignace, justicement seroit faictes."

S'inclinant, le prête recula de quelques pas, puis se retourna pour quitter la salle. Cette promesse serait tout ce qu'il aurait. Mais Goar tiendrait ses engagements à ses sujets, il serait être le seigneur que cette bonne terre avait besoin. Oh non pas clément, mais juste. Semblant se désintéresser du sort du chevalier de Mizar il caressa le crâne de ses lévriers. Une ombre venait obscurcir son nouveau pouvoir. Cette pensée le fit grimacer. On lui avait dit qu'Hildouin le Long avait investit Essenburg. Oh, certes il avait trouvé ça fort utile de ne pas laisser sa place forte à l'abandon, mais désormais il serait temps de lui rendre ! Un grincement de dents vint accompagner son ire. Le retour d'Auvray, mis un termes à ses pensés. Ce dernier apportait avec lui un parchemin et quelques autres ustensiles. Attrapant le morceau de parchemin, il le parcourut. Cela lui sembla bon, puisqu'il fit signe à Auvray de verser la cire rouge. Attrapant son sceau il l'appliqua laissant le lion de sgardie dans le mélange pourpre.

"Messire de Mizar, je te respitois, ta viage soit longue este faicte loyal. Ci, je te faictes avoués dudict monastère de Saint-Hippolyte d'Arfois, este te faicte mi fidèle este loyal sujects, si tant qu'hommage tu me dois. Tant qu'estois Krahof, je le tenoy ci fief dé droict, va, sois preux este plein deste vertu, je te le rendroy ci de bon este aimable coeur."

Il fit donner la lettre portant son sceau à Mizar, qu'ainsi il puisse le servir avec amour et fidélité. Il aurait à rendre office d'avouerie sur les domaines du monastère, ainsi que de servir Goar en tant que chevalier. Ce dernier le congédia, renvoyant à plus tard dans la journée ces serments de fidélité et hommage. Il fit rédiger une deuxième lettre pour Krahof, et chargea son cousin Guillaume de Courcelle de l'office de prévôt de Krahof, ainsi que la charge d'y aller lever le siège qu'on y faisait. A cette charge, il laissa son petit clerc régler les détails. Préférant délaisser son attention de ces affaires, il se devait d'entendre encore moult de plaignants, ce qui le rendit une fois de plus, de forte mauvaise humeur.