Les liens du sang. [Arichis]

4ème jour de la 9ème énnéade,
Palais Comtal, Ydril.

Peut-être sera-t-il préférable de se taire et de rentrer au plus tôt dans l'Alonnan, y retrouver la beauté singulière du vent froid de la plaine et ses petites gens aux mains calleuses et aux visages burinés par le froid et la guerre. Cette même guerre que j'avais décidé de quitté plus tôt et dont j'espérer ne plus entendre le moindre échos de fer qui s'entrechoque.
La raison le voudrait ce retour tant attendu mais j'avas d'autres projets. D'autres ambitions. Au petit matin certains héraults se faisaient entendre, clamant la fin imminente de la guerre et la prise d'Ydril. Le comte mort? Affabulation ou vérité? Peu m'importait alors: s'il n'était pas passé de vie à trépas, cela n'était que questions de temps.
Plus les jours filaient et plus la clameur du peuple était grande. Et ce jour ne serait pas sacré que pour le peuple Ydrilote.
J'avais été malade toute l'énnéade durant, ne supportant que peu la nourriture et le bruit, si bien que quelques médisants ne m'offraient que quelques temps encore à tenir... Mais la cour parle tant. Déjà bien trop d'énnéades sans souffrir de saignée menstruelle. Les maux qui me tordaient alors l'estomac semblaient prendre un tout autre sens qu'une indigestion: en moi fleurissait le bourgeon de la vie. Un enfant que la grâce m'avait offert, une touche de Karam dans mon environnement résolument tourné vers le stra.
Alors que l'on ouvrait les portes de la grande ville, je prenais un vélin, puis un autre et encore un afin que tout les grands nobles et dirigeants du royaume entende la nouvelle. Mais une différait plus particulièrement. Trempant une fois encore la plume dans l'encre, j'entamais une danse lente de la main sur le support.

"Au Roi Blanc,
De sa reine.

Je viens vous quérir d'une nouvelle que je ne sais ni bonne ou mauvaise. Prenez la comme il vous plaira, mais vous serez alors prévenu.
Mon ami, je porte en moi la vie. Une vie que vous avez fait naitre. J'ai l'espoir qu'il s'agira d'un garçon, un énième pour vous mais pour moi, le premier d'une dynastie.
L'Alonnan grâce à vous s'offre un enfant qui saura apaiser son peuple et mes vassaux.
Il sera présenté comme vestige de feu le baron, mais ne vous y trompez pas. Lorsqu'il sortira de mon ventre, c'est des cheveux d'or qui garniront sa tête.
J'entends que cela scelle pour de bon notre amitié et notre alliance, dans l'espoir qu'un jour, vous le traiterez comme votre chair et votre sang.

Car je veillerais qu'il sois aussi féroce que le Dragon mais aussi habile que le Faucon.
Alanya".

En finissant ces quelques mots maladroitement engoncés mais choisit avec soin, j'avais l'impression de renaitre. De nouvelles perspectives s'ouvraient à moi et si le stra calmait sa tempête alors bientôt l'Alonnan resplendirait d'un éclat d'antan. Je récupérais à la hâte une des missives dans le tas. Elle était adressée à Méliane, joyau du Langecin à qui j'avais promis une visite à mon retour au nord. J'ajoutais quelques mots la prévenant de ma venue imminente. Une pause sur le long chemin qui m'attendait n'était pas de trop, surtout dans mon état.
Bientôt Ydril ne serait qu'un souvenir.

La dernière ennéade de Favrius vit Arichis retrouver ses fonctions, et en découvrir des nouvelles. Ydril avait accueilli la noblesse du Grand Soltaar au complet, et le vicomte d’Yspania contribua au budget des festivités avec un sourire moins large que ses bourses. L’intendant de Cloyi, un bonhomme aussi large que trapu aux « r » roulant, l’informant de l’arrivée d’une missive au sceau d’Alonna quelques jours auparavant. Le sceau était toutefois brisé, et l’intendant s’excusa, prétendant vouloir juger si le vélin était d’importance. Le Comte-Régent, comme il aimait se faire appeler à présent darda un regard sévère à son vassal.

« Gardez cela pour vous. »

Nous tairons ici les émotions du patriarche, car de ce qu’Amadan Benetto l’Intendant ne retint de ce moment, c’est une statue de marbre penché sur son bureau composant quelques mots sur un vélin « Il s’appellera Cléanthe. »