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 Obsidional | Elvad'e

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Aranos
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MessageSujet: Obsidional | Elvad'e   Obsidional | Elvad'e I_icon_minitimeSam 7 Fév 2015 - 0:54

      A vingt jets de flèches à l’Ouest de la cité d’Eraïson, dans un repli de la forêt, s’élevait la Colline d’Aënathil ; et sur cette colline pentue, nichée au creux des souches, et mangée par les herbes vertes et grasses, était fichée la lourde Pierre de Terre. C’était, au sommet du monticule, comme un météore planté dans le sol, qui offrait à la pluie son gros dos rond, abrasé par le vent.
      A cette heure tardive du jour, quand la lumière rend les armes face aux deux lunes, il ne devrait y avoir personne sur la Colline ; mais pourtant, ce soir-ci, des silhouettes s’assemblaient sur Aënathil. C’était de longs échalas à la peau tannée, vêtus et comme couverts par les fibres de la Forêt ; ils avaient une crinière fière et sombre, chargée de musc, orgueilleuse – mais dessous les figures étaient longues et angoissées. Dans la demi-pénombre du soir montant, on entrapercevait, autour de leurs yeux froncés et farouches, des airs fatigués et des mines abattues. Ceux-là étaient les Sylves, ceux de la Noss d’Aënathil ; une dizaine de têtes à peine. Mais ici assemblées, ils n’étaient pas seuls ; et derrière les chevelures brunes ou rousses, se profilaient les contours indécis d’autres formes : des pelages ondulaient, des truffes frémissaient, et des sabots grattaient la terre avec inquiétude. Dans cette particule de l’Œuvre, sur cette petite Colline, s’était ameutée toute la progéniture de Kÿria. Même les arbres semblaient joindre leur murmure au conciliabule.

      « Ornedhels ... commença une voix. »

      Tous écoutaient Elbohir, qui avait parlé. C’était un Elfe aux mains puissantes, aux doigts tordus par la chasse, et aux ongles noirs de terre. Dans ses cheveux fauves, des mèches féroces, et à leurs bouts quelques éclats comme l’argent : c’étaient des crocs de phish oura, et d’autres bêtes traquées et vaincues par lui. Dans l’Aënathil, on écoutait ce grand combattant, aguerri aux premiers temps du cycle passé. Il avait une voix grave et rauque, comme si de longues saisons avaient coulé depuis que ses derniers mots avaient franchi leur seuil de ses lèvres. Il fallait dire que les temps présents étaient inouïs, et que jamais la Colline n’avait connu de rassemblements aussi fréquents.
      Il ouvrait à nouveau la bouche, mais un large fracas dévora ses mots. Depuis l’Est, depuis Eraïson, un bois craquait horriblement, et son écho roulait loin et longtemps sous la voûte d’Anaëh. C’étaient les arbres ancestraux, ceux dont les racines couraient au plus profond dans la terre d’Eraïson, ceux-là qui ceinturaient la cité de pierre – et ils craquaient, un à la fois, ces chênes qu’on abat. Un silence s’effondra sur Aënathil. Tous avait senti la palpitation saccadée et folle, mais maintenant bâillonnée, de la Symphonie – et derrière les pleurs et les soupirs, ces ondulations dans la sève, et toute l’Anaëh qui gémissait.
      La table de pierre, enfoncée au sommet de la Colline, eut un frémissement ; elle vibra sous les doigts des Sylves. Autour de la roche, tous s’étaient tus, le souffle retenu. Les antiques légendes de leurs Noss, contées par les druides ermites, prétendaient que cette pierre n’était que le dos rond d’une bête formidable, un Golem d’Anaëh ; et qu’un jour il s’éveillerait, quand Aënathil courrait le plus grand péril. Alors les Elfes venaient prêter l’oreille à la résonnance de la roche, comme la Symphonie passait à travers ce prodige assoupi. Mais las, pour cette fois encore, le grand réveil ne viendrait pas. Le rocher ondula encore un instant, puis il se figea dans le silence. Lui dormirait encore.
      Celles-là qui parlaient directement à la Mère, Isil la brune, Nyah à ses côtés, laissèrent filer un soupir rongé de dépit ; puis leurs mains quittèrent la surface morte de la pierre, et leurs yeux revinrent à Elbohir comme il reprenait la parole :

