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 Sol'Dorn gémira

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Phar'roos
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MessageSujet: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeMar 21 Avr 2015 - 20:50

      Vu du ciel, on aurait dit un ovale d’ivoire, logé au cœur d’un sertissage crasseux. Le Bae’d étalait son sable clair, tache blanche entre les gradins de vieux bois ombré par le temps, la sueur, et les crachats. Debout dans l’arène, plusieurs figures se toisaient : c’étaient les quelques grands noms du moment, les esclaves habiles, dont certains avaient conquis et tenaient ce rang de lutteur depuis plusieurs ennéades déjà. C’était à l’heure où les adversaires s’approchent et se toisent, bien avant que le combat commence. La journée débutait à peine, l’aube n’en finissait pas de se lever sur le Bae’d.
      Mais dans les gradins, tout au contraire, le spectacle était déjà bien entamé. Les nervis de la deuxième dothka ratissaient parmi les impudents qui faisaient des paris sous cape. Voilà deux ennéades, bientôt, que les vétérans du Puy s’étaient emparés du contrôle des paris sur le Bae’d. Une garde muselée les regardait faire, impuissante, en lisière de l’arène. Plusieurs silhouettes menaçantes, et parfois sous capuchon, maraudaient parmi la foule qui se pressait sur les gradins vermoulus. Il y avait des lames qui volaient pour châtier les imprudents : ceux de sang pur y perdaient une oreille, les autres devaient ajouter quelques coûteuses livres de chair dans la balance. Depuis que les forces de Phar’roos avaient ravi le contrôle du Bae’d, leur consigne s’était vite répercutée sur toutes les bouches, à présent nul ne l’ignorait plus. Pourtant, çà et là, on entendait encore gémir le parieur roublard auquel le glaive vient reprendre son dû. Telle était, exportée vers les terres barbares, la justice d’Elda.
      Phar’roos claqua de la langue, comme un troisième hurlement jaillissait des gradins du Bae’d. C’était beaucoup de chair tranchée pour une aube à peine levée. Mais ces pensées ne retinrent pas longtemps l’esprit de la matrone, dont l’attention s’était rivée sur l’ovale de sable clair que formait l’arène. Ainsi offert à l’œil de la stratège, le Bae’d évoquait le pouvoir, les foules acclamatives et soumises. Sans doute que deux ou trois triomphes dans l’arène, sur un sable ensanglanté, suffirait à Phar’roos pour décapiter Sol’Dorn et se hisser très haut. Cette arène où l’on avait fait périr tant d’avortons esclaves, nul ne semblait l’avoir jamais exploitée comme un théâtre pour imposer son pouvoir. Les souvenirs de l’ancien temps, lorsque le Quatrième Ost livrait ses duels d’honneur dans le Bae’d, revinrent par pleines fournées à l’esprit de la matrone. La ville qui en son centre place une arène de sang n’est pas complètement perdue.
      A présent les deux premiers lutteurs s’apprêtaient à combattre. L’aube avait fait place à l’aurore, dont les éclats rouges couraient sur leurs muscles taillés dans le bronze. Phar’roos laissa ses lèvres fines se tordre en un rictus de mépris. Pour subjuguer une cité entière, il faudrait un pouvoir que deux bras seuls ne pourraient jamais déchaîner. C’était aux prodiges de la Forge et de la Magie qu’elle devrait recourir, si elle entendait conquérir une aura de gloire dans le Bae’d.
      Phar’roos saisit à l’épaule un de ses espions, qui veillait à un pas derrière elle :
      « Je veux la maîtresse des forges du Puy, ici à Sol’Dorn, intima le matrone. Ameute la dothka, alerte Shar Omareth et tous nos alliés eldéens s’il le faut, mais je veux Krish Al’Serat dans notre cité au plus preste. »
      La Drow dit encore :
      « Dans deux ennéades ou peut-être plus, lorsque la maîtresse des forges sera en vue de Sol’Dorn, je veux qu’on aille trouver ce mage, ce Ranaghar Medel’hel, dont on dit qu’il a rejoint ces murs. Un esprit sage serait venu saluer ses alliés eldéens dès les premières heures de son arrivée … Mais qu’importe, cet affront ne sera pas excipé pour cette fois. Je veux que lorsque la maîtresse des forges se présentera au Bastion, ce mage de la Zho'us Raghar soit également là. »
      Alors Phar’roos laissa filer son espion diligent. Elle retourna du côté des gradins, où elle se laissa tomber au sol, adossée contre le bois desséché qui ceignait l’arène sous le soleil. A présent, il lui faudrait attendre, de longs jours peut-être. Mais ce Bae’d déjà, elle se voyait le saisir et le saillir.


Dernière édition par Phar'roos le Dim 26 Avr 2015 - 14:47, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeMar 21 Avr 2015 - 22:31

La sagesse est une chose bien curieuse, que tant invoque et énonce avec évidence comme si il s'agissait d'une chose universelle, pourtant, elle était soumise aux mêmes forces et aux même tiraillements que ces grands mots qu'étaient la morale, l'honneur et toutes ces belles idées qu'on appelait et déformait en tout sens.

Ainsi, si aux regards de ceux qui gouverne ou aspire à cette futilité aussi vaine qu'instable qu'est le pouvoir dit temporel, la sagesse eut voulu qu'il se présenta à ceux qui, ici, à Sol'Dorn, était originaire ou incarnait ici la Volonté d'Elda – et qu'on pourrait nommer à tort des alliés - dès son arrivée, le Maître Façonneur ne partageait pas ce sens des priorités. Il lui fallait mettre de l'ordre dans son univers chamboulé et rendu chaotique par son emménagement, retrouvé son monde, renoué avec son Art.
Et puis, même si il s'en désintéressait la plupart du temps, n'y percevant qu'une perte de temps et d'énergie, les siècles, l'expérience et son mentor d'antan lui avaient apprit à se méfier de ceux qui gouverne ou y aspire, à ceux dont c'est l'Addiction, car à se précipiter, ces derniers ont vite fait, à tort, de mettre les uns et les autres dans tel ou tel panier, dans tel ou tel camp, dès lors qu'il se serait associé une fois, et il aurait tôt fait de se retrouver au milieu de trames et d'intrigues dont il se moquait ouvertement mais qui malheureusement pouvaient lui porter préjudice. Et c'est pourquoi c'est avec des pincettes qu'il mesurait ses relations avec cette espèce-là, sans diminuer leur importance, car c'était souvent une clientèle de choix, et bien pourvu en espèces sonnantes et trébuchantes.

C'était là toute la tristesse et l'ennui des dilemmes que lui causaient ces gens-là, indispensable mais dont il se dispenserait bien.

Mais pourquoi tout ça, hein ? Pour rien, enfin, pour peu de chose, sinon comprendre pour un peu l'embarras autant que l'intérêt qu'avait représenté la venue d'un représentant d'une matrone débarquant d'Elda avec, semblait-il, la ferme intention de se faire une place confortable où poser ses fesses à Sol'Dorn, et la madame, murmurait-on – même si les rumeurs lui étaient passés au-dessus de la tête –, elle manquait pas d'appétit, ni de moyens et d'hommes, des brutes écervelées certes, mais semblait-il aussi des bestiaux bien plus vicieux, du genre à préférer la dague à la hache si vous voyez le tableau. C'était donc le genre qu'il fallait pas trop contrarier…
Sauf qu'il avait quitté Elda, lui, et il avait la ferme intention de pleinement devenir doebien, quoique cela puisse signifier, et être catalogué comme soutenant une influence étrangère à la cité, c'était peut-être pas la meilleure façon de se gagner des amitiés locales – enfin, une clientèle fortunée et influente, qui garantirait sa réputation au-delà de ce qui se dirait déjà de son talent d'exception -, m'voyez ?

Avec tout ça, on avance pas des masses, mais c'est sans importance !

