La Roseraie | Aelalia de Gwidyr

Assise devant son petit bureau, Kathleen reposa sa plume avant de lever les yeux vers la fenêtre. Le paysage d'Afayel était parfois à couper le souffle, comme en cet instant alors que le soleil commençait à décliner.
Après une profonde inspiration, elle plia sa lettre et apposa dans la cire le seau de La Roseraie. Son frère lui avait confié la bague de feu leur père avant de prendre la route vers Ydril. Vers sa mort. Et voilà maintenant qu'elle s'en servait pour lui écrire à Elle. Sa belle soeur...
Un valet entra dans la pièce et elle lui remit le pli en silence, comme si elle avait peur de se raviser au dernier moment. Elle aurait du en parler d'abord à Viktor, mais celui-ci brillait par son absence depuis plusieurs mois et elle n'avait plus la force d'attendre. Elle avait besoin de retourner là bas. Chez elle.

Citation :: « Dame Aelalia de Gwidyr, Régente de la Roseraie,

Voilà des mois que je cherche à vous écrire cette lettre, mais je n’arrive qu’aujourd’hui à peine à faire abstraction de ma colère et de ma douleur. Je tente de me souvenir de la profonde amitié que j’éprouvais pour vous lors de mon arrivée à Missède, des conversations et des rires que nous avons échangés le jour de votre mariage avec Grégoire, et la joie que j’ai éprouvé en apprenant la naissance des garçons. Ce sentiment de bonheur que je devrais ressentir en pensant à vous est sali par la mort de mon frère tant aimé et des choses qu’il m’a confié avant de vous rejoindre en Ydril.
Peut-être ne devrais-je pas vous envoyer cette lettre, peut-être devrais-je la brûler et continuer ma vie à Missède sans m’occuper de la vôtre. Mais vous vivez maintenant dans un endroit qui est cher à mon cœur, près des gens que j’ai aimé et vous êtes entre toutes ses choses.

Sachez que malgré la colère que je ressens à votre encontre, je ne vous veux aucun mal, ni à vous, ni à vos enfants. Ceci étant clairement établie je sollicite l’hospitalité de la Dame régente de la Roseraie pour le courant de l’automne. J’aimerai me rendre dans le domaine de mon enfance pour me recueillir sur la tombe de mon frère et pour passer un peu de temps avec mon cher neveu. Je vous prie de mettre de côté la querelle que vous avez avec mon mari, car ce n’est pas la Baronne de Missède qui vous écrit ce jour, mais la sœur de votre défunt époux.

Dans l’attente de votre réponse, embrassez les garçons pour moi.

Kathleen de la Roseraie »

La lettre parvint à Aelalia en fin de matinée, la dame se trouvait dans son bureau plongée dans les livres de comptes du domaine. Quand elle vit le sceau de la Roseraie sur le pli, elle resta un moment sans bouger, le parchemin ne pouvait venir que d'une seule personne, la soeur de Grégoire, Kathleen. Elle finit par décacheter la lettre et parcourue l'écriture fine de sa belle-soeur. Sans attendre, elle lui adressa une brève réponse. La dame de la Roseraie préférait lui faire face et enfin rompre le silence qui régnait entres elles depuis le décès de Grégoire.

Citation :: " Son Honneur Kathleen de Missède, Baronne de Missède,

Vous sollicitez mon hospitalité afin de vous rendre sur le tombeau de votre frère, je ne puis vous le refuser, bien au contraire c'est le moins que je puisse faire.

Je souhaiterez profiter de votre venue pour enfin rompre le silence qui s'est installé et tenter d'apaiser la colère que vous éprouvez à mon encontre, peut-être que nous pourrons retrouver un semblant de paix et que je pourrais trouver grâce à vos yeux. Vous me parlez de révélations faites par votre frère peu de temps avant sa mort, je souhaiterais pouvoir me justifier auprès de vous car malgré toute la rancoeur que vous pouvez avoir contre moi, je n'ai jamais cessé d'éprouver de l'amitié pour vous.

