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 Toujours un coup d'avance

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Aymeric de Brochant
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Aymeric de Brochant


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MessageSujet: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeLun 11 Aoû 2014 - 22:31

8ème jour de la 5ème énéade de Favriüs, 8ème année du 11ème cycle.

Le formidable ost de Brochant avait passé une heure plus tôt la frontière séparant Serramire et Oesgard, et cheminait désormais dans cette large trouée que formaient les Monts d'or et les Hortles en s'écartant. Au milieu de ces deux massifs s'écoulait la Gilève, dont le tracé arrondi annonçait l'oesgardie. Bientôt, le torrent se jetterait dans l'Ambrie, et en amont de cette rivière, se dresserait la ville de Hasseroi, à cheval sur les deux berges. C'était le point de passage obligatoire, pour espérer pouvoir continuer le voyage.

Lorsque le bourg fut enfin en vue, on sonna la halte de l'ost. Pour un groupe isolé, il n'était guère sage de s'attarder dans cette trouée traître, car il n'était pas rare que les pâtres des Hortles, que l'on disait ensauvagés par la nigromancie, ne déboulassent au détour du chemin, prompt à détrousser le voyageur. Fort heureusement, la force d'un ost si populeux devait décourager les agrestes pillards, car il ne s'en était vu aucun durant tout le trajet. Aymeric fit envoyer son héraut jusqu'à la ville pour annoncer sa venue, avant de convoquer le conseil de guerre.

Les chefs s'étaient rassemblés au bord du torrent, goûtant de cette escale champêtre pour rincer leurs petons dans l'eau glacée des montagnes. La décrue n'était encore pas consommée, si bien qu'ils pouvaient aisément se tenir assis sur leurs sièges de campagne, tout en plongeant leurs orteils à qui mieux-mieux. Cette assemblée de baigneurs rassemblait, en sus du marquis, son frère Evrard, son fils Arnaud, son beau-frère Roland, ses neveux Nestor et Pierre, ainsi que Monsieur Geoffrey de Clairséant, lequel ne manquait jamais une occasion de troubler un si beau tableau de famille. Cette coterie de bons seigneurs, vieux et jeunes, profitant d'un instant de quiétude, causaient badins de la beauté du paysage.

L'entracte bucolique cessa, quand par des pages une table fut dressée, une carte déroulée, et les pieds séchés. Tous se tournèrent vers le plan, impatients de connaître les prochaines directives. Sur le vélin, maintenu déplié à l'aide de quatre gros galets sortis du torrent, étaient disposés de petits pions en bois, qui habilement peints en rouge, en bleu, en vert, distinguaient les troupes propres des alliés, et des adversaires. Aymeric fit un rapide survol des forces en présence : "Aux dernières nouvelles, Jérôme est entré en Oesgardie par le Sud. S'il ne veut être isolé d'Alonna, et ainsi voir ses lignes de ravitaillement coupées, il sera forcé de porter le siège au devant des forteresse locales. Cette région a été durement ravagée par la guerre, et je ne doute qu'il puisse s'emparer de ces places. Suite aux combats de Vosvenargues, on m'a rapporté que le seul pont franchissant l'Alette avait été coupé. L'armée de Clairssac aura deux possibilité : ou partir à l'Ouest, et remonter la rivière jusqu'à ce qu'en amont il trouve un gué plus clément, mais cela le ferait pénétrer dans l'Überwald, de sinistre réputation ; ou partir à l'Est, vers Haurse-Porc, pour franchir le Gër, un petit affluent de la Sirilya. Ce chemin le mènera droit devant Amblère. C'est le fief natal des Falkenberg, et nul doute qu'il y trouvera une résistance tenace.
- Qu'en est il d'Alonna ? demanda Evrard, le frère du marquis
- La modestie ne semble étouffer les nouveaux seigneurs ; on m'a conté comment, après qu'il les eut installé sur le trône, Jérôme s'était vu contester l'hommage derechef. Si l'acte en dit long sur la mesquinerie de ces parvenus, elle n'a pour le moment eut guère d'incidence. Au contraire, l'Ogre de l'Atral s'étant hâté vers l'oesgardie, il a certainement obtenu de ses nouveaux alliés un concours matériel. Mais tranquillisez vous, mes seigneurs. L'armée d'Alonna a cruellement payé le prix du sang, lors de la rébellion de Marc de Chtoll. Lorsque Jérôme a châtié ce dernier, nombreux sont les seigneurs à s'être rangés du côté des Broissieux pour ne pas finir comme leurs soldats ; je gage que s'ils sentaient le vent tourner, ces même gens pourraient à nouveau se soulever. Aussi, avec une armée amputée de nombreux hommes, et des vassaux instables, Alonna ne doit pas nous inquiéter, d'autant plus que nos fiefs sont largement pourvus, tant en hommes qu'en vivres. Si quelqu'un venait à nous menacer sur nos terres, l'ordre a été donné de fermer les villes, ce qui nous laisserait aisément le temps de revenir pour chasser les éventuels imprudents."

Un moment de flottement succéda à l'exposé, pendant lequel chacun se pencha, observa, et cogita au sujet de la marche à suivre. Arnaud, l'héritier du marquis, voulant se montrer des plus assidu quant aux affaires guerrières, tâchait d’imiter les vassaux de son père, et d'inventer une bien savante stratégie. Les histoires des cannibalesques pâtres des Hortles lui revenant en tête alors que son regard insistait à cet endroit sur le vélin, il s’apprêtait à suggérer de partir recruter ces terribles auxiliaires pour semer le dégât dans le camp des félons, quand le seigneur Roland s'exprima brusquement, coupant nette la brillante idée. "Eh bien, notre situation est excellente ! Jérôme embourbé dans une guerre de siège, et les Broissieux à la tête d'un château de cartes ! Allons, prenons l'hasseroyale d'assaut, et nous pourront accueillir les étherniens du haut du donjon d'Oesgard !"

Il était coutumier pour les seigneurs du pays de vouloir clore une campagne aussi vite que possible ; l'appel à former le ban les contraignait à délaisser leurs foyers, lesquels pouvaient être menacés en leur absence. Cette précipitation conduisait bien souvent à des fautes stratégiques, à des brusqueries pouvant s'avérer dévastatrices. L'exemple de la guerre civile était ici un cas d'école ; bien qu'ayant pris Diantra, les barons rebelles s'étaient vus amputer leurs terres respectives. Aymeric, lui, était résolu à ne pas faire un feu de paille. Il lui fallait restaurer la stabilité dans l'ensemble du pays, ce qui ne pourrait se faire en une brève chevauchée, ni d'un seul assaut victorieux sur quelque bastide.

"La situation nous est en effet favorable, et il nous faut veiller désormais à ce qu'elle le reste. Nous ne devons réserver nos forces qu'en vue d'une bataille contre Jérôme, ou d'un long siège devant Oesgard. La cité à elle seule a su tenir en respect les forces coalisées de feu mon cousin Merwyn, et du roturier Kal'han, ne l'oubliez pas. Tant que nous n'aurons un moyen sûr d'ouvrir les portes d'Oesgard, il nous faudra être avare en homme, et prodigue en ruse. Le marquis ramena l'attention des seigneurs sur la carte, pointant leur prochaine étape, mentionnée par Roland juste avant. Qui plus est, Hasseroi est un rocher qui ne se laisse gravir aisément. Lorsque nous reconquîmes le pays des années plus tôt, la ville avait été ardemment malmenée par la jacquerie, et nous nous en étions emparé sans heurts ; toutefois, eusse-t-elle été défendue, que nous aurions dû mener un long siège de plusieurs mois. Voyez, elle est tenue par un fort châtelet, bien ordonnancé et de fort bonne maçonnerie, que l'on appelle la Cachematte-de-l'Isle, eut égard à sa position au centre de la rivière. Non, il nous faut gagner le soutient de ces gens. La ville est acquise de longue date aux bourgeois, et lors de la rébellion des barons, ils se soulevèrent contre les Porporie, leurs seigneurs. Lorsqu'il usurpa le pouvoir et se proclama roy, Goar restitua la bourgade aux Porporie, mais ceux-ci s'en allèrent trouver la mort dans cette lubie d'aventure estréventine. Aujourd'hui, la ville est aux mains des échevins, et ce sont des hommes avec qui nous pouvons négocier."

