Le lay de l'Ethernan [Jérôme]

Le campement se tenait sur un monticule pour des raisons bien connues de domination, tout proche des murailles de la ville d'Haurse-Porc. Il était plus utile de se tenir en hauteur qu'en bas. Un autre petit mont était juste à côté. Les héraldiques des seigneurs et bannerets qui avaient suivit Jérôme battaient au vent dans toute la fierté des combattants. L'emblème de la licorne, celui des Clairssac, flottait au dessus de la tente dressait tout en haut du monticule, plus haut que les autres et annonçant que le seigneur de l'ost était ici.

Après les victoires à Nuhaldon, Erbay et Adelagny, ainsi que Haurse-Porc qui, faut de les aider militairement, leur offrait un soutient logistique, l'ost avait stagné un petit moment, se regroupant. Les eaux n'étaient pas propice à un passage à guet et les rumeurs avaient fait bon train, annonçant qu'un chevalier avait prit la tête de la défense et qu'il levait des troupes. Jérôme aurait aimé fondre sur lui avant qu'il ne réunisse trop de troupe mais il n'était pas bon non plus de précipiter sur l'adversaire. De plus, s'il faisait l'erreur de s'enfermer, cela laisserait plus de latitude pour écumer les champs. Et s'il décidait de se battre en bataille rangée, un affrontement unique n'était pas non plus pour lui déplaire. La décrue était maintenant amorcée et elle était allé plus vite que d'ordinaire. L'armée se préparait donc à lever le camp pour avancer prudemment lorsqu'on annonça qu'un petit groupe avait franchit le Gers et se dirigeait vers eux. Leur nombre restreint n'annonçait pas une attaque, surement une ambassade ou juste pour espionner sous ce prétexte et voir ce qu'il y avait en face.

Les éclaireurs avaient fait leur travail et ils étaient donc attendu. Jérôme se tenait sous sa tente en compagnie de son frère Guillaume ainsi qu'un officier de l'armée royale qui remplaçait Oschide d'Anoszia suite à ses blessure. Basile, son cousin, était aussi de la partie. Dès que le groupe adversaire fut en vue, au sommet du monte voisin, une petite troupe partie à sa rencontre afin de les escorter dans le campement et jusqu'à la tente de commandement, tout en leur assurant le respect et la protection dû à leur ambassade tant que ceux-ci observeraient la même éthique. Les hommes furent amenés à la tente qui était bien gardée, ceux qui restèrent en arrière avec les montures aperçurent les regards hargneux des hommes d'arme qui les observaient, prêt à en découdre au moindre faux mouvement. Les etherniens étaient des vétérans suite aux diverses campagnes qu'ils avaient accomplis, que ce soit Sainte Berthilde, Serramire ou Bastylle et il savait faire passer le message.

La rabat s'ouvrit, laissant entrer ceux qui se présenteraient devant Jérôme. Ce dernier se trouvait derrière une table, son frère Guillaume à sa droite, le reste des seigneurs s’alignant sur les côtés

"Messieurs, que puis je pour vous ?"

C'était eux, après tout, qui étaient venus et pas l'inverse, Jérôme ne voyait pourquoi ce serait lui qui parlerait le premier. Il attendait donc de connaitre ce qu'ils avaient à lui dire et se doutait que ce ne serait pas plaisant. Mais peut être qu'il pouvait de son côté faire passer un message qui serait entendu.

Le moins que l'on puisse dire, c'était que les gens de Sgardie savaient ou était leur fierté. Ils regardaient tout le monde de haut et ne regardèrent personne lors de la traversée du campement les amenant à la tente du baron. Il était étrange car souvent, un soldat aguerrit essayait d'avoir une vision d'ensemble pour trouver un éventuel échappatoire et à jauger les forces en présence. Cela ne fut donc pas, maintenant qu'ils étaient dans la tente, échangeant les premières salutations depuis leur arrivée, tout le monde attendait que leur "chef" prenne la parole pour expliquer leur présence en ce lieu. La tension était palpable et chacun prenait sur lui de ne pas déclencher un esclandre qui finirait forcément mal. Jérôme ne portait pas son armure complète mais une de maille ainsi qu'une camail qui recouvrait ses épaules et son cou. Il n'avait pas de gants, laissant ses mains libres mais sa flamberge ornait son dos.

Enfin, le héraut prit la parole. Alors que l'on pensait qu'il serait compte de pourparler, il n'en était rien. Les hommes présents étaient venus apporter des sommations au baron. Tout d'abord, le visage du maréchal se figea et ses sourcils s'arquèrent, montrant son mécontentement, puis au fut et à mesure que le flot de parole continuait, c'est l'amusement mêlée à la surprise qui marqua son visage. Il contint son rire avant de ne plus pouvoir et lorsque l'émissaire eut terminé, Jérôme rit ouvertement, au grand étonnement de toute l'assemblée. Par courtoisie ou juste pour faire bonne figure, les "généraux" du baron rirent également mais sans bien savoir pourquoi. Il prit quelques instants pour se reprendre avant que son sérieux ne revienne et qu'un froid passe par son regard

"N'y avait il donc personne d'autre de plus...convenable...afin de nous porter vos sommations ? déjà a qui ai je donc affaire ? je ne connais point votre nom, rustre et vous ne semblez même pas au fait de ce qu'il se passe sur les terres que vous devez défendre."

Un bref instant pour voir s'il se présenterait devant un baron, tout de même

"Je crains la Damedieu en effet, comme tout bon croyant devrait le faire mais malheureusement pour vous, pas dans cette affaire. Vous m'amenez une nouvelle des plus hilarante, voyez vous, en arguant que je faisais apparemment parti d'un conseil dont j'ignore même jusqu'à l'existence. Non je n'ai jamais reçu d'offre afin de faire partie d'une régence, je pense que j'aurais été au courant si c'était le cas, étant le premier concerné. quand à la régente, je pense qu'elle n'avait pas prévu, lorsqu'elle a "reconnu" la légitimité de votre royaume par dépit, que vous tronqueriez son royaume en vous octroyant Alonna, se demandant ou cela se terminerait."

Son regard acéré alla de l'un à l'autre des membres de la troupe qui lui faisait face

"J'ai bien pris votre sommation en compte, messieurs et je vais vous faire ma réponse. Je ne rendrais pas les villes que j'ai prises avec le sang et la sueur de mes hommes et compagnons. Voila ce que moi, je vous propose, menez mes mots sans les modifier à celui qui vous commande. Rendez vous sur le champ, déposez les armes et faites moi allégeance et je vous promet que nul mal ne sera fait à personne et que j'épargnerais tout le monde, que ce soit la paysannerie ou les hommes d'armes. Nul représailles pour vous méfaits et écarts. Le neveu de votre roy ne sera pas puni non plus, il deviendra mon écuyer et je fais la promesse sur mon honneur de le former au mieux afin qu'il devienne un fier seigneur de sgardie"

Il marqua une nouvelle pause, passant sa main dans ses cheveux en bataille avant de reprendre, fixant toujours un après l'autre ses interlocuteurs.

"Vous criez à l'indépendance de façon récurrente messieurs, mais qu'est ce que cela vous a amené jusque la ? Vous êtes de fiers et courageux guerriers, cela personne ne peut vous le retirer mais pourtant, Serramire vous déjà maté par le passé. Ensuite, les guerres civiles ont duré encore et encore, mortifiant tout le monde et appauvrissant la sgardie. Un homme à finalement réussit à en sortir mais la folie l'a prit et non content de clamer son indépendance, ne manquant pas de s'attirer un courroux à un moment ou à un autre, il est partit guerroyer plutôt que de s'occuper de ses nouvelles terres, étêtant votre haute noblesse et vos fiers guerriers, faisant encore plus de morts, de veuves et d'orphelins. Allez vous continuer de perdre des fils et des pères lors des affrontements qui, même si vous l'emportez sur moi, perdureront encore et encore ?"

Il était temps de jouer un atout car, à présent, personne ne devait ignorer que l'ost Brochant était levé et peu de personnes devaient connaitre le désaccord entre les deux hommes.