Pour revenir à l'action, ou tout du moins, y venir, voila qu'on retrouvait Ranaghar déambulant à travers les grands axes désagréablement occupés et toujours aussi bruyant où se pressait une foule qui, lorsqu'elle arrivait face à lui était partagé entre l'indifférence pesante et désagréable, conduisant parfois même à un coup d'épaule du type « tu n'existes pas, je ne te vois pas » et le plus pénible encore « cass'toi pov'con », mais ils en étaient pour se pencher sur son cas, l'espace d'un instant, peut-être pas sur lui-même, mais sur le portrait global qu'il offrait, avec son assistant-gobelin marchant à ses côtés, légèrement en retrait, et là, c'était le festival ! De la curiosité au dégoût en passant par la surprise, tout le spectre y passait, et tous ces regards et ces questions muettes glissaient sur lui, il les avait tant et tant contemplé depuis qu'il avait eu l'idée de génie – ou la folie, les juges délibèrent encore – d'employer une telle créature pour l'assister, qu'il n'y prêtait plus d'importance…
Sa destination était un lieu sordide, de ce groupe spécifique d'endroits à l'extrême opposé de ceux qu'il plaisait à visiter… Une arène ! Non, mais sérieusement, pouvait-on convenir d'un endroit pire que cela pour le recevoir, lui, le Prodigieux Ranaghar, qu'une arène où se mélangeait la poussière, le sang et la sueur et où des brutes, bien que probablement moins sottes, d'un certain point de vue, que celles qui se bousculaient dans l'armée - puisqu'elles y étaient contraintes - s’entre-tuaient pour la plus grande joie d'un public aussi frénétique et animal que les bestiaux qu'on envoyait à l'abattage.
Non, vraiment, c'était plus bas que tout, le comble de la médiocrité, l'horreur à son paroxysme et toutes les expressions possibles et imaginables avec un sens comparable.
En somme, c'est à contrecœur et avec une appréhension aux origines multiples qu'il répondait à l'invitation de Phar'roos « de la maison » Noqu'th, et dès à présent impatient d'en avoir terminé pour revenir à son atelier et son univers personnel.

C'est un mépris égal ou supérieur qu'il offrit aux gardes qui le toisèrent à l'entrée… Ils avaient ce regard de dégoût car bien que d'un sang pur, il possédait ces anormalités physique et une carrure maigrichonne, dépourvue de force qui contrastait avec l'idéal de perfection, et le gobelin devait sans doute rajouter une couche supplémentaire à ce qu'ils ressentaient déjà à sa vue. Lui affichait son dédain et contemplait ces êtres pour ce qu'ils étaient, inférieur à lui, de vulgaires animaux, incapable même de percevoir son monde, ce que lui contemplait et manipulait.

« Je suis Ranaghar Medel'hel, Maître Façonneur et Mage de la Zho'us Raghar, et votre maîtresse, Phar'roos Noqu'th a demandé à me voir. »

Il détestait ces formules, ce protocole, mais il lui fallait faire avec, il n'y avait pas matière à se comporter autrement avec ces bestiaux là, il pourrait redevenir un peu plus lui-même, et le devrait nécessairement pour ne pas subir, une fois devant une tête pensante, ou prétendu telle, celle qui tient les rênes et ordonne aux animaux dans tous les cas.

Et c'est ainsi qu'on le conduisit à celle qui, la première, avait porté attention à son arrivée à Sol'Dorn, pour une raison qu'il ignorait encore, mais pour laquelle il était partagé entre curiosité et crainte, et rien que pour cela, il devrait demeurer alerte, alors même qu'il était sujet à des envolées mystiques et magiques face à des sujets trop terre-à-terre.
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Krish Al'Serat
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeMer 22 Avr 2015 - 21:45

Les voiles blancs et rouges qui entouraient la couche laissaient comme d'habitude filtrer la lumières des lampe à huile qui éclairaient la pièce comme si le soleil s'était rendu en personne dans ce sous-bassement de Thaar. Allongée sur le ventre, un narguilé à la main, Krish écoutait d'une oreille distraite son esclave le plus décati jouer un air de Santour. Un humain de près de 65ans qu'elle avait acheté pour une bouchée de pain quand il n'avait que 10ans et la peau sur les os. Elle l'avait pris comme amant quelques années. Il était maintenant laid, fripé et aussi édenté qu'au jour de sa naissance, mais il fallait reconnaitre qu'il savait se servir de son instrument et connaissait les goûts de sa maîtresse.

Cette dernière lâcha un gémissement de contentement et ferma les yeux lorsque les deux larges mains qui glissaient dans son dos s'attaquèrent à ses épaules raides. Une dernière bouffée de fumée acidulée lui emplit la bouche et les poumons avant qu'elle ne repose définitivement l'embout ouvragé. Ses trapèzes, son cou, ses épaules, puis les doigts forts et agiles redescendirent sur ses bras, délaçant les muscles crispés par le travail de force qu'elle avait passé sa journée à effectuer. Elle aimait forger, mais prendre soin d'elle était devenue une habitude depuis son installation à Thaar.
Une vertèbre craqua. Puis deux, arrachant un second gémissement à Krish. La peau brûlée le long de sa colonne vertébrale, plus sensible, frémissait à chaque passage. Les mains redescendirent le long des côtes jusque dans le creux de ses reins. Portée par la musique, elle se laissait doucement allé. Son esprit engourdit dérivait de souvenir en rêve. Seule une part d'elle, dressée par des siècles de conditionnement, restait constamment prête à reprendre le contrôle au moindre signe de menace.

Le crépitement d'un feu. Une impression d'étouffement plus vivifiante que toutes les richesses. La morsure du métal chauffé à blanc. Le regard brûlant de son maître. Les mains d'un homme sur sa peau...

-Maîtresse.

Instantanément, Krish ouvrit les yeux, un bras déjà replié sous elle, prête à bouger si le besoin s'en faisait sentir. Wik, un genou à terre, la tête prostrée vers le sol, attendait dans l'embrasure de la porte que sa propriétaire lui accorde la permission d'entrer dans sa chambre.

Au lieu de lui donner tout de suite ce droit, elle se tourna sur le côté pour faire face au nouvel arrivant, laissant le drap qui avait été posé sur ses jambes protéger le peu de pudeur qu'il lui restait sans se soucier de sa poitrine mise à nue. D'un geste elle se débarrassa de son masseur qui recula de quelques pas, retrouvant sa place parmi les meubles. La musique s'arrêta.

-Viens.

Le semi-drow se leva sans précipitation, avançant sans crainte, de son habituel pas alerte, la tête haute, dévoilant fièrement le petit bouc blanc et les yeux d'or qui attestaient de son métissage. Son maintien tout entier était un perpétuel défi. Un sentiment qu'elle entretenait dans un fragile équilibre, lui donnant de l'espoir et le brisant tour à tour.

-Maîtresse, un...
-Tu étais doué de tes mains dans mes souvenirs. Fais ton office Intendant.

Cet air neutre et sûr, il ne le perdit nullement lorsqu'il s'avança finalement jusqu'à elle en ôtant sa courte tunique pour préserver ses manches de l'huile.
Ses mains étaient moins expertes que celle de l'esclave préposé mais bien plus fortes, incisives. Krish ne le fit cependant pas languir plus que nécessaire. S'il était descendu jusque dans la chambre de sa maîtresse au lieu de suivre les comptes et de revoir les arrivages, c'était surement pour une bonne raison.

- Que venais-tu m'annoncer?
- Maîtresse Phar'roos de la maison Noqu'th, Matrone de la deuxième Dothka, vous demande respectueusement de venir à Sol'Dorn pour la rencontrer pour la gloire d'Elda et en votre qualité de Maîtresse des Forges du Puy.
-Tu as ouvert une missive m'étant directement adressée de la part d'une personne aussi importante ?
-Oui...

Elle sourit devant la bravade frémissante d'appréhension. Refusant de le fixé de quelque façon que ce soit sur le sort qu'elle lui réservait pour cela, elle se replongea dans ce qu'il venait de lui annoncer.

-La deuxième Dothka est à Sol'Dorn... Intéressant... ça fait longtemps que je n'y suis pas retourné.

Une Eldéenne...
La dernière fois que Krish était retournée au Puy, elle y avait passé quatre ans quelque temps avant le Voile. Depuis tous les bons forgerons l'avait déserté pour courir jusqu'à Yuutar comme des moucherons avides de reconnaissances. Sol'Dorn en revanche, n'avait pas été le centre de son intérêt depuis bien plus longtemps... et s'en fichait éperdument depuis la dissolution du 4e ost.
Tous les Drows qui y vivaient étaient des Doebiens. Le pouvoir ne l'intéressait plus mais ceux qui en voulaient toujours plus étaient divertissants. Hélas, ils étaient assez rares dans ce pays à avoir l'ambition et l'instinct de survie d'un véritable Eldéen. Pourtant, si la tête de la deuxième Dothka la faisait mander - car il fallait être aveugle et abruti de naissance pour ne pas différencier une invitation courtoise d'une convocation - c'était que des jeux dignes des profondeurs du Puy allaient peut-être recommencer en province. Des jeux Ô combien risqués... donc divertissants.

- Le message est de sa main?
- Non.

La seule chose véritablement gênante était ce côté convocation qui n'incitait pas vraiment la forgeronne à sortir de son trou. Elle n'aimait pas être obligée de partir. Quand elle se rendait dans un lieu ou elle n'était pas assurée de pouvoir forger, c'était quand elle le décidait et pour ses propres raisons.