Nous vous attendrons donc pour le milieu de l'automne, en espérant que votre voyage se passe au mieux.

Aelalia de Gwidyr. "

Lyrin revenait tout juste de sa mission en Soltariel, que l’on pouvait plus au moins qualifier de succès. Aerem était resté là-bas, son vœu a été exaucé. Le petit avait révélé posséder un don pour la magie, soucieux de lui offrir la meilleure éducation, Lyrin avait sollicité le Duc afin qu’il le prenne comme pupille. Son avenir en était ainsi assuré. A Missède, le chevalier fit son rapport au baron en n’omettant aucun détail de l’entrevue. Après cela, il put profiter un tant soit peu de la présence de ses fils jusqu’à recevoir un bon matin une missive de la Baronne. Goliath roupillait à ses pieds, et un messager entra dans le petit salon du château de Missède accompagné d’Aephrem lui fit relever la tête, ses yeux de chat scrutaient l’inconnu. Le jeune Gwidyr s’avança jusqu’à son géniteur avant de lui annoncer.

-Père, pourquoi la Dame Noire t’écrit ?

Le messager se racla la gorge pour éclaircir le baronnet. Il lui révéla que Sa Dame requiert sa présence pour l’accompagner à la Roseraie. Congédiant l’estafette, il gronda son fils.

-Pourquoi appelles-tu ta Baronne ainsi ?
-Parce ce qu’elle est toujours habillé en noire et a tout le temps une mine triste. Répond-t-il innocemment.
-Ne t’avise plus jamais de la nommer ainsi ? Entends-tu ? Elle est ta Baronne, tu lui dois respect et protection plus tard !

Aephrem acquiesça et baissa honteusement la tête. Lyrin avait appris que la Baronne avait mal vécu le deuil de son fils mort-né ainsi que de son frère plus récemment, que certains nobles de la cour missédoise murmurait à ce propos la culpabilité de sa veuve Aelalia.
Goliath vint se frotter à son torse avant de sortir de la pièce, sans doute pour aller chasser. Lyrin le suivit mais pour d’autres raisons, talonnait par son fils, il prit une bonne heure pour prendre ce dont il avait besoin pour lui et ses garçons. Il comptait les emmener avec lui, ils n’avaient jamais vu leur tante. Aelalia … Ce fut la première chose qui lui traversa l’esprit en lisant l’ordre de Kathleen. Sa jeune sœur était soi-disant là-bas, cela faisait si longtemps qu’ils ne s’étaient pas vu… Durant son séjour en Isgaard il avait bien tenté d’écrire de ses nouvelles, mais les lettre n’étaient jamais arriver à bon port apparemment. Cette fois-ci, il prit soin de remettre un billet à un des messagers au service du château.

Citation :: Chère sœur, j’arrive

Il avait tellement écrit de lettres qu’il ne savait plus quels mots utiliser. Mais il préférait la voir, parler plutôt que d’écrire. Même si elle le pensait sans doute mort.

Vêtu de son armure et armé de son épée, il chevauchait avec ses fils sur des poneys et Goliath à leurs côté. Au bout d’une journée à un rythme lent, Afayel était en vu. Pénétrant le manoir, il se débarbouilla de la crasse du voyage avant de se présenter auprès de la baronne, toujours dans son armure. Kathleen était venu à sa rencontre dans le grand hall, le chevalier lui avait toujours trouvé un charme et reconnaissait le bon goût de Viktor, cela lui rappela d'ailleurs l'histoire avec Agniezka plusieurs années auparavant. Lyrin s’agenouilla devant elle, un genou au sol et la tête incliné avant de la saluer.

- Ma Dame, c’est un plaisir de vous revoir après ces années. Me voilà à vos ordres Votre Honneur.

La missive adressée à Lyrin de Gwidyr était partie quelques jours plus tôt. Un valet venait de lui annoncer qu’il était en vu du manoir. Kathleen en profita pour rédiger une courte lettre à Aelalia, Dame de La Roseraie. Bien que ce titre lui arrachait toujours un pincement au cœur, la Baronne de Missède l’inscrivit sur le papier sans trembler.

