De nouveaux horizons | Aylah

Elle était tout proche. Si proche qu'elle ne voulait plus avancer. Mais tellement loin ! Elle avait fait un long voyage, et maintenant qu'elle était si proche, maintenant qu'elle était là, elle n'avait plus envie d'avancer. Elle sentait que l'atmosphère avait changé, elle savait que les sombres pouvaient l'encadrer, sans qu'elle ne se rende réellement compte de quelque chose. Enfin, non, elle se rendrait compte, mais que ferait-elle alors ? Elle ne raffolait pas de la tuerie, et même si elle abhorrait les drows, elle n'avait pas dans l'idée d'en massacrer le plus possible. Elle n'était pas une bête sauvage. Elle n'était pas un prédateur. Ses yeux se posèrent sur sa louve. Non, elle n'était pas un loup. Sauf qu'apparemment, on avait décidé de lui faire changer d'avis à ce sujet. Elle n'avait pas tant prêté l'oreille jusqu'alors, mais quand elle s'attarda plus d'un court instant sur ce qu'il se passait à sa gauche, elle entendit avec force un son qu'elle n'aurait pas du entendre.

Elle porta alors sa main à sa cuisse, là où était attaché sa dague. Facile à dégainer, facile à ranger. Et quand elle vit sortir d'entre les ombres deux drows, elle regretta de ne pas avoir pris avec elle son sabre. L'arme qu'elle maniait le mieux. Mais l'arme la moins pratique dans les longs voyages. Elle se maudit intérieurement de ne pas avoir eu l'idée, dans sa petite tête, de passer par chez elle avant de venir trop près d'ici. Cette impulsivité allait finir par la perdre. Au même titre que sa curiosité. Mais qu'importait, ce n'était ni le lieu, ni le moment pour se blâmer. La prochaine fois, elle saurait, et puis voilà. Maintenant que les sombres l'avaient bel et bien repérée, et qu'ils avaient eux aussi dégainé leurs lames, elle avait plus important à penser. Parce que si les enseignements de son Père n'avaient été, au final, que très moyens, ils avaient été enrichit depuis. Seulement, n'ayant pas été impliquée dans un combat pour sa vie depuis un certain temps, elle ne savait si elle saurait recracher. Si son corps avait gardé les réflexes. S'il réagirait de lui même, et s'il lui épargnerait la perte de temps qu'était de penser.

Ils commençaient à l'encadrer, ils voulaient certainement la coincer, quelque part, pour finir le travail plus rapidement. Son étalon était assez loin d'elle et sa louve avait filé le rejoindre. Aussi, elle n'avait pas à craindre pour eux. Non, là, de suite, elle craignait pour sa vie. Deux soldats assurément plus expérimentés qu'elle voulaient sa mort. Et ils avaient un avantage considérable sur elle. Ils étaient emplit de colère froide à son égard, alors qu'elle ne voulait que sauver sa peau. Oh, certes l'instinct de survie fait des ravages, mais à deux enragés contre une elfe qui devait avoir les moitié de leur âge, elle savait ne pas faire le poids. Et quand la première lame s'abattit sur elle, elle ne dut sa survie qu'à un éclair de lucidité. Ils engageaient donc le combat. Bien sûr qu'ils l'engageaient. Elle plia ses genoux et la lame fendit l'air au dessus de sa tête. Un seul tentait de mettre fin à sa vie. L'autre regardait, de près certes, mais regardait. Il n'interviendrait que si l'elfe se montrait plus coriace que prévu. Elle espéra presque qu'il interviendrait.

Balançant son poing là où devait se situer l'estomac de son adversaire, elle détendit ses genoux et para la lame avec sa dague. Une lame bien aventureuse, et bien proche de sa gorge. Trop proche. Elle voulu grimacer mais l'autre ne lui en donna pas le temps, ripostant rapidement du tranchant de la main. Qui effleura son flanc. Et étrangement, ce ne fut qu'à cet instant qu'elle compris réellement qu'on voulait la tuer. Qu'on voulait lui ôter définitivement la vie. Alors, elle s'éveilla. Alors son corps sortit de sa transe et son esprit s’affûta. Son regard devint plus dur et elle sentit en elle la colère bouillonner. Doucement, puis de plus en plus fortement. Oui, maintenant, elle était dans le combat, maintenant elle savait, maintenant elle agissait. Quand elle eut fait quelques passes et frôlé l'autre plusieurs fois, elle sentit le deuxième se raidir. Oui, il interviendrait, elle en était désormais presque sûre. De ça, elle tira comme une satisfaction. Mais de ce qu'elle entendit ensuite, elle ne put en tirer rien d'autre que de la peur. Elle avait entendu, et elle en était sûr, un autre luron. Et alors, elle se mit à prier Kÿria pour que ce ne soit pas un troisième drows. Déjà qu'un était costaud, et qu'elle n'était pas sûre de pouvoir se défaire des deux, un troisième était la mort assurée. Mais son adversaire ne s'attarda pas longtemps dessus, et elle dut bien vite reprendre le rythme. Etre de nouveau dans son temps.