Enfin... Avec ces titres pompeux allaient un certain protocole qui lui convenait assez. La Matrone voulait la Maîtresse de la Forge Éternelle. Elle allait l'avoir.

- Répond favorablement en signant de ma part. Contacte Daeron Je veux deux assassins. Jeunes. Un homme et une femme. Payés à un tarif journalier de mercenaire et une prime doublée pour chaque travail a effectuer pendant ce séjour. S'il refuse, qu'il dise adieu aux bonnes grâces de la corporation. Je te laisse constituer ma suite, me trouver une monture adéquate et un lieu de résidence approprié.
-Puis-je joindre quelque corporatiste ?
-Joins. Joins. Que cela arrange tes affaires. Mais trouve dix esclaves présentables. Sangs purs. A la limite, bon demis. Inutile d'essayer de me faire tuer pendant ce voyage, si je traite avec la Dothka tu serais mords avant de profiter de ton héritage. Je pars dans deux jours.



oOo



Sol'Dorn.

Les rues bondées étendaient leur réseau tentaculaire sous le soleil cuisant. Le bustier d'argent de Krish lui brûlait légèrement la peau, tout comme les deux longues bagues griffues qui cachaient entièrement ses index et les boucles qui ornaient ses oreilles dentelées, renforçant délicieusement ce contact si particulier du métal.
Juchée sur sa cavale aux couleurs du désert, précédée de trois gardes de sang pur, flanquée d'un de chaque côté et suivie de deux autres, dire qu'elle attirait les regards aurait été un euphémisme... et elle avait laissé le reste de sa suite à son lieu de résidence. Le voile rouge assez lâche qui lui tenait lieu de robe dévoilait ses jambes ainsi que le fait qu'elle portait, en plus de deux lames en demi-cercle accrochées directement de chaque côté de son bustier, plusieurs poignards attachés à ses cuisses.

une idée de la tenue et de l'étalon:

Depuis ses dernières visites, la ville n'avait pas changée. Il ne lui fallut pas longtemps pour arrivée jusqu'au Bae'd. Un lieu de rendez-vous sans équivoque... Mais si c'était l'affrontement que voulait la Matrone, elle aurait ouvré beaucoup plus subtilement, la Maîtresse forgeronne n'en doutait pas.

Lorsqu'elle glissa à terre pour entrer, elle intima à sa suite de l'attendre avec son étalon, main sur le pommeau. Une mesure totalement inutile face à une Dothka mais elle pouvait toujours espérer retrouver quelque assassins morts avec ses hommes en cas d'attaque. De toute façon, ce n'était pas sur ces gardes là qu'elle comptait pour se défendre en cas de débordement. Une vie d'un millénaire vous apprenait a prévoir toujours le pire quand on traitait avec les puissants... et surtout à avoir l'habitude des accros qui se déroulent sans plan.

- Je suis Krish Al'Serat. Menez-moi à Phar'roos Noqu'th.

Une introduction aussi cavalière n'était pas forcément des plus indiquée. Certains auraient put dire que c'était même jouer avec le feu... Mais n'était-ce pas là son métier?
En tout cas l'homme devait avoir été mis au courant de l'arrivée de la forgeronne, car il ne se fit pas prier pour escorter son hôte jusqu'à ce que la Matrone tant recherchée apparaisse enfin à leurs yeux.
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeDim 26 Avr 2015 - 14:58

      Une même aube de flamme se levait sur un même sable de bronze. Les jours avaient passé, pourtant le Bae’d demeurait identique à lui-même, arène oblongue parcourue par des corps prêts à en découdre. A l’écart de la piste, Phar’roos se tenait appuyée contre les gradins desséchés par les vents chauds, et d’un regard elle balayait le sable inerte qu’on aurait dit trop cuit, pelé par les bourrasques. La matrone avait l’œil noir, d’un teint de cendre. Car si le Bae’d semblait être resté le même, une chose pourtant avait changé en quelques jours : c’était ces esclaves aux corps puissants, au maintien digne, qui parsemaient les bancs de mauvais bois encerclant l’arène. C’était un troupeau disparate de peut-être douze têtes, mutiques et fermées, immobiles sous le soleil qui promettait brûler leur nuque. Tous ceux-là observaient, et sans ciller, Phar’roos recluse au bord de la piste. Un regard aux étoffes douces de ces esclaves, aux bagues glissées à leurs doigts fins, et aux bracelets qui ornaient leurs chevilles, suffisait pour comprendre qu’ils étaient les nervis de confiance de quelques princes thaaris. Ainsi les puissants parmi les doebiens faisaient-ils guetter la matrone. Phar’roos s’efforça de soutenir, presque sans fléchir, les yeux d’aigle de ces dogues envoyés par leurs maîtres marchands. Dans l’arène, quelques bretteurs de troisième zone échangeaient des passes sans enjeu. C’était comme si on avait à dessein vidé le Bae’d, épiant le jour où la deuxième dothka prétendrait y poser le pied. L’aurore incendiait cette arène grosse de défis.

      Le sifflement d’un espion arracha soudain Phar’roos à ses antagonismes. Voilà qu’approchaient ses invités, et c’était à même le sable du Bae’d que la matrone les recevrait.
      Ranaghar parut le premier. Lui dont la carrure sonnait creux, lui dont les muscles ne saillaient pas, lui le maigre Sombre, Phar’roos sentit une sympathie étrange – et tout à fait incongrue – envers ce mage comme il paraissait. C’était la rencontre de deux déformés. S’efforçant de contenir le soulagement qui cognait son thorax, la trop courte matrone laissa venir à elle le Drow maigrelet : ce fut une silhouette trop petite saluant une silhouette trop fine. Si bien que lorsque s’avança la seconde invitée, Krish au bustier arrogant, Phar’roos se sentit aussitôt en lutte contre cette maîtresse des forges. Ses mamelles de quasi-Naine paraissaient penaudes face à l’audace de cette gorge, tandis que son petit bout de cycle pesait peu de chose devant une Sombre quasi-millénaire. Ce cœur qui tambourinait de sympathie devant Ranaghar difforme comme elle, voilà qu’il se raidissait face au sang-pur éclatant d’une authentique eldéenne. Pourtant Phar’roos dut décrisper les dents et, quoiqu’avec un instant de retard sur l’exacte politesse, elle salua les arrivants selon les formules du Puy.

      Derrière ce trio qu’à présent ils formaient, demeuraient les gradins craquelés par la chaleur, et les têtes muettes de tous ces veilleurs serviles. D’une voix sourde, Phar’roos lâcha : « C’est une chose précieuse aujourd’hui, un Sombre encore fidèle à Elda. » A qui pouvait s’adresser cette sentence ? Au mage qui avait récemment abandonné le Puy pour adopter les murs de Sol’Dorn ? A la conseillère de la cité des marchands, qui pourtant se maintenait dans le titre de maîtresse des forges du Puy ? A ces dogues vigilants qui certifiaient que les puissances de l’or veillaient partout et toujours ? Ou encore à Phar’roos elle-même, prétendue eldéenne mais difforme, fidèle au Puy mais attachée à conquérir Sol’Dorn ? Il était vrai qu’à une distance suffisante du Volcan, la loyauté devenait un concept filandreux. D’ailleurs, dans les propos qui suivirent, on ne retrouva plus aucune trace d’une quelconque allégeance au Puy. En effet, dans cette entente entre plusieurs Drows, c’était, sous quelques habillages, d’or qu’il serait question.
      « Sol’Dorn grossit. Ceux qui en ont été longtemps éloignés, voilà qu’ils reviennent, énonça la matrone de la deuxième dothka. La cité sera bientôt secouée dans de grands combats, lesquels requerront une grande puissance. Or ni ton échoppe, Maître Medel’hel, ni même les petites forges qu’actionne ici la corporation d’argent, Maîtresse Al’Serat, ne sauraient pourvoir à tous nos besoins. C’est sur une industrie puissante, mêlant à la fois l’acier et la magie, que la deuxième dothka doit pouvoir s’appuyer. Ces ateliers, nous les édifierons dans les entrailles du Bastion de Sol’Dorn, là où se déployaient auparavant les forges du Quatrième. »
      Phar’roos ne prenait pas la peine de cacher ses ambitions : elles étaient bien connues. Ceux qui les ignoraient, qu’à présent ils les apprennent. Les veilleurs dépêchés par les princes marchands étaient trop loin pour saisir ces paroles, mais peut-être lisaient-ils sur les lèvres.

