Visite diplomatique

Le soleil était encore haut dans le ciel et le souffle de l'air chaud et sec, lorsque que Garulan de la maison des Riveruin aperçut enfin l'élégante citée de Soltariel. Il avait entendu bien des rumeurs à son sujet et à celui des innombrables dangers qu'elle recelait malgré la richesse apparente qu'elle affichait jusque sur ses murs d'enceinte. Aussi, lorsque la mission lui fut confiée, eut-il obtenu d'office une escorte des plus convenable. Parmi ses compagnons figuraient deux milites (chevaliers), leurs quatre armigeri (écuyers), comme de coutume, cinq sergents (hommes d'arme), revêtus de côte de maille et quatre arbalestriers beltrodois. Cette curieuse compagnie recelait également une dizaine de servientes (serviteurs) et autres pages afin de subvenir à ses besoins.

La ville avait fort bel allure tandis que l'astre lumineux déclinait vers l'horizon et que le crépuscule s'approchait à grands pas. La porte principale n'était plus qu'à quelques encablures quand un garde à cheval se porta à leur rencontre afin de se quérir de leurs motivations. Les temps troubles dans lesquels était plongée la péninsule appelait en effet la plus grande prudence et une bande armée comme la leur pouvait s'avérer fort ennuyeuse une fois franchie l'entrée de la riche citée. S'arrêtant à une cinquantaine de mètres des étrangers, distance de sécurité bien précaire en réalité, mais généralement suffisante face à de potentiels brigands, il entreprit de les questionner sur leurs motivations.

Oh là marauds ! Quel périple vous amène aux portes de ma ville ainsi accompagnés ?

Il convenait de le rassurer et de gagner le plus de temps possible quand à la suite des opérations. La venue de ce sergent était finalement une aubaine à saisir et leur permettrait de passer un certain nombre d'étapes fort déplaisantes une fois livrés à eux-même au sein de la cité tentaculaire. Se détachant seul de sa troupe, Garulan s’approchât de l'homme, éperonnant légèrement son destrier. Son allure seule suffisant à attester de sa noblesse, mais il prit néanmoins le soin de se présenter et de se justifier.

Je suis sire Garulan de Riveruin, ambassadeur du Comté de Velteroc et du Médian. Je requiert audience auprès des conseillers de son Altesse Ducale pour d'urgentes et importantes affaires. Je vous prierais donc de bien vouloir m'accompagner jusqu'aux lieux réservés aux personnalités de mon rang avant qu’audience ne leur soit accordée.

Le sergent soltarien s'approcha encore, afin regarder de plus près le mandat, portant le sceau de Velteroc et stipulant l'exactitude des dire du noble qui lui faisait face. Il ne connaissait pas bien les armoiries péninsulaires d'au-delà de Diantra, mais peu de monde désormais ne pouvait reconnaître de Phoenix de Velteroc, dont le dernier descendant semblait incarner personnellement le symbole.

Bien, tout cela m'a l'air conforme. Suivez-moi.

Joignant le geste à la parole, il fit se retourner sa monture et attendit que la petite troupe se soit rassemblé derrière lui avant de reprendre lentement la route en direction de la glorieuse citée. Arrivés devant la porte, le groupe fit une courte halte, le temps pour le sergent d'informer ses collègues de sa mission nouvelle et des raisons de la venue de tout ce beau monde en ces lieux. Une fois fait, la route fut reprise, en direction, cette fois-ci, du palais Ducal. L'édifice était à la démesure de la richesse des seigneurs qui y résidaient et d'ici, dominaient les mer du monde connu. Rapidement, les gardes furent mis au fait de l'arrivée de nouveaux convives et ces derniers furent accompagnés dans les appartements réservés à l'accueil des personnalités en visite, tandis que les montures étaient emmenées aux écuries. Nul doute que les conseillers ducaux, avertis de la présence des Velteriens, ne tarderaient pas à les recevoir.

Asdrubal laissait son esprit s'accoutumer aux flux de magie. Il essayait de les visualiser, de percevoir à travers eux la réalité de son monde. De les saisir et de les contraindre, de tordre la réalité à travers eux. Il se concentra sur son propre corps, dans le silence il entendait les battements de son cœur comme les pas réguliers d'un majestueux animal. Il percevait ses propres limites, concentra la magie dessus, redirigeant les flux d'air. Il essaya de s'élever, doucement...

