Les cloches sonnent, c'est l'heure de partir à la chasse à l'Oeuf [Jena]

Il avait imaginé de nombreux scénarios lorsqu'à Thaar il considérait et concevait l'éventualité de son retour, mais force est d'admettre qu'il s'était trouvé bien loin du compte devant ce que le sort lui avait préparé.

Après avoir croisé la route de celle qu'on considérait comme la Gardienne de Néera non loin d'Olyssea, qu'elle lui ait dévoilé son lien avec le dragon blanc qu'il avait lui-même surprit plus tôt et « recruté » pour la tâche que ce dernier semblait lui avoir confié, la question s'était posé de ce qu'il était censé faire, puisque dans un premier temps, d'autres obligations appelaient la jeune femme à Beltrod. En définitive, il fut décidé qu'il l'accompagnerait là-bas, sous couvert de l'escorter, et à Olyssea, il laissa sa petite troupe entre les mains de son second, il lui appartiendrait, à l'avenir peut-être d'accepter ou non de la lui restituer, mais pour l'heure et par souci de discrétion, il lui fallait se séparer d'eux.
A Olyssea, et en vue de la suite des événements, il fit envoyer un message à Thaar, adressé à la Princesse-Marchande, où il mentionnait un besoin urgent du soutien de Monarth, il espérait que le message autant que la réponse sous forme du retour du reptile à ses côtés viendrait aussi vite qu'il était possible, en un lieu qu'il avait précisé et qui parlerait aux souvenirs d'un précédent voyage de son compagnon.

C'est ensuite au sein d'un petit cortège essentiellement composé de religieux qu'il fit route avec Jena, non sans se tenir à l'écart du groupe chaque fois qu'il était question de prières ou de rituels collectifs, il demeurait un homme à la foi fragilisée, la confiance qu'il accordait à la Déesse, à son culte, restait vacillante. Il avait ses propres raisons de participer à cette entreprise, et ça n'était pas par conviction religieuse.

Une ennéade, c'était ce qu'avait réclamé la jeune femme pour régler ses petites affaires à Beltrod, et il la lui accorda sans discuter, bien qu'il s'agissait là de temps qu'il regrettait de ne pas pouvoir offrir à la recherche de la moindre trace de ce dragon. Il exigea toutefois qu'on ne l'évoque pas dans les éventuelles discussions et autres récits de voyage, il avait l'intention de faire profil bas, de demeurer « invisible » jusqu'à ce qu'il décide de réapparaître, mais en attendant, il n'ignorait pas l'influence que la lignée à la Chouette avait sur la région, et redoutait toujours le jour où il lui faudrait peut-être y faire face, mais aussi longtemps que ça ne serait pas nécessaire, il esquiverait ce moment.
Un rendez-vous fut entendu à l'entrée de la ville, une ennéade après leur entrée, et il espérait que la jeune femme le respecterait.
En attendant, il évolua dans les quartiers les plus humbles, sans faire le moindre remous, sinon de façon très localisée à l'occasion de quelques parties de jeux, mais cela ne dégénéra jamais au point qu'on eut du avoir recours à la garde, et finalement, ce temps « perdu » avait été reposant.

Au jour et à l'heure convenus, ils se retrouvèrent, lui-même, Jena et Caïn, son homme de confiance et garde personnel. C'était en définitive la voie qui avait été choisit, il n'était plus question d'une petite troupe de chevaliers aussi vaillant que potentiellement traître dont le déplacement commun ferait grand bruit, non, un effectif réduit et de confiance garantissait qu'ils n'attirent pas l'attention, ni ne craignait de coup foireux de l'un ou de l'autre, en principe.
Mais c'était pas le tout de se réunir, il fallait maintenant décider d'une direction… Il avait sa propre idée en tête d'un chemin vers où aller, d'autant plus qu'il devait y retrouver son compagnon surprise. Le dragon s'était confié à Jena, mais il ne leur facilitait clairement pas la tâche… Une montagne de laquelle s'écoule un cours d'eau, c'était là chose très courante, trop peut-être.
Il y ajoutait sa propre information, dont il était davantage convaincu en apprenant que l'objet de cette quête était un œuf… Il avait vu le dragon, repu par la chasse, au sud d'Alonna, non loin de la frontière, et en toute logique, mais c'était là présupposé du comportement de la créature, il n'aurait pas risqué de s'en éloigner à l'excès, autrement, il n'aurait pu, ni savoir ni agir si l’œuf avait été trouvé par hasard… Il était donc d'avis de remonter et de là… Eh bien, si ce dragon ne les menait finalement pas en bateau, peut-être offrirait-il de quoi leur permettre de poursuivre sur la bonne route.