      « Ornedhels, les bosquets d’Aënathil tremblent. La pierre de la Colline d’Aënathil ne s’éveillera probablement pas.
      – Pourtant, objecta la voix d’Isil, la Mère a ramené les Ëala. »

      Un nouveau silence tomba sur la Colline. Certains chasseurs avaient remonté la piste de l’Est, jusqu’aux abords d’Eraïson ; et là ils avaient vu la terre fracturée, et les racines arrachées, et la fosse d’en-dessous la Forêt d’où s’était éveillé un Ëala de Pierre. Et tous avaient senti, des jours plus tôt, les remous de la Symphonie, comme une Grande Chasse resurgissait sur les rives d’Uraal – et on la disait guidée par Carpacelva lui-même. Nyah s’était tue, songeant aux grandes mâchoires d’Anaëh, qu’on prétendait retrouvées. La Noss d’Aënathil, aux confins de la guerre, se raccrochait aux merveilles anciennes.

      « Nul n’a revu la Grande Chasse, tempéra aussitôt Elbohir, et quelques visages opinèrent dans la pénombre. Il n’est pas sage ... »

      Un vague d’aboiements couvrirent ses mots, les bois s’entrechoquèrent, et des babines se relevèrent soudain ; les échines des Elfes et des bêtes, d’un coup, s’étaient électrisées de peur. Des tréfonds des bois de l’Est, parmi les racines les plus biscornues, avait émergé une silhouette claudiquante. On la voyait mal, mais déjà les naseaux humaient le parfum de l’acier, et du sang. Il venait à trois pattes, ses deux pieds rompus assistés par une canne noueuse, sur laquelle il pesait de biais.
      Quand les deux lunes vinrent baigner son corps, au détour d’une ombre, le spectacle fut terrible. C’avait été un Elfe, et de grande stature encore, un enfant des villes et de la pierre ; mais son visage n’était plus que charpie, ses cheveux mélasse, et ses vêtements loques pleureuses. Il avait le torse zigzagant, et les membres indécis ; et sur sa face, une pâte grasse et onctueuse, comme un onguent de bourbe et de tourbe. Cà et là sur ses habits de couleur indéfinissable, perlaient des poches rougeâtres, où le sang continuait peut-être de couler. Pourtant il était un Elfe, encore.
      Ces pauvres hères fracassés, et qui émergeaient du sous-bois, s’étaient multipliés ces derniers temps, depuis que les Sombres avaient fait chuter Eraïson ; c’étaient des égarés, chassés loin de la pierre, soudain jetés entre les branches grondantes de la Forêt. Mais nul, jusqu’alors, n’avait paru aussi sale à la Noss d’Aënathil. Elbohir, méfiant, le salua de loin :

      « Paix, Taledhel, de quelque cité que tu viennes. »

      Alors seulement, comme l’inconnu avait suffisamment approché, la lumière blafarde tomba sur les écussons de ses hardes. Là, pendouillante, c’avait été la cape verte à l’étoile et aux trois feuilles, celle qui enveloppait les légions de l’armée du Sud ; et blasonnés en travers de ton torse, se reflétaient l’épée et la lance d’argent, les armes frappées de l’infanterie. Sur la Colline d’Aënathil, plusieurs des Sylves n’avaient jamais approché ces soldats veillant sur la pierre, et sanglés souvent de cuir et de métal ; mais d’autres, et Elbohir le premier, reconnurent les épaules larges et le front bas, de celui qui avait perdu ses belles années à veiller Yutar depuis Ellyrion.
      Les bêtes continuaient de grogner, les crinières hérissées ne s’étaient nullement apaisées ; quelques babines bavaient. Alentour la brise semblait avoir forci, comme si les arbres l’avaient faite souffler avec plus de vigueur contre le Capitaine rompu. Mais comme nul ne bougeait, et que l’intrus ne disait pas un mot, Elbohir l’appela de son nom :

      « Aranos Hëlmeliòn, mais loin de son armée.
      – Elle vient derrière moi,
grogna le Capitaine. »

      Sa voix était un souffle pénible, revenu du fond de sa gorge fracassée. Il avait fait encore quelques pas, jusqu’à approcher du bas de la Colline, là où commençait le cercle des animaux. Et alentour, montant vers la pierre, toutes les gueules des bêtes d’Aënathil surplombaient le soldat. Ce cénacle féroce, il grondait, il fixait le visage lardé de l’Elfe ; c’était là que la fureur de Carpacelva avait passé. Ce nez deux fois brisé, à ses ailettes, portait encore l’empreinte du sabot du Grand Cerf.
      Qu’Aranos paraisse ainsi, alors que les Sombres s’étaient déversés en Eraïson – le parfum de la guerre fut ravivé sur Aënathil. Ce n’est jamais un hasard, lorsqu’un officier de l’armée du Sud se porte à la rencontre d’une Noss.