Trois coups secs, bref, qui tonnèrent comme l'orage d'été. Asdrubal rouvrit des yeux, injectés de sang, et s'enfonça de quelques centimètres de plus dans son coussin. Il étira ses jambes, se releva et adressa un signe de tête à l'eunuque de garde qui ouvrit alors la porte du bureau, pour révéler l'un des conseillers diplomatiques, un noble qui possédait quelques terres dans le sud du duché et savait se servir du protocole comme d'une arme.

-Excusez moi votre grandeur, on m'a signalé l'arrivée d'un invité imprévu. Envoyé de Velteroc.
-Velteroc... est-ce sensé me dire quelque chose ?
-Il s'agit d'un des domaines du duché d'Erac, au nord de Diantra. Relativement discret ses dernières années. Dois-je amener la délégation à vous ?
-Le comte est-il venus ?
-Non. Simplement un chevalier. Ou un châtelain je ne saurais le dire.
-Alors occupez-vous en, et ne me dérangez pas pour rien désormais.

La porte se referma sans laisser l'occasion au conseiller de répondre. Asdrubal réajusta sa chemise puis se rassit. Après quelques minutes à essayer de retrouver sa concentration, il se releva en fureur, étouffa une injure et gagna l'un des jardins d'ornement en demandant à ce qu'on lui apporte un alcool et un musicien quelconques.

Le gentilhomme de Riveruin avait été conduit dans l'une des ailes du palais ducal, celle que l'on réservait aux visites officielles et aux invités de marque. On l'y installa dans des appartements luxueux, à peine en deçà de ce que possédait la plupart des nobles soltarii. En ces murs l'ostentation était un art de vivre et elle ne souffrait d'aucune exception. La garde, elle, était logé dans les casernements des suivants, bien plus modestes, voir spartiates. Les eunuques du palais étaient ses seuls occupants non renommés pour leur goût du luxe.

On vint le chercher relativement vite pour le conduire sur l'une des terrasses, qui surplombait un des nombreux canaux de la cité. L'on entendait les braillement des conducteurs de barques en contrebas et parfois les mélodies qui s'élevaient de quelque fête. Le conseiller ducal attendait, confortablement installé parmi les coussins d'un sofa. Il se releva à l'arrivée du sir et le salua respectueusement.

-Thero de Briten, conseiller diplomatique de leur grandeur Asdrubal et Margot de Soltariel, salue Galuran de Riveruin, ambassadeur de Velteroc. Je vous en prie, prenez place, finit-il en désignanr un autre divan.

Le conseiller se rassit. Il était d'un âge mur, aux premières aubes de la vieillesse. Son front dégarnis terminait sur de longs cheveux gris, qui ne contenaient guère de traces du noir éclatant qui avait été le leur. Les traits de son visage, encore vifs, se faisaient de plus en plus creux et son regard acéré était le plus souvent orné de cernes parfois inquiétantes. Mais ce petit sourire si fier qu'il arborait en quasi permanence, même face au couple ducal, lui donnait l'air plus vivant que bien des godelureaux du tiers de son âge.

-Le duc et la duchesse ne peuvent vous recevoir pour le moment, et m'ont demandé de venir à vous m'enquérir de l'affaire qui vous amène céans en notre contrée. J'espère que vous ne verrez nulle offense, vous devinez qu'il ne s'agit là que des exigences du pouvoir, plus pressantes dans ces temps si peu banals.

A peine eut-il le temps de savourer les quelques délices proposés en ces lieux de rêves qu'étaient les appartements d'ambassades que déjà, quelque eunuque venait le tirer de sa torpeur afin de l'introduire auprès du conseiller du Duc. Les choses allaient vite en Soltariel, surtout lorsqu'il s'agissait de parler affaires. Les Soltaris avaient cette réputation de flairer l'argent de loin et d'être des experts en combines visant à le récupérer. Le chemin entre les appartements et le lieu des négociations était court, aussi, le châtelain n'eut-il que peu de temps pour se préparer. Mais il maniait le verbe et la pensée comme peu de monde en Velteroc et si le Comte l'avait choisi, c'était parce qu'il savait pouvoir s'appuyer sur ses qualités.

