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 En l'absence d'un baron

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Kahina d'Ys
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Kahina d'Ys


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MessageSujet: En l'absence d'un baron   En l'absence d'un baron I_icon_minitimeSam 12 Oct 2013 - 14:55

« Allez, frappe, » ordonna Kahina. Du haut de ses dix-sept ans et de sa petite taille, la baronne de Sybrondil dardait son regard sombre sur Ryl’antar, un colosse de sept bons pieds de haut. L’homme avait été esclave à Ys, jusqu’à ce que le Père de Kahina ne l’affranchît. Dans son regard brun tacheté de pourpre, dans son teint légèrement grisé malgré des heures passées au soleil, dans l’étrange forme de ses oreilles ou même dans son visage épargné par les affres du temps, on devinait un métissage qui faisait grand bruit dans la noblesse de la baronnie. Et s’il n’y avait que ça ! Avec son crâne rasé, ses oreilles percées, sa peau tatouée des marques de ses anciens propriétaires et ses petits doigts absents, il rappelait plus encore que la peau mate et l’accent chantant de l’oiselle d’Ys que l’Estrévent s’était invité dans les hautes sphères du sud de la Péninsule. Kahina n’était d’ailleurs pas sans savoir qu’elle n’était pas un cas isolé. Ainsi, on trouvait des thaarii jusque dans le Palais du Soleil Blanc. Les mages orientaux étaient devenus monnaies courantes dans les cabales qui gravitaient autour du pouvoir ducal. De la même façon, preuve du pouvoir grandissant des Princes marchands, le petit peuple ne faisait plus de différence entre les pièces frappées de la couronne de Diantra ou abordant les armoiries du Levant. Parfois, la petite comtesse d’Ys y voyait la renaissance prochaine du grand Empire nisétin et le tatouage qu’elle abordait fièrement dans le dos lui chauffait agréablement les épaules.


L’heure n’était cependant pas à la satisfaction. Les poings serrés, Ryl’antar n’en demeurait pas moins parfaitement immobile, peu enclin à exécuter l’ordre qu’il venait de recevoir. Les longues cicatrices qui couraient sur son dos lui hurlaient que frapper une thaarie libre n’amenait jamais rien de bon et il avait beau ne plus être esclave, il savait très bien qu’un mot de son impétueuse maîtresse suffirait à causer sa perte. Perdant patience, Kahina s’approcha de lui et, après s’être mis sur la pointe des pieds, le gifla. Le coup fut plus bruyant que douloureux et le colosse ne lui fit même pas l’effort de réagir, mais son regard se durcit et un œil aiguisé aurait pu voir le sang ternir ses pupilles. « Je n’ai que faire de tes états d’âmes. Frappe-moi, qu’on en finisse ! » murmura-t-elle rageusement.


Ils étaient dans les appartements privés de la baronne qui, à cette heure avancée de la nuit, était supposée dormir. Ryl’antar avait emprunté un passage secret pour la rejoindre, comme il le faisait chaque nuit depuis le départ de Maciste, une ennéade plus tôt. Pas pour partager sa couche, quoique l’idée l’avait effleurée une ou deux fois, mais pour recevoir ses ordres et faire état de ses avancées. Le jour, un cortège sans cesse renouvelé de dames de compagnie, conseillers et chevaliers accompagnaient la baronne où qu’elle put décider d’aller. Certains conseillers de son époux pensaient ainsi pouvoir mieux la contrôler. Ils avaient rapidement décrété qu’elle était une enfant puérile, impulsive et imprévisible. Ils se gaussaient de ses colères, se moquaient de ses caprices et tournaient ses paroles à la moindre occasion. Les hommes du sud avaient beau être plus tendres que leurs cousins du nord avec leurs femmes, il n’en demeurait pas moins que Kahina apparaissait bien trop différente pour se faire accepter. Elle était trop entière pour eux, trop directe aussi, ses manières trop simples et on lui prêtait déjà mille autres défauts ; et mille autres encore, depuis qu’elle était seule sur son trône dans la Salle du Conseil. Elle avait assisté à chacune des réunions, jouant le jeu de la baronne arrogante qui ne souffrait pas qu’on la contredît, allant jusqu’à tenter d’imposer ses décisions. Si elle n’avait pas vraiment à se forcer, il fallait bien l’avouer, elle n’agissait pourtant pas à la légère. En prenant en porte-à-faux les chevaliers de Maciste, elle pouvait facilement jauger leurs réactions et décider de quel bois ils étaient faits. Il y avait ceux qui prenaient son parti sous le seul prétexte qu’elle était baronne en absence du baron. Ceux-là étaient stupides mais pouvaient se révéler utiles. D’autres respectaient son rang mais faisait leur possible pour l’orienter vers les bonnes décisions, tout en acceptant ses décisions. Ceux-là étaient des personnes de valeurs et elle faisait son possible pour s’attirer leur sympathie. Les derniers, enfin, renâclaient et se défiaient d’elle. Parmi eux, le plus virulent était sans doute le Consul d’Olyon, qui n'avait de noble que les pièces de sa bourse. Ses tempes blanches témoignaient de son âge avancé, une mauvaise chute quelques années plus tôt l’avait privé de la possibilité de monter à cheval et il avait donc envoyé ses fils à la guerre, rejoignant Sybrondil pour « guider la baronne dans sa lourde tâche, » avait-il affirmé. Qu’il eut été sincère ou non au départ, le tempérament enflammé de la concernée s’était révélée incompatible avec son propre caractère et il s’était fait son plus grand ennemi à la Cour. Le matin même, ils s’étaient vivement écharpés sur une question sans importance. Kahina avait pris un malin plaisir à le pousser dans ses derniers retranchements, sous le regard tantôt agacés tantôt mal à l’aise des autres conseillers. Elle s’était finalement levée et avait annoncé la suspension de la séance avant de quitter la salle.