Marchander ainsi une allégeance avec de la roture demeurait toutefois infamant à l'esprit de ces seigneurs au sang bleu. "Comment ? Envisageriez vous de payer ces gueux pour ce qui nous revient de droit ?" douta Clairséant. Tous désapprouvèrent successivement le marquis, estimant la démarche avilissante. Le mécontentement grondait au sein de ces hommes de guerre, impatient d'en découdre, et Aymeric saisit bien vite les risques d'une contestation au sein même de son parti. "Doux sires, doux sires ! Le fils du baron Baudoin s'était acquis le soutient de ces gens, jadis. Il nous suffit de trouver ce que cet Odoacre leur avait promis, pouvoir en obtenir de même. Prenez acte : si dans deux énéades, la ville ne nous ouvre pas ses portes, je les enfonce moi même !" Ragaillardie par cette décision, la coterie opina avec enthousiasme. Deux énéades laissait le temps d'une négociation consommée, et n'offrait à Jérôme que peu d'avance. Durant ce temps, en outre, l'ost pourrait s'affairer à l'abattage des arbres, et aux travaux de charpente en vue d'un siège, qu'il fut à Hasseroi ou devant Oesgard.

La décision fut entérinée par le retour du héraut parti annoncer la venue d'Aymeric. Les échevins de l'Hasseroyale consentaient à rencontrer le marquis dès le lendemain. En outre, l'enseigne avait appris de la bouche même des bourgeois que le le Primat d'Oesgard, régentant le pays depuis la mort de Goar l'usurpateur, s'était enquis de leur soutient tantôt, mais n'avait su obtenir de réponse immédiate. La perspective d'un ralliement de la ville était donc encore tout à fait envisageable.
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Aymeric de Brochant
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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeLun 11 Aoû 2014 - 22:32

9ème jour de la 5ème énéade de Favriüs, 8ème année du 11ème cycle.

Dès les premières lueurs du matin, le camp fourmillait d'une activité effrénée. Après une première nuit passée pour la plupart à la belle étoile, dans le froid montagnard, nombreux se mirent au travail pour construire un campement digne de ce nom. Chaque seigneur inspectait ses bannières, ordonnant aux hommes d'armes le creusement des rigoles, des fossés, la pose des tentes et des latrines. Les fils suivaient leurs pères respectifs, recevant par là même un précieux enseignement du terrain. À la mi-journée, le marquis et ses lieutenants se retrouvèrent dans la tente de commandement, que l'on avait installée au bord de la Gilève, où les hommes s'étaient lavés les pieds la veille.

L'ambassade fut diligentée dès l'après midi, et conduite par le marquis en personne. À ses côtés se trouvaient Roland, le seigneur de la Verse, et Geoffrey de Clairsséant, lequel avait fidèlement défendu Serramire lors de son invasion par Jérôme.  Plusieurs chevaliers complétaient l'escorte, à laquelle s'ajoutait la valetaille, quelques hérauts et enseignes, pourvues des bannières de chaque seigneurs, ainsi que de le gonfanon de la maison Brochant.

Arrivant aux abords du bourg, un bref regard sur les fortifications en apprit long aux invités sur les dispositions guerrières prises par les habitants. En haut des courtines, les hourds avaient été dressés, et l'on pouvait distinguer, à travers les ouvertures, un va-et-vient incessant de la part des défenseurs. Sur le haut des tours transparaissait à travers un manteau brumeux la silhouette inquiétante des pierrières et des mangonneaux. Hasseroi était une ville à la complexion rude et aux murailles hautes ; elle était cintrée par de profondes douves, détournées directement de l'Ambrie. Et tout ceci ne composait que la tête de pont d'un complexe plus fort encore ! Au delà seulement de la rivière, blottie derrière la masse imposante de la Cachemate, demeurait le vieil Hasseroi, avec ses quartiers d'Embek-la-haute, et Embek-la-basse.

La coterie, paraissant aux portes de la cité, se vit descendre le pont levis et remonter la herse. Ils s'enfoncèrent dans le bourg, traversèrent l'Ambrie pour gagner l'Isle, et à l'ombre de l'inquiétant châtelet, quittèrent leurs montures. L’œil averti pouvait tirer d'une brève observation de ces merlons des conclusions bien sèches : la bâtisse était éminemment solide. On la disait de sinistre réputation, et il apparaissait évident qu'un homme laissé ici au secret, si tant est qu'il ne soit un as de l'évasion, devait prendre son mal en patience avant d'entrevoir la lumière du jour. Ce constat amer remémora au marquis les années qu'il avait passé dans les geôles de Castel Tolbioc, l'aile la plus ancienne du château noir, à Serramire.

Il était singulier de voir des bourgeois s'approprier les symboles de seigneurs féodaux. Dans toute autre ville, les corporations et les guildes, si elles conservaient quelque pouvoir informel, demeuraient avant tout des instances de la roture - certes riche - et par conséquent, tenues loin des décisions régaliennes. Mais ici, depuis la révolte des Merciers, le bien fondé d'une domination nobiliaire avait été remis en cause, et aujourd'hui, longtemps après la jacquerie, les marchands tenaient la ville. Sur les courtines patrouillaient des milices d'arbalétriers, et, remplaçant l'ancienne garde des Porporie, une mesnie de piquiers mercenaires, d'ancien fidèles du baudoinide, montaient la garde. Il n'était donc guère étonnant d'être reçu dans la Cachemate, et non dans un hôtel particulier du vieux bourg.

Les échevins reçurent l'ambassade dans une salle aussi large que longue, au fond de laquelle on avait substitué au trône du seigneur une longue table en U. Derrière cette table siégeait les nouveaux maîtres du bourg, tous d'importants chefs de famille marchande, ou d'éminents représentants des corporations d'artisans et de négociants. Il n'était guère surprenant qu'au centre de cette coterie se tinsse Étiennes Mare-Sel, qui malgré les années et les guerres, s'étaient maintenu à la tête de la guilde des merciers. L'homme, qui avait joui par le passé d'une réputation d'émeutier et de vide-gousset, avait habilement manœuvré auprès des gouvernements successifs pour conserver la main-mise sur l'importante corporation, et tenait la dragée haute à ses camarades. Chassé d'Oesgard suite à l'usurpation de Goar, Mare-Sel s'était replié sur Hasseroi, et lorsque la nouvelle de la mort de Porporie était parvenue aux oreilles de la gueusaille, il s'était bombardé bourgemestre, prenant ses quartiers dans la Cachemate. Il fut celui qui entama la négociation :

"Ne sommes nous plus de vulgaires roturiers, pour qu'en si peu de temps viennent nous courtiser les grands seigneurs du Nord ? Le Primat est déjà venu quémander nos arbalestres, le marquis le fera-t-il à son tour ? Que voulez vous aux bonnes gens d'Hasseroi, doux sires ? lança avec arrogance le bourgeois.
- Le marquis vous commande, en sa qualité de maître du Nord, de lui octroyer le passage sur l'Ambrie, et de le rejoindre dans sa camp... commença Roland, avant qu'il ne soit interrompu aussitôt par son interlocuteur, goguenard
- Le marquis commande ? Pouah ! Avez vous vu les engins sur nos murs ? Ces soldats là sont bien peu enclins à suivre vos commandements, coquin, routier de mauvaises manières. Pourriez vous nous porter le siège, vous et vostre vilain capiston de Clairssac, que nous saurions le tenir deux années complètes !"

