Artisan ou Artiste? [Ranaghar]

Ah... Sol'Dorn. La belle et grande cité libre de tout maître. Une cité brûlant sous le soleil de l'après-midi. Une cité où Krish était arrivée de mauvaise grâce. Une Cité où elle s'était mise à dos une personne assez dangereuse pour voir revenir les conséquences. Elle aurait pu craindre de se faire assassiner dans son sommeil... Mais comme elle le disait souvent : si on parvenait à la poignarder dans son sommeil, c'est qu'au moins elle aurait bien dormi.

Mais bon. On ne pouvait avoir le beurre, l'argent du beurre et culbuter la crémière. Elle avait jeté l'argent par les fenêtres, menacé la crémière... Mais tout n'était pas perdu ! Et c'était pour récupérer un beurre bien plus délectable que tout l'argent qui s'était évaporé qu'elle s'avançait à pied dans les rues de la grande ville, entourée de quatre gardes. Elle avait troqué sa tenue voyante de Maîtresse des Forges pour une tenue voyante composée d'un pantalon ample et d'une brassière de cuir et de métal, mais ses deux lames en demi-cercle étaient toujours accrochées à sa ceinture.

Enfin, elle aperçut la devanture d'une boutique qui ressemblait fortement à ce qu'on lui avait décrit. Une porte bleue, une pancarte simple et sibylline traduite du langage sombre « Euolj lu'Faer Medel'hel ». Medel'hel. Elle était au bon endroit. Passant sous la potence au-bout de laquelle se balançait tranquillement écriteau, elle stoppa son escorte d'un geste et poussa la porte... Où plutôt loucha sur le double jeu de poignet avant de pousser la porte au son multiple de carrions plus ou moins lointain. Astucieux. Mais quelle sorte de mage pouvait faire installer deux rangé de poignées sur sa porte d'entrée ? Même un petit enfant n'aurait pas pu utiliser a seconde.

A l'intérieur, rien de bien intéressant... pas même quelqu'un pour s'enquérir de son arrivée. Magnifique... La encore, une porte était affublée de cette inexplicable excroissance. Au moins, le tapis était sympathique.

Krish soupira. Bon... Elle n'avait pas dû faire la meilleure impression qu'il soit lors de sa première rencontre avec celui qu'elle était venue voir. Il ne lui avait pas non plus paru des plus... Raisonnable, même s'il était, on ne pouvait plus intéressant. Il ne restait plus qu'à se montrer sous son meilleur jour. Autant se tenir un minimum bien.

Attendant que quelqu'un se présente à elle, elle détailla la salle du sol au plafond, trouvant dans la tapisserie une source inépuisable de symboles à décrypter.

Spoiler:

La rumeur semblait avoir fait son bonhomme de chemin, et son Don n'était certainement pas étranger à l'attraction qu'exerçait sa modeste enseigne, la curiosité, la rareté ou la nouveauté, assurément, un homme qui s'y serait intéressé aurait sans doute obtenu de telles réponses auprès de sa clientèle – qui devait apprendre à faire avec l'excentricité du Façonneur qui était à l'origine de nombreuses autres rumeurs bien moins flatteuses.

Bon, prétendre que tout s'était passé pour le mieux aurait été un mensonge, et le Façonneur était encore loin d'être satisfait de sa petite entreprise. Il avait froissé – pour ne pas dire plus – quelques personnalités plus ou moins influentes ou fortunés au passage, incapable de s'adapter à ce drôle de personnage, à l'instar de la petiote dirigeant la Deuxième Dothka, dont il se souciait peu d'ailleurs, une fois doublé la quantité de pièges magiques parsemant sa demeure… Qu'il vienne, l'assassin, jamais il n'aura connu maison plus inhospitalière et mortelle que la sienne !
Mais dans l'ensemble, les affaires tournaient plutôt bien, mais il lui manquait encore des partenaires, artisans d'exceptions dans des domaines spécifiques pour fabriquer des écrins à la hauteur de ses créations et de la qualité qu'il entendait proposer à sa clientèle, et ça, c'était franchement pas simple !

