Rencontre à la citadelle.

Hélas, hélas...
La baronne n'en était pas plus disposée. Les femmes ont la rancune tenace. Cela faisait quelques jours déjà que Blanche était rentrée des contrées ancenoises. Elle avait proposé au conseil de Régence d'emmener avec elle, sa cousine, Bathilde, héritière d'Ancenis qui était désormais sous sa protection afin qu'elle se change les idées depuis la mort de son père. La Dame du Val ne savait que trop bien la douleur qui vous déchirait le coeur lorsque la Déesse des morts décidaient d'emporter les personnes qui vous étaient précieuses. La mort brutale de ces deux cousins l'affecta particulièrement, plus encore celle d'Aemon avec qui elle entretenait des rapports bien plus intimes même si leur relation fut houleuse à certaine époque. Blanche avait longtemps pleuré en secret. Elle avait aussi maudit Tari qu'elle craignait de plus en plus. Le sourire l'avait quitté depuis déjà trois semaines et les seuls rires qu'on lui soutirait désormais, étaient le fait des politesses.  Si seulement, d'autres tracas ne venaient pas davantage assombrir le triste tableau des aléas de sa vie. En effet, le temps était celui à la Guerre et elle commençait à voir d'un très mauvais oeil les entreprises de son époux qu'elle considérait comme un mégalomane. Le printemps quittera bientôt les portes de la péninsule et les champs manquaient d'hommes, ses vignobles aussi. Non, il fallait que cela cesse. De plus, ils avaient perdus énormément d'argent dans l’entreprisses. Les femmes et les enfants voulaient revoir leurs maris et pères pour ceux qui n'étaient pas mort. Il fallait donc agir...

La délégation éthernienne du Lys était arrivée à bon port sans encombre mais fut accompagnée par une escorte lourdement armée jusqu'aux portes de la Citadelle. L'atmosphère était sous tension, morose, sans vie. Hautval offrait un bien triste spectacle, celui d'un pays en guerre qui devait resserrer les brides et faire des concessions. Le beau Val n'avait pourtant pas été touché par les affres de Mogar. Néanmoins, la baronnie vivait au rythme des humeurs de leur baronne. Le seigneur du Lys fut introduit au sein des murs. On livra leurs montures aux écuyers. On indiqua aux serviteurs ce qu'ils avaient le droit de faire en attendant la venue de leur maître. Duncan du Lys fut lui introduit  avec ses gardes si il le souhaitait dans une pièce où on lui servit du pain, du fromage et du vin en attendant.  Au bout d'une dizaine de minutes, Blanche fit son apparition toute de noire vêtue. Cinq gardes en armure couleur obsidienne et armés au visage imperceptible mis à part leurs yeux encerclaient une silhouette plus menue. La baronne portait une robe faites d'écailles et de cuir clouté au décolleté pourtant vertigineux. La matière employée et l'aspect martial de sa tenue contrebalançait totalement l'échancrure osé de son buste. Un voile couvrait sa chevelure de jais et son minois aux traits tirés par la douleur.  Un héraut annonça dans un premier temps toute l'énumération des titres de sa Maîtresse avant de passer au Seigneur du Lys. Une fois, les présentations faites, la Dame du Val s'avança et présenta sa main où quelques phalanges étaient ornée de griffes et anneaux ornementaux. Après le baise-main de rigueur, Blanche les invita à se rasseoir et prit place sur un siège moelleux. Les mains sur les accoudoirs, elle dévisageait le Chancelier de Jérôme. Une voix calme mais aux accents mélancoliques se porta jusqu'aux oreilles du sieur.

« Avez-vous fait bon voyage ? La route est longue depuis Etherna, plus encore lorsque l'on doit aller et venir entre deux champs de bataille. »

Un temps de pause fut marqué et elle glissa.

« Que me vaut votre venue ? »

Hautval n’avait, en effet, pas les attributs caractéristiques des palais de Langehack ou de Soltariel mais la rudesse des murs et le fait d’être une place forte imprenable – disait-on – était apprécié par Blanche. Néanmoins certaines pièces avaient su être rendues conquêtes et d’une certaine beauté architecturale comme la bibliothèque par exemple. Puisqu’on n’était pas l’heure au dîner, on leur avait proposé un encas frugal, il aurait tout le loisir de se repaître lors du dîner ou même après l’entretien avec la baronne et comtesse s’ils le désiraient.

Lorsque la Seigneur du Lys fut assis et qu’elle déclama son « discours » d’ouverture, elle écouta ensuite les propos du conseiller avec attention. Ce n’est que lorsqu’il eut fini qu’elle reprit en croisant machinalement ses gambettes dont le pied s’agitait dans le vide.

« Sachez que la douleur du décès de mes cousins, Aemon IV et Beaucent d’Ancenis, est encore vive. Le Comte Nimmio me tient au courant des moindres de ces faits et si ce n’est pas lui, ce sont mes généraux qui me sont fidèles. »

Préalablement, Odeline, la seule femme du ses cinq gardes lui avait servi une coupe de vin. La main de la baronne se redressa et ondoya gracieusement dans les airs laissant le calice atterrir dans sa paume. Autant beaucoup d’hommes et de femmes péninsulaires voyaient la magie comme une hérésie, autant en Hautval, la baronne avait su faire accepter la chose et avait donné pour croyance que toutes personnes bénéficiant d’un don élémentaire étaient bénies par Dieu. Ses sujets voyaient désormais en elle, une élue de Néera grâce à sa maitrise de l’air. Ses lèvres carmines goutèrent au nectar des vignes avant de reprendre.

« La Régence est tombée pour autant… Nous n’avons aucun signe d’Arsinoé et du…. Roi. Sire, vous êtes le bienvenue au sein de ma maison aussi longtemps que vous le voudrez. Cependant, je ne vais pas tarder à aller rejoindre mon époux dont… le pouvoir et les victoires commencent à lui montrer à la tête. »

Ses lèvres se tordirent autant que ses traits dans une expression de mépris. Blanche avait en horreur la folie des grandeurs et c’était justement ce qui était entrain de se passer.

« Mes champs réclameront bientôt mes hommes ! Bientôt mes vignobles réclameront aussi les mains de mes vignerons. Il me serait insupportable que mon peuple meure de faim ! On m’a aussi rapporté que des bandits sévissent en Velteroc. Il faut les éradiquer ! On ne s’en prend pas à mes terres ni à celles de mon époux impunément surtout lorsque mes sujets sont en périls ! »

Son regard devint alors dur et sévère. Une expression couvant une colère noire grimait ses traits avant que tout se détende et qu’elle ne se redresse vers une fenêtre en emportant sa coupe de vin auquel elle s’abreuva une seconde fois.

« Au fait, où en est les entreprises de Sei… Baron d’Etherna ? Et comment était mon époux lorsque vous l'avez rencontré ?»

C’était comme lui écorcher la langue en quelque sorte, parler de Jérôme de Clairssac.

Spoiler: