On n'est jamais sali que par la boue. [Aline]

Cela faisait maintenant plusieurs heures que durait l’assemblée entre les femmes régentes. Une pause fut accordée pour que chacune puisse se vider l’esprit avant de reprendre de plus belle. Certaines en profitèrent pour aller visiter les latrines –entre filles-. Maélyne ne comprenait pas pourquoi, mais bon, c’était certainement un effet de mode qui ne perdurera pas.

La jeune femme quant à elle se sentait assez mal à l’aise de revenir entre ces mures. Ce château avait tout de même été son foyer durant quelques années lorsqu’elle était l’épouse du Marquis Adrien de Bastylle. C’est également ici qu’elle donna naissance à sa fille, Aline de bastylle. Cela lui remémora de bons souvenirs mais également des évènements qu’elle préfèrerait oublier, tels que la mort de son époux, son abdication et la honte que cela lui procura.

Il fallait qu’elle sorte prendre l’air, pour se changer les idées. Les jardins du château suffiraient à la combler. C’était donc sa destination. C’est d’un pas assez lent, comme si l’envie de retourner à l’intérieur l’avait complètement quitté, que la Dame parcourait le jardin, seule.

Le soleil brillait, il ne faisait pas aussi chaud qu’en été mais la température était tout de même agréable. La Dame s’enfonça de plus en plus pour arriver près d’un grand arbre qu’elle affectionnait particulièrement. Elle s’avait qu’un banc en bois avait été sculpté juste à côté et que celui-ci donnait assez d’ombre pour profiter du soleil sans en subir les conséquences.

Elle s’approcha donc mais ne fit pas attention où elle mettait les pieds. Effectivement au fil des mois qui s’étaient écoulés, une racine de l’arbre était remontée à la surface. La jeune femme se prit malheureusement les pieds dedans.

« aaaaaaah !!! »

Cria-t-elle durant sa chute. Elle s’écrasa donc de tout son long juste aux pieds d’une jeune femme. Et comme si cela ne suffisait pas, sa tête avait atterrit dans une flaque de boue emportant un objet qui lui piquait la nuque.

Alors qu’elle se releva, elle découvrit que la jeune femme en question était en train de tricoter et qu’une aiguille lui piquait la nuque. Son état était des plus déplorable mais peu importe.

« Je crois que cela vous appartiens. » Dit-elle à la jeune fille assise sous l’arbre en lui tendant son aiguille complètement tordue.

Même si certaines femmes auraient hurlé à la mort en voyant l’état de leurs cheveux et de leurs robes après une chute pareille, la réaction de Maélyne fut tout autre. En voyant l’aiguille complètement tordue, elle ne put s’empêcher d’éclater de rire.

Dégoulinante de boue, c’était l’image qu’il fallait avoir de Maélyne à cet instant. Il fallait avouer que ce genre de chute lui était rare et que cela l’amusait plus qu’autre chose. Fort heureusement Maélyne était tombée aux pieds d’une dame qui semblait bien le prendre car rappelons le, sa chute à fait un gros SPLACH et avait facilement éclaboussé à un mètre à la ronde. Maélyne n’était donc pas la seule à se retrouver couverte de boue.

Cette jeune femme reprit son aiguille comme si c’était normal de la récupérer pliée puis la rangea avant de donner un mouchoir à Maélyne.

« Merci » lui dit-elle alors en commençant à se dégager le visage de cette terre boueuse qui sentait pas la rose.

« Peut-être voulez-vous vous asseoir ? »

La jeune femme était plutôt étonnée qu’elle lui propose ça. Elle s’attendait plutôt à la voir se lever de rage et la traiter de toutes les insultes inimaginables sortant de la bouche d’une dame en partant en courant changer sa robe. Mais ce fut une réaction tout autre. Comme si la jeune blonde avait à peine remarqué la chute.

« Volontiers » Lui répondit-elle avant de prendre place à côté d’elle.

Du moins elle essaya car elle dégoulinait de boue encore par endroit.

« Vous brodez très bien » Lui dit-elle ensuite.

La Dame avait parfaitement reconnu Aline de Montévlin, sœur de Jared de Montévlin, seigneur de Montévlin partit à la guerre dans le nord et vassal de Jérôme de Clairssac. D’ailleurs la position actuel du fief des Monts d’or était plutôt délicate mais ce n’était pas le but de Maélyne à raisonner la jeune femme. Elle s’en moquait complètement et d’ailleurs, elle pourrait sans doute avoir des nouvelles de Jérôme durant la conversation qui va suivre.