      « L’armée du Sud vient-elle quérir des combattants, des armes ? s’enquit Elbohir. Aënathil est petite, et nos lances sont en bois.
      – Mais mon armée est là,
rétorqua Aranos. »

      Il avait parlé sur le ton de l’évidence, avec assurance ; dans ses yeux pochés, on devinait la surprise. Alors les Elfes plissèrent les yeux, pour mieux scruter les ténèbres ; les truffes des loups se portèrent au vent, happèrent toutes les effluves les plus lointaines. Mais il n’y avait aucune cuirasse à voir, ni aucune légion à flairer ; tout était silence, outre la colère des arbres.
      Autour de la table de pierre, la perplexité dominait. Quelques murmures coururent, et comme Elbohir n’allait contredire le Capitaine, ce fut Isil à la crinière brune qui souffla :

      « Nous ne voyons par d’armée.
      – Je l’ai laissée dans la plaine,
expliqua Aranos, derrière les grands saules. »

      Et claudiquant, il s’en retournait déjà, quittait la Colline. Quelques regards muets bondirent d’un Elfe à l’autre, au-dessus de la table de pierre. Les Sylves sont sages, mais aux aguets sous la fièvre de la guerre, la curiosité défaisait l’ancienne prudence ; Elbohir se leva le premier, vite suivi de ses frères et sœurs de Noss, puis des bêtes alentour. Tous, Elfes, loups, et daims, dégravirent la Colline et dans l’ombre, se coulèrent dans le sillage du boiteux.
      Ils n’auraient pas loin à aller. La Colline d’Aënathil était nichée entre des racines enchevêtrées, au creux d’un bosquet d’arbres phénoménaux. Mais dès qu’on montait vers l’Est, on quittait la coulée des grandes racines, et la forêt s’éclaircissait bien vite ; alors les arbres se faisaient plus rares, et une sorte de clairière s’ouvrait à la vue. C’était vers là que boitillait la silhouette oscillante d’Aranos. La nuit faisait souffler une brise fraîche, qui courait sur ses plaies encore vives, et emportait derrière lui l’odeur du sang et de la crasse.
      Mais comme les Elfes avaient quitté l’ombre des racines, et posaient le pied dans la clairière ouverte, les bêtes qui venaient autour d’eux grognèrent de défi. Devant eux tous, sous la lumière laiteuse que les deux lunes pleuraient, s’étaient érigées de larges formes dans la plaine. Toutes pareillement massives, mais aucune égale aux autres, c’étaient des silhouettes épaisses et fortes, hautes comme de petites tourelles, des fortins mystérieux. Nulle odeur de chair à humer, car ces bêtes étaient taillées dans la pierre ; et elles étaient peut-être vingt ou vingt-quatre, dominatrices, à patienter dans la nuit claire.
      Un même mot vint à tous les Sylves, et Nyah l’articula pour eux tous :

      « Des Golems ! »

      A douze pas devant eux, Aranos s’était fiché sur ses trois pattes, et il contemplait sa légion ; il tournait le dos aux Sylves, mais faisait face à ses créatures, mutiques et attentives. Une formidable impression de force exhalait de la scène, comme les monstres de pierre attendaient l’ordre de la guerre.

      « Aranos, lança Elbohir d’une voix blanche, comment est-ce possible ?
      – Qu’on apporte d’autres pierres,
triomphait le Capitaine, et ma légion grossira encore ! »

      Alors un nuage dut être chassé du ciel, et la lumière des deux lunes brilla plus fort sur la clairière, et révéla le visage des mastodontes. La scène arracha aux Sylves leurs sourires ébahis, et piétina tous leurs espoirs. Ceux-là n’étaient pas des Golems, des enfants-gardiens de la Mère – mais de la caillasse empilée. A présent tous voyaient les pierres, malhabilement entassées les unes sur les autres, et qui figuraient des monticules ; sur la droite, deux de ces silhouettes n’étaient même pas faits de pierres rassemblées, mais de pommes de pin amoncelées en tas. Tout n’était qu’illusion – et Aranos, patiemment, avait empilé des pierres trouvées au bord des rivières, croyant lever une armée fantastique.