Fort du soutient du peuple et sûr de sa position, Mare-Sel pouvait se permettre d'aller à la crânerie. Il semblait acquis que les gens de Hasseroi ne plieraient pas devant l'intimidation, et plutôt que de démarrer une escalade dont l'issue serait funeste, le marquis préféra tranquilliser ses hôtes quant à ses intentions, et rétablir quelque vérité dans l'esprit suspicieux des bourgeois.

"Allons, bonnes gens ! Je ne souhaite nullement m'emparer de vos pénates par les armes. Nos ennemis sont identiques, et je gage qu'en bon prud'hommes que vous êtes, vous saurez prêter attention à ma proposition. sûr d'avoir capté l'attention des échevins, Aymeric reprit. J'ai l'intention d'entrer en Oesgard pour en chasser l'usurpateur, et de restaurer la suzeraineté de Serramire sur la baronnie. Il y a dix ans de cela, Merwyn le fol planta les graines d'une fièvres dont nous sentons toujours la malévolence. Dix ans de ravages et d'incurie, auxquels je souhaite substituer l'ordre et la prospérité.
- En envoyant vos gens ravager le pays, vous mettriez fin au chaos ? Nous ne sommes pas dupes du dégât qu'est allé répandre Clairssac dans le sud. C'est cela que vous appelez la prospérité ? Lorsque chaque ville sera réduite en cendre ?
- Vous faites erreur. Le baron d'Etherna s'est fait félon. Ourdissant une intelligence avec la Régente, Clairssac s'est épris de conquête, et a fait main basse sur la baronnie d'Alonna. Il s'est vu promettre la suzeraineté sur ces terres, si jamais il parvenait à les dominer. C'est aussi pour mettre fin à cette cabale que je porte les armes. Accordez votre concours à cette juste entreprise, et vous serez prémunis dès menées guerrières de Clairssac, et de la vengeance d'Oesgard."

L'assertion sembla intéresser plusieurs des échevins. En effet, après qu'ils eussent opposé au pouvoir "royal" d'Oesgard un silence coupable, les bourgeois étaient en droit de s'attendre à des réprimandes. On ne bafouait impunément l'autorité de la noblesse, encore moins lorsque celle ci s'était proclamée du plus haut des lignages. Pourtant, il en était plusieurs à voir d'un mauvais œil cette proposition. L'animosité contre les gens de Serramire avait toujours été tenace en oesgardie, eu égard à la longue histoire de rébellion et de répression qu'entretenaient le suzerain avec son vassal. Cet antagonisme avait été renforcé par la folie de feu Merwyn. Si avec les années et les troubles qu'elles avaient vu se succéder, certains s'étaient surpris à regretter les temps de paix dans le Nord, la rancune demeurait cependant bien présente dans le cœur de la population. Parmi les échevins, il en était pour qui les intérêts de la proposition ne valaient de retourner dans le giron de Serramire.

Les chuchotement commencèrent à agiter l'assemblée des bourgeois, et Aymeric sentit qu'une esclandre pouvait émerger d'une minute à l'autre. Il prit son congé des échevins, auxquels il présenta son engagement : si dans deux énéades, la ville n'ouvrait ses portes, il y mettrait le siège et la prendrait d'assaut sans coup férir.
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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeLun 11 Aoû 2014 - 22:33

6ème énéade de Favriüs, 8ème année du 11ème cycle.

Les jours suivants furent la proie d'une relative monotonie. À quelques lieues de Hasseroi, le campement menait son existence champêtre et badine. Après les soldats, c'était toute le train de l'armée qui s'était installée sur les bords de la Gilève, formant là une véritable petite ville, avec tout ce qu'on pouvait trouver de forgerons, de bateleurs et de catins. Le bruit de maraudeurs descendus des Hortles pour piller les convois avait fait frémir, mais il ne s'était agi pour le moment que d'un cas isolé. Voila une menace dont on aurait eut mieux fait de s'occuper, plus que les chimères que pourchassait Montvélin ! Aymeric apprit bientôt qu'en Oesgardie, l'usurpateur avait fait armer la troupe pour chasser les brigands, et enquester sur ces histoires de sorcier maléfiques que les montagnes abritaient. On disait même que non content d'enquester, le sire de Lonsville, un capitaine de Goar, s'était épris d'une ferveur bien zélée, et avait présidé à l'incinération en bonne et due forme des occultistes. Quel bon sens, ces oesgardien !

À des lieues de ces considérations d'esthète, l'affaire politique tracassait le marquis. Bien que son armée fut largement pourvue en vivre et bien ravitaillée, que les travaux du génie se déroulassent sans accroc, l'homme était anxieux de n'avoir encore reçu de réponse. Les bourgeois de Hasseroi faisaient la fine bouche, ne lui envoyant que des informations lapidaires, et trahissant l’indécision des édiles. On prétexta en premier lieu une consultation populaire, puis un recours aux haruspices. Finalement, un des bourgeois vint se présenter au campement même, suivi de quelques clercs. La raison était pour le moins prosaïque : désireux de s'assurer que le marquis respecte sa parole, les échevins souhaitaient qu'il signât une charte accordant la statut de ville-franche à la bourgade.

Le texte avait une teneur plus ou moins identiques à ce qu'avait offert tantôt le chevalier de Raisse, mais au nom du Primat d'Oesgard. Aymeric, lui, ignorait tout des tractations entre les deux villes, sinon qu'elles avaient eut lieu, et qu'à l'instar des siennes, n'avaient rien donné. Se saisissant d'une de ses plus belles plumes d'aigle, il parafa diligemment les rouleaux de vélin que lui tendaient les clercs, laissant lui échapper quelques sarcasmes à la mention d’exonérations d'impôts. Le marquis se plut à tâcher les rouleaux de son encre, d'autant qu'il dispensait ici son accord pour des terres qu'il ne possédait pas.

L'affaire fut si rondement menée, qu'au départ des plénipotentiaires et de leurs curés, Aymeric eut le sentiment que dès demain, la ville lui ouvrirait les portes. C'était mal connaître la nature chicanière des bourgeois, et cette naïveté lui apporta une lourde déconvenue dès le lendemain matin. Le manège se reproduit une nouvelle fois, puis une autre, et ce durant toute une semaine. Les échevins envoyèrent finalement quelque messager pourvus d'une clause, concernant cette fois-ci les taxes sur les fûts de Hautval. "Se joue-t-on de moi, à la parfin ?" explosa le marquis. Il chassa sans attendre les colporteurs.

Alors que se figurant avoir dispersé cette horde d'avides curetons, le marquis se décida à faire un tour du campement, il fut interrompu par un des clercs. Le ladre s'était habilement terré derrière une tenture, et le premier réflexe d'Aymeric fut de mettre la main à la dague. "Suspendez votre bras, sire ! Je ne suis pas là pour vous attenter. Qui plus est..." Le coquin ôta prestement sa bure, dévoilant une cuirasse et une lardoire de guerre. Pas plus rassuré pour un sou, notre héros n'appela pourtant pas la garde, estimant la distance suffisamment proche entre lui et ce nouvel intervenant pour pouvoir le daguer, avant que ce dernier ne puisse mettre la main à sa brette. "Hé bien, si ce n'est la religion qui vous envoie, que me voulez vous ?
- Je suis venu vous avertir, messire, que vos promesses ne vous ouvrirons les portes de la ville, mais que votre grandeur ne doit pas s'inquiéter, car elle a devant elle le moyen de ravir le cœur de tout ces bourgeois !
- Et comment se nomme ce moyen, mon bon monsieur ? répondit avec acidité le marquis
- Léonard de Montsoupir, pour vous servir ! Contre quelques menus dédommagements, cela s'entend."