Alors que la guerre entre les sombres et les elfes venait tout juste de commencer depuis quelques ennéades, Aylah était persuadée que cela n’allait pas s’arrêter de sitôt. Les combats étaient engagée qu’avec de petits groupes et non pas l’armée entière. Cela pouvait donc durer des années avant qu’une accalmie n’ait lieux. Mais il fallait se faire une raison, la Capitaine se devait d’être auprès de ses hommes et surtout se devait de protéger le peuple elfique et d’obéir aux ordres du Trône Blanc.

C’est donc dans ce cadre que l’elfe faisait son devoir. Alors qu’elle passait d’un camp à l’autre, Aylah participa aussi à quelques patrouilles. Elle faisait d’ailleurs partie de l’une d’entre elle ce jour-là. Un jour qu’elle n’oubliera certainement pas car c’est durant ce moment, bien particulier qu’elle la rencontra.

Les elfes traversaient la forêt. Certains étaient à pieds, d’autres sur des montures, et Aylah quant à elle était sur Aydil. Soudain, elle sentit la présence de Drows. Elle put le savoir car sa propre monture se mit à trembler. Elle fit savoir aux membres de sa patrouille qu’ils allaient très certainement être encerclés. Et c’est ce qu’il se produit quelques instants plus tard. Le combat ne fut pas bien long, les elfes étaient en majorité numériques, et grâce à Aydil, ils n’ont pas été pris par surprise.  

Au-dessus d’eux, Ayris montait la garde, pendant que les elfes regroupaient les corps des sombres, creusant un trou pour les y brûler, évitant ainsi de répandre des maladies.

Alors que les elfes étaient sur le point de repartir, Ayris piqua une tête et vint prévenir la Capitaine d’un autre danger. Il restait des drow. Deux d’après les dires de l’aigle et surtout, le plus effrayant, c’est qu’ils avaient pris pour cible, une itinérante qui fut déjà blessée.
Aylah décida de porter secours à cette personne, mais également pour ôter la vie à ces créatures qu’elle maudissait.

L’elfe poussa sa monture à la vitesse maximale, semant ses hommes tellement l’animal était vif dans cette forêt. La scène se déroula rapidement. Aylah entrevit à travers les arbres les deux drows, l’un attaquait l’elfe, l’autre les regardait.

Il n’eut pas le temps de voir quoi que ce soit que le sombre fut broyer par les crocs d’Aydil. Les soldats arrivèrent quelques instants plus tard pour achever celui qui était déjà bien entamé. Aylah quant à elle était descendue de sa monture pour s’en prendre au drow qui s’attaquer à l’elfe.

Une flèche partit, puis une deuxième, puis une troisième. Le sombre s’était rendu compte de son arrivé lorsqu’il vit l’état de son compatriote. Il put alors vite fuir face aux nombre d’elfes qui venaient de débarquer.

Alors qu’il courra au plus vite, Aylah brandit une derrière flèche qu’elle mit du temps à tirer. Une fois ceci fait, celle-ci se planta littéralement dans le crâne du drow.

Elle fut grandement soulagée de voir que ce n'était pas un troisième drow, mais une sylvaine. Oui, parce que maintenant qu'elle ne se concentrait plus seulement sur le besoin de sauver sa vie, elle sentait nettement le picotement de la chaire à vif. L'autre n'avait pourtant fait qu'effleurer son flanc, mais sa lame était parfaitement affûtée, et elle avait déchirée sa peau. Son muscle aussi, peut-être. Avant même de détailler celle qui l'avait sauvé, repoussa sa cape, ouvrit son gilet et sa tunique, et bien que l'air fut frais, elle ne sentit pas la morsure du froid, parce qu'elle était trop obnubilée par la traînée rouge. Enfin, la traînée, l'entaille plutôt. Parce que si elle avait seulement eu l'impression d'être à peine touché, elle l'avait bel et bien été. La plaie n'était pas bien dangereuse, mais elle était vilaine, et assez gênante somme toute. Elle regardait presque avec fascination le liquide rouge s'écouler à travers les bords de sa blessure. Elle resta un moment immobile, les yeux rivés sur le carmin, dans l'impossibilité de faire quoique ce soit.