      « Nous nous appuierons sur votre art, et vous, énonça la matrone d’un ton d’évidence, vous, vous vous appuierez sur notre or. »
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Ranaghar Medel'hel
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeLun 27 Avr 2015 - 16:04

Quelle curieuse façon elle avait eu de le regarder, cette matrone ! Il en avait connu des regards, et plus vite encore qu'il avait cherché à s'y intéressé, il les avait ignoré ou s'en amusait, ou bien encore, et c'était plus souvent cela qui paraissait, il y répondait par la surenchère, comme avec ces deux brutes qui l'avaient toisé à l'entrée. Celui-ci, toutefois, était moins commun… Croyait-elle vraiment voir en lui comme un reflet de sa « difformité », issue assurément d'un métissage frappant – dont il se moquait, pour tout dire -, c'était une possibilité, mais il rangea bien vite cette suggestion là où elle a sa place, dans le néant, puisqu'il ne se considérait pas ainsi.

Il fit une courbette, sans forcément trop l'appuyer… Son Art exigeait beaucoup, y comprit qu'il sache comment se conduire avec ce monde, et ce même dans ces agaçants petits détails dans la manière… Être respectueux, mais pas soumis et blablabla.
Il porta une attention à ce qui l'entourait, à ces esclaves qui observaient la scène, les yeux et les oreilles de leurs maîtres, supposa-t-il… C'est ainsi que les choses fonctionnent dans ces sphères-là, et il sembla que la matrone n'y accorde que peu d'importance, aussi n'y fit-il plus gaffe quand débarqua ce qui semblait être l'autre invitée.

Il vit, sans vraiment vouloir creuser, le changement dans l'attitude de la matrone, et à bien y réfléchir, il comprenait un peu… Si son métissage apparaissait déjà d'ordinaire, face à cette daehdel dont on ne pouvait contester le sang qui coulait dans ses veines, il sautait plus encore aux yeux. Elle suscitait certaine chose, il lui fallait l'admettre, tout dévoué à son Art, et malgré sa différence, il demeurait un mâle, après tout… De plus, c'était un visage – et davantage – qu'il connaissait, tout au moins de vue… Il fréquentait de nombreux artisans, il y a peu encore, ébénistes comme forgerons, afin de satisfaire les demandes de ses clients, aussi une Maîtresse des Forges, si il ne l'avait jamais côtoyé directement, n'était pas une chose qu'il ignorait.

Mais il fallait se concentrer, c'était des puissants, ou en passe de le devenir, ou désireux de le devenir, pour le coup, pour l'heure, il savait pas dans quelle boîte il devait les ranger, mais bon, il faut pas divaguer avec ces gens-là, c'est jamais bon, pour soi et pour les affaires… Mais surtout pour soi… Et ce qui n'est pas bon pour soi, c'est mauvais – Ah ? -, et si c'est mauvais, autant l'éviter dans la mesure du possible… Donc… T'éloigne pas !

Surtout que bon, la matrone déballa son sac, enfin, ce qu'elle voulait bien en montrer, c'est toujours comme ça, on dévoile ce qu'on pense tentant, on tire sur les cordes qu'on croit les bonnes, mais bon, on en dit pas trop parce que les gens peuvent dire non et là, bah ça force à des complications, avait-il cru comprendre… Ça joue des dagues, et après, bah faut se débarrasser du corps, c'est salissant et pénible, comme tâche… Et ça tâche en plus, et ça, c'est bête !

Bref, quoiqu'elle dit la petite dame ? – et pour une fois, c'était pas réducteur ni insultant, mais factuel, et ça, c'est classe ! Ca parle de combats à venir, de grande puissance requise, et dans ce bordel à venir, se situait curieusement son échoppe supposée pourvoir à ses besoins – bon, ça, il aurait du s'en douter, on discutait affaire, ce qui n'était pas pour lui déplaire, et pas tricot – mais insuffisante – mais en même temps, a-t-il jamais prétendu vouloir ou pouvoir satisfaire la gourmandise de l'Ambition ? Non.
Bon, pour résumer, elle avait de grands projets, requérant tant l'acier que pouvait lui fournir la Maîtresse des Forges, que de son Art – supposément, sa magie « commune » était inintéressante et inexploitable pour ces gens là… Un mage concentré sur la défense, pour qui à de l'appétit ne pouvant être satisfait que par les armes, c'était une aberration – et en échange de tout ça, elle leur apporterait de l'or…

C'était pas nécessairement un mauvais deal… Pour quelqu'un de commun. Le problème, c'est que ça sonnait comme il aimait pas… Ça suscitait chez lui l'impression qu'on lui demanderait de prendre parti, pour elle à l'évidence, et donc, ça suggérait exclusivité de service et surtout, ça signifiait prise de parti… Et ça, c'est comme divaguer, c'est mauvais, pour soi et pour les affaires et on va pas refaire le refrain, mais si c'est mauvais, c'est que c'est pas bon, et donc, on s'épargne ce tracas. Là où résidait la difficulté, et donc, la subtilité, c'était de s'esquiver – puisqu'à priori, la chose en elle-même ne lui paraissait, ni bonne, ni intéressant – sans s'attirer l'animosité de cette dernière et tout en gardant ouvert la possibilité de faire affaire… Parce que ce qui est bien avec son Art, c'est qu'il est rare, extrêmement rare et puissant, intéressant tout le monde, mais en règle générale, on évite d’abîmer ceux qui le possèdent, et donc, si on peut en profiter un peu, même si c'est pas comme on le voudrait, ça reste intéressant !

Le véritable problème, en vérité, résidait dans ce qu'elle croyait avoir face à elle, et on va pas lui jeter la pierre, ils sont tous passé par là… Ça pense son raisonnement et son ambition universelle… Ça suppose – à tort – qu'un être aussi puissant que l'était le Prestigieux Façonneur possédait des préoccupation aussi terre à terre et temporel, temporaire, que le « Pouvoir »… Alors que non.

Mais en fait, il fallait être plus lucide… Plus rusé… Et surtout, faire monter les enchères. Des mécènes, pour un type comme lui, y en a une chiée dans le coin, à Sol'Dorn et surtout à Thaar où les Princes et Princes-Marchands s'épanouissent et s'engraissent en se roulant dans des bains d'or. Ils avaient un tas d'oseille, il avait son Art dont tous rêveraient, il en était convaincu, pouvoir affirmer en être le « protecteur », alors si la matrone le voulait, il allait falloir un peu plus que ça…
Et oui, je vous entend d'ici dire que le pognon, c'est une chose très terre-à-terre, et c'est vrai, mais si il peut se passer du pouvoir, il a besoin de pognon pour ses recherches, et ses recherches, c'est sa vie… Donc il avait besoin de pognon pour vivre, et plus il en aurait, mieux il vivrait, puisqu'il posséderait de plus grands moyens pour ses recherches et pour son Art, logique simple.

« Euh… C'est très intéressant, tout ça… Mais en quoi votre offre serait plus intéressante que celle d'un autre ? De l'or, y a tout un tas de personnes qui m'en donnerait pour mon Art… Et puis, vous parlez de combats à venir… Qui dit combat, dit camp, qui dit camp dit les nous et les pas nous, et qui dit des pas nous signifie que des opportunités foutent le camp quand se dessinera les frontières… Si vous ne pouvez garantir que je gagnerais plus que je n'y perdrais à m'associer à cette histoire, je ne vois pas où est mon intérêt alors que le votre est évident. »

Pour la subtilité autant que la manière, on repassera, mais bon… C'était pas son monde alors allez tous vous faire farcir par des porcs hein !
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Krish Al'Serat
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeLun 27 Avr 2015 - 22:34

Le soleil éclairait le sable du Bae'd et les quelques échanges de coup sans conséquences des guerriers dans la fosse. Pendant qu'elle approchait des deux drows à grands pas, pas une fois Krish ne leva les yeux vers les gradins. Ces oreilles à l'affût des nouvelles existaient partout et de tout temps. Les siennes y figuraient d'ailleurs en deux ou trois exemplaires... Sans compter les deux assassins arrivés 48h avant elle et qui s'étaient glissés parmi eux.

Par contre, ce qu'elle ne rata pas furent les silhouettes qui l'attendaient... Une courtaude rabougrie et un sang-pur un peu maigrichon... La fine équipe... Enfin... Mieux valait ça que des jeunes pédants et prétentieux qui lui aurait cassé les oreilles avec des ambitions démesurées pour leurs maigres capacités. Et puis ces physiques hors-norme lui permettait aussi d'avoir une petite idée de l'identité de ses interlocuteurs. Elle avait vu tant de drows préformâtés au cours de sa vie qu'un peu de différence n'était pas pour lui déplaire... et indiquait une certaine capacité à survivre si ce n'était une capacité certaine.

Si la petite planche à pain était forcément la fameuse Matrone, elle était, sans aucun doute possible, une métisse de premier ordre. Avec le père qu'elle avait eu, Krish était bien placée pour savoir que peu de personne auraient réussi à en arriver là où elle était avec une silhouette pareille.