Et c'est pourquoi ils firent route vers Etherna, dans un premier temps, région qu'il considérait davantage central vis à vis de l'objectif encore flou à atteindre, les monts olysséens et hautvalois n'étaient pas si loin, de même que ceux d'Alonna et Oësgard, dont il espérait qu'ils n'aient pas à y mettre les pieds par les temps qui courent.
Là-bas, ils montèrent un bivouac en un lieu relativement reculé vis à vis des villes, à l'écart des grands chemins où grandissaient tant les risques de croiser la route de bandits comme de gens du commun… Il eut été mauvais de se retrouver en pareille compagnie si l'on souhaitait rencontrer une créature qu'on voulait discrète, dans la mesure du possible… Mais surtout, il se trouvait à portée du lieu de rendez-vous, que ne semblait pas encore avoir atteint son compagnon, dans le pire des cas, il lui faudrait peut-être laisser un indice sur l'étape suivante, qu'un dräke comprendrait, mais en attendant, c'est ici qu'il passerait la nuit.

« Bon… Eh bien, nous voici à ce que je considère notre première étape… Une aide bienvenue pourrait nous parvenir, surtout si on vous a offert une vision, mais rien n'est certain à ce sujet. » Il n'introduirait Monarth qu'à condition qu'ils soient finalement réuni, mais peut-être ferait-il en sorte de temporiser pour lui laisser davantage de temps. « Mais il va peut-être nous falloir un petit coup de pouce de notre connaissance commune, si il n'y a pas de problème à crapahuter dans les montagnes, elles sont nombreuses, et tout autant sont celles qui donnent naissance à un cours d'eau, fussent-ils ridicule. »

En somme, avec le peu qu'ils avaient, à moins de parcourir dans le détail la moindre montagne comportant même un ruisseau, ce qui prendrait fort longtemps, ils avaient besoin d'un petit coup de pouce pour réussir.

« Nous demeurerons dans le coin quelques jours, et vous devriez essayer de rentrer en contact avec lui, et voir si il pourrait se montrer un peu moins… avare en indication. Ou, à défaut, et si il ne devait pas me considérer digne ou qu'en sais-je, et donc pas intéressé pour partager davantage avec moi, nous en avertir. » C'était une possibilité qu'il ne pouvait pas exclure. « Dans tout les cas, il y a peu de passage, et je crois suffisamment de bétails dans le secteur pour convenir à la discrétion requise autant que pour pourvoir à l'appétit de ce dernier. »

Il espérait toutefois bénéficier de l'appuie de Monarth dans cette histoire, il pouvait être d'une grande aide, à bien des égards, et peut-être même pour gagner la confiance du dragon, de par la relation complémentaire qui le liait à ce dernier, respectant sa manière d'être et son indépendance, n'exigeant pas plus que ce qu'il acceptait de lui fournir… Ce pouvait être un gage de confiance de la manière dont il traitait avec de telle créature…
Mais plus que tout, c'est la compagnie et le partage des pensées qui lui manquait, cette solitude plus oppressante depuis leur séparation lui pesait, il voulait retrouver les folles et plaisantes pensées de son camarade.

Et au loin sonnent les cloches...

Les dernières ennéades furent loin d’être de tout repos. Le trajet jusqu’à Beltrod, la cérémonie sur les fondations du Monastère, le retour à Renhanda… J’aurais aimé rester parmi les miens plus longtemps, profiter de mes enfants, de mon époux, de leurs rires et de leurs histoires, mais une fois de plus je devais les laisser derrière moi avec pour seule explication mon dévouement pour la Déesse. Elyan était trop petit pour me reprocher quoi que ce soit, mais je n’avais pas besoin de croiser le regard de ma fille pour sentir son agacement. Elle comprenait difficilement mes nombreux voyages, elle m’avait même demandé si c’était parce que je l’aimais moins, mais le jour de mon départ, Liliana fut la première à venir m’embrasser et à me souhaiter bonne route.
Le cœur gros et dans un silence pesant, Caïn et moi firent route vers Beltrod pour rejoindre mon compagnon de voyage.