Citation :: « A la Dame de La Roseraie, Aelalia de Gwidyr,

Cette lettre précède mon départ de Missède.
Vous avez raison, après ces mois de colère, mon cœur ne désire que la paix.

A bientôt donc.

Kathleen.

Le valet était resté planté là et tendit seulement la main lorsqu’elle lui remit le pli. Une fois cela fait, elle prit une longue inspiration avant de quitter sa chaise et de se rendre dans le grand hall. Pour la venue d’un Seigneur de Missède, Kathleen avait fait l’effort de retrouver sa garde-robe missédoise. Elle était baronne après tout et ne pouvait pas se permettre d’insulter ses invités. Sa robe crème était parcourue de broderie dorée et de dentelle en haut de ses manches courtes. Elle avait laissé sa chambrière la coiffer de façon élégante. Cela avait pris de longue minute pour dompter sa crinière blonde, mais elles étaient arrivées à un résultat plus que suffisant.

Se rendant dans le hall, elle donna de derniers ordres pour qu’un repas chaud soit servi au Seigneur de Gwydir dans la grande salle et qu’une chambre lui soit préparée. S’il acceptait de l’accompagner ils ne partiraient que le lendemain.
Alors qu’elle arrivait à l’entrée elle reconnut immédiatement l’homme qui avait épousé sa belle sœur Cassiopée. Il était accompagné de ses enfants à qui elle adressa à chacun un sourire radieux. Voilà une compagnie qu’elle n’avait pas imaginé mais qui la ravissait tout de même.

« - Relevez-vous Seigneur de Gwidyr. Je suis également heureuse de vous revoir, j’avais éprouvé un vif chagrin en apprenant votre disparition, mais vous voilà ! Je suis ravie de voir que vous avez répondu à ma demande. Cependant il ne s’agit pas d’un ordre, je vous proposais seulement de m’accompagner, je ne souhaite en aucun cas vous forcer à vous rendre là bas. »

S’il ne souhaitait pas revoir sa sœur, Kathleen ne le forcerait pas à faire la route avec elle. Viktor n’avait accepté sa demande qu’à condition qu’elle parte escortée. Evidemment il n’avait pas été question de discuter, le baron savait se montrer buté !
Après quelques paroles échangées, les garçons et Lyrin furent conduit dans la grande salle pour manger. La nuit vint plus tôt qu’il ne l’avait imaginé, tant il était agréable de discuter avec le Seigneur de Gwidyr. Il fallut tout de même aller se coucher, la route pour La Roseraie était longue.

Très longue. Il avait fallut près d’une semaine et demie pour rejoindre Ydril. Leur petit groupe n’avait pas vite. Les routes redevinrent familières et Kathleen du lutter intérieurement pour ne pas donner un coup de talon à Fureur et le faire partir au galop dans ses chemins qu’elle connaissait par cœur. L’étalon aussi semblait reconnaitre ses espaces de jeu. Il avait été dressé dans cette région et depuis n’avait jamais quitté sa maîtresse.
Lorsque les murs de La Roseraie furent en vue, Kathleen n’y tint plus et à la surprise générale de son escorte, elle lança son étalon au galop à travers la clairière qui menait à l’arrière du château. Fureur se cabra devant les portes de l’écurie et Kathleen s’accrocha à lui en riant de le sentir si ravi. Lui aussi semblait s’être terni lorsqu’ils avaient quitté La Roseraie des années plus tôt.

Mettant pieds à terre, elle fut bientôt rejointe par son escorte alors que le vieux palefrenier sortait de l’écurie en écarquillant de grands yeux.