Arrivant sur la terrasse où l'attendait le représentant du Duc, confortablement installé, comme il s'attendait à le trouver. Les lieux, comme tout le reste d'ailleurs sentaient le luxe et la sérénité, si bien qu'un manant s'y serait perdu en contemplation. Ce duché était bien éloigné du médian et du nord, de leurs guerres régulières et de leurs conditions de vies spartiates. Le luxe les avait gagnés et sans doute, avec lui, la mollesse du confort. L'homme qui lui faisait face paraissait bien plus âgé que lui et nul doute n'était permit sur l'état ses capacités réflexives et la finesse de son esprit. L'homme s'était levé à son arrivée afin de salué et le seigneur de Riveruin lui rendit donc la politesse.

Sire Garulan de Riveruin, ambassadeur de sa Grandeur, le Comte Nimmio de Velteroc, par la grâce des cinq et la volonté du Roi , salue Theon de Britene, Conseiller diplomatique du Duché de Soltariel.

S'asseyant à son tour, l'ambassadeur écouta les justifications de son ôte quant-à l'absence de ses maitres. La diplomatie avait ses règles et les excuses de politesses en faisaient partie. Néanmoins, il était évident pour Garulan, qu'il ne rencontrerait le Duc que si les premières étapes des négociations finissaient par éveiller son intérêt et nécessitaient son arbitrage.

Je ne suis point offusqué messire et je comprends fort bien que des missions hautement plus importantes nécessitent les lumières de sa Grâce en ces temps difficiles. Aussi suis-je dors et déjà agréablement surpris par la qualité de votre accueil et la rapidité de cette entrevue. Il sera dit à sa Grandeur le Comte que votre hospitalité a toute les qualités qu'on lui donne et bien plus encore. Mais venons-en à ce qui m'amène devant vous aujourd'hui.

Sur ces mots, il décrocha un rouleau à parchemin de son baudrier, en extirpa le contenu et entreprit de la dérouler devant lui, afin de réexaminer l'ensemble des demandes et propositions qu'il devait formuler en ces lieux afin d'engager les négociations.

Sa Grandeur le Comte Nimmio de Velteroc me mandate, dans le cadre de l'organisation de son expédition des Wandres, afin de sceller, si possible, avec sa Grâce le Duc Asdrubal de Soltariel, un accord réciproquement profitable.

Il fit une courte pause après cette introduction des plus banales lors d'une telle occasion, afin de laisser le temps aux éventuels scribes de se préparer à noter les suites de la conversation. Les deux hommes allaient entrer dans le vif du sujet et le tout était de n'en rater aucune miette. Nul doute cependant que les hommes présents fussent habitués à ce genre de situation, aussi le Seigneur de Riveruin reprit-il sans trop attendre.

Sa Grandeur le Comte Nimmio, entend par ces négociations acter et reconnaitre la domination qui est celle de Soltariel sur les mer péninsulaires et au-delà. Dans ce cadre et dans le cas où un avis favorable serait rendu à ses demandes, il s'engagera à ne jamais concurrencer Soltariel sur les mer et à lui apporter son soutien contre les factions pouvant remettre en cause cet état de fait. De plus, dans le cas où cette expédition accomplirait son objectif, à savoir, la création d'un comptoir commercial sur le territoire des Wandres, sa Grandeur, le Comte Nimmio promet d'accorder le droit de mouillage à tout navire portant pavillon Soltarien sans exiger de droits portuaires autre que les taxes usuelles sur les marchandises éventuellement échangées lors dudit mouillage. Inutile de vous préciser les avantages stratégiques que de telles dispositions accorderaient à votre flottille qui ne trouve actuellement que bien peu de lieux sécurisés pour accoster dans leur périple en direction de la nanie. Au delà de la simple sécurité, se crée également la possibilité de se ravitailler à mi-chemin et ainsi de pouvoir emporter d'avantage de marchandises par navires grâce à la place ainsi économisée sur les vivres. En échange de l'ensemble de ses garanties, sa Grandeur, le Compte Nimmio demande à Soltariel de bien vouloir affréter, pour lui et le bien de son expéditions, dix navires, en capacité de transporter chacun deux cent hommes, ainsi que les équipages nécessaires à leurs manœuvres et les vivres pour l'ensemble des-dits hommes pour une ennéade complète à compter de la réception des-dits navires.