« Comment se porte ton frère, Aline ? »

Elle se rendit compte qu’elle ne la vouvoyait plus.

« Excusez-moi si je vous ai tutoyé, vous avez le même prénom que ma fille »

« Ce n'est rien, (…) porte bien, merci. »

« Je peux comprendre ce que vous ressentez. » Lui répondit-elle simplement. En réalité la Dame avait connu pire qu’un départ vu que celui dont elle était spectatrice n’avait pas de retour. Elle avait perdu sa sœur suite à la guerre entre Serramire et Etherna. Elle espérait qu’Aline ne vive pas la même situation. Elle espérait vraiment que la ravissante jeune fille qui se trouvait auprès d’elle ne connaissance pas ce sentiment qu’est la tristesse qu’on ressent jusqu’au plus profond de soi.

« Peut-être devrions-nous (…) quelques années. Que devenez-vous à Lourmel ? »

Leurs familles s’étaient déjà rencontrées oui mais vu que Maélyne n’avait pas réellement grandie en Serramire mais à Missède, elle ne connaissait pas les liens qui les unissaient vraiment.

« La routine n’a pas pu encore s’installer à Lourmel. Je me vois donc obligée de remettre certaines choses en place. J’y ai pris goût même si parfois je rêve d’un voyage vers le sud de la péninsule. » Dit-elle avec un sourire.

« Nous avons connu une vague de criminalité, comme tout le monde certainement. Et nous avons également lancé une expédition dans les Pycks d’Ortheim à la recherche de filons de minerais. Je devrais avoir enfin une réponse d’ici une ennéade. » Continua-t-elle.

La Dame espérait trouver quelque chose ce qui pourrait réduire les charges de la châtellenie même un petit filon lui conviendrait.

« Ensuite nous sommes en train de développer nos produits locaux. Je pense que le nord a de quoi ravir les papilles de nos proches ou lointain voisins…. Comme vous pouvez le voir, nous avons pas mal de projets même si pour le moment tout va au ralentit avec la guerre en Sgardie. »

Elle lui adressa à nouveau un sourire.

« Et vous ? De votre côté, tout se passe bien ? »

La jeune demoiselle parlait de ses terres avec un tel bonheur que la jeune Lourmelloise l’envia un peu. Les monts d’or étaient d’une telle beauté lorsque les beaux jours revenaient. Elle se promit qu’un jour, elle y retournerait pour y contempler le paysage montagneux.

La jeune femme vint alors sur le sujet de Jérôme. Maélyne se doutait un peu qu’elles finiraient par en arriver là.

« Je trouve que Jérôme n’aurait pas dû prendre l’initiative d’aller reprendre Alonna et Oësgard sans nous et surtout s’allier à la régente et rompre son serment. » Dit-elle alors.

Son avis était assez claire là-dessus.

« J’ai connu Jérôme alors qu’il était venu avec ces hommes en Serramire. Je l’ai soutenu personnellement et c’est grâce à lui si, aujourd’hui Aymeric de Brochant est sur le trône. Donc je trouve que notre marquis aurait dû avant tout essayer de parlementer avant d’envoyer l’ost. » Continua-t-elle

« Entre autres, je trouves que les deux hommes ont tort d’une certaine manière. Mais vous savez, on ne peut demander de trop à nos hommes. Ils n’ont pas notre délicatesse et préfère généralement foncer dans le tas sans réfléchir plus loin que leurs lopins de terres. » Elle fit une pause.

« Je sais que Montévlin a prêté serment à Jérôme. Je m’en attriste un peu car j’estime que nous devons être entièrement unis pour pouvoir espérer une paix durable mais je vous comprends en même temps. » Termina-t-elle avant de reprendre une pause.

« Nous verrons si ces deux hommes arriveront à s’entendre à nouveau pour le bien être du nord, surtout face à la montée en puissance du Médian et de l’indépendance du Sud. La péninsule n’est plus unie, et nous nous préoccupons tellement à faire la guerre entre nous que nous devenons aveugle en dehors de nos frontières. Les elfes d’Anaeh ont perdu une bonne partie de leur forêt face aux noirelfes. Qui nous dit que ces mêmes sombres ne viendront pas à notre porte ? »