Une guerre peut en cacher une autre [pv]

Cela faisait plusieurs jours qu’il avait pris refuge dans le duché de Langehack. Sortant d’une guerre qui l’avait meurtrie, l’hospitalité du Langecin avait néanmoins réussi à le remettre sur pied. Les nouvelles d’Ydril étant réduites voire inexistantes, il n’avait pas eu d’autres choix que d’attendre et de préparer ses plans. Même si tous ses moments passés aux côtés de la duchesse s’était fait plaisant et l’avait même apaisé, son désir d’en savoir plus et sa haine grandissante n’avaient que renforcer son sentiment premier. Pendant plusieurs jours il avait attendu l’arrivée de son oncle qui le précédait et ce jour était enfin arrivé. Un premier navire était arrivé pour prévenir la duchesse de l’arrivée de trois centaines d’hommes rescapés de Sgardie. Des hommes qui étaient les leurs, mais aussi ceux du comte. Ainsi, il connaissait déjà les mesures que prendrait son oncle.

Lorsqu’on annonça la vingtaine de navires qui se rapprochaient des côtes, Oschide enfila son armure avec l’aide de ses hommes et tous se rendirent avec la petite délégation ducale sur les quais ou lui-même avait débarqué quelques jours auparavant. Bien qu’il fût heureux de revoir un membre de sa famille, il savait que la nouvelle serait difficile à annoncer. Son oncle avait perdu son fils dans ce conflit pour une cause perdue, et voilà qu’il lui annoncerait la folie d’Ydril. Il vit alors s’approcher les navires au loin dans une mer agitée ou le ciel gris cracher une fine pluie. A ses côtés se trouvait la duchesse, le Sire d’Olside, l’intendant et l’escorte ducale. Ses hommes à lui était aligné et portaient les couleurs de sa maison ou le dragon flottait au vent.

Son bandage à la tête était imbibé d’eau et le gênait plus qu’autre chose. Voir d’un seul œil n’avait pas été un problème, mais s’habituer à ce fichu bandage était autre chose. Tandis que les navires accostaient, il jeta un rapide regard à la duchesse pour qui il afficha un bref instant, un léger sourire. Puis il se remit face à la mer. Comme il l’avait pensé, son oncle se trouvait sur le navire de tête et il fut le premier à mettre pied sur le quai. Sans afficher la moindre émotion, Oschide s’approcha de lui pour le saluer. Lui comme tous les autres hommes qui venaient de poser le pied à terre avaient des allures fantomatiques. La traversée n’avait pas dû se passer sans encombre et Oschide s’impatientait d’ores et déjà pour connaître toutes les nouvelles. Mais avant, il devait parler…

-Mon oncle, dit-il en baissant brièvement la tête. Votre arrivée me réjouit, mais je me dois sans plus tarder de vous informer d’un événement. Nous devons en parler à l’intérieur.

Une journée grisâtre venait ternir les traits du printemps, en ce jour sur les cotes de Langehack. Accompagnait d'une petite délégation, composée de son escorte personnelle, de l'intendant et de Sire d'Olside, la duchesse attendait non loin de Sire d'Anoszia l'arrivée de bateaux en provenance du nord. C'est pas moins de 300 hommes d'ydril qui seraient bientôt la, 300 hommes sous la houlette de l'oncle du capitaine. Elle ne savait rien de l'homme si ce n'est ses liens familiaux et le fait qu'il apprendrait bientôt de forts tristes nouvelles, comme si il n'en eu pas assez dans le nord, la ou il venait de perdre son fils.

Elle détourna ses yeux de la mer pour porter son regard sur Sire d'Anoszia, son cousin était mort de la main même de celui qui avait aussi intenter a ses jours. L'épée bandage qui recouvrai en partie le visage du capitaine en était le souvenir vivace. Il s'en était fallut de peu pour que le pire n'arrive. A cette pensée, son cœur se serra involontairement. De par les épreuves qu'avaient du subir le jeune homme ces dernières temps, elle s'était prise bien malgré elle d'affection pour lui. C'est d'ailleurs pourquoi elle était la aujourd'hui, attendant sous la pluie un homme qu'elle ne connaissait pas. Un homme que le protocole aurait voulu qu'elle accueille dans les murs du palais plutôt que sur un quai. Mais pour l'heure, elle n'était point la en tant que duchesse mais en tant qu'amie, du moins se plaisait t'elle a penser que c'est ce qu'elle était devenue pour le capitaine. Devoir informer son oncle de la situation voudrait dire pour lui se plonger a nouveau dans les funestes nouvelles qu'ils avaient reçus quelques jours plus tôt. Il aurait besoin de soutien et elle espérait que comme il l'avait déjà fait, il saurait en trouver dans sa simple présence.