Thero de Briten jaugea l'envoyé de Velteroc. Il avait fort belle allure, était plus jeune que lui mais n'était pas forcément à mésestimer pour autant. Il ressemblait à n'importe quel chevalier mais s'exprimait parfaitement et semblait à l'aise avec le protocole de cour, bien plus que les porteurs d'épées habituels. Il ne s'agissait vraisemblablement pas d'un simple héraut, l'on pouvait dès lors supposer que le compte de Velteroc s'attendait à quelque négociations.

Et négociations il devrait y avoir, parce que la proposition qui suivit faillit arracher un sourire moqueur au faciès attentif et compréhensif de Thero. Il analysa rapidement la demande : les bâteaux demandés ne pourraient être fournis par Soltariel, pas sans compensation économique plus importantes, ils représentaient une part trop importante de leurs forces pour être engagés dans un projet aussi hasardeux. La compagnie du Ponant aurait sans nul doute pus aligner ce qui était demandé, mais ses capitaines négociaient férocement et là encore il y aurait besoin d'amener de l'or sur la table des discussions.
Quant aux compensations promises par Velteroc, elles n'étaient guère significatives. La seule flotte capable de rivaliser sur l'Eris avec celle de Soltariel était la flotte Ydriloise. Et avec les événements des dernières années, Ydril ne risquait pas de s'opposer franchement à Soltariel. Et Velteroc ne possédait qu'une façade maritime peu intéressante.
Les autres promesses reposaient sur beaucoup trop de suppositions pour plaire aux capitaines, au trésoriers et surtout à Asdrubal lui-même. Néanmoins peut-être n'était-ce que ruse, une demande insensé que suivrait derrière une autre qui paraîtrait beaucoup plus raisonnable. Le ton ne laissait pas transparaître les soupçons de Thero et semblait véritablement peiné de sa réponse lorsqu'il la donna.

-Nous sommes honorés de voir que le seigneur de Velteroc a choisis de s'adresser à nous pour une telle mission, mais nous ne sommes malheureusement pas en mesure de répondre favorablement à cette demande. Les bateaux que vous nous demandez risqueraient de manquer cruellement à nos besoins majeurs et j'ai bien peur que nous ne puissions engager de telles forces dans un projet aussi hypothétique sans quelques garanties plus matérielles.

Une fois de plus, les Soltariens faisaient honneur à leur réputation de négociateurs hors paire et de pingres reconnus. Le premier round des négociations se terminait ainsi de la manière dont Garulan l'avait prédit. La première offre étant repoussée et des garanties financières demandées en échange du « prêt » de ces dix navires. Thero de brienne était un fin orateur et de même que l'envoyé de Velteroc s'était bien tenu d'avancer une quelconque somme d'argent, il exagérait grandement l'importance de dix pauvres navires sur la flotte Soltarienne. Où alors, Soltariel n'était plus Soltariel. Non, il ne faisait aucun doute que cet argument n'avait pour unique fonction que de promouvoir à la hausse le prix de location ultérieurement débattu.

Je ne doute pas que votre flotte puisse se passer de dix de ses navires pour deux enneades tout au plus. Néanmoins, je conçois que vous puissiez préférer quelques solvabilités directes plutôt que des parts à ce qui représente un projet fort rentable à long terme, mais néanmoins risqué comme vous le soulevez. Sa Grandeur le Comte Nimmio sait également que sa seule parole ne peut suffire bien qu'un Velteroc paie toujours ses dettes. Il s'agit d'une question d'honneur ancestrale toujours respecté. De même, il sait reconnaître ses amis et leur témoignera son amitié dès lors que la nécessité l'y invite.

