Promenons nous dans les bois... [Alric]

Le printemps était à présent bien installé. Nos deux jumeaux vivaient toujours à Meca. Eärendil jouait les pirates à ses heures perdues alors qu'Eärwen l'attendait en se morfondant en craignant qu'il ne lui arrive quelque chose en mer comme ce fut le cas pour Ezekyel. Ce soir là, le navire qui avait embarqué Eärendil ne revint pas. La jeune femme était inquiète. Le lendemain, elle fut sur le ponton au levé du soleil mais toujours rien. A la nuit tombée, non plus... Plusieurs jours passèrent sans que le navire revint au port.
Allant au marché faire quelques provisions, Eärwen tendit l'oreille sur une discussion bien particulière. C'était le poissonnier qui disait à l'une de ses clientes que le navire du capitaine Bartok avait coulé au large des côtes péninsulaires suite à l'attaque d'un galion des autorités marines. Devant ce qu'elle venait d'entendre, la jeune femme en lâcha son panier et les pommes tombèrent à terre pour rouler sous l'étale du vendeur de poissons.

La main tremblante pour ramasser les fruits, Eärwen regarda l'homme.

Vous êtes sûr de cela? Dit elle balbutiante.

Oui ma p'tite demoiselle!

Mon frère était sur ce navire...

Tout ce que je sais c'est que les survivants ont été faits prisonniers!

Sans demander son reste, Eärwen rentra chez elle en courant. Déposant le panier sur la table, elle monta les marches à toute vitesse pour rendre dans sa chambre et faire son sac. Elle était persuadée que son frère était toujours vivant. Elle le sentirait s'il lui était arrivé quelque chose de néfaste. Pour une fois les rôles étaient inversés...

En début de soirée Eärwen se rendit sur le port à la recherche d'un bateau qui comptait prendre le large courant la nuit. Par chance, un navire était prêt à appareiller. Sans demander son reste, elle se faufilla telle une petite souris à bord sans savoir où cela allait la mener. Une seule chose était sûre pour elle: ce bateau se rendait sur la péninsule.
Le voyage dura une nuit complète et la matinée du jour suivant. Eärwen était restée cachée dans une chaloupe sous une couverture attendant que le navire jette l'ancre dans un port. C'est donc courant la soirée qu'elle quitta le navire en essayant de se faire aussi discrète que possible.

Elle ignorait dans quelle ville et dans quelle région elle était mais le voyage n'ayant pas été trop long, elle devait sans doute se trouver dans le sud de la péninsule. Sa capuche sur la tête afin de camoufler sa nature et son sexe, elle se mit à la recherche d'une taverne afin d'interroger quelques marins ivres sur un navire pirate qui aurait coulé ces jours ci...
Après plus d'une heure, elle obtint finalement une réponse plus qu'évasive.

Pluch *hic* nord *hic* lui répondit-on avec le hoquet et une haleine empestant l'alcool.

Ayant reçu l'information désirée, elle quitta les lieux. Maintenant il lui fallait voyer en direction du nord. Mais à cette heure ci, cela serait de la folie. Eärwen étant tout sauf réfléchie et raisonnable décida à voyager de nuit. Volant une lanterne, elle quitta la ville côtière.
Suivant la route qui menait en direction du nord, elle ne s'écarta pas des sentiers battus afin de ne pas se perdre en chemin. Une masse sombre se dessinait devant elle. Il s'agissait d'une fôret par laquel le chemin passé. Pénétrant dans les profondeurs obscures et abyssales du bois, la sang mêlée sentit son sang se glacer mais il était trop tard à présent pour rebrousser chemin...

A travers quelques couloir vides sur lesquelles des torches faiblardes renvoyaient une couleur blafarde, la demoiselle du peuple immortelle fût menée. Sous l’œil inquisiteur de servantes soucieuses de la sécurité de leur maison, elle fût jugée. Par des mains peu décidées à lui laisser l'occasion de s'exprimer, d'une simple robe verte de quelque petite maisonnée, elle fût habillée.

-"Étrangère, apprenez que vous ne devez contredire le seigneur de Vareg. Il a toute autorité dans cette province reculée et il n'aime guère les êtres de votre race. De plus sa femme est souffrante et ses humeurs s'en ressentent! Ne l'importunez pas avec des réflexions ne séant pas à votre... Rang."


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Alric dînait maussadement, avalant à peine les fruits importés et la viande trop salée qu'il adorait habituellement. Les trois conseillers qui avaient choisis de manger à cette heure tardive trouvaient un intérêt nouveau à la table de bois et à la pierre des murs. Personne ne voulait croiser le regard du Grand Maître quand il était dans cet état, à la mince frontière entre la colère et la tristesse. Les prêtres avaient été formels: son épouse attendait un enfant, sauf que tout ne se passait pas bien. Elle se remettrait sans doute, mais il lui faudrait du repos.

Sans doute dans son dos on rirait de la chasteté désormais obligatoire du seigneur du fort, d'autres pleureraient doucement la douleur d'une femme douce et bonne à laquelle on rendait aisément hommage. Quelques petites nobles volages ricanaient en silence des problèmes physiques de la rousse du maître, s'imaginant déjà revêtissant un habit de mariage aux côtés d'Alric.

-"Je ne suis pas d'humeur à vous voir... Partez et apportez-moi la demi-elfe."

Les courtisans échangèrent des regards paniqués. Le nombre de fois où leur seigneur avait ordonné leur départ pouvait se compter sur les doigts d'une main... Et aucun d'entre eux n'aurait voulu être à la place de la voyageuse à cet instant...

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On alla mander la belle fine dans sa chambre, alors qu'elle finissait d'enfiler ses habits, toujours entourés de ses dames d'atours. Des termes simples, des ordres brefs, des mots durs... Les gardes étaient comme ça.

-"C'est qu'le Grand'Maître veut voir la gamine. Alors on lui amène."

Dans la salle large, ancien réfectoire des moines, Alric dînait seul en compagnie de chevaliers-protecteurs protégeant les portes et restant toujours à respectueuse distance de leur maître. Avant de laisse Eärwen s'installer en face du blondinet, à sa table, avec un plat de viande et un peu de vin, la première servante réitéra ses conseils.

-"Il a l'air de fort méchante humeur aujourd'hui... Tenez votre roture, ne l'agacez pas, ne l'énervez pas... C'est un homme bon mais il vaut mieux ne..."

-"Amenez la jeune fille. J'ai à lui parler."