Puis elle se rappela qu'elle n'était pas seule, au milieux des arbres, et dans un élan de lucidité, elle referma sa tunique. Sa main gauche pressait son flanc blessé, et elle sentait le sang poisseux traverser ses doigts. Elle devait trouver Amarthluin, il avait des bandages, et des herbes dans ses sacoches, mais elle savait qu'elle devait d'abord remercier celle qui était venue à son secours. Elle prit enfin le temps de la regarder réellement. Brune, les yeux bleus, d'un bleu qu'elle trouva plutôt joli, pour ne pas dire séduisant, et les traits propres à son peuple. Elle ne put distinguer plus de chose sur sa silhouette, le tissu voilant son corps. Mais Eliwa pouvait tout de même deviner, à sa posture et à son maintient, qu'elle avait devant elle une elfe aux courbes harmonieuses. Elle s'approcha d'elle, les doigts toujours posés sur sa plaie.

- Merci. Je... je crois que je ne m'en serais pas sorti sans votre intervention.

Et quand elle vit ses yeux se poser sur la tache rouge qui s'était formée à travers le tissu, elle voulu la rassurer :

- Ne vous inquiétez pas, je devrais avoir ce qu'il faut pour soigner ça, je dois seulement retrouver ma monture. La blessure est plus impressionnante que grave, alors je devrais m'en sortir, finit-elle dans un petit sourire.

Elle essayait de ne pas provoquer une inquiétude démesurée chez la guerrière, quand elle remarqua enfin sa monture. Ce n'était pas un cheval, comme elle aurait put s'y attendre, ça non. C'était une espèce de lion avec des cornes sur la tête. Et si elle avait déjà entendu parler de cette race, les léominis il lui semblait, elle n'en avait jamais approché en vrai. Seulement celle-ci, parce qu'elle lui semblait être une femelle, n'avait pas ses cornes sur sa tête mais sur son dos. Eliwa admira un moment son pelage brun, qui reflétait de temps à autre du vert ou du bleu, elle n'aurait su dire. En tout cas, elle savait qu'elle était fasciné par cette chose nouvelle qui s'offrait à ses yeux, si bien qu'elle en oublia presque la douleur. Bon, non pas que ce soit une grande douleur non plus, mais tout de même. C'était douloureux, et elle savait qu'elle devait se soigner au plus vite.

S'extirpant de son admiration, elle siffla deux coups, doucement, espérant qu'ils finiraient par l'entendre. Et que les deux rappliqueraient bien, pas seulement Ara. Ca lui était arrivé, une fois, que seulement sa louve vienne à elle. Et elle avait un très mauvais souvenir de ce jour, parce que si son étalon n'avait pas rappliqué derrière, c'était parce qu'il était coincé quelque part. Or, elle n'avait réellement pas besoin de ça, de suite. Enfin, il n'y avait pas de quoi paniquer, ils viendraient tout les deux. Elle fut soulagé d'entendre l'ébrouement d'Amarthluin et d'apercevoir une tache blanche à travers les arbres. Attrapant le licol de sa monture, elle farfouilla dans ses sacoches tant bien que mal et en extirpa un onguent, ainsi qu'une bande de tissu d'un blanc presque immaculé. Il ne lui manquait plus que de l'eau et un tampon, qu'elle finit par trouver de l'autre côté.

S'asseyant, ou plutôt, s'affalant contre un tronc, elle s'affaira à un brin de toilette abdominale, rendant ainsi la plaie plus claire et plus propre, de sorte à ce qu'elle puisse être efficace dans ses soins. Mais quand elle passa le linge humide directement sur la plaie, elle ne put retenir une grimace de douleur. Le muscle était touché visiblement, et elle aurait une cicatrice. Bon. Elle laissa un instant aller sa tête contre le tronc, ferma les yeux et inspira profondément. Si elle ne pouvait pas éviter la marque, elle ferait en sorte qu'elle soit la plus belle possible. Elle en avait presque oublié l'autre elfe quand cette dernière s'approcha d'elle.

- Votre léominis... C'est bien un léominis non ? Comment...

Elle s'interrompit pour serrer des dents. L'elfe venait de poser ses doigts sur son flanc, tentant très certainement de l'aider. Et une fois la douleur passée, elle sentit que ces doigts lui faisaient du bien. Alors elle se laissa faire, la guidant quelque fois, mais lui donnant la liberté de la soigner à sa guise.