Lorsque Odoacre, l'héritier des Heinster, s'était acquis le soutient de l'Hasseroyale, il était secondé dans cette tâche par le triste sire de Montsoupir, un reître à la sinistre réputation. Aussi invraisemblable que cela put paraître, le ladre se tenait droit devant lui, sur ses quenottes grêles, avec son pif vérolée. À la victoire des Falkenberg, l'homme s'était fait oublier dans les tripots d'Embek-la-basse sans passer par la case Cachemate. De par ses accointances avec les Compaings de la picquerie, il avait conservé une oreille non loin des échevins, après que ses anciens coreligionnaires en rapine fussent devenus la garde officielle des grands bourgeois. Il semblait toutefois que ce singulier personnage, après s'être contenté de cette vie de secret pendant plusieurs mois, venait de flairer un meilleur choix de carrière. Il s'entretint longuement par la suite avec Aymeric, que le lecteur pouvait d'ors et déjà considérer comme son nouveau mécène.

"Allons bon, expliquez moi donc pourquoi je me suis fourvoyé, et pourquoi devrais-je vous écouter, avant de penser à votre salaire.
- Là, déjà avare ? on rechigne à l'acompte, mais on voudrait qu'il entre, le fouille-merde. Bien, je vais vous en filer, moi, du biscuit sur Étiennes Mare-Sel, pour votre feuille de choux. Ça va fuser les potins, les ragots. C'est ma profession, à moi, de témoigner, mes témoignages c'est pas de la daube.
- Je vous écoute. répondit sèchement Aymeric, lequel rengaina sa dague, et lança son aumônière
- Voyez, Mare-Sel vous suivrait bien - serait pas le seul au demeurant. Sauf que parmi ceuxzigues, s'en trouve d'aucuns pour vous conchier. Vous êtes pas d'ici - moi non plus - et c'est ça qui les chagrine.
- Et que me conseillez vous ?
- Pour le moment, rien. Vous étiez pas si mal inspiré de renvoyer l'autre eunuque ; ça va les pousser à choisir leur camp, là bas. Serai pas surpris qu'un joue du surin, dans la nuit. Il se dit que Raisse, l'homme du Primat, est revenu les sommer. Que certains prendraient bien la poudre d'escampette, pour aller se planquer à Oesgard. Ceszigues savent pas tous que ça ferraille ferme dans le Sud, mais Mare-Sel le sait, ça. Il a aucun intérêt à rejoindre le Primat, sinon pour crever du typhus à Amblère.
- Les partisans du Primat pourraient ils le forcer ?
- Non pas. Mare-Sel tient les compaings, et donc la Cachemate. Il faudrait plus que tout Oesgard pour l'en sortir. Mais rien n'empêche ses contempteurs de s'esquiver, et ça, Marse-Sel le veut pas non plus. Il serait affaibli, et devrait revoir ses attentes. Tant qu'il tient à son rocher comme une moule, vous êtes bien brenneux. Voila le pourquoi des petits papelards, il vous tirera tout ce qu'il peut tirer avant d'ouvrir ses portes.
- Les hommes qu'il perd sont autant de ristournes qu'il ne peut m'arracher, je vois.
- Mais c'est que messire est un parangon de perspicacité! lança crânement le ladre
- Et ce projet que vous me promettiez ? S'il s'agit de ne rien faire et d'attendre, je peux m'en acquitter tout seul. répliqua le marquis, s'impatientant des facéties du drôle
- Là, chaque chose en son temps. on va déjà manger, ensuite on ne fera rien et on attendra. Personne n'a jamais si bien attendu qu'en ma compagnie. Vous jouez au kjall ?"

Aymeric ne fit en effet que bien peu de choses de sa soirée. Toujours suivi du spadassin, lequel se présentait comme un gentilhomme, le marquis fit montre des premières largesses depuis le début de la campagne. L'arrivée de Montsoupir coïncida avec celle d'un tonneau de Hautval. Il était préférable que l'ost festoie au début de l'offensive, ainsi on n'accablait guère les hommes de corvées de de monotonie, les préservant forts gaillards en vue d'un assaut. Une armée lasse de l'absence de combat pouvait tout autant trainer les pieds qu'une armée en déroute. En faisant jouter les hommes de jour, et festoyant la nuit, on ménageait leur entrain. En outre, le vin bu maintenant serait autant de chevaliers à ne pas décuver lorsque la bataille commencerait.

"Et maintenant ? Êtes vous plus disposé à m'entretenir de ce sémillant projet qu'est le vôtre ? interrogea Aymeric, tout en battant les cartes
- Oui-da ; d'aucuns craignent ici que vous ne faisiez que dire ce qu'ils veulent entendre. Le Primat, c'est pareil, il fait signer, il fait promettre, mais baste ! Quand la guerre sera finie, le vainqueur pourra revenir sur toutes les promesses faites, hein ?
- Je leur ai donné ma parole d'honneur, mais cette roture ne saurait y entendre mie. Peste de ces gens de peu, qui ne s'entendent guère en fidélité, et que trop en argent. Annoncez.
- Là, là, l'occasion fait le larron, qu'on dit. Tous ne sont pas si probes que vostre belle seigneurie. Je mise sur le charretier.
- Et qu'espèrent ils ? Que je les bombarde barons tout autant qu'ils sont ? Bien arrogant sont ces ladres, de me débouter quand je leur offre bien plus qu'ils ne le méritent. Ils peuvent obtenir de moi davantage que des autres. Le spectre fol de mon cousin plane-t-il encore tant sur leurs têtes ? Je contre par le maçon zélé, donnez moi le dé.
- Le spectre du baron Baudoin, dites vous. Lorsque cette crapule d'Odoacre est reparu, ceszigues n'ont pas attendu longtemps avant d'en faire leur messie. Tous voient l'âge d'or au coin de leur rue, tant qu'un Heinster est baron. Le vieux savait s'y prendre pour se faire aimer des gens. J'ai deux atouts, je peux ouvr...
- Ouvrir les portes de Hasseroi ? Comment ?
-... ouvrir le pli comme ancêtre.
- Peste ! Je double. Pourquoi ces gens là s'acharnent ils sur le souvenir du baron ? C'est par sa faute que les troubles ont commencé. Qui plus est, c'est aujourd'hui un mythe, une vieille histoire au coin du feu, celle de Baudoin et des cinq cent soixante quinze tours.
- Soyez en pas si sûr. L'homme était plus fripon qu'on ne le croit. Et ses bonnes œuvres ne sont pas restées sans suite. Je rends atout. Odoacre tenta de me le cacher, mais j'appris bien vite que sa sœur avait été grosse de son union avec le Baudrier d'Argent. Elle eut un chiard de ce grand escogriffe, dont on dit qu'il s'est allé tutoyer les dieux.
- Foutaises. Il est mort dans la fange, de ce je sais. Le baudelard tout brenneux d'alors décore Chambrevert, à l'heure qui l'est. Je triple votre charretier avec ma chèvre païenne. Un enfant, dites vous ? Ou est il ? interrogea Aymeric, l'air de ne pas y toucher. En vérité, il brûlait d'en connaître plus sur cette progéniture.
- Pas si loin. Une jeune enfant, pas si vieille, huit années. J'ai connu pire. Je connais l'endroit, que m'offrez vous ? Je tente une rocade de l'ancêtre, et je mise triple.
- Je contre d'un jet quadruple, je prends la mise, je sors votre charretier, et de mon maçon fort heureusement zélé, je relance, et... 8 ! Je prends le pli, et met l'ancêtre en échec. Allez, je vous offre la partie.
- Il me faudra un peu plus que ça, messire.
- Allez, je vous offre un domaine."

Les deux hommes se fixèrent longuement, chacun tentant de deviner ce que l'autre pensait. La soudaineté du marquis - et son adresse au jeu - faisait une impression positive sur le spadassin, qui  s'attendait initialement à plumer un hobereau bien peu rompu à ce genre d'exercice. De son côté, Aymeric espérait que l'audace de son offre assurerait à son interlocuteur sa résolution, et la portée de son bras.