Marquant une courte pause, il jaugea le regard de son interlocuteur. Une fois encore, nulle somme d'argent n'était proposée. Mais Garulan en venait au fait. Ainsi, déroula-t-il un second parchemin avec de nouvelles dispositions à présenter.

Sa Grandeur le compte Nimmio propose à Soltariel la garanti de ses vaisseaux et équipages. Pour la location des dix navires de transports soltarien, leur équipage et les vivres précédement demandé, il propose la somme de 900 souverains par ennéades de voyage et par bâteau, payable en deux fois, une première aujourd'hui et une seconde au retour desdits navires. Proposition, a laquelle s'ajoute une garantie de 5000 souverains par navires en cas de perte de ce dernier au cours de ladite mission.

Voilà une proposition qui pouvait paraître légèrement plus palpable pour un Soltarien digne de ce nom. Garulan s'attendait à de nouvelles phases de négociations, néanmoins, cette proposition était-elle dors et déjà plus réaliste que les allégations précédentes.

Thero était plus satisfait de le tournure que prenait la conversation. Comme il le pensait, la première offre n'avait rien eu de sérieux et n'était là que pour juger de la bonne disposition de la flotte soltarii pour cette entreprise. Rassuré sur cet état de fait, l'envoyé pouvait désormais se pencher sur les modalités propres du traité et les prix annoncé, bien que largement inférieur à ce que Thero entendait tirer de ce contrat, avaient déjà un côté attirant que ne possédait pas cette affaire de prime abord. Ne restaient plus qu'à faire enfler tout ceci, en avançant tous les arguments possibles de surcoûts qu'il se pourrait trouver. Mais pour le moment, nul n'était besoin de charger la chose, puisque ces prix étaient inférieurs à ce qu'accepterait même le plus désespéré des capitaines soltarii, et qu'aucun commerçant sain d'esprit n'oserait les présenter devant le duc ou la Compagnie du Ponant, à moins d'apprécier être moqué par ce que Soltariel comptait de marchands parmi les plus gras et les plus influents, quand ce n'était pis -le pire intervenant souvent quand Asdrubal se retrouvait mêlé à l'affaire-.

-J'entends cette nouvelle offre, et y accorde toute l'attention qu'elle mérite, mais je pense que vous mésestimez les coûts de toute cette opération. Un trajet comme celui pour les Wandres peut-être semé d'imprévus et d'embûche. Je tiens d'ailleurs à faire remarquer que si sa grandeur le comte de Velteroc entend réaliser la traversée en une ennéade, elle me semble faire preuve d'un trop grand optimisme et je ne peux que conseiller de revoir à la hausse de tels délais. Je ne suis pas expert maritime, mais j'ai suffisamment entendus de récit semblables pour savoir qu'il vaut mieux prévoir le pire.
Sa Grâce Asdrubal de Soltariel ne consentira à prêter une telle flotte que si votre suzerain s'engage à verser treize cent souverains par bateau et par ennéade, ainsi qu'à payer dix milles souverains en cas de perte d'un navire, et cela pour chaque navire qui viendrait à manquer lors de leur retour au port de Soltariel. Il me faut également vous demander quand une telle expédition partira ? L'Eris n'est pas clément lorsque vient l'automne et ce jusqu'au printemps, cela impactera grandement la garantie que nous exigerons.

La satisfaction de son interlocuteur était perceptible. Les Soltariens décidément fort sensibles à l'argent, au point de presque en oublier les a-côtés. Au delà de vaines paroles, les propositions initiales de Velteroc représentaient un engagement fort important et apportait une certaine force politique à Soltariel. Néanmoins, l'argumentaire avait-il été été accueilli avec le dédain à peine voilé de celui qui ne compte ses amis que par l'argent et non par leur valeur. Néanmoins, Garulan connaissait fort bien les particularités du sud, bien lointaines des coutumes et valeurs médianaises. Le Comte lui avait à ce dessein laissé une somme d'argent on ne peut plus importante affin de s'assurer que le marché se passe et que les besoins du Comté soient assurés.

Garulan parut méditer un instant, relisant son parchemin encore et encore, comme s'il cherchait quelque suite à donner à la requête de son interlocuteur. Cette dernier entrait parfaitement dans le cadre de son mandat et cette hésitation feinte n'était qu'artifice destiné à flatter son interlocuteur en vue de la suite. Relevant finalement le nez de ses lectures, la jeune diplomate reprit sur un ton placide.