Personne ne l’avait suivie et ils avaient continué sans elle.


Le reste de la journée, elle l’avait passée à tempêter « contre ses hommes qui ne voulaient pas d’elle, » sous les regards complices de ses dames de compagnie et membres de sa Cour. Celles-là, Kahina les ménageait avec soin car elles représentaient, elle l’avait vite compris, la base de son pouvoir. Elles étaient toutes de sang noble et certaines  étaient les épouses des seigneurs les plus puissants de Sybrondil, ce qui faisait d’elles une source d’influence et d’information presque intarissable. Dès lors, l’estréventine avait multiplié les bonnes volontés, se fendant même de quelques cadeaux. L’ambiance était toujours bonne et empreinte de simplicité en sa présence, le fait qu’elle les tutoyât avait d’abord surpris, puis la pratique s’était généralisée. Si bien que toutes avaient pris sa défense, comme une seule femme, désespérant de la prétendue bêtise des hommes et même l’épouse du notable d’Olyon y avait été de son petit commentaire sur l’exécrable humeur de son seigneur et maître. Profitant de l’occasion, Kahina l’avait pressée de lui faire entendre raison pour finalement lui demander de l’inviter à la rejoindre le soir-même, pour qu’ils pussent ensemble mettre de côté leurs différends. On avait applaudi la baronne pour cette proposition, qui prouvait une fois encore l’élégance de la femme et sa supériorité sur la brusquerie de l’homme.


Il était venu, bien entendu, mais l’entrevue avait été de courte durée. Il s’était contenté de lui résumer ce qu’il avait manqué avant de lui demander plus de retenue, arguant qu’elle n’était plus à Thaar désormais et que Sybrondil avait besoin d’une baronne et pas d’une enfant gâtée. Oh, il n’avait pas été jusqu’à prononcer les mots mais son ton avait parlé pour lui. Kahina l’avait congédié, le regard sombre et aux yeux de tous, il avait été le dernier à la voir ce jour-là et ce détail était d’importance.


« Je commence à en avoir assez ! Quand je te donne un ordre, tu m’obéis. Ne crois pas que parce que nous ne sommes pas à Thaar, je ne trouverai pas un moyen de… » avait sifflé Kahina, avant que le large poing du colosse ne vînt lui couper le souffle. Il n’avait bien entendu pas frappé le ventre, c’eut été trop dangereux pour le bébé, mais l’épaule et l’impact avait été assez violent pour faire blêmir la baronne. Elle n’avait pas pipé mot, cependant et quand la surprise du choc avait passé, elle s’était contentée de le renvoyer d’un geste. Le lendemain, elle avait eu la satisfaction de voir une marque violacée s’étaler sur sa peau là où le métisse l’avait violentée.


L’ennéade suivante fut à la fois éprouvante et jouissive. La matinée, Kahina continuait de jouer son rôle mais feignait la faiblesse dès que le Consul d’Olyon prenait la parole, allant jusqu’à couvrir son épaule malmenée comme pour se protéger. Son attitude avait arraché plus d’un sourcil froncé à des chevaliers qui ne s’étaient pas attendu à cela mais le principal concerné y avait vu les effets bénéfiques de son serment de la veille. Bien entendu, aucun n’avait vu le bleu de la baronne qui avait choisi une robe qui le couvrait intégralement. L’après-midi, elle retrouvait sa coterie et se montrait éteinte, attisant ainsi naturellement l’inquiétude et l’empathie de ses meilleures alliées. Le soir venu, juste avant de s’endormir, elle accueillait le chevalier qui, enhardi par son prétendu succès, multipliait les longs et ennuyeux discours sur le véritable rôle de la baronne de Sybrondil. Quand il quittait ses appartements, tous pensaient qu’elle allait se coucher et Ryl’antar empruntait le passage secret. Il la frappait à un nouvel endroit, comme aux jambes, aux bras, dans le haut du dos, puis elle lui donnait une série d’ordre avant de le congédier.