"Messire sait ce qu'il veut.
- À la guerre comme au jeu, j'aime bien trop gagner." répondit derechef le marquis, tout en se débarrassant au vu et au su de Montsoupir des cartes nichées dans sa manche.
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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeLun 11 Aoû 2014 - 22:34

5ème jour de la 7ème énéade de Favriüs, 8ème année du 11ème cycle.

Aux aurores, une compagnie en armes vint se présenter devant les portes de Hasseroi, portant bien haut le gonfanon du marquis de Serramire. Échaudés par une nuit qui avait, disait on, vu la désertions de plusieurs sections d'arbalétriers vers Oesgard, les gardes demeuraient nerveux à l'approche d'une pareille horde. On pouvait dénombrer plus de deux cent hommes d'armes, tous juchés, tant sur des chevaux de monte que de guerre.

Entrant dans la ville après s'être vu accordé l'audience demandée, la coterie déboula avec un fracas assourdissant sur les pavés d'Hasseroi. Elle fit halte en amont du pont sur l'Ambrie, ne laissant d'avancer que les seigneurs, vers le châtelet de l'Isle. Aux côtés d'Aymeric se trouvait son frère Evrard, son neveu Nestor, et le croquant au doux patronyme de Montsoupir. La figure vérolée de ce dernier ne manquait de faire tourner certaines têtes ; on avait pas oublié l'homme, de l'époque où il paradait aux côtés du baudoinide.

Arrivés au cœur de la Cachemate, un constat frappant s'offrit aux hommes de Serramire : l'assemblée autrefois pleine exposait aujourd'hui quelques trous. Ça et là, trainaient autour de la grand'table quelques sièges laissés vides. Sur le visage des échevins restant, on pouvait lire une certaine forme de déception et de petitesse. À n'en pas douter, les échevins acquis à la cause royaliste et au Primat avaient profité de la nuit pour quitter la ville par l'Est. Seul Étiennes Mare-Sel conservait une certaine assurance, et bien des hypothèses purent être tirées ce jour là, sur les troubles préparatifs ruminés dans l'esprit de celui qu'on avait surnommé "le tueur de nobles". Fort heureusement, ces plans n'eurent à être mis en œuvre, quand le marquis, prenant à contrepied ces bourgeois, se montra fort généreux alors qu'il pouvait se montrer fort radin.

"Mes bons prud'hommes, il m'apparait certain aujourd'hui que je me suis montré par trop d'égards indigne de votre soutien, et avare en offres. Cela va changer ! Mes gens m'ont appris l’existence d'un nouveau baudoinide ! La lignée des Heinster pourra de nouveau s'établir sur l'Oesgardie. À cette évocation, les bourgeois ne cachèrent pas leur étonnement, ni leur joie. Aussi vrai qu'une souche profondément enfouie produit toujours de rejets, je vous le dis, la maison des barons a son héritier ! Et si je suis le successeur de Merwyn, je j'ai pas sa folie. Ce bon baron, je ne souhaite pas l'occire, mais le chérir, et qu'il retrouve la place qui lui est due, sur le trône d'Oesgard ! Et si vous ne daignez m'ouvrir vos portes, le ferez vous si j'escorte le baudoinide ?" Les vivats accompagnèrent cette déclaration.

Dans l'heure qui suivit, Aymeric et sa troupe sortaient de Hasseroi par la porte Est.
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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeLun 11 Aoû 2014 - 22:35

6ème jour de la 7ème énéade de Favriüs, 8ème année du 11ème cycle.

L'escadron arriva avant l'aube aux abords du village de Poëhl-Jacq. Par peur d'éveiller l'alarme, les hommes avaient voyagé de nuit, à la faveur d'un temps clément. Ils suivaient leur guide en la personne de Montsoupir, lequel, trop prévoyant pour être honnête, avait prévu l'expédition à l'avance, certain que le marquis y répondrait positivement. On avait évité les villages, traversé les bois sur des piste sinueuses, étouffant les torches à la seule vue d'une habitation égarée. La guerre ne se déroulait elle pas au Sud de l'Alette ? Il y avait fort à parier que les hommes du Primat fussent concentré dans cette région là, car on n'en vit point ici ce soir.

Poëhl-Jacq était un sordide amas de masures, centrées autour d'un prieuré décrépit. Durant les pauses que s'était accordée la coterie, au beau milieu de la nuit, Montsoupir jugea opportun de narrer à son mécène les frasques de l'abbé du cru. La geste de ce pas si probe religieux était en effet fort connue en Oesgardie. Il y était question de garçonnets bien affamés, et d'un satrape au froc mal fixé. La pudeur nous garde de conter comment le prélat endauffa à moult reprise les infortunés chérubins, mais à l'écoute de cette impiété, Aymeric fut pris d'un dégoût véritable pour la gent de ce pays. Dire que ces capucins là, pas chaste pour un sou, tenaient en leur coupe l'héritière d'Oesgard. La petite fille du baron Baudoin ! À y voir plus clair, on devinait aisément qu'Odoacre, ne pouvant se résoudre à éliminer une parente qui pouvait lui être nuisible, s'était débrouillé pour qu'elle demeura dans une situation compromettant son nom et son honneur. Personne, ô personne, ne devrait avoir vent de cette mésaventure.

Après l'évocation de cette effroyable histoire, le marquis s'attendait à surprendre des moinillons vautrés dans le lucre et le stupre. Rien n'en fut. Réveillée tant par les poules que par les hommes en armes, la populace ne montrait guère signe d'un nuit orgiaque. Tout au mieux quelques soulards aux moustaches couvertes par le givre après leur nuit passée sous la cloche, se sentirent d'invectiver la troupe, les défiant de venir les réquisitionner à nouveau. Les coquins furent rossés avec force amusement, tandis que le marquis franchissait l'esplanade boueuse servant de parvis à l'oratoire. "Qu'on enfonce cette porte !" éructa un captal, ivre de zèle à l'idée de délivrer la première princesse de son existence. Écrasant le vantail sous les sabots de son lourd destrier, un premier chevalier pénétra le complexe. Les moines, pour la plupart éveillés depuis fort longtemps, se scandalisèrent d'un tel sacrilège, mais bientôt, devant la menace des armes, se montrèrent plus docile. "Mène moi à la progéniture du Baudrier, sur le champ, et je ne réduirais pas ta demeure en cendres !" commanda le marquis, trop pressé en besogne pour ne pas écorner la sensibilité du clergé.

Si livrer une innocente à une horde d'hommes en armes ne figurait pas au pinacle des actes honorables, offrir sa nuque à un glaive bien tranchant pour la défense vaine d'une jeune fille - dont on se sentait pas si proche que ça tout compte fait - tenait certainement la dragée haute à de nombreuses décisions stupides. Le prélat ne fit guère d'histoire, et en quelques minutes, les hommes d'armes firent irruption dans la cellule renfermant la baudoinide. Encore trop jeune pour s'adonner à l'occupation fétiche des religieuses, la petiote offrit un regard apathique à son futur suzerain. Loin de hurler, au contraire, la donzelle se pâma, figurant son existence découverte, et sa fin proche. Elle se réveillerait le moment venu, mais pour l'instant, le marquis emporta cet frêle et amorphe créature.

"La voilà bien maigrelette, d'un geste j'en fais des bris! La mettiez vous à la diète, avant même qu'elle n'eut grandi ?
- C'est que nous n'avions guère, à nous mettre sous la dent. Que diriez vous, beau sire, d'une petite obole ?
- N'y compte pas petit père, tu me sembles bien portant.
- De pire en pire ! C'est vraiment pas de bol !" conclut le curé tout bas.