Par contre, l'autre, devait être légèrement plus grand que Krish et semblait être un pur produit d'Elda malgré une silhouette sèche assez loin des canons de beauté guerrière des sombres. Mais surtout, sa tenue criarde et ses oreilles tombantes -qu'elle trouvait assez drôle - rappelèrent quelques échos à la mémoire de la forgeronne. Elle avait du en entendre parler au Puy, et même un peu en dehors. Ranaghar Medel'he. Son nom, et plus encore sa capacité extraordinaire lui étaient parvenus aux oreilles plus d'une fois... et depuis fort longtemps.

Elle s'était souvent dit qu'elle devrait le contacter pour réaliser enfin ce qu'elle voulait vraiment : une arme digne d'un dieu. Mais quelque chose l'avait toujours retenue. Une affaire, un voyage, une œuvre prenante. Puis elle oubliait pendant une cinquantaine d'années jusqu'à ce que ce nom refasse son chemin jusqu'à son esprit. A dire vrai, d'après les rumeurs, elle l'imaginait d'un physique bien pire que ce qu'elle avait sous les yeux...

Engrangement, la Matrone ne semblait pas embalée de la voir... Pourtant, elle n'avait rien dit ni fait de désobligeant pour l'instant... Krish ne parvint pas à retenir un sourire. Haaa... Les luttes de pouvoir... Quand elle n'avait pas envie de voir quelqu'un, elle, elle ne l'invitait pas et c'était réglé. Mais le très léger retard de la Matrone n'empêcha pas la forgeronne de noter le regard que le Façonneur laissa courir sur elle un instant.

Lorsque sonna l'heure des politesses, elle utilisa les plus traditionnelles salutations du Puy envers la Matrone. Vous savez, ces salutations qui allient gloire, vengeance et supériorité du sang drow... Mais elle respecta ni plus ni moins les usages sans le moindre signe de déférence ou de mépris particulier pour cette représentante d'une voie à la quelle, elle avait tourné le dos 909 ans auparavant. Le Façonneur eut par contre le droit à un signe de tête plus chaleureux et un sourire cryptique en plus du respect du protocole. S'il était moité moins bon que le prétendait les rumeurs, et jusqu'à preuve du contraire, il méritait plus de respect que cette arriviste parmi tant d'autres.

Après les ronds de jambe auxquels, une fois n'est pas coutume, Krish avait sacrifié avec plaisir, l'hôte des deux artisans annonça la couleur.

"Un sombre capable de prouver les capacités de son sang est plus précieux encore." Ne put s'empêcher de répondre la forgeronne du tac au tac.

Elle ne cherchait pas la confrontation... Pas nécessairement. Elle était juste... Égale à elle-même. Et le giron du Puy ne l'impressionnait plus depuis longtemps. Elle se reprit cependant, attendant un peu plus patiemment de savoir pourquoi exactement, on l'avait obligé à s'enquiller la route depuis Thaar.

En entendant la dernière phrase, elle leva un sourcile. Tout cela ne concernait donc que la Corporation de Thaar. Une missive lui demandant un appui aurait suffit. Développer ses activités à Sol'Dorn était une bonne opportunité. Wik serait sans doute ravi et elle... n'aurait que plus d'argent à disposition pour ses caprices... Si on lui offrait des opportunités pareilles sans qu'elle ait à se battre, ou était l'intérêt?

Ranaghar avait l'air plus... Sceptique par contre. Sa façon de formuler les choses était assez... Étrange... Mais pragmatique. Oui Pragmatique était bien le mot.

"Qui dit, combat, dit camp, qui dit camp dit les nous et les pas nous, et qui dit des pas nous signifie que des opportunités foutent le camp quand se dessinera les frontières... "

Krish fut peut-être plus surprise par cette phrase qu'elle ne l'avait été par la proposition des plus basique de la Matrone. Au contraire, les conflits créaient de la demande des deux côtés... Alors c'était cela que la Matrone voulait! Une exclusivité!

"Ranaghar a raison. Sois plus clair. Les forgerons ont déserté le Puy pour Yutar et tu veux l'exclusivité de la production de la Corporation de Thaar? L'acier n'est jamais aussi recherché que lors d'un conflit et tu dis toi-même qu'il est en marche. Si l'or m'intéressait, j'aurais tout intérêt à faire monter les enchères des deux côtés."


Mais a bien y penser, il devait bien y a voir une ou deux choses qu'une Matrone devait pouvoir accomplir... Sans parler de cette occasion sans précédent de s'entretenir avec le Maitre Façonneur. Elle avait déjà quelques idées mais attendait de voir ce qu'elle proposerait d'elle-même à la remarque du mage.
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeDim 3 Mai 2015 - 20:18

      Les maîtres peintres d’Al-Dakara la lointaine n’auraient pas renié une composition aussi réussie, que le tableau que formaient tous ces antagonistes amassés dans le Bae’d. A présent l’équilibre s’était déplacé, et les plus lourdes masses, celles de qui irradiaient le plus de force, étaient assurément figurées par les deux Sombres quasi-millénaires, le Mage et la Maîtresse des forges. Alors même qu’il n’y avait que le sable plat autour d’eux, on aurait pu croire Phar’roos acculée : ces deux-là dominaient la matrone d’une hauteur naturellement arrogante. Elle, si courte, et dont la silhouette gondolée trahissait l’abâtardissement avec les Nains, paraissait écrasée. Il lui fallait faire un effort pour garder la tête droite. Mais Phar’roos n’aurait pu trouver nul soutien derrière elle, car à un jet de pierre dans son dos, se dressaient les vermoulures menaçantes des gradins, et sur ceux-ci les trognes muettes des esclaves vigilants. Nul doute que, quoique lointains, et affichant une figure impénétrable et placide, ces molosses-là ne perdaient pas un écho de cette conversation, à défaut d’en capter quelques mots dissous dans la brise du matin.
      C’était une confrontation bien inégale entre toutes ces factions, et nul ne pouvait sérieusement prétendre que la matrone dominait les débats.

      Phar’roos avait écouté avec attention ses deux convives lui asséner une même réponse, dubitative et méfiante.
      « Qu’on ne se méprenne pas, concéda-t-elle sans un sourire, tout l’or de la deuxième dothka ne peut évidemment vous allécher. Tu as toi, Krish, dans une seule parcelle de tes domaines thaaris, quatre fois plus de richesse qu’il y en aura jamais dans l’entière Sol’Dorn ; et toi, Ranaghar, ton Art t’ouvre l’accès à mille fortunes, parce que tous sont avides de ce qui peut être produit par ton talent. Il n’y aura entre mes mains jamais assez d’or pour vous acheter, ni même vous corrompre, et encore moins vous extorquer l’exclusivité d’un commerce. Et se lier à un seul maître, si fortuné soit-il, serait un mauvais pari qu’aucun de vous ne doit être prêt à risquer, s’il a une once de raison.
      Mais ce n’est assurément pas de cela que je prétends vous convaincre. Regardez plutôt les gradins derrière moi. »
La meute des gueules menaçantes ne s’était pas dispersée, ces têtes veillaient toujours. « Sol’Dorn est un cantonnement étriqué, dans lequel on pénètre soit comme un coup d’épieu, soit comme une peste diffuse. La cité entière est tenue par des tractations obscures, de petites alliances retorses, qui ont été patiemment formées depuis que le Quatrième ost s’est désagrégé. Pour s’imposer ici, il faut tricoter sa propre toile de conventions, ou bien se résoudre à toutes les fracasser.
      Il n’y a pas quatre ennéades que j’ai franchi les portes de Sol’Dorn, et voyez déjà. Tous les princes marchands de Thaar ont ligué leurs fortunes contre moi ; leurs guetteurs veillent de jour en jour. Peut-être un de ces esclaves, Krish, est-il le tien, car tu as toi aussi ton siège parmi les plus puissants des princes négociants. Dans la ville, là où se dressent les Temples, le culte de Teiweon grogne déjà contre moi, et on a juré de me châtier. Ailleurs, de l’or transite de main en main, contre la promesse de saigner la deuxième dothka. Le quartier Doeb bruisse de mille complots contre moi, les zurthans boivent déjà au jour où on m’abattra. Au-dehors des remparts, enfin, dans ces despotats crasseux qui ne me sont que rarement loyaux, on affûte des lames en prévision de la bonne opportunité. Sol’Dorn est vent debout contre son intruse, qui a résolu de fracasser leur société à grands coups plutôt que de s’y instiller subrepticement ; et sans doute, bientôt, ils m’auront.
      Aussi, ce qui doit retenir votre attention, ce n’est pas tant l’or que je puis vous donner aujourd’hui, que les restes que vous pourrez vous approprier demain. Quand je mourrai, la deuxième dothka volera en éclats avec moi : le Bastion sera pillé, et tous nos biens seront dévorés. J’ai confiance que mes lieutenants s’entredéchireront, que les uns se ligueront contre les autres, que chacun trahira tous, qu’enfin ils se vendront à la première fortune. Mais pensez que dans les entrailles du Bastion, on trouvera une industrie formidable, faite d’acier et de magie ; que ce lieu recélera une immense puissance, si vous aurez accepté d’y verser vos savoirs et vos talents ; et que tout cela vous reviendra dès lors de droit. C’est finalement de vous construire un grand héritage dont il s’agit, sur lequel il faudra consentir que, les premiers temps, j’en fasse usage. Mais dès qu’un quelconque complot aura abouti contre moi, toute cette grande richesse passera pleinement entre vos mains.
      Quant à savoir combien de temps il vous faudra attendre, avant qu’on m’abatte … »
– à présent, Phar’roos pouvait sourire doucement – « c’est bien là l’inconnue. C’est ici qu’il vous faut prendre un pari. Mais Sol’Dorn bouillonne déjà, pour votre plaisir, et cela ne sera sans doute pas long. Et si même vous vouliez accélérer le cours du hasard, et œuvrer dans l’ombre à m’évincer plus rapidement, cela serait encore acceptable. Assurément, nous sommes des Sombres, et c’est ainsi que nous vivons. »
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeVen 8 Mai 2015 - 10:16