Les journées du colosse s’en retrouvaient elles aussi bien occupées. Après plusieurs ennéades passées à sonder la réalité du pouvoir dans la cité, il en était venu à avoir une bonne idée de qui influençait quoi et comment. Forte de cette connaissance, Kahina pouvait ensuite lui dire qui menacer, qui faire chanter et qui corrompre. L’impressionnante masse musculaire de l’ancien esclave suffisait à impressionner les plus faibles, les aveux et confessions de ses dames lui donnaient mille moyens de pressions sur les moins respectable et pour les plus avares, l’adolescente pouvait compter sur un trésor thaari qu’elle avait ramené au nez et à la barbe de tous, grâce notamment à de nombreux doubles fonds dans ses malles de vêtements, et désormais entreposé dans un endroit secret du palais. Cette richesse lui permettait d’agir en toute discrétion, sans avoir à ponctionner le trésor baronnial. Un atout de taille qui lui permettait d’agir en toute impunité. C’était ainsi que l’allégeance de plusieurs points névralgiques du palais avait subitement changé, bon gré mal gré, faisant d’une enfant sans pouvoir un redoutable adversaire politique… Le tout dans l’indifférence général d’un Conseil obnubilé par son teint toujours plus blafard et ses cernes plus creusées. Kahina n’avait plus besoin de se forcer pour sursauter dès qu’on l’effleurait : les poings de Ryl’antar n’avaient épargné aucune parcelle cachée par une robe sans risque pour le bébé de son corps si bien qu’elle avait littéralement mal partout.


Et puis un soir, neuf jour exactement après le premier coup porté par son garde du corps zélé, elle avait accueilli le notaire d’Olyon sans parvenir à cacher son excitation à l’idée que son calvaire touchât à sa fin. Le matin même, un prince estréventin avait rejoint la cité et un banquet avait été organisé en son honneur. Kahina avait discrètement fait verser un petit supplément dans la coupe de l’Olyon qui l’avait bue sans rien flairer. La drogue était légère mais suffisait à rappeler au plus vieux des hommes qu’il avait un jour été un fringuant chevalier. Kahina n’avait eu aucun mal à réveiller l’ardeur de ses premières heures, quelques clins d’œil appuyés et regards enflammés avaient largement suffi. Quand il l’avait pressée contre un mur et posé ses lèvres sur les siennes, elle l’avait légèrement repoussé pour mieux l’encourager par la suite. « Force moi, avait-elle demandé. Montre-moi ta force, vaillant chevalier, montre-moi ta puissance, montre-moi que je n’ai pas le choix. » L’esprit groggy, il n’avait rien vu venir et l’avait poussée violemment sur son lit avant de s’agenouiller sur elle et de commencer à déchirer sa robe. Elle avait crié, appelé à l’aide et le pauvre hère s’en était retrouvé tout excité, croyant qu’elle jouait un jeu.


C’était ainsi qu’il s’était retrouvé accusé d’avoir violenté et tenté de violer une baronne. Les médecins avaient été horrifiés devant l’étendue et le nombre de bleus qui parsemaient la peau mate de la jeune femme et le pauvre sire croupissait désormais dans sa geôle, à attendre le retour de son suzerain pour son procès. Qu’importait, dans les esprits de tous, ils étaient déjà coupables et condamnés.


« La plus grande force d’une femme c’est qu’on la croit faible, »  avait un jour murmuré sa mère à une Kahina enfant et sur le point de s’endormir. Elle n’avait pas compris, tant elle brûlait alors de paraître forte, mais tout était clair, désormais. Aux seigneurs et chevaliers du Conseil, elle lâcha la bride, s’imposant par la suite quand elle en avait besoin mais les laissant gérer la plupart des affaires courantes. Ils se réjouissaient de la voir reprendre des couleurs et de l’assurance et l’encourageaient même dans cette voix, oubliant le ressentiment qu’ils avaient pu nourrir à son égard. Tous devaient penser que la colère de Maciste serait terrible à son retour et qu’il fallait mieux encourager son épouse prétendument violentée à parler en leur faveur et non l’encourager à décrire combien ils avaient été indifférents et impuissants devant son déclin pourtant criant.