Hanegard avait insisté pour que Caïn, l’un des meilleurs hommes de sa garde rapprochée, fasse le voyage avec moi. Je ne pouvais guère le lui refuser, après tout même s’il n’avait aucune raison de se montrer jaloux, il fallait reconnaître que laisser sa femme partir sur les routes avec un inconnu… ça n’avait rien d’amusant.
Cela faisait plusieurs jours que nous faisions route vers Etherna, mon esprit vagabondait tandis que mon cheval suivait sagement celui d’Arthur. Malgré mes yeux morts, je ressentais mon environnement, j’avais également la sensation que nous faisions bonne route. Le Dragon m’avait dit de me fier à mon instinct et pour le moment j’étais certaine que nous étions exactement là où nous aurions dû être.
Pendant que les deux hommes s’occupaient de monter le bivouac, je restais légèrement en retrait, brossant silencieusement ma jument. Il s’agissait là de la seule tâche que me laissait faire Caïn… L’homme de confiance de mon époux était un brin surprotecteur, je ne doutais pas des consignes qu’il avait dû recevoir et je me sentis sourire. Première fois depuis notre départ de Renhanda.

Assis autour du feu, j’écoutais attentivement les bruits de la forêt, me concentrant sur le hululement d’une chouette ou sur les pas rapide d’un lièvre. La voix d’Arthur me tira de mes rêveries. Il avait parfaitement raison, sans aide nous nous retrouverions bientôt à fouiller chaque montagne. Le Blanc m’avait dit qu’il me suffirait de l’appeler si j’avais besoin de son aide, il était donc peut-être tant que je dérange cette noble créature.

« - Vous avez raison, je vais essayer de le contacter.»

Arthur évoqua la possibilité qu’il ne soit pas assez digne aux yeux du Dragon et cette idée me fit légèrement froncer les sourcils. Non, je n’avais aucun doute. Lorsque le Blanc m’avait confié sa mission, il m’avait dit de suivre mon instinct et au beau milieu de la nuit je m’étais retrouvée près de son campement, j’avais senti qu’il me fallait continuer, ne pas m’arrêter à l’auberge du village. J’avais senti qu’il me fallait faire halte au milieu des bois et de marcher vers ce campement. Néera m’aurait protégé, mais j’avais su avant même de le rencontrer que je trouverai à cet endroit l’homme que m’avait indiqué le Blanc. Pourquoi lui ? Je n’en avais pas la moindre idée… Peut-être parce qu’une partie importante de sa vie tournait autour de ses créatures légendaires…

« - Ne doutez pas de vous, parce que moi je n’ai aucun doute. Vous êtes celui que je devais trouver, je suis certaine de cela. Même si je ne saurais pas vous dire pourquoi. Je sais également que nous prenons la bonne direction, en revanche vous avez raison, il nous faut plus d’information sur la suite de notre voyage. »

« - Le Dragon… Vous voulez dire que le Dragon va se montrer ? »
« - Non Caïn, ça je n’en ai pas la moindre idée. La dernière fois il a fait apparaître un épais brouillard pour m’écarter des voyageurs qui faisaient route avec moi. J’ai été la seule à le voir. Il ne parle pas comme nous, c’est comme entendre une autre voix que la sienne dans sa tête, je suppose donc qu’il n’a pas besoin de se montrer pour m’atteindre. »

Caïn resta silencieux, sûrement à réfléchir à mes paroles. Avait-il cru à une blague lorsque je lui avais annoncé que nous partions dans les Montagnes du Nord pour récupérer un œuf de Dragon ?

* - Comment puis-je le contacter ? Il m’a dit de l’appeler mais comment le faire et être sûre qu’il m’entende ?
- Prononce son nom et il t’entendra.*

Je poussais un léger soupir, à la fois heureuse de sentir la présence de Néera et inquiète à l’idée de contacter une créature aussi imprévisible.

« - Foen Delth »

« Je ne douterais plus si vous obtenez une réponse de sa part, une réponse qui nous permettra d'avancer. »

Il y verrait l'acceptation de sa présence par le Blanc, ou tout au moins pas un motif à ne pas poursuivre sa collaboration avec la jeune femme, ce qui n'était déjà pas si mal. Quant au fait qu'ils étaient sur la bonne voie, et de la certitude qu'affichait cette dernière à ce sujet, il en était lui-même convaincu, mais c'était chose aisée tant il lui aurait parut incompréhensible que cela se situe plus au sud, donc de fait, en ayant choisit d'aller dans le nord, ils avaient prit la bonne décision… Le problème, c'était la suite.