Elle resserra sur elle les pans de son délicat manteau. Parfaitement assorti a la robe qu'elle portait, il était plus élégant que chaud. Adéquate a la chaleur de cette journée de printemps, la protégeant malgré tout de la fine pluie qui venait glissait sur sa chevelure, chevelure qui s'échappait librement de sous son chapeau. Nulles fioritures sur les tissus délicats de noble matière, si ce n'est de délicates et sophistiquées broderies. Comme toujours son visage, de son teint a ses lèvres, était dépourvu de tout artifice. Pour seul bijoux, elle portait un délicat bracelet et un collier assorti dont les pierres lumineuses attiraient les quelques rayons de soleil filtrant a travers les nuages gris qui les surplombaient.  

Elle répondit a un sourire du capitaine avant d'aller a sa suite saluer son oncle et ses hommes qui se déversaient maintenant sur les quais. Ils avaient tous bien triste mine, portant sur eux encore les blessures palpables de la guerre tant physiques, qu'émotionnelles. Elle espérait que l'hospitalité du Langecin saurait leur apporter quelques réconforts, malgré les épreuves qu'ils leurs restaient encore a affronter. Elle laissa a l'intendant le soin de faire les présentations dans les formes convenues par le protocole puis elle adressa un regard chaleureux et bienveillant a tous avant de reporter toute son attention sir l'oncle de sir d'Anoszia. Soyez le bienvenue sur mes terres. Croyez bien qu'il m'est plaisir de vous y accueillir, j'aurais juste aimée que ce fusse en de plus heureuses circonstances. Permettez moi de vous exprimer mes regrets quand a la perte de votre fils. Je ne peux imaginée la douleur qui est votre, mais sachez que je compatis a votre peine. Elle s'écarta ensuite, se mettant quelques peu en retrait, bien consciente que oncle et neveu avaient beaucoup a se dire.

« Nous vivrons avec honneur ou nous mourrons en tentant de le garder »

Ces quelques mots de son oncle étaient à présent gravés dans sa mémoire. Il revoyait l’expression que celui-ci avait eue en prononçant cette phrase. Dès à présent, une guerre aurait lieu et il se devrait de tenir parole. Engager des mercenaires et réclamer l’aide de leurs alliés, voilà quels étaient les objectifs qu’il s’était fixé. Néanmoins, la chose ne serait pas aisée et cela, il ne le savait que trop bien.

Comme prévu, son oncle ne s’attarda pas plus longuement à Langehack et reprit la mer le lendemain matin. Heureux d’avoir pu le revoir, il avait été peiné de le voir partir si vite et surtout de le voir partir sans lui. C’était à lui que revenait le devoir de mener les hommes de son père, à lui et à personne d’autre. Mais il avait tant à faire avant de pouvoir revenir à Ydril… De voir la duchesse le réconforta dans son immobilisme. Elle lui permettait de se maintenir le plus possible et de garder un moral à toute épreuve.

Plusieurs jours passèrent sans qu’il n’ait reçu aucune nouvelles d’Ydril. Il profita de ce petit moment pour continuer sa rééducation en s’entraînant contre ses hommes et ceux de Langehack. Petit à petit, il récupérait ses capacités et son agilité. Bientôt, il serait de nouveau opérationnel et il savait parfaitement que cela lui serait bientôt utile.

Pendant un repas, alors qu’il mangeait avec les siens et ceux de la duchesse dans la grande salle, un de ses hommes lui fit parvenir que plusieurs vaisseaux aux couleurs rouge et noir rentraient dans les eaux langecines. Cela ne pouvait être que des vaisseaux de son père comprit-il. Il quitta ainsi le repas pour prendre aussi rapidement que possible la direction du port en contrebas de la falaise. Lorsqu’il y arriva, il vit de ses yeux la dizaine d’appareils qui s’approchaient tranquillement pour accoster. Ce ne pouvait pas être les navires de son oncle, pas déjà, mais il remarqua une fois qu’ils firent plus proche, la tête d'un homme aux cheveux blanc qui avec son air et sa posture, ne devait être rien d’autre que le capitaine de cette petite flotte. Hors, Oschide ne le reconnaissait pas. Lorsque le bateau de tête accosta sur quai, il se précipita vers ces hommes pour connaître la raison de leur venue et surtout, savoir s’ils lui annonceraient une bonne ou une mauvaise nouvelle.