Dernière édition par Kahina d'Ys le Jeu 28 Nov 2013 - 18:03, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: En l'absence d'un baron   En l'absence d'un baron I_icon_minitimeDim 24 Nov 2013 - 23:05

Qui eut parié, aux premières heures de Kahina d’Ys à Sybrond-la-Cité, que l’exotique princesse esthréventine parviendrait à asseoir son pouvoir sur la ville en quelques ennéades seulement. Les absences de son baron d’époux et la bonne éducation de l’oiselle avaient néanmoins fait bon ménage et il n’était plus grand secret en la cité qui ne vînt pas aux oreilles de la jeune femme.


Dans le conseil qui s’était constitué pour gouverner la baronnie, elle distillait ses quatre volontés mais c’était surtout en son cercle restreint que la thaarie passait le plus clair de son temps. Ce dernier était constitué d’une dizaine de femmes, toutes issues des familles les plus riches et nobles de la baronnie. Certaines l’avaient intégré de bon cœur, d’autres s’y étaient vu fermement invitées. C’était surtout le cas de l’épouse du sénéchal sybdrond, une dénommée Orpha qui du haut de ses quarante bonnes années était de loin d’aînée de cette petite confrérie. Kahina avait voulu l’avoir auprès d’elle le temps de réfléchir à comment elle gérerait l’épineuse promesse de son époux de marier leur première fille à son dernier né à elle N’ayant pas été consultée, la princesse d’Ys avait pris le parti de s’occuper elle-même de cette affaire.


Des femmes du cercle, celle qui était la plus proche de la petite comtesse d’Ys était sans doute Camille d’Aphel. La jeune femme était une parente éloignée de Maciste et une intrigante rompue à l’art d’emmener son mari là où elle le voulait. Elle s’était imaginée faire de même avec Kahina, de près de dix ans sa cadette, avant de découvrir de quel bois était fait la demoiselle. D’abord ennemies, les deux femmes s’étaient vite trouvées des points communs qui les avaient rapprochées et elles étaient désormais inséparables. Camélia d’Olyon, pour sa part, était de celles qui auraient préféré ne pas attirer l’attention de la baronne, mais c’était sans compter son statut officieux d’otage à Sybrondil après les forfaits de son père. La petite avait les traits mates d’une pharétane et était celle qui ressemblait le plus physiquement à Kahina, en plus d’être à peine plus jeune qu’elle. Dans le caractère, cependant, elles n’auraient pu être plus éloignées. Camélia était douce et aimante, pleine de bonne volonté et très pieuse envers les Cinq. Elle craignait sa baronne qui ne cachait pas ses ambitions de lui trouver un bon parti, ce dont elle se serait bien passé. Plus que tout, Kahina s’amusait de la pousser dans ses retranchements avec l’espoir de la façonner à son image.


C’était justement pour cela que Camélia accompagnait Kahina et Camille dans une virée nocturne. Elles n’étaient pas seules : les deux dames de compagnie portaient presque à bout de bras un jeune homme qui, plus tôt dans la soirée, n’avait eu de cesse de vouloir les impressionner et qui désormais peinait à seulement tenir debout. En tête de cet étrange cortège, la baronne tenait une torche devant elle et s’enfonçait dans un escalier obscure.


Peu le savait, mais les racines du palais sybrond s’enfonçaient profondément sous la terre, bien au-delà des innombrables caves, celliers et gêolles dont ses résidents étaient familiers. Certaines galeries débouchaient à l’air libre parfois plusieurs lieues au loin et pouvaient se révéler très utiles en cas de siège ; elles étaient cependant laissées pour la plupart à l’abandon si bien que les éboulements y étaient fréquents. Pour qui savait où cherchait, il existait aussi un florilège de salles secrètes dont les raisons de l’édification avaient pour la plupart étaient perdues depuis longtemps. Les nombreux Palais de Thaar n’étaient pas exempts de ce genre de secrets ; l’une des premières choses qu’avait fait Kahina en arrivant à Sybrondil avait été de faire fouiller sa nouvelle demeure de fond en comble par Ryl’antar, dans l’espoir de découvrir des merveilles.