      « Aranos, commença Isil, tu es f... »

      Un geste d’Elbohir l’interrompit. Il empêcherait qu’on prononce ce mot contre le Capitaine, celui qui avait mené tant de guerres, et par lequel la lisière d’Anaëh était longtemps demeurée inviolée – par égard pour le soldat, Elbohir avait fait taire sa sœur. Mais à présent qu’Aranos s’était retourné vers eux, comme plein de fierté, les yeux des Sylves voyaient la déraison qui traversait le visage du boiteux ; ses joues hoquetaient de tics. Tous, à l’instant, percevaient combien le Capitaine était devenu fou.

      « Ma légion est invincible, énonçait un Aranos transporté.
      – Rentrons. »


      Sur ces mots de Nyah, tous s’étaient détournés ; les Elfes et les bêtes entreprenaient de redescendre vers Aënathil et ses racines, la mine basse. Elbohir s’attarda un instant, à contempler la chute de celui qui avait veillé tant de siècles sur Ellyrion – et lorsque ses yeux se firent humides, à son tour le Sylve se retira. L’abattement rongeait ces cœurs déçus. Amers, ils refluaient, et abandonnaient Aranos à ses golems branlants.
      Celui-ci boitilla quelques pas encore, il passa entre deux de ses créatures instables. Ses doigts tordus vinrent caresser la pierre vacillante, ses mains raclèrent sur les mauvais épouvantails ; et il répéta dans le silence et la nuit :

      « Invincibles. »
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Elvad Do'ana
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MessageSujet: Re: Obsidional | Elvad'e   Obsidional | Elvad'e I_icon_minitimeSam 14 Fév 2015 - 19:59

Elvad réajusta nerveusement le casque en peau de loup qu'il portait. La brise nocturne qui soufflait entre les arbres et lui caressait la peau le mettait mal à l'aise. Et l'on pouvait en dire autant des drows qui le suivaient. Sans armure, vêtue de quelques peaux et d'habits, si cela méritait un tel nom, typiques des sylvains, il se sentait nu et désespérément vulnérable. Il caressa du bout des doigts la surface du marteau de guerre accroché à sa hanche et se concentra sur le poids réconfortant de son épée dans son dos.
La forêt autour était oppressante, les ombres épaisses de la nuit les étouffaient presque et les bruits, de toutes parts, étaient autant de menaces potentielles, invisibles. A tout instant il s'attendait à ce qu'une flèche traverse les ténèbres, lui transperce la poitrine et mette fin à ce plan insensé de la manière la plus directe qui soit. Mais rien ne venait. Et comme les derniers soldats s'extirpaient de la faille, à peine visible entre deux buissons, par laquelle ils étaient tous arrivé, il leur fit signe de se regrouper et de le suivre.

Les drows étaient arrivés ici grâce à leur tunnel. Quelques esclaves s'étaient relayés sur les derniers jours pour creuser un passage depuis l'un des tunnels principaux qui avait parmi l'invasion d'Eraïson. A vrai dire passage était un bien grand mot tant il avait plutôt s'agit d'un boyau étroit et sinueux, irrégulier et pas le moins du monde aménagé. Mais à quelque point que ce tunnel ai pu être ingrat et fatiguant, ils le regrettaient déjà tant la forêt n'était pas leur milieu et semblait hostile. Bien sûr, aucun d'eux ne se faisait d'illusions : il n'y aurait aucun survivant à cette nuit. Néanmoins, il était plus facile de partir à la mort lorsque l'on avait l'impression de pouvoir lutter. Et à ce stade de leur mission, rien n'était moins sûr. Mais c'étaient des durs, des fanatiques et des psychopathes qui n'aimaient rien tant que sentir les chairs céder sous leurs armes. Elvad y avait veillé.
Alors, vêtus de pastiches, abrités derrière quelques enchantements prodigués par les mages avant leur départ, espérant que les ombres masqueraient les défauts les plus flagrants, ils avancèrent, d'un pas mal assuré sur le terrain inégal Ils ne savaient trop où ils allaient, cherchant le campement elfe pour mener à bien leurs suicidaires objectifs. Il s'agissait évidemment d'un honneur, la chance d'aller porter la Vengeance jusqu'au cœur même de l'adversaire, pour la plus grande gloire d'Uriz. Et aussi maigres soient leur chances, aucun d'eux ne renoncerait.