« - Oh, Colin ! Quel bonheur de vous revoir ! J’en connais un qui va être ravi de retrouver vos mains ! »

Embrassant le vieil homme sur les deux joues, elle lui remit les rênes de sa monture, radieuse. Cet homme lui avait appris à monter à cheval lorsqu’elle était enfant et le revoir ici lui serrait le cœur de joie. Peut-être que ce séjour ne serait pas aussi douloureux que ça. Son regard glissa vers un petit chemin de terre à côté des écuries et aussitôt elle sut que si, il y aurait de la douleur. Ce chemin menait au petit cimetière familial.

Prenant une grosse inspiration elle se tourna vers le château au moment ou sa vieille gouvernante franchissait les portes pour la prendre brusquement dans ses bras.

« - Toi aussi tu m’as manqué Louise. Peux-tu annoncer mon arrivée à la Dame de La Roseraie. » Son sourire se fana légèrement lorsqu’elle prononça ce nom mais elle patienta tout de même dehors, son regard balayant cet endroit qu’elle avait tant souhaité revoir. Son père ne serait pas là pour l’accueillir, son frère non plus, mais elle était tout de même heureuse d’être de retour…chez elle.

Deux plis précédèrent l'arrivée de Kathleen, L'un venant de sa belle-soeur , simple, annonçant son départ de Missède, le voyage durait environ une bonne semaine, ce qui laissait amplement le temps à la dame de la Roseraie pour préparer l'arrivée de la baronne, L'autre attisa vivement la curiosité d'Aelalia, il portait le sceau de sa famille, étonnant, sa mère était décédée quelques semaines plus tôt, à moins que cela ne soit Lyrin. Impossible se dit-elle, son frère avait disparu depuis plusieurs années, elle n'espérait plus un retour de sa part. Depuis son mariage avec Grégoire et sans nouvelles de Lyrin, Aelalia avait cru à sa mort, aucunes rumeurs concernant un quelconque retour étaient arrivées en Ydril. Et pourtant qu'elle ne fût pas sa surprise en voyant les quelques mots couchés sur la papier, il s'agissait bien de son cher frère, il devait surement servir d'escorte à Kathleen, Une joie intense submergea la dame. Entre la venue de sa belle-soeur et le retour de son frère, ce séjour promettait d'être mémorable.

Comme prévu, Kathleen et Lyrin arrivèrent une semaine et demi plus tard en fin de matinée, un beau soleil les accueillait en Ydril. Aelalia faisait les cent pas dans sa chambre, elle n'avait pas réussi à trouver le sommeil, à la fois nerveuse de se trouver en face de la sœur de Grégoire et heureuse de retrouver son frère, elle se demandait qu'elle attitude elle devait adopter. Tellement absorbée par ses réflexions, la jeune femme n'entendit pas la lourde porte s'ouvrir, Deux petits têtes blondes se présentèrent devant elle accompagnaient de leur nourrice. Comme pour se rassurer avant de sauter à pieds joints dans l'arène, la belle souhaitait avoir ses deux fils auprès d'elle. C'est donc en leur compagnie qu'elle rejoignit la cour du château afin d'accueillir les arrivants, Louise vint à sa rencontre pour lui annoncer « officiellement » l'arrivée de la baronne de Missède, son vieux visage rayonnait de bonheur, Kathleen était adorée par les gens du domaine, du moins ceux qui restaient. Après le décès de Grégoire, beaucoup étaient partis, seuls les plus anciens et fidèles avaient choisi de rester, Aelalia les respectait profondément, bien qu'elle soit mal vu par la plupart. Prenant une grande inspiration, elle apparut sur le perron et esquissa un sourire timide, gênée dans un sens par la situation, elle s'avança doucement vers Kathleen.
Une fois devant elle, la dame plongea dans une parfaite révérence, avant de relever et de lui souhaiter la bienvenue. Mal à l'aise mais tentant de ne rien laisser paraître, Aelalia lui adressa les formules d'usages,

« J'espère que votre voyage fût agréable, Je penses que vous souhaitez vous restaurer et profiter d'un peu de repos, »

Louise s'approcha avec les enfants, chacun leur tour saluèrent à leur manière, un peu maladroitement vu leur âge, tout en tentant de faire honneur à l'éducation dispensée par leur mère et un précepteur récemment engagé. Aymeric sortit une rose de derrière son dos pour la tendre à Kathleen. Attendrie par la scène offerte par ses fils, Aelalia se détendit quelque peu.