Par les dieux, que ces êtres raisonnaient de curieuses manières ! Déjà qu'à la base, il ne s'y était jamais franchement intéressé, mais là, ça devenait franchement n'importe quoi ! Ou alors, il fallait considérer – en bien, semblait-il – qu'il était plus « difforme » - différent en fait – de ses - biens moins - semblables qu'il ne l'avait cru et su jusqu'à lors.

Bon… Détaillons quand même, car la petite chose ambitieuse leur avait offert un bien grand discours, et si le Façonneur avait par moment décroché sans toutefois cesser de prêter une certaine attention, il fallait, par égard à la proposition encore pas très claire, comprendre ce qui était dit.
Et la première chose qu'il releva, de la matrone autant que de la maîtresse des forges, et c'était important, c'était que les conventions sociales, le protocole et tout ce merdier, il pouvait s'asseoir dessus, ça n'avait pas lieu d'être en cet instant… Lui, en bon type avait consenti un vouvoiement, s'abstenant de nommer leur hôte, ignorant en vérité le titre qui lui revenait, mais ces femelles… Vas-y que j'me montre familier « Ranaghar par-ci, Ranaghar par là », sans plus d'attention pour aucun de ses titres, pas même celui de Façonneur, et puis mince, on va se tutoyer car ça serait idiot qu'on pense qu'il existe malgré tout une distance entre nous hein, soyons potes !
Bref, elles donnaient le ton alors soit, les vous et les titres, on remballe et on garde ça pour une prochaine fois. 

Au delà de ce constat et de cette décision prise, y avait euh… tout un tas de trucs qu'il avait l'habitude d'entendre mais qu'il détestait du plus profond de sa chair – ce qui n'était pas bien loin de la surface… - mais il ne devait pas oublier… Il fallait qu'il soit lucide… rusé !

« Je devrais pourtant avoir l'habitude, j'en ai entendu, des âneries au cours de ces derniers siècles, mais les gens dans ton genre, définitivement, c'est pas ma tasse de thé. Faut pas le prendre pour toi hein, des ambitieux, des intrigants avec toutes leurs batteries de coup fourrés autant que foireux, j'en ai croisé un paquet… C'est que ça se reproduit et ça se répand comme la moisissure, ces bestiaux-là. » Oui oui, elle pouvait très mal le prendre, mais bon, c'est eux qui avaient initié les familiarités, puis on l'a déjà dit, mais il avait beau pensé lucide, la manière demeurait absente.

Et pour ponctuer son geste, il se massa la tempe, un air fatigué autant que dépité, ce genre de combines à deux ronds, ça le fatiguait, aussi prit-il la peine et le temps de se poser contre le mur le plus proche, jouant involontairement à placer un suspens quant à ce qui pourrait suivre de sa part. Et à vrai dire, il n'aurait pas su quoi dire, ni par où commencer… Il trouvait tout ce foutoir à des lieues des combines et des affaires habituelles, il était dans un terrain duquel il s'était volontairement exclus des siècles plus tôt.

« Bon… Je vais pas m'attarder sur tes histoires de menaces globales et tout ce ramassis qui sent tout de même bon la paranoïa de là où je me trouve, et c'est quand même pas très vendeur, mais passons… Parce que j'ai toujours pas ma réponse, moi… Où qu'il est mon intérêt dans ce plan ? »

Bah ouais, où qu'il est ? On lui demandait de miser sur le mauvais cheval, de supposément donc se joindre à celle dont tout le reste du monde voulait la peau pour faire une carpette du plus belle effet dans le séjour, de bosser sur ce qu'il supposait être des armes – ce qui est ennuyeux à souhait, mais avec son Don – tout en admettant pas avoir le pécule nécessaire pour le rémunérer à hauteur de ses services et tout ça pour quoi… ? Éventuellement récupérer une « industrie et une puissance issue de l'acier et de la magie» sur le cadavre encore fumant de son bastion.
Et là, ma bonne dame, la question qui lui titillait l'esprit et qui menaçait d'éclater était : Une puissance, mais pour quoi faire, par les dieux ? Il allait pas beurrer des biscottes avec les épées serti de gemmes imprégnées, le résultat serait assez misérable pour ce que cela lui aurait coûté… Et il n'avait aucune guerre à mener, lui, bordel !

« Car le tien, je le vois, ah ça, on peut difficilement le manquer… Le mien, par contre… Gnagnagna industrie formidable issue de l'acier et de la magie… Puissance et tout ce charabia… Mais qu'est-ce que je pourrais bien en foutre moi, d'une telle puissance ? »

Il était pas furieux hein, il était même relativement calme, mais bon, déjà que c'était pas des affaires qui lui plaisait, une chose encore le dérangeait, quelque chose qui allait sortir, furieusement pour le coup, car cette phrase, il l'avait entendu, des tonnes et des tonnes de fois, et il n'en pouvait plus, fallait que ça sorte avant qu'on continue.

« Et pendant qu'on y est… Je ne suis pas un Sombre ! Je déteste cette phrase, je déteste qu'on m'assimile à cette masse grouillante et agitée de brutes, et par dessus tout, je déteste qu'on m'abaisse à ce niveau ! Je ne suis pas comme vous, ces imbéciles » et il pointa pour l'exemple l'un des gardes sombres « le pensent et c'est l'une des seules choses sur laquelle je m'accorde avec eux ! Les dieux m'ont voulu avec une telle enveloppe, soit, je l'ai accepté, mais ils m'ont surtout doté du Don qui fait de moi un Façonneur, et c'est ce qui me définit ! Alors ton « Nous sommes des Sombres et c'est ainsi que nous vivons », tu te le mets bien profond ! »

Et bim ! Et aussi soudaine que fut sa colère, et pareille à une explosion qui n'est finalement qu'une violence instantanée, toutes traces de fureur s'effaça des traits du Maître Façonneur. Il ne s'étendrait pas là-dessus, il fallait juste que ça sorte… Il ne voulait pas être assimilé à ces comportements futiles – l'aspect moral, le bien et le mal, il s'en moquait – et qui ne trouvait aucun écho sensé chez lui.
Une vie passée à se voir souligner sa différence, sa « difformité », ça vous marque un homme.

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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeLun 11 Mai 2015 - 12:46

Krish éclata d'un rire sans aucune arrière pensée lorsqu'un accès de fureur pris le Façonneur. Les deux spécimens sur lesquels elle venait de tomber étaient tellement différents... et étrange chacun à leur façon! Entre une Matrone difforme pétrie de la mentalité la plus basique du Puy et un un façonneur reconnu refusant jusqu'au nom de sombre, voila qu'elle avait de quoi s'amuser!

"Et bien! J'ai rarement entendu quelqu'un parler de la sorte! Moi qui imaginait le Grand Façonneur comme un vieillard difforme enfermé dans sa cave à se consacré à son art. Voila un sombre avec du répondant!"


Cette fois la provocation était gratuite.
cinq-cent ans plus tôt, elle l'aurait sans doute regardé de haut pour son physique et sa grande gueule... Peut-être même aurait-elle envoyé quelques assassins et mis le nez dans son commerce... Mais en un demi millénaire, on avait le temps de faire de tour de la normalisation des drows. Avoir toujours la même tête et le même discours en face de soi - celui de la Matrône dans les grandes lignes d'ailleurs - finissait par être tout simplement ennuyeux. Et l'ennuie, c'était aussi attrayant que se planter des échardes sous les ongles... elle préférait même les échardes...