Il laissa Caïn s'étonner, et ne précisa pas ce qu'il connaissait fort bien du mode de communication des dragons, et par extension, des dräkes. Mais cela confirma bel et bien que le Blanc avait établi un lien avec la jeune femme, mais celui-ci était-il d'une nature semblable à celui qu'avait formé les autres dragons, ou bien devait-il y voir un lien semblable à celui de Monarth, quelque chose de temporaire qui n'allait pas plus loin que le partage des pensées, et donc, de la communication – à la discrétion du reptile, toujours, maître incontesté de cette relation.
Mais il se garderait bien de partager cette réflexion.

« Foen Delth »

Curieuse façon de l'appeler, mais probablement que dans une des nombreuses langues, ces mots devaient posséder un sens que le dragon affectionnait et c'est pourquoi il avait choisi de se présenter ainsi à elle… Tout ce qu'il fallait, maintenant, c'est attendre… Et un instant, lui-même laissa s'égarer son esprit, à la recherche d'un écho familier qui pour l'heure ne venait pas. Si ils obtenaient de nouvelles informations, une nouvelle direction, il lui faudrait laisser un indice à ce dernier… Il serait nécessaire, il en était convaincu.

Et soudainement, Jena se mit à prononcer des mots, des mots qui paraissaient étrangers dans sa bouche, ainsi donc le Blanc n'hésitait pas à aller jusque là ? Mais il prenait ça pour un message favorable… Il aurait pu laisser la jeune femme dans la confidence, mais il acceptait qu'il entende, c'était donc plutôt bon signe.

« Lancinant est l'attente et latent le pouvoir
Sous l'œil des nuées sombres dont les ailes le veillent
Porté par les fureurs d'un Dieu sans regard
Un jeune Wagyl prit soin de son sommeil.
Sur le chemin qu'un jour prirent les Exilés
Stèle frappée sept fois par la foudre divine. »

Ce qui ne l'était pas, en revanche, c'était que l'indice n'était pas très clair, et si il devrait prendre le temps de la réflexion, il espérait déjà qu'une vision, ou une impression, une intuition se joignait au message et permettrait à la jeune femme d'en éclaircir le sens.

« Pourquoi se sent-il obligé de parler par énigme... »

C'était sorti tout seul et à haute voix, mais nul doute que se serait là un sentiment partagé. Puis il prit du temps pour réfléchir aux différentes parties, réflexion qu'il offrit bientôt à haute voix.

« Bon… Je ne saisis pas tout, il n'y a à priori que deux mots dont je comprends pleinement le sens, Le Dieu sans regard, c'est Othar, le Guerrier, les Exilés sont les Drows. De là… Instinctivement, je suis incité à voir plus au nord… Les nuées sombres portés par les fureurs d'Othar, l'éveil du volcan situé non loin de Kirgan pendant ce que les nains appellent la Colère de Mogar, les cendres volcaniques, ce genre de choses… Et le fait que les Exilés, donc les Drows, il y a… plusieurs siècles de cela ont mené campagne contre les nains, ils ont écrasé l'Oësgard et ont poursuivi vers le nord. Peut-être n'est-ce pas le domaine des nains en lui-même, mais les Wandres… Mais là encore, c'est mon interprétation personnelle, mais j'ai tout de même de sérieux doutes, d'autant que pour le reste, sinon qu'il s'agit probablement d'une rivière ou d'un maigre cours d'eau, rapport à la jeunesse, j'ignore tout de la supposée stèle frappée sept fois... »

« J'espère que vous avez davantage d'idées avant qu'on ne s'embarque dans ce voyage, car je pourrais fort bien me tromper de direction… C'est vous qu'il a choisit pour guide. »

A voir si la jeune femme, donc, possédait davantage d'éléments, ou si ses déductions éveillaient de subtils indices laissés lattent. Dans tout les cas, il en conclut que le dragon n'était pas pressé, et qu'il était probablement joueur.