Ils ne cherchaient pas à se montrer discrets, ils auraient voulus qu'il n'auraient pas pus de toutes façons échapper à la vigilance de toute sentinelle qui aurait croisé leur route. Non, ils essayaient au contraire d'être les plus naturels possible, ce qui leur demandait de gros efforts pour seulement marcher de manière normales, sur le sol couverts d'humus et duquel émergeaient des racines détrempés plus glissantes que du métal poli. L'obscurité ne les gênaient pas trop, mais les buissons et fourrés entravaient leur mouvements et les obligeaient parfois à de sérieux détour. A plusieurs reprises Elvad voulut incinérer ces obstacles végétaux mais il n'aurait fait que révéler instantanément toute la supercherie. Leur plus gros problèmes restait qu'ils n'avaient qu'une vague idée de l'endroit où aller. Les ombres espionnes utilisés par les mages drows à Eraïson n'avait pas trouvé le camp de l'armée, mais cela pouvait ne rien vouloir dire car les mages elfes n'étaient pas moins puissants et qu'ils savaient désormais que l'ennemi se trouvait dans leur dos.
Petit à petit le chemin se faisait moins traître, les racines plus rare, le sol caillouteux retrouvaient une consistance qui plaisait plus aux soldats noirelfes et les fourrés s'éclaircissaient. Les arbres eux-même s'espaçaient jusqu'à ce qu'ils débouchent finalement dans une véritable clairière et se figent devant le spectacle, la nuque hérissée. Les massives formes de pierres qui les dominaient de toute leur hauteur leur rappelaient de bien mauvais souvenir, tous ayant assisté à la destruction qu'avait pu causé le titan lors de la bataille d'Eraïson. Et face à la vingtaine de monstruosités qui se dressaient là, la bataille serait expéditive et assurément sanglante. Il ne s'en fallut que d'un cheveu qu'ils ne rompent toute formation et abandonnent toute tentative de camouflage, mais leur entraînement leur rappela qu'ils avaient plus de chances de s'en tirer ainsi qu'en essayant de les fuir. Ils restèrent ainsi plusieurs longues minutes tandis que les silhouettes ne bougeaient toujours pas.
Et comme elles ne semblaient pas vouloir bouger, les drows sortirent réellement du couvert des arbres, qui leur paraissaient pourtant plus attractifs que jamais, pour s'approcher des mastodontes de roches. Arrivés aux pieds, éclairés par les deux lunes, ils prirent alors conscience de la supercherie, voyant que ces créatures qu'ils redoutaient n'étaient qu'un empilement malhabile de rocs bruts. Jamais ils n'avaient vus pareilles sculptures chez les taledhels, mais les sylvains étaient presque un peuple à part. Elvad se tourna vers l'un des quelques prêtres de son groupe, un drow de plus de six cents ans qui avaient été mage avant de choisir la voie de la prêtrise. Il lui demanda silencieusement s'il percevait la moindre magie. La réponse vint rapidement, certifiant au sang-mêlée ce que ses maigres capacités lui avaient fait supputés : il ne s'agissait que de banals blocs de pierre.
C'est à ce moment que l'un des soldats, légèrement en éclaireur sur le flanc de leur petit groupe, revint vers Elvad pour lui faire signe de le suivre. Le prêtre s'exécuta et le drow l'amena à quelques mètres et pointa un doigt dans les ténèbres. D'abord il ne vit pas ce qui avait attiré l'attention, puis il perçut le léger mouvement. Rapidement, il n'eut plus de doutes : quelqu'un, ou quelque chose, se tenait contre l'une des grossières statues. En tendant l'oreille il leur semblait même entendre des paroles, prononcées à mi-voix, comme des supplications. Décidant de jouer le tout pour le tout, Elvad s'approcha.