Quittant le prieuré d'un bon pas, la coterie tomba nez à nez avec la gueusaille, qui s'amassait là, gémissant tels des damnés pour qu'on leur offrît l'aumône. Il n'était guère de plus pitoyable spectacle que ces pouacres aux gueules vérolées, et aux frusques pleines de gale. "Servez vous ici, c'est Néera qui régale !", et il n'en fallut pas plus pour que la horde en harde toutes trouées ne s'emparât des réserves du monastère. On trouvait des jambons, exhumait de la bière ! Bien piteux de voir ces mains impies saisir les spiritueux, le prélat en perdit son spirituel. Et voilà le drôle d'invectiver le marquis, de le vouer à la damnation éternelle. "C'est en juste retour pour ces spoliations, bandit. Fais silence, maintenant, ou je te livre à ces gueux !" répliqua Aymeric, avant de quitter les lieux.

On laissait désormais derrière soi le village de Poëhl-Jaqc et ses ritournelles. Pourtant l'équipée n'était pas au bout de ses peines. Bien que chevauchant à bride abattue pour regagner le couvert de l'Hasseroyale aussi vite que possible, il sembla aux hommes de Serramire qu'on les eut repéré. Au loin, sur une colline, émergeait le panache de poussière témoin de l'arrivée d'une troupe. À cette distance, on n'aurait su dire sa force ni son obédience, mais en ces terres ennemies, une pareille rencontre ne pouvait être que funeste. Tâchant de discerner la bannière de ce contingent, le marquis se tourna vers Montsoupir.

"Nous sommes trop au Nord pour qu'il ne s'agisse d'une bande ethernienne, se peut il que parmi les échevins, quelqu'un nous eut trahi ? S'en trouvait il pour connaître la cachette de la baudoinide ?
- On peut pas dire que durant ses fièvres, Odoacre ait gardé le bec clos.
- Et tu me l'as tu ? Alors que nombre de bourgeois ont rejoint le Primat hier ?
- Pour que nous taillons droit dans le pays, et qu'on écope d'une compagnie entière sur le râble ? La belle affaire.
- Et nous voilà pourtant trouvés !
- Mais pas encore pris.
- Voilà qui est parler ! Soldats, aux brettes !"

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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeLun 18 Aoû 2014 - 21:31

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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeDim 31 Aoû 2014 - 16:22

"Mon oncle, vous n'ordonnez pas aux hommes de démonter ? s'enquit Nestor, le neveu du marquis
- Combien selon toi, Evrard ? interrogea ce dernier à son frère, ignorant la première question
- Je ne sais, ce damné soleil nous aveugle !
- Mes yeux n'ont encore retrouvé toute la vigueur que la maladie leur a prise. Combien, Evrard ?
- Sire mon oncle, vous n'allez livrer bataille ?
- Cinq cent, mille, deux milles, qu'est-ce que ça change ?
- Combien, Evrard, par les Enfers ?!

Les cris de bataille poussés en haut de la colline, à plusieurs centaines de mètres de cela, dissipèrent tout doute quant à la force de l'armée assemblée contre le marquis. Les gens de Serramire se trouvaient largement dominés par la chevalerie d'Oesgard. Le plan d'Aymeric, pourtant tenu au secret, paraissait manifestement avoir été éventé. Meurtri dans son orgueil d'avoir été pris de la sorte, notre héros fixait roidement la horde se déployant, une expression de colère froide déformant ce visage d'habitude si harmonieux.

"Mon oncle, donnez l'ordre de livrer bataille !
- Montsoupir, qui commande ?
- C'est la bannière du bâtard de Kahark, champion de ceszigues. Je le croyais à Amblère.
- Ils forment leur ligne, Aymeric.
- Montsoupir, quelle route Hasseroi ?
- Ils viennent sur nous mon oncle, chargeons !
- Plein Est après les trois moulins. Je serais d'avis de pas trainer.
- Baste ! Evrard, ordonne la retraite, qu'on lâche nos carreaux et au galop !
- Mon oncle, nous n'allons pas fuir ? Ils chargent !"

L'averse de carreaux s'abattit sans attendre sur la compagnie. Tirée de loin et en selle, elle s'éparpilla largement et n'occasionna guère de dégâts, toutefois, le cris de plusieurs chevaux et d'hommes blessés retentit au sein du groupe. Aymeric n'en demanda guère plus ; devant une horde si supérieure en hommes, il n'était nulle raison de résister. La capture ou la mort du marquis et de ses parents scellerait l'offensive en oesgardie avant même qu'elle n'eut commencé, et la seule perspective de terminer dans un cachot terrifiait celui qui y avait passé trop d'années de sa vie.

"Cette journée n'est pas la nôtre. Sonnez la retraite !"

En réponse à la première salve, les gens de traits serramirois laissèrent filer leurs dondaines droit sur la masse de chevaliers. Tirés à bout portant sur cette horde galopante, les projectiles, quoique peu nombreux, eurent un effet certain. Le bruit de terreur des chevaux lancés au galop, se heurtant et s'entrainant dans leur chute, suffisait pour témoigner de l'impact.

Le marquis et ses ouailles n'en demandèrent pas tant ; ils se saisirent de l'instant pour décamper sans demander leur reste. Cinglant vers l'Est quand l'ennemi venait du Sud, le choc initialement prévu se transforma en chasse, après que la horde oesgardienne se fut remise du tir de barrage. La chevalerie locale était montée sur de puissantes bêtes de bataille, là où la compagnie d'Aymeric chevauchait pour la plupart de simples roncins. Toutefois, les derniers étaient encore frais, ainsi que les soldats qui les montaient. Ce n'était guère le cas des oesgardiens, tirés du lit en pleine nuit pour une longue chevauchée en armure. Qui plus est, au sein des gens de guerre d'Aymeric, il s'en trouvait, fort intelligemment pourvu par l'ordonnance d'Anselme d'arbalètes légères aisément maniables, dont les traits entravèrent la progression des poursuivants. Bientôt, un écart se creusa.

"Ils perdent sur nous, hardi !"

La course poursuite ne se termina qu'une heure plus tard, quand déboulant à toute allure, les hommes aperçurent les murs de Hasseroi. L'épais nuage de poussière semblait les avoir annoncé, car sur la courtine s'activaient tels des fourmis les milices bourgeois d'arbalestriers. Priant pour que Mare-Sel tînt sa parole, le marquis fit brandir le gonfanon au corbin des Brochant, espérant qu'une grêle de fer ne s'ensuive pas. Le soulagement fut de taille, lorsque nulle dondaine ne vint saluer le retour d'Aymeric. La compagnie passa la porte en trombe, chacun hurlant aux miliciens que l'ennemi les talonnait de peu.

L'accueil ne fut pour autant chaleureux. Bloquant l'entièreté de la grand'rue par sa cohorte de piquiers, Mare-Sel ne semblait décidé à prendre Aymeric dans ses bras tout de suite. S'il ordonna que l'on ferme les portes, il exigea en même temps de voir la fille du Baudrier, que l'on vint déposer sous ses yeux. À l'évidence, il était partagé entre ses engagements et l'envie de profiter de la situation, qu'il tenait à son avantage.

"Nos ennemis seront aux portes d'une minute à l'autre. Tiendrez vous votre parole ?
- Je puis tout autant vous livrer sans attendre aux gens du Primat. Ne tiens-je pas dans mes mains deux monnaies d'échanges fabuleuses ? Le marquis de Serramire, et l'héritière des Heinster. Bien plus que nécessaire pour obtenir l'oreille et le pardon des Falkenberg, je gage.
- Pourceau !
- Là, là.
- Les hommes du primat sont à vue ! annonça un sergent depuis la muraille
- Vous voyez ? Les Cinq ne bénissent ils pas mes menées ? Allons négocier avec ces prud'hommes.
- Si vous leurs ouvrez vos portes, la ville sera ravagée !
- Qui a dit que je livrais la ville ? J'ai toujours trouvé que du haut des remparts, la voix portait mieux. Hissez une bannière blanche !"

La situation était critique pour le marquis. Il avait sous-estimé la nature rusée et cauteleuse des oesgardiens, pourtant certain de leur offrir ce que ces derniers attendaient. Il avait tenu un vulgaire maquignon pour un homme d'honneur, et désormais était réduit à une simple marchandise. Peste soit de ces marchands et de leur amour de l'argent ! Mare-Sel s'était par trop d'égards entiché du métal doré, et ne rechignait guère à manger à tous les râteliers. Pour autant, c'était une démarche hasardeuse, et Aymeric espérait bien le ramener à la raison. Tandis que la coterie progressait vers les remparts, il stoppa net l'échevin.

"Un instant, vilain ! J'ai à te causer.
- Vilain ? Craignez que je n'offre plus votre personne, mais votre tête... Et je ne voudrais faire attendre les hommes du Primat.
- Alors tant pis, si tu es si pressé de mourir !"

La pique sembla fonctionner, et à force de persuasion, Aymeric parvint à se retrouver dans l'isolement, avec pour seule compagnie Mare-Sel. Hors les murs, nombre devaient à n'en pas douter s'interroger sur les convulsions politiques qui agitaient Hasseroi. Dans la ville, à l'abri d'un corps de garde, le marquis expliquait désormais au bourgeois les erreurs de son raisonnement.

"Pour l'instant, personne n'est en mesure de vous menacer, ici à Hasseroi. Mais ce n'est pas le fait de vos gens ou de vos bons murs, détrompe t'en. Vous n'êtes épargnés seulement car les armes parlent ailleurs. Cette guerre se terminera, avec ou sans ton concours, et de cette fin émergera un vainqueur, qui malgré vos gens et vos bons murs, finira par vous mater.
- Je vous l'accorde... Raison de plus pour négocier maintenant, quand je domine.
- Et qu'espère tu négocier, avec un roi ? Qu'il te reconnaisse pour égal, qu'il t'accorde des égards ? À toi, un roturier ? Le premier n'avait il pas rétabli le servage ? Qui ne te dit qu'une fois tes sergents morts pour sa cause, on viendra t'imposer un nouveau féodal, qui-sait, peut-être ce même qui m'a donné la chasse à l'instant ?
- Si les Falkenberg me déçoivent, dans ce cas j'irais aux côté du Maréchal
- Il te faut choisir un maître, vilain, n'oublie pas cela. Pour échapper au servage que te promet le domination d'un roitelet usurpateur, tu irais te mettre au service d'un seigneur de guerre honni par toute la Péninsule ? Un homme qui a trahi à plusieurs reprises les siens ? Je prédis à ta ville un avenir bien incertain.
- Lui au moins saurait défendre ses gens.
- C'est de ma force que tu doutes donc ? Peut te chaut donc de la justice et de la vertu, pour autant qu'on ait la puissance ?
- Votre vertu ne protège pas des épées. Vous n'avez je doute jamais eut à fuir devant les armes d'un seigneur belliqueux.
- Dès lors pourquoi veux tu t'y inféoder ? Je suis le seul puisse te garantir une paix dans ce Nord, le seul qui puisse tenir à distance les velléités de pouvoir des barons. Le seul qui soit assez probe et souhaite restaurer l'ordre ancien et prospère ! Il n'y a qu'à mes côtés que tu puisse espérer tenir ta ville.
- Si vous réussissez...
- Si tu doutes de ma force, il ne t'appartient que de me libérer, de te rallier à moi, et j'en fais la promesse, nous serons vainqueurs. Qu'en dis tu ?"

Quelques instants plus tard, les deux hommes ressortaient de la bâtisse, pour se diriger sous la bannière blanche.

"Devons nous envoyer une ambassade, messire ?
- Attendons, cher ami, voyons s'ils daignent nous adresser la parole."

Ils semblait en tout cas que ces deux là avaient déjà trouvé un terrain d'entente.

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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeJeu 4 Sep 2014 - 21:30

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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeJeu 4 Sep 2014 - 23:56

Du haut des remparts, on observait avec attention le déploiement des oesgardiens. La menace d'une razzia sur les masures isolées, à l'extérieur de la courtine, n'aurait su faire fléchir les défenseurs, prêts à répandre sur l'assaillant une pluie drue de carreaux. Les gens de Hasseroi ne durent pourtant pas mettre à bien ces menées là, car devant leurs murs se présenta un héraut aux couleurs des Falkenberg. Il était singulier de l'entendre exiger ce qui était désormais inaccessible. Dont acte :

"Inutile de sortir messire, ils peuvent bien nous entendre d'ici. décréta l'échevin
- Bah ! je leur ai déjà refusé une passe d'armes, ce serait bien impoli de les priver de quelques paroles."

Et aussitôt l'ambassade se mit en branle ; on regroupa une menue escorte d'une vingtaine de chevaliers, tandis que la gent de Serramire offrait une monture à Mare-Sel pour qu'il accompagne son nouveau maître dans les pourparlers. En sus de l'échevin s'étaient donc regroupé autour du marquis son frère, son neveu, et le triste sire de Montsoupir. L'enseigne brandit bien haut le gonfanon au corbin des Brochant, lorsque l'équipée émergea des arches marmoréennes. Un chevalier hurla sans attendre au héraut oesgardien que le marquis daignait accorder audience à ses adversaires, et que ceux-ci seraient donc bien inspiré d'envoyer leurs plénipotentiaires.

La coterie poursuivit sur sa lancée, effectuant un court trot au delà des remparts. L'art de la négociation n'est il pas celui du juste milieu ? Il s'agissait donc pour l'instant de se tenir suffisamment loin des reîtres royalistes, et des arbalètes de Hasseroi. La distance fut jugée idoine une fois les dernières masures passées. Jaugeant les armures rutilantes et les destriers piaffants de l'ennemi, Aymeric se surprit à imaginer une nouvelle fuite. La précédente allait certainement lui assurer quelques railleries parmi le parti du Primat, mais au fond de lui même, il bénissait les Cinq d'avoir échappé à une nouvelle capture. Lorsque la horde avait été en vue, il avait ressenti au fond de son âme une peur qu'il croyait avoir oublié depuis des années.

Ces considérations personnelles s'évanouirent à la vue d'une ambassade adverse. La bannière au Lion, qui avait bien vite remplacée celle au sanglier, progressait avec vitesse vers les hommes de Serramire, chapeautant une petite assemblée de chevaliers. Bientôt arrivée à proximité l'une de l'autre, les délégations se jaugèrent, toujours gardant la main au pommeau. Finalement, la tension fut apaisée quand des rangs émergèrent les chefs respectifs des groupes. Alors qu'il se dirigeait vers celui qu'on lui avait dépeint comme un bâtard du nom de Flourens, Aymeric tâchait de se remémorer les récits entendus sur un homme similaire, du temps de l'invasion de Serramire. L'histoire lui revenant, il s'adressa à son interlocuteur le premier :

"Vous n'ignorez pas à qui vous avez affaire, bon sire, mais la réciproque n'est guère vraie. Toutefois, dans ma hâte d'en apprendre plus sur l'homme qui m'avait poussé à la retraite avec tant d'audace, votre nom est parvenu à mes oreilles. Daignez donc, sire Flourens, d'accepter mes remerciements pour cette mise en garde. Je ne saurais désormais prendre à la légère les hommes d'Oesgard. Le marquis marqua un arrêt, avant de reprendre : Cependant un doute m'assaille, car avec ce nom me vient le souvenir d'un jeune chevalier, dont on m'a conté la geste fort valeureuse, du temps où les mauvaises gens d'Etherna ravageaient un autre pays - le mien. Dès lors comment se fait il que ce preux qui autrefois s'était fait défenseur des justes se trouve aujourd'hui parmi les traîtres et les usurpateurs ? Il me plairait de le savoir."