-Qui est le capitaine qui porte les couleurs de ma maison ?

Observant le capitaine inconnu du coin de l’œil, Oschide l’écouta parler. Il disait être un des capitaines de son frère lorsque celui-ci était encore amiral d’Ydril. Sa méfiance s’accrue un tant soit peu lorsqu’il prononça les termes « traitre de Comte ». Ce pouvait-il que ce capitaine n’ait été qu’un espion à la solde du comte venu pour le tuer ? Finalement, sa paranoïa suite à son assassinat dans le nord le reprenait. Comment faire confiance en cet homme qui se disait alors lui apporter de l’argent. Il en avait tant besoin, mais si ce n’était que des fidèles du comte qui se cachaient sur ses navires ? Oschide ne demandait qu’à lui faire confiance, la venue de cet homme tombait à pic, il n’y avait pas d’autres mots et cela paraissait tellement beau que la situation lui paraissait louche. Il lui fallait en savoir plus et pour ça, Oschide avait sa petite idée.

-Avez-vous vu sur votre passage les navires de mon oncle ? il se dirigeait vers nos terres. Il observa attentivement le pont du navire et ne vit aucun signe d’attaque. Vous devez être fatigué par votre traversée, laissez-moi vous inviter dans un lieu qui sera peut-être plus tranquille pour parler.

Ni une, ni deux, Oschide le convia à le suivre accompagné de ses hommes et de quelques marins du capitaine qui semblaient avoir soif. Il les mena dans une des nombreuses tavernes du port et demanda à ce qu’on les amène dans une arrière salle afin de pouvoir s’entretenir avec ce dénommé Callisto.

-Callisto c’est bien ça ? Depuis quand étiez-vous au service de mon frère ? Etiez-vous présent lors de la nuit du banquet ? Comme vous pouvez le voir, je ne suis au courant que de très peu de choses qui remontent à quelques ennéades déjà. Il me faut comprendre et il me faut savoir ce qui s’est passé. Mais avant, dite moi ce qui se passe en ce moment dans les terres de mon père je vous prie.

Sur ce, le tavernier leur amena quelques chopes de bières et tous les hommes présents purent se rafraîchir le gosier. Ses hommes à lui attendaient avec impatience les nouvelles. Peut-être apprendraient-ils des nouvelles de leurs proches. Tous étaient dans la même situation que lui et attendaient….toujours….et encore…. Mais il avait remarqué aussi que ces hommes se méfiaient tout autant que lui du fameux capitaine qui arrivait tel un miracle.

-J’ignore encore si je peux vous faire confiance, mais j’aimerais pouvoir vous l’accorder. Voyez-vous, je serais très peiné d’apprendre que vous n’êtes qu’un fidèle du jeune comte venu pour m’achever !

A ces mots, tous les regards se crispèrent et l’atmosphère devint oppressante. Il ne suffisait que quelques mots de la part du capitaine pour désamorcer le bain de sang qui pouvait s’enclencher à tout moment. Voilà pourquoi Oschide ne l’avait pas conduit directement dans le palais ducal.

Oschide l’avait laissé parler et tout ce que le capitaine lui avait rapporté semblait corroborer avec ce qu’il savait déjà. De savoir qu’il avait réussi à s’enfuir de la cité en emportant avec lui trois navires lui fut d’un réconfort relatif, mais au moins, cela jouait en sa faveur. Il fut un peu plus surpris lorsqu’il apprit que c’était Francesco d’Asforzia qui tenait le siège de Belocastelo, un vassal d’Odoric. Il ne le connaissait que vaguement et l’avait vu lorsqu’il avait été fait écuyer dans le Trezatio. Un homme de guerre en tout point, qui éprouvait souvent un certain sadisme avec ses ennemis et une joie pour la torture. Mais au moins, Belocastelo tomberait incessamment sous peu, cela ne faisait aucun doute.

Il fut d’autant plus surpris lorsque Callisto, le capitaine de son frère lui tendit une lettre une fois qu’il lui ait demandé de prouver sa bonne foi. Les regards de ses hommes s’apaisèrent instantanément, ainsi que le sien et il accepta le courrier. Dessus, il y était écrit « Oschide ».