J’avais pensé que mon appel resterait sans réponse, qu’il me faudrait vainement prononcer encore et encore son nom avant qu’Il daigne tourner son regard sur moi. Pourtant, il m’a simplement suffit de prononcer son nom pour que je sente sa présence s’insinuer dans mon esprit. De la même manière qu’un reptile, son Esprit s’est approché du mien, l’a enserré comme l’aurait fait un serpent autour de la branche d’un arbre, je l’ai senti s’enrouler sur lui-même et j’ai eu l’étrange impression que ses yeux étaient braqués sur moi. Ce n’était pas comme avec Néera, sa présence n’était pas aussi douce, aussi caressante que celle de ma Déesse. Cette puissance qui émanait de son esprit me laissa silencieuse, même si pour l’instant il était loin de se montrer menaçant, je n’étais pas stupide au point de me croire parfaitement en sécurité.

« - Pourquoi prononces-tu mon nom Petite Humaine ? »
« - Parce nous avons besoin de ton aide pour la suite de notre voyage. Tes premières indications nous ont conduites ici, mais à présent il nous faut ton aide pour savoir exactement où chercher. »

Il récita alors ce qui me semblait être une énigme… Une de plus… Je la répétais à voix haute afin que mes compagnons de route sache exactement, mot pour mot ce que le Dragon était en train de me confier. Quand il eut terminé, il quitta mon esprit aussi subitement qu’il était venu, sans rien de plus.
Mes paupières se soulevèrent et je fixais mon regard voilé vers les flammes du feu crépitant. Je ne pouvais pas le voir mais je savais exactement où regarder.

Arthur commença presque aussitôt à analyser cette énigme, à tenter d’en comprendre les secrets pour savoir quelle serait notre prochaine direction. Je l’écoutais sans interrompre ses réflexions, espérant que ce fouillis de mot voudrait dire quelque chose pour lui. Je restais silencieuse après ses paroles m’accordant le temps de la réflexion.

« - Je dois reconnaître que je ne suis pas plus avancée que vous. Si ce que je pense est correct, il me semble que le Wagyl fait référence à une créature tout aussi légendaire que les dragons, une sorte de serpent que l'on dit Gardien des rêves. Ce qui expliquerait le « Jeune Wagyl prit soin de son sommeil » … Mais je ne comprends pas d’avantage la référence à cette stèle frappée sept fois.
En revanche, si l’on reprend ses premiers conseils, il m’avait indiqué « Là où les Cieux rejoignent la Terre, sur les Cimes peuplées de Choucas, là ou né l’Eau. » Peut-être faisait-il référence aux Monts Corbeaux, les cours d’eaux venant des Montagnes se jettent dans l’immense lac de Sainte Berthilde.

Cela pourrait paraître plausible mais pourquoi cette référence au Dieu Mogar ? Et cette stèle frappée sept fois, de quoi peut-il bien s’agir ?
Je pousse un soupir. Pourquoi fallait-il qu’il nous parle par énigme ? Voulait-il être sûr que nous étions dignes d’aller récupérer sa progéniture ?
Je sens à nouveau une présence s’immiscer dans mon esprit, mais cette fois un petit sourire se dessine sur mes lèvres. Comme je préfère son contact à Elle.

« - Tu vois, je savais parfaitement que tu finirais par apprécier ma présence ! »

La petite voix enfantine qu’elle prend me fait légèrement rire. De l’extérieur, je dois souvent avoir l’air d’une folle lorsqu’il m’arrive de réagir aux propos de Néera comme si tout le monde pouvait l’entendre. Heureusement Arthur et Caïn sont parfaitement au courant de ma « situation » et si cela doit tout de même les surprendre, ils finissent forcément par ce dire que je ne suis pas toute seule dans ma tête.

« - Reste sur tes gardes Gardienne. Ne lui donne pas ton entière confiance, ces créatures ne pensent pas comme toi. »
« -Comment puis-je mener à bien cette quête pour Lui si je ne peux pas lui faire confiance ? »
« - N’oublie pas qu’il est dangereux. Il te faudra être très prudente.»
« - Peux-tu m’aider à comprendre ses paroles ? A quoi correspond cette stèle frappée sept fois ?
« - Ce serait beaucoup moins amusant ! »

Et hop… Plus personne. Il m’arrivait parfois d’oublier qu’Elle pouvait être très … crispante. Mais après tout pourquoi s’embêterait-elle avec une énigme à la noix ?