Mais titiller quelqu'un pour qui elle avait non seulement du respect en tant qu'artisans mais dont elle espérait pouvoir se servir une ou deux fois ne faisait pas avancer les choses du côté de l'ordre du jour. Mais tout cela était bien trop terre à terre. On lui servait ce qu'elle voulait entendre sans en donner les raisons réelles.

"Bon... Tu veux qu'on mise sur ta mort alors que tu a réussit à prendre la tête de la deuxième Dothka... J'ai connue plus fructueux comme arrangement! Pendant ce temps, on est sur des pertes et encore des pertes. Je me demande si c'est bien rentable tout ça. Tu meurs trop vite et je n'ai même pas le temps de faire monter les prix. Tu ne tiens pas assez longtemps et le Bastion ne sera qu'une forge de plus. Tu meurs trop tard et tout cela n'aura été qu'une immense perte de temps et de moyens. "

Si elle n'avait rien contre le fait de stagner, perdre de l'argent pour quelque chose qui ne lui profitait pas directement était hors de question.

"J'aimerai savoir pourquoi une Matrône se contenterait de Sol'Dorn alors que le Puy lui même est à conquérir? A moins bien sûr que ce ne soit qu'un tremplin pour un pouvoir plus grand encore, auquel cas je reconnaitrais mieux l'ambition d'une Eldéenne. Un tel spectacle me ravirait! "

Se battre pour Sol'Dorn dans un moment aussi flou quant à la hiérarchie. Les guerres intestines étaient toujours aussi nombreuse de ce que savait Krish. Alors pourquoi aller voir ailleurs au lieu de se battre sur son propre terrain?

"Mais comme je l'ai sous-entendu... Bien que cela semble t'être passé largement au-dessus de la tête, gagner encore plus d'argent ne m'intéresse pas vraiment. Et je suis d'accord avec le Sir Façonneur pour dire que cette forge magique, bien que tentante, reste bien hypothétique. Pourtant, il y a bien deux choses qui m'intéresse dans cet arrangement: la possibilité de récupérer quelque chose que je cherche depuis longtemps grâce à la Dothka et voir à l’œuvre les pouvoirs exceptionnels d'un Maître Façonneur. "

Si une organisation était à même de briser assez la volonté de quelqu'un tout en gardant intacte ses talents, c'était bien une Dothka... Rien qu'à l'idée de reprendre la course, Krish sentait son cœur se serrer d'excitation. Elle fit attention à garder la voix basse et la tête légèrement baissée, rendant plus difficile la lecture sur les lèvres.

"Malheureusement pour la Dothka, la deuxième ne dépendant que de toi, Ranaghar. Alors disons que je serais heureuse d'aider si vos hommes parvenaient à décider un runiste à mettre ses talents à mon entière disposition. "
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeMer 27 Mai 2015 - 14:54


      Ainsi tout cela n’aurait servi à rien, on aurait parlé mais en vain. C’était tout aussi bien, voilà quels étaient les aléas de la tractation. Les Drows ne sont pas des brutes obtuses, et Phar’roos sentait battre en sa petite personne suffisamment de sang sombre pour avoir la placidité de sa race dans le négoce. Avec l’ambition vient l’indifférence aux petits tracas. Elle l’avait dit, elle pénétrerait dans Sol’Dorn comme un coup d’épieu. Si cela ne se faisait ni avec le Façonneur, ni avec la Maîtresse des forges, la Matrone en trouverait bien d’autres pour tenir ce rôle. Et voyant au loin la flèche que le Culte de Teiweon hérissait vers les cieux, Phar’roos savait déjà quel prochain parti elle tenterait de se concilier.
      Ne lui restait plus qu’à prendre congé de ces deux-là. Elle garderait néanmoins la fierté d’avoir attrait, jusqu’au sable du Bae’d, deux augustes seigneurs qui repartiraient Gros-Jean comme devant, fourbus du voyage, et sans profit. La Matrone escomptait même que Ranaghar et Krish figurassent dans les rapports que les esclaves sur les gradins feraient à leurs maîtres thaaris. Il y aurait pendant deux jours quelques chicanes entre princes-marchands, et le Medel’hel y perdrait peut-être une commande. Tout cela formait un résultat très piteux, mais vaguement nuisible aux deux autres – tandis que pour Phar’roos, le bilan serait nul, simplement nul. Des heures perdues pour elle, mais véritablement gâchées pour les deux autres. C’était petitement satisfaisant.

      En premier lieu, la Matrone parla au Façonneur :
      « Alors je t’épargne plus longtemps mes âneries, Medel’hel, car à t’en croire, ton temps doit t’être très précieux. Si j’offre ma mort, et que cela ne suffit toujours pas, c’est donc que le négoce est impossible entre nous. Je ne te retiendrai pas plus longtemps. »
      Puis elle se tourna vers Al’Serat :
      « Toi qui voulais le Medel’hel pour affaires, le voilà tout à toi. Lui, peut-être, t’offrira la conquête du Puy que tu esquisses, Krish ; quant à moi, c’est plus que je ne peux. »

      Alors Phar’roos délivra les formules de politesse par lesquelles les Drows prennent congé, et elle quitta le sable du Bae’d. A sa suite, les capelines de ses espions se dispersèrent alentour, laissant là Ranaghar et Krish. Avec eux, sans eux, la deuxième Dothka mènerait ses guerres.
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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeLun 1 Juin 2015 - 23:02

On se moquait d'elle...

On lui demandait de faire le voyage depuis Thaar, on lui brandissait une affaire intéressante sous le nez et on s'en allait à la moindre négociation. Cette Matrone pensait-elle qu'une artisane accepterait ses conditions sans discuter?! Après tout, les artisans n'étaient qu'une profession de second ordre pour les puissants du Puy. Seules de rares personnes aux talents exceptionnels pouvaient s'imposer tout en suivant cette voie et aucun n'avait laissé son nom dans l'histoire.

A travers le dos tourné de cette Matrone, Krish revoyait les réactions de ses parents, de ses anciens alliés, de ses concurrents à l'entrée dans l'armée, de son frère, de tous ces gens qui avaient fait du maniement des armes leur vie en dédaignant les génies qui, baignés dans les flammes glaciales d'Uriz et Teiweon, créaient leurs engins de mort et de domination. Qu'attendait-elle? qu'une forgeronne lui court après pour la supplier de conclure ce marché sans émettre la moindre remarque?!

Krish avait donné sa part d'effort au Puy, elle n'éprouvait plus aucun malaise à l'idée d'aller contre un ordre d'un de ses représentants, mais elle n'était pas une Doebien. Elle n'avait pas fait de l'argent son honneur et préférait se défaire de cette notion que de se voir considérée comme l'une d'entre eux. Se voir traitée comme une renégate était intolérable! Elle voulait ce savoir depuis trop longtemps pour laisser passer une occasion pareille, mais elle avait accepté dans la même phrase d'apporter son aide à cette femme stupide! Et voila qu'on lui tournait le dos, qu'on la congédiait comme on refuse les services d'une putain trop entreprenante après avoir obtenu son soutien pour un pauvre nain, enlevant jusqu'à la dignité de son rang et de son sang d'Eldéenne.

Jadis, on la traitait comme une drow de seconde zone parce qu'elle avait délaissée l'armée. Elle s'en moquait. Elle avait fait plus pour Elda que tous ces soldats qui crevaient et désertaient pour aller baiser dans les bordels de Sol'Dorn! Elle avait mainte fois risquée sa vie pour son art! Et voilà qu'on reniait son aide?! On agitait sous son nez la possibilité d'avoir enfin ce qu'elle convoitait, la seule chose qui la retenait vraiment à Thaar, avant de lui refuser! On la convoquait et la renvoyait comme une domestique?!!

Le sang de la Maîtresse des Forges ne fit qu'un tour. Un sifflement strident et bref passa ses lèvres pour éclater dans le Bae'd. Un remous parmi les esclaves. Un carreau d'arbalète et un couteau de lancé.

La main droite de Krish se referma sur la lame en demi-cercle qu'elle avait forgée à la gloire d'Uriz pendant le Voile. En deux pas, elle était sur la Matrone déstabilisée. Ses bras se refermèrent sur elle, barrant sa joue d'un coup de lame vertical avant de la placer sur sa gorge.

-Tu nous offres ta vie ? Soit. Ton voeud est exaucé. J'accepte. Mais n'espère pas mourir trop vite. Tu sembles apprécier de baiser les autres en affaire. Je ferai en sorte de trouver une occupation à ta mesure. Je suis sûre que tes hommes en seront ravis.