Lorsque tintèrent les clochettes, le Façonneur était dans son atelier à travailler des pierres brutes qu'ils continuaient de faire venir du Puy d'Elda, considérant son fournisseur d'une fiabilité incomparable, les deux sombres s'étaient bien trouvés, et depuis des siècles qu'ils œuvraient ensemble, à l'exception des premiers temps, il ne lui avait jamais fait défaut quant à la qualité de sa marchandise, aussi ne concevait-il pas d'en changer pour un doebien douteux.
Il grommela, ennuyé d'être interrompu et espéra que le jeu en vaudrait la chandelle, certes, ça permettait de vivre et de poursuivre ses recherches, mais pas les Dieux, que ces clients pouvaient le déranger par moment.

« Klez ! Apporte de quoi boire ! »

Le gobelin grogna, mais s’exécuta non sans un regard de mépris à l'égard de son « maître » qui parti de son côté enfiler au plus vite une tenue plus appropriée à recevoir que sa vulgaire mais non moins utile tenue de travail. Il fallait accepter d'attendre quand on venait à lui, et c'est pourquoi il avait prit soin d'aménager tout le confort possible dans l'unique pièce accessible aux clients… C'est qu'il était pas totalement dénué de bon sens, le Façonneur, il savait ménager sa clientèle si précieuse pour ses recherches.

Enfin il rejoint la sombre, accompagné de son gobelin – qui résoudrait par son apparition le mystère de la poignée basse – qui le dépassa et, non sans peine et tout en usant d'un marche-pied astucieusement dissimulé, déposa sa charge – verres et bouteille – sur la table avant de se replacer en retrait, derrière son maître, qui pendant la manœuvre se permit un petit examen – totalement innocent, vous devez vous en douter – de sa charmante cliente, qui n'était autre que la Maîtresse des Forges, étendue sur le banc.

« Hm hm » mimant un toussotement pour attirer l'attention de la daedhel, et lorsqu'il l'eut, et fit ce qu'il avait depuis longtemps l'habitude de faire. « Veuillez pardonner l'attente. » Et il n'en ferait pas plus, faut pas exagérer non plus, elle se permettait de le déranger… Pour une bonne raison, l'espérait-il, et il n'irait pas lui demander des excuses pour ça, alors hors de question qu'il s'aplatisse pour le temps qu'elle avait du attendre.

« J'imagine que vous voulez toujours voir à l’œuvre un Façonneur. »

Oui oui, il s'en souvenait, pour une raison qu'il ne s'expliquait pas tellement, ou peut-être parce qu'il y avait un intérêt à s'en souvenir… Après tout, elle était de ces partenaires qui pouvaient convenir à ses besoins, et qu'il tardait à contacter, comme à son habitude, alors peut-être que c'était là la raison de ce souvenir… Une petite flatterie pour la mettre dans des dispositions favorables – et pourquoi pas effacer l'attente qu'il lui avait infligé.

Un raclement de gorge sonore arracha Krish à sa contemplation de la petite créature goblinesque qui avait résolu par son entré le mystère de la double poignée. Elle releva les yeux sur l'arrivant sans précipitation.

« Veuillez pardonner l'attente. »

L'homme qu'elle était venue voir n'avait pas changé. Bien habillé. Le visage plutôt fermé. De drôles d'oreilles tombantes. Une stature frêle... Et un talent que d'aucuns prétendaient sans limite. Comme elle l'avait fait quelques jours plus tôt, elle sacrifia sobrement aux politesses d'usage, ne voulant pas encore une fois aggraver son cas.

« Ne vous en faites pas. J'ai attendu plusieurs siècles pour vous rencontrer, alors quelques minutes de plus ne sont pas un bien grand mal. Et cette banquette est plutôt confortable. »

Un fin sourire glissa sur son visage elle qu'elle s'asseyait plus dignement. Ranaghar ne perdait pas de temps en circonvolutions poisseuses d'inutilités. Elle avait déjà pu le remarquer pendant leur entrevue avec la Matrone, mais ses façons dégageaient toujours quelque chose d'étrange.

« En effet. Vous avez une bonne mémoire, Maître Façonneur. »

Elle se leva pour pouvoir le regarder en face.