Alors qu'il s'approchait, il distinguait un peu mieux l'inconnu : il avait des vêtements qui indiquaient un taledhel, il le savait pour avoir bien assez combattus aux côtés du Troisième. Il pouvait même identifier la moitié de ses blasons. Cela l'arrangeait, il était beaucoup plus facile pour lui d'imiter l'accent des elfes de cité. Mais ce qui le frappa vraiment c'est l'état de délabrement dans lequel l'elfe se trouvait, un état si rare chez eux qu'il en venait à se demander comment l'officier avait pu en être réduit à... ça. Il caressait la pierre comme un possédé et n'avait visiblement plus une once de raison derrière son regard, qu'il braqua sur eux en les entendant arriver.

« C'est vous qui avez construits ces statues ? »

Bien sûr il se moquait de la réponse, il ne cherchait qu'une manière de ne pas trop brusquer l'elfe qui lui paraissait déjà très instable. Il enchaîna toutefois rapidement au point qui l'intéressait réellement :

« Nous sommes en route pour le camp militaire, mais les indications qui nous sont arrivés n'ont pas été très claires. Pourriez-vous nous indiquer la meilleure route ? »

Il avait un instant songé à dire qu'ils s'étaient perdus mais il doutait qu'aucun sylvain ne se se soit jamais perdu en Anaëh.
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Aranos
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MessageSujet: Re: Obsidional | Elvad'e   Obsidional | Elvad'e I_icon_minitimeDim 22 Fév 2015 - 21:25

      Une ride de folie tangua entre les deux sourcils brunâtres d’Aranos. Ses yeux pochés scrutaient les ombres qui venaient d’émerger du sous-bois, et qui à présent l’encadraient de leurs hautes statures.
      C’étaient de formidables guerriers. Une exhalaison de puissance baignait ces silhouettes agiles ; on reniflait la forte odeur des Noss, mais matinée d’un relent d’acier. Ils allaient le front haut, les épaules puissantes, et Aranos peinait à distinguer leurs visages. Les deux lunes ne découpaient que quelques nez aquilins par-dessus des mâchoires pointues. Le cliquetis du métal accompagnait leurs pas – et fourmillant dans la pénombre, hérissées en pointes et en dents, on devinait une arme dans chaque poigne. Ils étaient féroces comme les Ornedhels, mais on leur retrouvait la splendeur des guerriers du vieil Ellyrion. Sous ce ciel vaseux, une brume irréelle semblait voiler leurs traits.
      Le Capitaine se fendit d’un vaste rictus, qui fit suppurer ses lèvres toutes zébrées de plaies. Ses oreilles rabattues n’avaient pas enregistré un traître mot des paroles de l’autre, mais il lança dans un souffle :

      « Bienvenue, mes fils. »

      Car il ne faisait nul doute, dans son esprit cahotant, que ceux-là étaient des rejetons de Calimenthar. Le tonnerre de la Grande Chasse aura résonné jusqu’aux oreilles du dieu Soldat – et voilà que paraissaient ses propres légions, nées de la brume et de la nuit, toutes casquées de fer. Les yeux gourmands d’Aranos passèrent sur ces lances levées, et tous ces coutelas glissés dans des fourreaux de peau. Calimenthar aura fait ses cohortes pareilles aux Noss des bois, avec des feuillages pour masquer leurs cuirasses.
      La paume du Capitaine n’avait pas quitté la pierre de ses Golems empilés. La vaste structure vacillante, Aranos y appuyait son dos moite de fièvre, et ses doigts tapotaient fébrilement sur toute la surface rebondie. Ainsi entouré, par les Golems et par les soldats, il sentait l’invincible tempête croître : Calimenthar exauçait ses vœux de guerre. Bientôt, les renforts prodigieux suscités par le dieu, et apparus cette nuit à Aranos, réveilleraient la ferveur de toute l’armée du Sud.

      « Le campement est proche, enfants, souffla le Capitaine avec félicité. »