Votre proposition semble pouvoir entrer dans les limites qui ont étés fixées par sa Grandeur le Comte Nimmio de Velteroc. Treize cent souverains par ennéade et par navire ainsi que dix mil souverains de garanti par vaisseau nous garantirons certainement de disposer de ce que sa Grâce le Duc Asdrubal de Soltariel a de mieux à offrir à ses amis. Nous pouvons donc coucher par écrit le contrat ici négocié.

La question de la temporalité avait son importance, mais le négociateur de Soltariel ne pouvait ignorer que l'Eris ne fut jamais réellement de tout repos à naviguer. Si l'hiver était particulièrement dangereux, l'automne ne le devenait fondamentalement qu'une fois la mi passée.

Sa Grandeur le Comte Nimmio de Velteroc requiert ces navires pour la mi du présent mois afin de rejoindre les Wandres et de permettre à vos vaisseaux de s'en retourner sans traverser la période la plus difficile de l'automne. Sachez néanmoins qu'une ennéade est généralement suffisante pour effectuer le trajet Les possibilités de retard existent évidement, notamment en cas de manque de vent, mais nous savons fort bien que l'automne arrivé, ce dernier ne vient que rarement à manquer. Néanmoins, je puis vous assurer que sa Grandeur, le Comte Nimmio est préparé à d'éventuelles difficultés, y compris à un doublement du temps de trajet.

-En ce cas, je vous propose de lever notre coupe à ce nouvel accord, dit Thero tendit qu'un serviteur apportait une bouteille de vin et deux coupes ciselées.

L'on fit quérir un scribe qui arriva en peu de temps et coucha rapidement sur parchemin les tenants et aboutissants de l'accord. Soltariel devait donc s'engager à fournir une flotte capable de transporter deux milliers d'hommes jusqu'aux wandres, les marins et officiers de navigation nécessaires ainsi que les vivres pour nourrir marins et soldats. En échange de quoi, le comté de Velteroc déclarait reconnaître la supériorité de Soltariel et ne pas construire ou entretenir de flotte susceptible de la contrecarrer et s'engageait à intervenir dans toute affaire visant à conserver cette suprématie sur les mers, ainsi qu'à ne pas réclamer de droit d'amarrage pour les bateaux soltarii souhaitant faire halte au comptoir censé être bâtis. Le comté devait également fournir la somme de treize cents souverains par bateau et par ennéade écoulée entre le départ de la flotte avec les hommes de Velteroc et son retour au port de Soltariel, ainsi que la somme de dix milliers de souverains pour chaque navire qui viendrait à manquer lors de ce retour au port.
Une fois le document calligraphié en deux exemplaires et correctement séchés, l'envoyé de Velteroc eut tout le loisir de les relire, puis Thero les récupéra et s'excusa avant de porter les nouveaux documents au devant d'Asdrubal et du conseil de l'amirauté. La demi-douzaine d'hommes discuta pendant quelques heures des tenants et aboutissants, tandis que le duc ne perdait pas une miette de ce qui s'échangeait et que Thero patientait. Finalement, suivant les conseils de son amirauté, Asdrubal y apposa sur chacun sa signature et son sceau avant de confier de nouveau les traités à Thero, qui les ramena à l'émissaire de Velteroc que l'on avait reconduit à ses appartements en attendant, veillant à satisfaire tous ses besoins.
Là, il eut encore le loisir de relire les parchemins avant d'y apposer sa propre signature et par conséquent l'accord de son seigneur. L'un des parchemins resta ensuite à sa disposition, destiné à retourner à Velteroc, tandis que l'autre fut roulé par Thero et rapidement porté à la bibliothèque du palais qui contenait une copie de tous les accords passés par le duché. Très procéduriers, les soltarii avaient toujours tenus des comptes minutieux et plus encore depuis la création de la Compagnie du Ponant. Le document fut classé et archivé par un eunuque, puis le sieur de Briten se retira, sachant sa tâche accomplie, tandis que l'astre solaire déclinait au loin.

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