« J'ai demandé à ce que l'on prépare votre ancienne chambre. »

Même si les relations étaient tendues, la dame de la Roseraie avait fait en sorte que la chambre de Kathleen reste telle qu'elle était, cette tâche avait été confié à Louise qui y mettait tout son cœur, prenant soin de la fleurir chaque jour.

Le regard d'Aelalia fût bien vite attiré par l'escorte de sa belle-soeur, à la recherche de son frère, elle ne tarda pas à l'apercevoir. Il n'avait pas changé, juste quelques années de plus, rien de bien méchant. Qu'allait-il penser d'elle maintenant ? Elle n'était plus cette jeune fille innocente quoique bien têtue qu'il avait quitté, Ils avaient changés, beaucoup de choses avaient changés. Par respect pour Kathleen, Aelalia se retint de sauter au cou de Lyrin, l'accueillant de tout de même chaleureusement. Elle aurait tout le loisir de profiter de lui un peu plus tard. S'écartant du passage, elle enjoignit ses gens de s'occuper des bagages et d'installer les invités dans leurs appartements.

« J'ai fait préparer une collation dans la grande salle, je vous y retrouverais après votre installation. »

Enfin Aelalia de Gwidyr, Dame de La Roseraie, se présenta sur le péron. Elle s’approcha avec lenteur, comme si elle craignait… quoi au juste ? Qu’elle lui saute au visage ? Oui ça aurait pu être envisageable mais il y avait toujours les soldats du Régent et elle avait promis à Viktor de ne pas créer un conflit ouvert entre Missède et le pouvoir royal. Même si cela passait par…comment fallait-il l’appeler ? La Maîtresse du régent ? En tout cas c’était plus poli que « sa catin ». Lorsqu’elle lui adressa une profonde révérence, Kathleen ne masqua pas sa surprise. Les mois passées au manoir d’Afayel lui avait fait oublier le protocole. Poussant un soupir tandis qu’Aelalia avait la tête baissa, elle se força à afficher un fin sourire. Inutile de se montrer désagréable, et puis elle ne voulait pas oublier le sentiment de paix qui l’avait envahi en posant les pieds sur cette cour. Lui adressant un hochement de tête pour la saluer à son tour elle écouta les paroles de la maîtresse de maison sans ciller. Oui elle avait besoin de se reposer, mais elle avait tant de chose à voir, tant de chose à faire maintenant qu’elle était ici…. Mais manger lui ferait du bien, elle avait perdu trop de poids depuis sa fausse couche, il fallait qu’elle se remplume un peu !

« - C’est très aimable à vous, merci pour votre accueil. »

Avant qu’elle n’ait pu enchaîner elle vit deux visages blonds s’approcher timidement. Par Néera qu’ils avaient grandis… Un immense sourire fendit ses lèvres lorsqu’elle vit son neveu lui tendre une rose. Cette fois elle ne put contenir ses larmes en voyant le fils de son frère…. Les fils. Elle était au courant pour Alaric, mais cela ne la faisait pas moins l’aimer. Il n’était responsable de rien. Faisant fi des convenances, Kathleen s’accroupit devant les deux garçons. Prenant la rose des mains d’Alaric elle la respira et lui adressa un nouveau sourire ainsi qu’un « merci ». Elle entrouvrit ses bras et les regarda avec un petit air malicieux. Presque aussitôt après les deux garçons venaient dans ses bras pour qu’elle les couvre de baisers. La dernière fois qu’elle les avait vu… c’était avant la mort de Grégoire, quelques mois avant alors qu’ils étaient en visite à Missède…

« - Bonjour les garçons ! Je vous ai amené quelques surprises dans mes malles ! Je vous les donnerai après le repas d’accord ! »