      Mais alentour, quelques formes lézardaient la pénombre du sous-bois ; des truffes frémissaient dans la nuit. Et la voix de l’autre, et les paroles enfiévrées d’Aranos, tout cela avait couru et résonné sous les arbres. Après tout, les Noss n’étaient pas loin, les bêtes plus proches encore. Depuis l’Ouest, où se nichait la Colline d’Aënathil, des pattes et des sabots se laissaient deviner ; les griffes cliquetaient sur les racines détrempées. Puis enfin, dans un rai des deux lunes, apparut le museau effilé d’un daim à l’œil curieux.
      Aranos crut à une menace fondant sur ses deux armées. Que nul n’assaille les cohortes prodigieuses ! Le Capitaine étendit une main décharnée, aux doigts tordus, et il grogna quelques borborygmes à travers la nuit. Aussitôt un crépitement orange s’arracha à sa paume, siffla dans le ciel d’encre, et vint percuter un Golem monolithique dressé aux abords de la plaine. Ce fut un fracas phénoménal, la terre gronda sous leurs pieds, et la Forêt et toutes ses racines hoquetèrent soudain. Le géant de pierre s’était courbé, avait hésité un instant, puis choisi la chute ; il s’effondra comme une cataracte de marbre. Les vastes galets empilés se déversèrent jusqu’au sol, ricochèrent sur la tourbe, et s’en allèrent glisser au loin. Le daim avait déguerpi – et derrière lui, des continents de roche pulvérisaient les arbres proches, cisaillaient les troncs, écrasaient leurs racines séculaires. La pierre, le bois et la boue mêlés, d’un coup frappés, se disloquèrent et disparurent entre les branchages voisins. L’écho du désastre résonna infiniment dans les sous-bois.

      Le silence fut long à revenir ; peu à peu, les arbres cessèrent de trembler, et la Forêt se tut à nouveau. Aranos demeura longuement mutique, le dos tourné à sa cohorte, à faire face à l’Ouest d’où avait surgi le daim. Ses yeux fous dansaient dans leurs orbites creusées. Puis, dans cet hideux mélange d’une langue haute et d’une autre déchue, il crachota à l’adresse des siens :

      « Calimenthar khorl d’jal ! »
Traduction:
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MessageSujet: Re: Obsidional | Elvad'e   Obsidional | Elvad'e I_icon_minitimeMar 3 Mar 2015 - 22:47

Il ne comprenait pas. Elvad ne parvenait à comprendre les réactions de celui qui se tenait face à lui. Le fossé entre leur peuple était-il si profond qu'il ne parvenait même pas à cerner un de ces cousins honnis, ou bien l'elfe face à lui était-il tout simplement fou comme le laissait supposer son attitude tendue et l'étincelle dans son regard. Il avait entendu parler de ce mal de l'esprit qui affectaient les taledhels. Un mal inconnu chez les drows, qui mourraient généralement avant qu'il n'ai le temps de s'implanter. Seul un peuple de faibles et de larves pouvaient se laisser mener par de tels cadavres ambulants. Et leur faiblesse allait ce soir servir une fois de plus les desseins du Père des Batailles, puisque cet insensé parlait de campement.

Puis tout faillit voler en éclat. Quelque soit la chose qu'il avait perçu, et qui avait échappé à l'attention des drows, plongés en plein territoire inconnu et étrange, l'elfe fou avait décidé de régler la menace -en était-ce seulement une?- de manière expéditive, projetant une gerbe de magie contre l'une de ses créations de pierre. A ce geste les cinq prêtres d'Uriz avaient ressentis la magie et s'était préparés à se défendre, faisant jaillir des épées ou des flammes au bout de leurs doigts, rapidement imité par les autres soldats qui se regroupèrent en formation serrée, accolés aux golems factices pour s'en servir de protection le cas échéant. Ils restèrent ainsi, guettant toute menace, l'acier hérissés vers l'extérieur reflétant les rayons lunaires et leurs sombres silhouettes dessinés dans la lueur des flammes qui étaient apparues dans les mains de certains, tandis que la structure s'effondrait dans un fracas destructeur qui pour la première fois les mettait un peu à l'aise. L'esprit de Kerhel avait hoqueté si bien que même certains d'entre eux l'avaient ressentis, aux frontières de leur conscience, malgré les rituels protecteurs dont les avaient parés le clergé de Teiweon.