« Puisqu'il me semble que vous n'aimez pas perdre de temps en propositions inutiles, laissez moi être directe. Je suis ici pour vous proposer un arrangement entre nos deux commerces.
Je me propose pour devenir votre mécène. Vous travaillez pour qui vous voulez à Sol'Dorn. Vous pratiquez les tarifes que vous voulez. Vous faites les recherches que vous voulez. Je vous offre un petit pécule par mois pour soutenir financièrement vos recherches. En contre partie, lorsque j'ai besoin de vos services, les commandes de ma corporation passent en priorité et vous pratiquez un prix d'ami. Bien sûr, si vous avez besoin d'orfèvres de talent, d'alliages, de protection ou de métaux précieux, nous pourrons également nous entendre.
Et enfin j'ajouterai que je peux vous permettre de trouver plus de clients à Thaar. Les Princes Marchands du Conseil seront sans doute très intrigués par vos dons. Je m’alignerai sur leurs offres s'ils tentent de vous débaucher, mais j'aurai le droit de connaitre le nom du client et la nature de toutes les commandes passées par des habitants de Thaar, même s'ils ne passent pas par ma corporation. »

Tout en parlant, elle sortit de sa ceinture un petit rouleau de parchemin qui récapitulait les différents points qu'elle venait d'aborder afin de laisser le façonneur en prendre connaissance de façon plus sereine. Ce n'était pas un contrat en bonne et due forme, plus une liste d'arrangements. Pas d'en-tête, de rédaction formelle ou de petites lignes en bas de la page.

Une fois le papier remis à son destinataire, elle s'esquiva vers la table pour servir deux verres de ce que la petite bête avant apportée. Elle en tendit un vers son hôte.

« Alors ? Ça vous tente ? »

« En l'état ? Non. »

Oui bon, oh, on lui posait la question, et il y répondait de la manière la plus simple.

« Mais ça pourrait venir. Si je devais y ajouter mes propres conditions, non-négociable pour certaines… Hum... »

C'est dans ces moments là qu'il faut pas se planter et ne rien oublier, parce que comme le lui avait apprit son maître en même temps que l'Art d'imiter les Dieux, les puissants et les marchands plus encore que les escrocs – en supposant qu'ils n'appartenaient pas à ce groupe hein – affichés, se sont des gens qui ont la roublardise dans les veines, alors si tu leurs offres une occasion de te la faire à l'envers et… comment dire les choses sans être grossier… bon, restons sur le fait de la faire à l'envers, ça vaut mieux pour les plus jeunes, bah ils n'hésiteront pas un seul instant si ça leur profite ! Donc… Prendre le temps de bien tout poser avant de signer quoique ce soit, et plus encore dans ce monde qu'était l'Ithri'Vaan, il avait plus ou moins comprit qu'être pointilleux quitte à être pénible était une des voies les plus sûres pour garder son cul à l'abri des mauvaises gens et ne pas finir un collier autour du cou, ou tatoué comme un esclave, alors le temps, tu le prends, hein ! Et c'est ce qu'il fit.

« Alors d'abord, mes recherches n'appartiennent qu'à moi, qu'on se le dise. Vous pouvez les financer tant que ça vous chante, ça ne vous confère aucun droit de regard ou d'accès à mes écrits, de mon vivant comme après. »

Ouais, voila… La priorité, toujours, c'était de protéger ce qui lui était le plus précieux, probablement autant que sa vie, ses recherches et ses découvertes… Et ce même si ces dernières étaient cryptées – comme tout ce qui provient d'un mage digne de ce rang, et même de moins digne, d'après lui… Bref, de quiconque touche à la magie plus que pour faire de la magie-confettis – et donc incompréhensible, pour tout l'or du monde, il n'offrirait pas à des êtres qu'il juge indigne ou incapable d'en saisir l'essence et le sens, le moindre accès… D'une part se serait du gâchis, et de toute façon, ces crétins n'en trouveraient pas d'autres usages que de le vendre au plus offrant, alors pas touche.