Parmi ses trouvailles, une en particulier avait attiré l’attention de la baronne. Il s’agissait d’une salle parfaitement rectangulaire qui cachait en son sein un autel. L’ancien esclave l’avait trouvé rougi de sang et surmonté d’un cadavre momifié, ce qui ne laissait que peu de doute sur l’utilité qu’il avait pu avoir. Les sybronds étaient des gens au sang chaud dont on ne comptait plus les dérives inavouables, que certains se fussent laissés aller aux sacrifices humains jusque sous les pieds du baron n’avait pas étonné la princesse d’Ys qui n’aurait pas été surprise que le seigneur de l’époque lui-même eut participé à ce genre de cérémonie. En réalité, la jouvencelle s’en moquait. Une seule chose était certaine : cette pyrée sacrificielle n’avait que trop dormi.


Ce soir-là, elle avait invité tous les mages de sa cité à investir son palais, sous prétexte de vouloir être divertie. Les tours s’étaient succédés toute la soirée. On avait bu en son honneur et en celui de son enfant à naître. Des hommages avaient été rendus à Néera pour sa bénédiction si rapide. Dans l’ensemble, la demeure baroniale avait fait honneur à sa réputation. Parmi tous les arcanistes qui s’étaient pressés à sa table dans l’espoir d’attirer son regard, un avait fait forte impression à la maîtresse de céans. Conquise, elle avait chargé Camélia d’ajouter une poudre blanche dans le verre du malheureux qui, finalement drogué, n’avait pu que se laisser entraîner par le trio infernal. Et c’était ainsi qu’il se retrouvait allongé sur un autel ancestral, nu comme un ver, le regard rivé sur un plafond qu’il ne voyait même pas.


Kahina, Camélia et Camille n’étaient guère plus vêtues que lui. Seule la plus jeune semblait en être gênée, elle gardait ses bras contre ses seins dans l’espoir d’en cacher la vue. Kahina et Camille, quant à elles, demeuraient droites et fières ; il n’était pas certain qu’elles fussent véritablement à l’aise et l’enfant d’Ys au moins cachait son trouble par un sourire féroce. Entre ses doigts un peu gourds, une dague attendait patiemment de faire son office. Ryl’antar lui avait donné avec un léger sourire en coin, comme s’il doutait qu’elle eut seulement le courage de s’en servir le moment venu. Elle était sur le point de lui démontrer que oui.


À côté de l’épaule droite de Jonas attendait tout aussi patiemment une vasque en or que Camille saisit délicatement avant de poser sous la tête du malheureux. Silencieuse, Camélia alla se poster de l’autre côté de leur victime, incapable de le regarder. Kahina, finalement, posé la lame acérée sur sa gorge et poussa un profond soupir avant de regarder l’une après l’autre ses complices. Elle esquissa un léger sourire qu’elle voulait vaillant mais qui tremblait légèrement et commença à psalmodier une antique prière en ancien nisétin. Il s’agissait d’une supplique adressée aux puissants Dragons et l’imagination des demoiselles s’emballa. Les flammes des torches accrochées au mur leur semblèrent vaciller, la température chuter et le râle étouffé de leur sacrifié s’amplifier. Et pourtant, de l'authenticité de l'incantation, Kahina n'était même pas certaine ! Elle l'avait trouvée dans un vieille ouvrage ramené de la bibliothèque d'Ys, mais dont ses connaissances lacunaires ne lui permettaient pas une véritable compréhension. Doucement, très doucement, l’estréventine commença à faire glisser le fil argenté, s’excitant à la vue du sang qui coulait doucement jusqu’à la pointe avant de tomber dans coupe. Accélérant sa diatribe, elle finit par couper proprement la gorge du pauvre hère qui s’étouffa bien vite dans son propre sang, sans un bruit ni un signe qu’il s’en rendît seulement compte.


Le rituel n’était cependant pas terminé. Tremblante, Camille reprit la vasque dans ses mains et la tendit vers Kahina, qui y trempa ses doigts et dessina d’étranges arabesques, d’abord sur le visage de la rouquine d’Aphel, puis sur ses seins et finalement son ventre. Elle fit ensuite de même avec une Camélia au bord de l’évanouissement et laissa Camille s’occuper d’elle. Ensuite seulement, elle reprit la coupe et la porta à ses lèvres, en buvant de longues rasades malgré le dégoût que cela lui inspirait. Elle passa finalement la coupe à son aînée qui l’imita. Enfin, la vasque échoua dans les mains tremblantes de Camélia qui voulu protester.


« Néera ne le pardonnera pas… » gémit-elle entre ses dents. « Ma dame, je vous en prie…


Nous n’aurions pas besoin de tout ceci si ton père n’avait pas porté la main sur moi, Camélia, » répondit calmement la baronne avec une lueur d’autant plus menaçante dans son regard qu’elle était couverte de sang. « Je dois le fortifier pour lui assurer une vie longue et prospère. Bois. Cette expérience nous unira à jamais. »


Au désespoir, elle but.



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