"Serramire est à vos portes pour venir donner le coup de marteau sur l'enclume que je représente. Votre soit disant roy est mort et il n'a même pas donné d'héritier et c'est quelqu'un qui n'est pas en âge de régner qui est à votre tête alors que vous avez besoin plus que jamais d'un homme fait pour vous dirigez avec sagesse et fermeté. Vous n'avez surement pas manqué la bannière royale qui flotte aux côtés de la mienne. Ce n'est qu'un avant gout des renforts qui ne vont pas manquer d'arriver pour mater votre rébellion. Alonna est déjà tombée et avec une facilité déconcertante malgré toute la fierté de ses soldats qui ont fait leurs preuves sur un champ de bataille et aujourd'hui, ils marchent également avec moi, comme vous l'avez constaté."

En effet, les multiples bannières qui flottaient ne devaient pas avoir manqué d'attirer leur attention et chacun s'y connaissait en héraldique, du moins pour les seigneurs d'importance et la compagnie royale

"Aretria aussi guerroie avec moi, que pouvez vous fasse à toute l'étendue de la puissance de la péninsule ? vous êtes fier mais il est un temps ou il faut être sage et celui la est venu. D'autres ne manqueront pas de venir si vous persistez dans votre résistance, avide de pillage et de gloire à votre détriment. Pensez à tout cela messieurs."

Voila, ils étaient venus faire leur sommation et ils avaient reçu l'offre, plus que généreuse, que leur faisait Jérôme. Il existait peu de monde qui offrirait un pardon comme cela, même à celui qui était autoproclamé roy. La balle était maintenant dans leur camp, il fallait voir si la voie de la sagesse allait s'ouvrir à eux

La tension montait et pas qu'un peu. L'émissaire cracha au pied du baron avant de débuter sa tirade. A ce geste, tout l'entourage de Jérôme porta la main à leurs armes afin de laver l'affront mais le baron les arrêta d'un geste. ses yeux se firent sévère et le froid l'envahit ainsi que ceux qui oseraient le regarder dans les yeux, il se faisait glace et prenait sur lui pour l'instant, le laissant répondre avant que ne vienne le temps de répliquer

"Vous avez la langue bien leste et vos paroles sont creuses. Vous me parlez de boucherie et de parjure, à moi ? laissez moi vous rappeler que feu votre roy à fait bien pire. Ne le connaissez vous donc pas, comme apparemment ce qu'il se passe par chez vous ? ne vous souvenez vous donc pas qu'il a débuté en se rangeant auprès de Norman afin de mieux le tromper et de le trahir, s'emparant de Oësgard-la-citadelle après avoir bafouer la confiance qui lui avait été alloué ? et en parlant de massacre, les enfants de Norman qui ont été assassiné pour faire plier le seigneur légitime de la Sgardie, les avez vous oublié ? cessez de me parler de noblesse et d'honneur alors que vous avez suivit un être bien plus vil que moi sans sourciller. La fierté, vous l'avez, il n'y a pas à revenir la dessus mais les exactions qui ont été faites durant les guerres civiles consécutives l'on bien été par les seigneurs de la Sgardie qui aujourd'hui se dressent en parangon de justice, vous êtes pathétique et ridicule. Allez donc demander aux pauvres paysans ce qu'ils pensent de la soldatesque, que ce soit la mienne ou la votre au moment des guerres civiles. Vous revenez aussi encore sur des promesses passées qui n'existent pas, d'ou vient donc ces renseignements honteux et calomnieux visant à me dénigrer et qui n'ont jamais existé ? S'il y a bien un serment que je n'ai pas honoré, il est unique et il a été défait par un édit royal à mon grand regret."

Jérôme s'avança à son tour vers l'homme qui s'était enfin nommé

"J'ai bien pris note de votre nom, Jehan de Lonsville. Vous savez qui je suis mais je vous le rappelle. Je suis Jérôme de Clairssac, baron d'Etherna et seigneur de Bastylle et d'Hiviène et j'ai effectivement eu la charge de diriger ces terres qui ne cessent de causer des tourments et de s'enfoncer dans la décadence, ne pouvant plus assurer son statut de rempart vu les guerres successives qui l'ont affaiblit. Je ne suis pas du sud, ni un seigneur de cours, le champ de bataille, je connais et vous le savez si vous avez la moindre information fiable à mon sujet, ce dont je doute de plus en plus, la guerre est laide et la politesse n'y a pas son mot, c'est ainsi."