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne s'accordaient pas, à la base, tout du moins, fort heureusement, lui n'avait aucune intention de défendre plus sa première intuition puisqu'elle ne reposait sur beaucoup de vents et probablement un désir de s'éloigner du Médian. Il avait plus ou moins misé et surtout, il avait cherché à susciter une impression à la jeune femme, en s'appuyant sur ce qu'il imaginait la manière dont le dragon avait construit son nouvel indice.

« Où avez-vous entendu cette histoire de Gardien des Rêves, pour le Wagyl ? » Il n'avait jamais entendu cette version là, lui n'était instruit que du récit le plus commun. « Ce qui est généralement associé à ces êtres, ce sont les cours d'eau, des serpents géants, enfantés par Tyra qui, cherchant son amant Othar, les envoya sillonner la terre et les montagnes pour le retrouver, les cours d'eau, du plus petit ruisseau au plus grand des fleuves seraient le chemin que chacun ont parcouru. » C'était une façon de synthétiser la chose, et il savait vaguement que les choses pouvaient se complexifier par endroit, mais il n'avait jamais entendu parlé de Gardien des Rêves… « Puisqu'il a dit en effet « là où nait l'Eau », c'est à la source, et si j'ignore cette histoire de gardien des rêves, le jeune wagyl peut être un cours d'eau relativement jeune, ou petit, peut-être un ruisseau, puisque ces derniers prennent de l'ampleur à mesure qu'ils parcourent de la distance, rejoint par l'apport des eaux de cours d'eau plus faible, et il veillera parce que l’œuf serait disposé non loin de ce dernier. »

Il était tout de même curieux, mais il poursuivit en reprenant les autres éléments que la jeune femme avait écarté dans son explication, cherchant désormais dans quelque chose de plus ancien, et là encore, il lui faudrait voir comment la jeune femme y réagirait.

« Quant aux fureurs d'Othar, le Dieu sans regard… Cela pourrait avoir alors un sens bien plus ancien, je m'étais attaché aux événements récents, considérant qu'un dragon n'aurait pas de raison de faire mention des mythes pentiens, mais à y réfléchir, il en a peut-être une. Donc… Certaines croyances associent les montagnes aux endroits où Othar, dans sa « prison » souterraine, frappa le plafond pour tenter de s'en échapper, donc « Porté par les fureurs d'un dieu sans regard un jeune wagyl veille sur son sommeil » serait une forme de rappel… Un cours d'eau « porté » par les montagnes façonnées par les coups d'Othar, les autres éléments désignant donc ce qu'on nomme nous les Monts Corbeaux. »

La chose trouvait du sens, mais cela confirmait une pensée qu'il avait, et la raison pour laquelle il conférait, pour la direction, une pleine confiance à Jena. Elle était celle qui était liée et si le dragon devait transposer ses idées en mots compréhensibles par des humains, c'étant en se reposant sur elle… Aucune raison qu'il se soit autrement instruit sur les mythes pentiens, du moins, c'était son sentiment et la base de sa confiance.

« Reste ce chemin qu'empruntèrent les Exilés et cette stêle, mais peut-être en saurons-nous davantage une fois plus proche de cet endroit… Les Monts Corbeaux, ça reste une vaste zone à explorer. »

Mais une zone plus sûre à certains points de vues, il préférait se frotter à des péninsulaires qu'à des hommes des wandres, il y avait plus de chance d'en sortir sans heurts et sans mal. Et déjà il se mit à réfléchir à autre chose… Si Monarth n'était toujours pas en vue d'ici à leur départ, il lui faudrait y déposer un indice pour qu'il poursuive une route relativement proche, il lui fallait donc lui indiquer les Monts Corbeaux, ça n'était pas si compliqué.

« Dans tout les cas, même si nous avons été un peu trop loin au nord, nous avons notre direction et la confirmation que votre ami veille, et comme promit, je ne douterais plus de moi-même dans cette histoire, nous pourrons donc partir demain. »

Au coin du feu, une question lui vint, car même si la zone était encore vaste, tout semblait penser qu'ils touchaient malgré tout au but, et il restait des sujets sur lesquels il s'interrogeait, rapport à toute cette histoire. Des points qu'il voulait éclaircir.