« Ensuite… Si je dois vous faire un prix d'ami, il m’apparaît évident d'attendre la réciproque de votre part si je dois passer par vous ou l'un de vos artisans, en supposant que ces derniers soient à la hauteur des niveaux d'exigences que je demande à mes… collaborateurs. » Et là, volontairement ou non, pour donner ou non un effet, l'auditoire sera seul juge, il laissa un léger blanc après cette petite note de scepticisme non dissimulé, car après tout, le Façonneur s'était fait une réputation autour de son Art, évidemment, de sa personnalité extravagante et de ses lubies douteuses comme l'élevage de gobelins, mais aussi sur l'attention minutieuse qu'il portait à l'ensemble, de la partie qui le concerne, le bijou et la pierre, le sort imprégné, jusqu'à ce qu'il ne pouvait qu'exiger d'un autre, un coffret, un écrin ou plus vulgairement une arme. « Ce que je ne saurais affirmer dans son ensemble, pour le moment. » Conclut-il finalement, après ce petit silence.

Alors… Les ristournes, c'est fait, c'est quoi la suite déjà ? Hum… Ah oui, des machins sur les priorités qu'il était supposé appliquer aux commandes de la Maîtresse des Forges… Il faut être pénible, qu'il a dit, et pénible il serait, avec une remarque sur presque, voir tous les points en fait, et même un peu plus, mais ça, ça viendrait après.

« Alors après… Faire passer vos commandes en priorité, pas de soucis, mais à une condition. » Quelle surprise ! « Si je constate que vous en exigez trop, que cela empiète trop à mon goût sur mes travaux personnels ou même sur la possibilité de satisfaire d'autres clients, je veux avoir le droit de vous imposer une limite au temps que j'accorderais à ces projets prioritaires. »

Oui hein, parce que si c'était pour finir par produire en masse des babioles de moindres intérêts mais qui lui prendraient une plombe sans plus lui offrir le loisir d'accorder du temps à des choses plus intéressantes, elle pouvait aller voir ailleurs si un autre façonneur de son niveau était disponible et intéressé ! Lui, n'en était pas.
Le fait qu'il était autre chose qu'une poule aux gemmes enchantées, c'est fait, ensuite c'est… ah oui, Thaar.

« Concernant les Marchands et clients thaaris… Vous donnez une liste de mes clients, en soit, je m'en moque, pas de problème, par contre, en ce qui concerne la nature des commandes. Si ces derniers exigent ma discrétion ou si je considère justement que la commande en demande, je me garde le droit de ne rien vous dire. »

Bon, c'était sûr ce point qu'il voulait préciser une chose, ou tout au moins l'éclaircir pour être sûr qu'on parlait de la même chose, parce que bon… En soit, il n'avait pas foncièrement besoin d'elle, alors fallait pas qu'elle pense avoir trop d'ascendant sur lui, hein.

« Une petite précision, ou en tout cas, un besoin d'être bien clair sur une chose, pour qu'on ait la même vision du truc. C'est une association mutuellement profitable de nos deux affaires, une collaboration que vous voulez, j'espère ? Vous ne m'imaginez devenir l'un de vos artisans ou larbins ou n'importe quel autre type de gens à votre botte, n'est-ce pas ? »

Y avait une autre petite chose, mais il se la gardait en réserve, il fallait déjà qu'ils s'accordent même sur le principe, histoire qu'après une éventuelle longue négociation, ils ne prennent pas conscience qu'il ne parlait pas du tout de la même chose… Ce qui relèverait de la perte de temps.

Le moins qu'on pouvait dire c'est que le Façonneur avait son franc parlé... Et des manières bien à lui. Il avait beau être poli, quelque chose le rendait peu... sympathique ? Facile d'approche ? En gros : quelque chose ne tournait pas rond... Mais tant qu'il n'était ni pédant ni agressif, cela ne ferait que rendre les négociations moins dangereuses et moins longues.
Krish attendit patiemment jusqu'à ce que Ranaghar ait fini de pointé ce qui ne lui allait pas... Ou plutôt ce qu'il voulait ajouter à leur accord. Car pour la plupart, ses demandes étaient de l'ordre de l'évidence pour la forgeronne... qui n'avait sans doute jamais eu la fibre commerciale. A quoi bon mettre les mains dans la boue alors que vous pouvez acheter des gens bien plus compétents pour le faire à votre place ?