Il s'avança d'un pas supplémentaire

[color=orange"Je vous ai transmis le message que j'avais à faire, j'espère que vous le porterez fidèlement à celui qui vous gouverne. Sachez, même si cela vous indiffère, que si je deviens votre suzerain, je sais la tâche qui m'incombera de veiller à la sécurité du bon peuple et de tout faire pour que cette terre retrouve sa splendeur d'origine."[/color]

Il s'avança encore, se portant à une distance très faible de son interlocuteur

"Tout cela je le dis en présence de tous vos témoins. Maintenant que tout est dit, sire Jehan de Lonsville, je me dois de relever les insultes que vous me prodiguez, je vous défi en duel jusqu'au premier sang afin que l'on ne pense pas que j'occis les émissaires que l'on m'envoie"

Imperturbable ou confus de se rendre compte qu'ils ne savaient rien sur leur terre, leurs seigneurs et les événements récents, les émissaires ne disaient rien. Et si l'homme pensait que Jérôme était de petite noblesse, c'est qu'en effet, il ne savait rien à rien. Les Clairssac étaient une famille noble depuis des lustres et même s'ils avaient connu la déchéance il y a quelques générations de cela, ils étaient de haute lignée et avaient remonté la pente en se distinguant au combat. L'émissaire avait la langue bien pendue et il parlait pour agacer et non comme son statut le voulait, en tant qu'ambassade. Jérôme sourit et recula après qu'il eut fait défection au duel

"Mon blason est bien assez brillant pour vous éblouir. je ne provoque en duel que les personnes qui m'insultent, ce que vous avez fait. Maintenant, je pensais que la Sgardie était peuplée d'hommes fiers et non de couards ayant peur de relever un défi d'homme à homme qu'ils ont tout fait pour trouver.

Après toute l'ignorance que vous avez déployé sur ce qu'il se passe chez vous et votre arrogance que vous n'assumez pas, voila qui vous montrez vos piètres talents de stratège. Si vous êtes ce qu'il reste d'hommes sur cette terre, alors sa conquête ne sera qu'un jeu d'enfant"

En effet, si l'armée n'avait pas avancée, c'était bien parce que le Ger était infranchissable, ni plus, ni moins et les choses allaient changer sous peu avec la décrue.

"Vous voulez m'affronter sur le champ de bataille alors que vous êtes incapable de relever un duel d'homme à homme. vous ne relevez pas le miens et vous m'en lancez un autre alors que vous serez entouré de vos hommes pour vous protéger, voila un piètre seigneur que vous êtes. Je ne relèverais évidemment pas et si vous saviez la moindre chose sur ce qu'il se passe et s'est passé, vous sauriez que c'est à vous de faire vos preuves sur un champ de bataille et non à moi, j'ai connu bien plus de vrais batailles que vous."

En effet, mater la révolte d'Etherna puis la guerre de Sainte Berthilde auprès de Grégoire suivit de Serramire et de Bastylle étaient les derniers faits d'arme de Jérôme mais il en avait eut d'autres avant. Il avait plus que largement fait ses preuves et pour la plupart en se tenant à la tête de la charge. Ce jeune seigneur présomptueux et orgueilleux au possible n'avait rien à faire valoir au baron

"Vous n'êtes ni preux, ni même digne d’intérêt. Maintenant, tenez vous pour dit que si vous reparaissait devant moi, vous ne repartirez pas vivant, pas après les insultes que vous avez prodiguez à mon encontre. Je vous laisse repartir car vous êtes couvert du sceau de l'ambassade mais n'oubliez pas que ce n'est plus le cas à l'avenir. J'ai dis ce que j'avais à dire, j'espère que vous aurez suffisamment de mémoire pour vous en rappeler et une once d'honneur pour les répéter dans les formes à votre chef et non déformé."

Le torchon avait brûlé et il n'y avait plus rien à dire. Plus qu'une ambassade, il s'agissait uniquement d'une mascarade et d'un affront. Jérôme se retourna et quitta la tente sans attendre, ni écouter s'ils avaient encore d'autres insultes à prodiguer.