« A notre première rencontre, au sujet de l'oeuf, vous aviez dit « ce que je dois ramener »… Quand nous l'aurons trouvé, quelles sont vos intentions vis à vis de ce dernier ? Où comptiez-vous le ramener ? »

Il avait sa petite idée de la réponse, mais il voulait une confirmation directe de la jeune femme, jusqu'à lors, il avait eu d'autres choses à l'esprit, mais maintenant que le cap se précisait, déterminer si ils étaient l'un et l'autre dans le même camp, car il était en effet question de camp, lui semblait important.

J’écoutais les paroles d’Arthur et à mesure j’avais l’impression de mieux comprendre l’énigme du dragon. Je n’avais pas entendu le début de ses paroles à cause de mon petit entretien avec Néera mais je fis en sorte de me montrer attentive pour entendre la fin de ses réflexions.
En effet, les Monts Corbeaux étaient une vaste zone, mais peut-être qu’une fois au pied des rochers Le Blanc me guiderait une nouvelle fois. Quoi qu’il en soit j’inclinais la tête lorsqu’il fut convenu que nous partirions dès le lendemain.
Je tâtonnais sur mon couchage pour trouver le sac de voyage qui me tenait lieu d’oreiller, j’allais me coucher au moment où Arthur évoqua l’avenir de l’œuf. Cette question je l’avais attendu bien plus tôt. Un fin sourire se dessina sur mes lèvres :

« - Je pense que vous savez très bien ce que je ferai de cet œuf. Mais après tout inutile de garder cela sous silence. Le Blanc m’a confié la tâche de trouver sa progéniture et de le protéger. Lorsque nous l’aurons trouvé je compte le ramener avec moi jusqu’au Monastère. Là-bas, Néera veillera sur lui. »

Mon esprit s’égara quelques secondes vers les fondations du Monastère près de Beltrod. J’avais laissé là-bas le précieux trésor de Néera quelques jours plus tôt. Elle m’avait demandé de me rendre sur le chantier à une heure précise et, seule dans l’un des recoins du Monastère en construction j’avais caché la Coupe de Vie. Néera avait guidé mes mains et ma voix, sa magie avait opéré et la coupe avait quitté mes mains. Je n’aurais su dire, même sous la torture, à quel endroit se trouvait le précieux trésor mais je savais que s’il me fallait le récupérer, Néera me guiderait à nouveau.

Je me couchais enfin et ne me réveillais que lorsque le ciel prit une couleur rosée, celle qui accompagne l’aurore. Je ne pouvais pas voir les différentes couleurs teinter le ciel mais je ressentais parfaitement l’éveil de la forêt autour de nous. D’ailleurs je n’étais pas la première à me lever à en croire les bruits de bottes près du feu.
Quelques secondes après mon premier bâillement, Caïn fut à mon côté et me proposa à boire et à manger. Sa prévenance me fit sourire, qui craignait-il le plus ? Le courroux de la DameDieu ou celle de mon cher et tendre mari ? Cette pensée me serra le cœur quelques instants. Comme j’aimerai être près de lui, plutôt qu’à crapahuter à travers les plaines et les montagnes à la recherche d’un œuf de dragon.

Il nous fallut moins d’une heure pour plier le camp et reprendre la route. Il nous faudrait plusieurs jours pour atteindre les Monts Corbeaux mais maintenant nous avions une destination précise.

* * *

Lorsque les montagnes furent en vue, il fallait bien se résoudre à l’évidence, il allait nous falloir plus d’information. Fouiller chaque montagne nous prendrait des mois. Nous avions croisé en début d’après-midi, une caravane de marchand qui nous avait indiqué un petit village tranquille à quelques heures, nous ne devions plus en être très loin à présent. Nous devions nous y arrêter pour acheter quelques provisions avant notre ascension. Je n’étais pas certaine de dormir dans un lit chaud cette nuit, après tout nous avions jusque-là éviter de séjourner dans les villes que nous traversions.
Arthur chevauchait toujours en tête, souvent plongé dans ses pensées, et Caïn fermait la marche, nous n’étions pas un groupe très bavard mais cela semblait convenir à tout le monde. Je me permis toutefois de rompre le silence :

« - Sans son aide, nous ne serons pas vers où aller demain matin. J’aimerai le contacter à nouveau. Cela fait plusieurs jours depuis sa précédente énigme et nous ne sommes pas plus avancés. Mais que ferons-nous si Il décide de ne pas nous aider davantage ? »

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