La voix de la Maîtresse des forge était plus lourde et bouillante de rage que la lave qui alimentait sa forge dans les entrailles du Puy. Ses membres remblaient presque d'émotion contenue mais ses mains étaient sûres. Elle s'écarta d'un nouveau bon, raccrochant sa lame à son bustier.

Ignorant l'hostilité qu'elle avait déclenchée, elle fit volte face pour partir mais s'arrêta un instant. Lorsqu'elle reprit la parole, elle était distante et posée comme si quelques gouttes de sang ne glissaient pas le long de sa robe... Mais la colère ne s'était pas éteinte dans ses iris rouges.

-Dans deux ennéades, mes forgerons viendront s'installer dans ton Bastion.

Elle écraserait cette garce. Elle la regarderait s'échiner à monter. Elle la regarderait toucher au but. Elle la briserait. Elle l'écouterait gémir. Et seulement lorsqu'elle la verrait ramper, qu'elle aurait renoncé à tout jusqu'à perdre même l'envie de mourir, elle offrirait son âme à Teiweon.

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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeMar 2 Juin 2015 - 5:49

Bah voila, elle s'était vexée, cette petite chose aux grandes ambitions ! Et elle le faisait en se fourvoyant complètement sur le sens de son propos, quelle idiote ! « Si ma mort ne suffit pas », non mais sérieusement ! Mais il devait s'y attendre, il tombait parfois sur ces gens là, qui prétendent à un raisonnement universel sans prendre conscience qu'il pouvait en exister d'autres… Ah, ça, pour cela, elle pouvait se sentir « drow et fière de l'être », elle était l'égale de nombre d'entre eux.
Comment pouvait-elle sérieusement croire qu'un être comme lui pouvait accepter une affaire dans laquelle on s'accordait sur le fait qu'il n'y aurait pas assez d'or pour le rémunérer, et où il lui fallait parier sur la mort de sa collaboratrice pour hériter d'une chose d'une nature dont il se moquait, incapable même d'en tirer un profit satisfaisant… Elle s'était fourvoyée, pensant tomber sur des simplets, une formalité sans avoir à faire d'efforts pour obtenir ce qu'elle voulait… Bref, c'était une petite chose idiote, et elle semblait qu'il soit la cible du plus gros des reproches… Mais qu'importe, tout ça, c'est de la frustration !

« Bien sûr que mon temps est précieux ! Quelle question ! Mais il n'est pas question de suffisance, je ne demande pas plus, mais quelque chose qui me convienne ! Ça demande mon Art et mon temps sans avoir d'or, en offrant une mort dont je me moque, une industrie dont je ne saurais quoi faire, et ça s'étonne que je n'y trouve pas mon compte ? »

Bon, par contre, il avait pas totalement saisi la suite, et cette histoire de conquête du Puy, mais il se doutait bien qu'il le saurait bien assez tôt, il lui faudrait voir avec la forgeronne, il y avait matière à se trouver là une cliente intéressante, et qui avait les moyens de le rémunérer comme il convenait de le faire… Il espérait juste qu'elle ait comprit que bon, les combines à deux ronds, très peu pour lui.

Bref, tout ceci avait été une perte de temps, et ça l'agaçait, mais pas au point de se comporter comme le fit soudainement la Maîtresse des Forges – qui représentait une promesse compensant la perte de temps dont la sang-mêlée était à l'origine – et il observa la courte scène sans plus faire le moindre geste, entre une légère crainte que les choses n'éclatent et l'ennui que lui suscitait cette situation… Il voulait juste se tirer, alors si elles voulaient se battre, qu'elles attendent qu'ils aient pu foutre le camp, lui et son gobelin.

Et à son tour, il se retira, mais lui aussi se prit à vouloir glisser un dernier mot, mais plutôt qu'un avertissement et une promesse, comme la forgerone, lui se permit une petite pique.

« Même si ils ne l'admettront jamais, tu es digne de l’appellation de Sombre. »

Et c'est sur cette petite note, avec une petite touche de plaisanterie, que le Façonneur parti avec la ferme conviction de ne plus JAMAIS foutre les pieds dans un lieu comme celui-ci !

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MessageSujet: Re: Sol'Dorn gémira   Sol'Dorn gémira I_icon_minitimeMar 18 Aoû 2015 - 19:46

      De l’autre côté des remparts, on crevait la misère. La fange de Sol’Dorn, chassée de son enceinte, repoussée hors de ses murailles austères, vivotait là, à l’ombre de la cité arrogante, dans la crasse et la boue. Ils rongeaient la souillure qu’exhalait cette ville de malheur, ils crevotaient interminablement, rebuts affamés. Parmi ces gueules rongées par la lèpre, parmi ces faces pourries, peu de peaux grises ni d’oreilles longues : c’était la cohorte bigarrée des Zurthans, des bâtards, des rejetons que le malheur avait fait naître entre deux races, dans une frontière floue, bannie par tous. Autrefois, Sol’Dorn s’était voulue cosmopolite ; maintenait la ville gémissait sous la botte des Sombres, et les impurs s’amassaient de l’autre côté des portes de fers, que gardaient des Drows à la lame nue et farouche. C’étaient là les conséquences, visibles, du retour de la Deuxième Dothka à Sol’Dorn.
      Soudain dans ces faubourgs empuantis, une voix éclata dans l’air emboucané. C’était un cri féroce, puissant, salvateur : comme une putain rescapée des bordels à marins, comme un chien que le hachoir avait épargné. De loin on le vit venir, cet histrion, tout bondissant, glapissant, éructant sa joie pure. Il courait sur les toits, au risque de s’empaler entre deux palissades mal ficelées entre elles. Bien vite il avait trouvé une bâtisse vaguement plus robuste que les autres, et il s’y était campé des deux pieds, triomphant. Son visage était barré d’un rictus jouissif, mais il attendit qu’une petite foule se fût amassée devant lui, avant de parler. Lorsque peut-être soixante ou cent parias furent devant lui, là, sous les contreforts augustes de Sol’Dorn, à lever un regard perplexe vers ce fou, cet idiot soudain heureux au milieu de leur paysage de misère dévorante ; lorsque ce petit théâtre fut en place, alors seulement le messager leur livra son message :

      « Ils l’ont abattue ! Phar’roos, l’Ignoble, la Vingt-Fois-Maudite, ils l’ont abattue ! »
      Sa deuxième phrase s’était perdue, dès les premiers mots un formidable brouhaha avait secoué la foule. Quoi, la Catin ne régnerait plus sur le devenir de Sol’Dorn ? Enfin, on avait écrasé l’infâme ? Mille bouches s’agitèrent en mille questions, on voulut en être bien sûr. Et comme, de loin en loin, des gardes à l’allure féroce veillaient sur les remparts de la cité, on parlait encore d’une voix craintive, sans trop y faire percer la joie, à peine déjà l’espoir.
      « Es-tu sûr ? L’as-tu vu crever ? Est-elle bien froide ?
      – Elle est tombée devant moi, j’étais au Bae’d ! Un carreau l’a foudroyée de part en part, l’Ignoble a crevé. »

      Le rugissement de la joie montait, on commençait à frapper dans les mains, on ramassait des pierres et on les pointait vers le ciel, vers les augustes gardes de la citadelle. On grognait comme un molosse libéré. Mais tempérant l’allégresse bourgeonnante, une dernière voix vint s’enquérir, haut et fort :
      « Mais est-elle bien morte ?
      – Je ne peux être certain,
rétorqua le messager vibrionnant, mais si elle vit encore après cette estocade, alors cette garce est bien increvable. Et ça, je ne le crois pas ; j’ai vu son sang sur le sable, il était rouge et bien répandu. »

      Cette dernière réponse déclencha des bravos, des lazzis. Chacun acclamait, chacun opinait du chef, pour convaincre son voisin en même temps que soi-même. On rejouait la scène, quand bien même on ne l'avait pas vue. Un Zurthan des environs, qui taillait du mauvais bois pour en faire des flèches grossières, fut assailli de questions ; il assura qu’avec un estoc pareil, l’Ignoble était bel et bien crevée. Alors on ne se retint plus, on hurla de joie, on brûla les bicoques aux murs de torchis. La muraille de Sol’Dorn fut caillassée par des volées de pierres vengeresses. Enfin, on était libre !


* * *


      Six jours plus tard, ce quartier de bourbe fut anéanti, on les égorgea tous. Phar’roos était alitée, bien souffrante, souvent divagante ; mais sa fureur demeurait vivace. A son oreille encore couverte de sang séché, un assassin vint susurrer : « Les cafards ont payé. »
      Elle souffla : « c’est justice. »
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