Oschide

J’ai envoyé Callisto, un capitaine de notre frère et je l’ai chargé de te fournir assez d’or de nos terres pour que tu ramènes de l’aide. A l’heure où j’écris cette lettre, Père, Oscario et nos gens  sont encore fait prisonniers à Ydril et nous nous efforçons de défendre nos terres contre les troupes comtales. C’est à toi que revient la charge de mener nos hommes, mais je tiendrais aussi longtemps que je pourrais jusqu’à ton arrivée. Ne nous abandonne pas !

Ton frère, Sisyphe

Cela faisait depuis plusieurs ennéades qu’il n’avait pas vu son frère, lire ces mots provoqua en lui un soulagement considérable et en même temps, une crispation de ne pas pouvoir être en ce moment-même auprès de lui. Néanmoins, il laissa exprimer sa joie en buvant une gorgée de bière et redéposa la lettre sur la table en souriant au capitaine.

-Maintenant, je vous fais confiance ! Il adressa un rapide regard vers ses hommes qui eurent en même temps que lui des visages illuminés par les nouvelles qu’ils venaient d’avoir. A partir de maintenant, vous serez sous mes ordres et vous dirigerais la flotte du Calozi. J’aimerais également vous confier une tâche et l’or que vous m’amenez sera utilisé à bon escient. Voyez-vous, il nous faut dès à présent recruter des hommes et dans le langecin, une compagnie en particulier pourrait faire l’affaire. La Compagnie du Trait doit joindre notre cause et acceptait notre or. Il eut un petit sourire en coin des lèvres. Pensez-vous être à la hauteur de cette demande ?

Savoir qu’un des hommes de son frère était à Langehack le rassurait un tant soit peu, surtout s’il luttait dans le même camp et apparemment, cet homme semblait avoir un contentieux personnel à régler avec le comte. Cette rage qu’il avait vue en lui, lui paraissait bien plus grande que la sienne. Etait-ce possible ? Il lui avait confié la tâche de recruter la célèbre compagnie du Trait, qui en temps de guerre, devait se battre pour le duché. Mais en temps de paix ? Quoi de mieux qu’une guerre à l’extérieur pour ne pas perdre la main ! il vit alors avec grande surprise les navires de son oncle revenir à Langehack. Comme si celui-ci avait pu prévoir ce qu’il était en train de manigancer, ils tombaient à pic.

Le lendemain après-midi de sa rencontre avec le fameux Callisto, Oschide s’était mis en tête de le retrouver lui et son équipage et il ne mis pas énormément de temps avant de les trouver. Au moment-même ou les navires de son oncle revenait à quai, Callisto et les siens s’apprêtaient déjà à remplir leurs navires de provisions. Il avait donc réussi, mais pour en avoir le cœur net, il lui fallait encore retrouver l’homme aux cheveux argentés.

Là non plus, il ne lui fut pas difficile de le retrouver dans la masse qui s’agglutinait sur le port. Effectivement, la présence de tant de vaisseaux ydrilotes avaient suscités la curiosité voire l’inquiétude de certains habitants du port. Mais au moins, les commerçants et artisans avaient de la clientèle et cela avait comme un petit avant-goût de guerre. Seulement, Langehack ne serait pas impliqué dans la guerre qui l’opposerait au Comte, non, il ne ferait jamais ce cadeau empoisonné à la duchesse. L’engagement de cette compagnie de mercenaire avait idéalement pour but de ne pas l’impliquer directement.

Le capitaine se tenait à présent en face de lui et arrêta ses affaires en le voyant s’approcher avec les quelques hommes qu’il avait emmené en guise d’escorte.

-Je vois que vous êtes sur le départ, est-ce dû au fait que vous avez réussi ce que je vous ai demandé ? Comme vous avez pu le constater, mon oncle a renvoyé deux navires, vous en disposerez jusqu’à nouvel ordre et de ce fait, votre titre de capitaine n’est plus approprié, je vous fais amiral du vicomté de Calozi jusqu’à ce que la guerre se termine. Je m’entretiendrais avec tous nos capitaines pour leur expliquer la chose. Mais si vous étiez un homme de mon frère, alors aucun doute que ce titre vous revient.

Oschide fit signe au capitaine de le suivre sur un promontoire relativement isolé du reste de la foule. Même ses hommes à lui étaient restés à l’écart.

-Vous devez savoir que je ne viendrais pas avec vous. Il donna une petite lettre, transmettez ceci à mon frère il comprendra.