Et le silence reprit peu à peu ses droits. Pendant un temps, la forêt revint à sa quiétude nocturne. Mais peut-être même était-elle trop calme. Bientôt par dessus la brise dans les feuilles leur parvint un murmure qu'ils commençaient à connaître : celui des ornedhels en déplacement. Aussi léger que la feuille dans le vent, ils étaient plus reconnaissable au silence qu'ils imposaient autour d'eux qu'à un quelconque bruit. La plupart du temps on s'en rendait compte que lorsque le silence vous encerclait et qu'il était trop tard pour s'y préparer, qu'il ne restait plus alors qu'à affronter sa destinée, mais pas cette fois. Ils n'étaient pas là pour ça, ils n'allaient pas mourir ici. Sur l'ordre d'Elvad, ils rangèrent les armes et calmèrent la magie, bien que chacun d'eux resta tendue comme une corde d'arbalète, prêt à délivrer la mort en une fraction de seconde. Le sang-mêlé s'approcha de l'elfe et posa une main ferme sur son épaule, essayant de le faire revenir, même brièvement, à la réalité. Il ne savait toujours pas pour quoi, ou qui, il les prenait mais il avait parlé d'un camp. C'était bien assez pour le prêtre pour qu'il se cramponne à cette possibilité.

« Nous ne devons pas tarder. Notre devoir nous réclame. »

Cela lui avait paru bien, sur l'instant. Comme la chose à dire pour convaincre cet esprit errant. Il espérait qu'il en serait ainsi et qu'ils partiraient avant que les ornedhels n'arrivent sur les lieux. Sinon, il craignait bien qu'ils ne soient pas abusés longtemps par leur camouflage et leur sorcellerie et qu'ils ne doivent combattre ici, en pleine forêt. Auquel cas, bien sûr, il donnerait tout ce qu'il avait. Mais il préférait déchaîner son ultime colère sur une cible plus intéressante.

« Menez-nous au camp ! »
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Aranos
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MessageSujet: Re: Obsidional | Elvad'e   Obsidional | Elvad'e I_icon_minitimeDim 8 Mar 2015 - 20:33

      Aranos avait marché jusqu’au gouffre, celui que sa folle magie avait foré à travers terre, là où les masses rocheuses avaient volé en éclats. Depuis le plateau bas sur lequel Aranos avait élevé son armée de pierre, c’était une longue pente qui plongeait vers les sous-bois ; et à présent elle était parsemée, ici et là, de morceaux de granit fracassé. Au-dessus du désastre, plus un son. Le Capitaine laisse un long moment ses yeux s’abîmer dans la contemplation du désastre. Peut-être des ombres bougeaient-elles, là, au loin ? Son regard ardent s’acharna à percer les replis d’obscurité, jusqu’à faire crépiter la nuit elle-même.
      « Montre-toi, gronda le Capitaine déchu. »
      Un cerf, un grand cerf aux sabots d’argent : voilà ce que ses pupilles traquaient sous les frondaisons basses et menaçantes. Quelque part, l’Ëala vengeur devait traquer le Capitaine. Aranos planta son nez deux fois cassé dans les vents, il essaya de détricoter les senteurs d’humus ; mais rien ne venait. La Grande Chasse, qui quelque part devait rôder, ne laissait pas échapper le plus maigre indice. Et les sauvageons d’Aënathil précéderaient sûrement l’ignoble Carpacelva, ceux-là devaient déjà marcher autour de la position d’Aranos, de son armée, et de ses visiteurs.
      Alors face à ce tapis d’ombres mutiques, Aranos prit soudain peur. A ceux qui l’attendaient derrière lui, il intima soudain : « Nous partons. Nous allons au campement du Sud. »

      En trois enjambées cahoteuses, mais avec une agilité dérangeante, la silhouette claudicante d’Aranos était revenue auprès de ses Enfants. Il marcha encore, jusqu’à se ficher presque sur les pieds mêmes d’Elvad ; et son visage distordu, ravagé et couturé, s’avança jusqu’à n’être plus séparé de l’autre que par quelques tout petits centimètres, de silence et de nuit. A cette proximité, Elvad pouvait apprécier les ravages qu’avait opérés Carpacelva sur la face du Capitaine ; et l’inquiétude les accroissait encore. Ses yeux roulaient follement dans leurs orbites saillantes, toute sa gueule brisée n’était qu’un tressaillement de tics, ses mâchoires tressautaient. De lourdes pensées gorgées de folie devaient s’entrechoquer dans cet esprit aux défenses anéanties.
      « Nous partons, répéta simplement l’Elfe dément et agité. »

      Alors de son pas zigzagant, il prit le chemin du Sud, laissant la Colline d’Aënathil loin derrière lui. Sur la petite plaine, demeureraient ses constructions de pierre, Golems trébuchants : ceux-là veilleraient sur leurs arrières, ceux-là tiendraient Carpacelva en respect – ainsi divaguait doucement l’esprit malade du Capitaine ...
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