Les deux garçons lui adressèrent un sourire et elle se redressa au moment où Aelalia lui déclarait qu’elle avait fait préparer son ancienne chambre. D’un geste rapide elle chassa les quelques larmes qui s’étaient attardées sur ses joues avant de fixer la jeune femme. Ce qu’elle venait de lui dire la remuer profondément mais elle ne voulait pas lui montrer à quel point cette attention l’émouvait. Après tout il y avait encore un énorme mur entre elles. Le regard de la jeune femme glissa vers l’escorte et Kathleen se crispa légèrement en pensant qu’elle devait y chercher son frère. Presque aussitôt son visage s’assombrit et son sourire se fana.

Elle aussi elle aurait aimé revoir son frère, elle aurait aimé le voir franchir cette porte son sourire rayonnant aux lèvres. Elle savait qu’au moment où elle se serait jetée à son cou il l’aurait fait tournoyé en riant, parce qu’il faisait toujours ça. Elle savait qu’il lui aurait caressé sa joue en lui disant qu’elle lui avait manqué et elle l’aurait écouté des heures pendant qu’il lui racontait ses voyages et ses aventures. Elle aurait tellement aimé le voir, là derrière son épouse, à caresser les cheveux blonds de ses fils et en lui proposant d’aller faire un tour dans les jardins….

« - Je vous remercie pour votre hospitalité Dame Aelalia, mais ne vous privez surtout pas pour moi, je suppose que vous attendiez depuis longtemps de pouvoir le retrouver. J’aurais aimé pouvoir serrer mon frère dans mes bras. Hélas on m’a privé de ce bonheur là de la plus cruelle des façons… Je vous retrouve donc dans la grande salle.. »

Quittant des yeux celle qu’elle avait considérée comme une amie, Kathleen adressa un sourire à ses neveux, trop petits pour comprendre, puis se tourna vers Louise qui l’embrassa une nouvelle fois avant de la guider jusqu’au perron.

« - Je connais le chemin Louise, inutile de te fatiguer à monter toutes ses marches, je pense que mon ancienne chambre est toujours au même endroit. »

Après un sourire amusé, Kathleen planta un baiser sur la joue de sa nourrice et s’éclipsa dans le couloir. Ses pas la menèrent à sa chambre sans la moindre hésitation. Elle retrouvait les odeurs, les couleurs, les bruits qui avaient bercé son enfance, et son cœur se fit plus lourd. Son père n’était plus là, son frère non plus… Rien n’était plus comme avant.
Elle passa de longue minute dans sa chambre, regardant les valets déposés les malles dans un coin de la chambre. Elle ouvrit l’une d’elle et enfila sa robe, l’une de celle qui sied à son rang de Baronne, orange avec des broderies rouges et or. Elle avait nettoyé son visage couvert de poussière, brossait ses cheveux et les avait coiffé soigneusement. Un dernier regard vers sa chambre et elle quitta la pièce en se forçant à afficher un sourire de façade. Devant la porte du bureau de son père, elle marqua un temps d’hésitation, elle posa la main sur la poignée puis se ravisa en pensant qu’elle n’était plus chez elle désormais.

Après un bref soupir elle passa la porte de la grande salle. La encore elle fut surprise de voir que les choses n’avaient pas vraiment changés. Du moins ils n’y avaient pas eu de modification particulière. Son regard se porta sur le portrait qui trônait au dessus de la cheminée. Elle était encore là… et après toutes ses années, elle se rendit compte que ce tableau lui manquait cruellement.
Un bruit d’étoffe derrière elle lui annonça l’arrivée de la maîtresse de maison. Sans tourner le regard vers elle, elle murmura doucement pour qu’elle seule entende :

« - C’est le seul portait de ma mère… J’avais presque oublié son visage. »

Est-ce que ça allait être comme ça avec son frère aussi ? Oublierait-elle son visage ? Ses yeux pétillants et son sourire à mesure que le temps passerait ? Elle se sentait soudain fragile, totalement épuisée par sa peine et sa colère.

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