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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeSam 6 Sep 2014 - 16:10

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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeSam 6 Sep 2014 - 23:46

La rumeur d'une révélation de la Damedieu, dont le message adressé au feu chef des Falkenberg avait entrainé la folle et vaine croisade d'Estrévent, était parvenu jadis aux oreilles du marquis. On ne pouvait trouver en la personne d'Aymeric un homme fort pieux. Respectueux des dieux et de leurs représentants, certes, mais zélote, point. Il se fit par conséquent de Flourens l'image d'un bon chevalier, fougueux et dévot, mais dont le sens politique n'avait jusqu'à présente guère été aiguisé. À sa décharge, le preux n'avait, à la différence du marquis, su goûter des joies d'années passées en geôle, à méditer sur les jeux de pouvoir.

"Croyez vous vraiment ce que vous dites ? Vous n'avez invoqué que des chimères pour justifier votre cause. Cesseriez vous de défendre ce pays, si la femme dont l'unique œuvre fut de mettre bas un roy vous l'eut demandé ? Point ! Oublions donc la régente, nous qui sommes si loin de Diantra, et remettons nous au jugement de Nééra, qui a bénit l'entreprise de feu votre maître. Mais si elle commanda la chevauchée, n'était-ce parce qu'elle souhaitait le trépas du Hutin ? Laissons donc aussi les volontés divines."conclu-t-il comme on résout un problème.

De son aveu même, Flourens s'était rangé aux côtés des Falkenberg de son propre chef, de même qu'il l'avait fait auparavant chez les Clairssac, avant de s'en séparer. Pouvait on dès lors espérer qu'une fois la mauvaiseté du parti royaliste établie, le chevalier s'en irait comme il avait abandonné le seigneur d'Etherna ? Aymeric aurait certes eu l'utilité d'un traitre au sein de ses ennemis, pourtant, il en répugnait la pratique, et par ses paroles, l'homme chercha avant tout à ouvrir les yeux de son interlocuteur. Goar, le sanglier dans une peau de lion, n'avait il pas mené une existence de duplicité et de cautèle, à commencer par la trahison qui lui avait ouvert les portes d'Oësgard ?

"La triste vérité est que vous servez une famille entachée par la rouerie, le parjure et l'animalité. Il me chagrine de voir une si belle épée gâchée ainsi. Le Sanglier d'Amblère s'est élevé du bouge qui ne lui seyait que trop à la faveur d'une trahison. Il n'a apporté que désastre et chaos, il a prospéré dans le tumulte et la ruine. Réfléchissez, doux sire. Goar l'usurpateur ne s'est maintenu sur son trône ni par la vertu, ni par le bon droit. Seule la force tint en respect vos ennemis. Voila pourquoi vous combattez, et n'en aurez de cesse tant que les Falkenberg règneront sur Oësgard."

Aymeric, sentant que sa monture, nerveuse, ne tenait guère en place, se laissa aller à quelques pas, discutant désormais côte à côte avec le chevalier Flourens.

"La couronne ne peut accepter l'existence d'un autre roi. Affaiblie, la régente pouvait autrefois tolérer la rébellion de Goar ; elle entend désormais s'accaparer votre terre, par la main du maréchal Jérôme, ce félon. Il ne cessera de vous porter la guerre, avant d'avoir conquis le pays tout entier. Je ne suis pas épris par cette soif de combat, et je ne désire faire main basse sur ce domaine. Je demande seulement l'hommage du baron d'Oësgard, comme il en fut de tout temps. Cela vous épargnerait la guerre, et le déshonneur. Pouvez vous transmettre cela au Primat, sire Flourens ?"

L'essentiel des conditions ayant été prononcé, le marquis jugea qu'il avait suffisamment discouru - à vrai dire, il avait même longuement parlé. Il se détourna du chevalier, un rictus d'intelligence lui ridant le visage. Chez cet homme existait un certain sens du théâtral ; à vrai dire, son orgueil lui commandait ses effets de manche, et il n'était pas rare que voulant faire une impression singulière, on le vit retenir ses informations cruciales tout le temps d'un discours, avant de les lâcher, l'air de ne pas y toucher, à la toute fin. Ce qui ne manqua pas cette fois-ci :

"Ciel, j'oubliais ! Je commande derrière ces murs une armée contre laquelle vous ne pouvez espérer la victoire ; qui plus est, je détiens également la nièce d'Odoacre, héritière de l'illustre maison des Heinster. En mariant la seconde à votre sire, vous m'éviteriez d'utiliser la première contre lui. Pensez vous que le Primat puisse être sensible à ces quelques peccadilles ?" lança-t-il d'un ton badin.

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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeLun 8 Sep 2014 - 13:19

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MessageSujet: Re: Toujours un coup d'avance   Toujours un coup d'avance I_icon_minitimeLun 8 Sep 2014 - 16:20

Lisant l'hésitation sur le visage du chevalier, Aymeric mesura l'effet de ses paroles. Pourtant, cela ne l'enchanta guère, car s'il reconnaissait à Flourens son audace au combat et son rôle dans ceux à venir, le marquis savait que les décisions politiques relevaient avant tout du Primat, Imbert le Vieux. Il ne pouvait guère espérer du bâtard de Kahark autre chose que la transmission de son offre au véritable maître d'Oësgard.

"Bien. Je vous crois assez sage pour être sûr que vous saurez faire comprendre au Primat l'importance de mon offre. Souvenez vous, Flourens : je puis être votre allié et votre protecteur, ou devenir votre ennemi le plus mortel. Votre Sire est né d'une noblesse plus petite que chacun de mes hommes ici présents. Une couronne, qu'elle soit celle d'un baron et non d'un roi, est plus qu'il n'a jamais pu espérer... ni mériter. Gardez cela en tête, lorsque vous déciderez de la quiétude ou de la mise en pâture de vos gens : je ne veux ni la ruine de ce pays, ni sa possession. Les intrigues de la régente et de ses maréchaux me sont étrangères. Je ne veux qu'une chose : l'hommage. Et je l'aurais, de gré, ou de force. Maintenant allez en paix, et transmettez ceci prestement au Primat. J'attendrais ici même votre réponse."

Ainsi l'ambassade prit fin. Aymeric regagna sa coterie, et prit la direction de Hasseroi. Lorsqu'ils vinrent lui demander ce que lui et le chevalier s'étaient dit, ses proches purent entendre une étrange lamentation de la bouche de leur maître : "Ah, que j'aurais-je cédé cent Jérôme, contre un seul de ce Flourens !". En vérité, le marquis avait été fort impressionné par la loyauté du drôle. Il se demanda encore, tandis qu'il s'entretenait avec son frère à l'intérieur de la Cachematte, pourquoi le destin s'acharnait à le flanquer lui, un homme soucieux de son honneur et de sa probité, de canailles sans fidélité, et d'offrir à ses ennemis, ces parjures et ces bélîtres, des gens à la loyauté indéfectible. Après la dévotion du châtelain de Montvélin envers Jérôme, l'attachement de Flourens au roy d'Oësgard acheva de plonger Aymeric dans un doute profond.

Au moins pouvait il compter désormais sur le soutient des échevins de l'hasseroyale. Après le départ des plus sceptiques d'entre eux, assorti de la désertion d'une coquette fraction des milices aux arbalestries, il ne s'en était trouvé aucun, une fois Mare-Sel et Aymeric tombé sur un accord, pour refuser le ralliement de la ville à l'héritière des Heinster, et son puissant protecteur, le marquis de Serramire. Le parti légitimiste renaquit ainsi de ses cendres, des mois après la disparition d'Odoacre.

Aymeric, fidèle à sa parole, n'avança plus loin en terre oesgardienne. Ses hommes passèrent l'Ambrie sous les acclamations des bourgeois de Hasseroi, et s'installèrent à la sortie du bourg, sur la rive orientale du fleuve. Après quelques jours, c'était un camp fortifié et bien ordonné qui contrôlait l'entrée de la ville. Une fois les quartiers installés, on dispersa dans le pays plusieurs éclaireurs, tant à destination des forteresse royalistes que de l'armée d'Etherna. Jusqu'à présent, il n'y avait eut de réponse du Primat, et chaque jour passé, le marquis appréhendait l'heure où il devrait se résoudre à livrer bataille.

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