« Une petite précision, ou en tout cas, un besoin d'être bien clair sur une chose, pour qu'on ait la même vision du truc. C'est une association mutuellement profitable de nos deux affaires, une collaboration que vous voulez, j'espère ? Vous ne m'imaginez devenir l'un de vos artisans ou larbins ou n'importe quel autre type de gens à votre botte, n'est-ce pas ? »

« J'aurais dû ? » répondit-elle en portant son propre verre à son nez pour sentir son contenu. « Mais non. Je vous rassure tout de suite. C'est bien une collaboration que je suis venue cherchée. Pour ma corporation... Et peut-être pour moi, mais nous en parlerons plus tard. Je vous proposerai juste de profiter du système de protection de mes affiliés. Si quelqu'un tente de s'en prendre à vous, il s'en prend à moi. A part ça, vous êtes et resterez totalement indépendant. Je n'ai pas la prétention de me croire supérieur à l'un des plus grand artisans de ce millénaire. »

Elle était son égale à n'en pas douté, mais un peu de flatterie par omission, ne pouvait pas faire de mal. Et puis toute cette histoire de corporation était plutôt une façon de rétablir une entente cordiale – a défaut de professionnelle... Krish n'avait jamais vraiment saisit le concept – après l'affaire inutile et potentiellement sanglante qui avait précédée.

« Donc donc donc... Les recherches. C'est évident, je n'ai aucun droit de regard dessus. Pour le prix d'ami, sans aucun problème. Je me met même personnellement à votre disposition si vous avez besoin de pièces particulièrement travaillées. J'espère que ce niveau d'exigence sera suffisant pour vous. Et va pour la limite de commande. Je ne pense pas que mes finances, ou celles de mes clients, supportent de vous surcharger de travail. Par contre, concernant les Thaaris... J'accepterai volontiers que vous gardiez tout le mystère que vous voulez, si j'avais la certitude que ce ne sont pas des armes qui risquent d'être utiliser contre moi. J'aime bien ma tête à l'endroit qu'elle occupe actuellement... Et mon esprit en un seul morceau si c'est encore possible. Et je pense que nous avons tous les deux intérêt à ce que cela reste ainsi. »

Car là était le gros problème... Et l'un des enjeux intéressants.

« A la limite, si vous ne pensez pas pouvoir me fournir de renseignement sur certaines de vos œuvres ou commanditaires, prévenez-moi simplement que quelqu'un de Thaar vous a passé une commande dont vous ne pouvez me parler. Cela vous parait-il possible ? Oh ! Et tant que nous y sommes : aucun de mes larbins ne vous espionnera. Mon but est réellement une collaboration. »

Bénéficier de la même protection que ses affiliés hein ?

« Merci mais non merci, pour votre protection. »

S'y attendait-elle, à celle-ci ? Il n'en savait foutrement rien, mais ce n'était pas une réponse dénuée de bon sens, bien au contraire, c'était la meilleure des décisions à prendre. Non parce qu'elle était bien gentille, la Maîtresse des Forges, mais c'était une ambitieuse avec des ennemis, et il avait éprouvé l'aptitude de cette dernière à s'en faire avec la Matrone de la Deuxième Dothka, et de ces retombées là, il n'en voulait pas. Toute la protection dont il avait besoin reposait sur son Art et la neutralité – pour ne pas dire autre chose – vis à vis des conflits et des ambitions des puissants, qu'il demeure intéressant et disponible pour tous, sans distinction, dès lors que ces derniers s'accoutumaient de ces manières et acceptaient ses conditions parfois extravagantes à leurs yeux et le fait qu'il ne serait jamais exclusif… Paraître s'aligner, c'était justement risqué qu'on s'attaque à lui pour l'atteindre elle, considérer lui nuire en la privant du Maître Façonneur.

« Je me débrouille bien par moi-même depuis des siècles, et je crois que j'aurais bien plus d'ennuis avec votre protection. »

Bon, elle apprécierait peut-être pas, mais qu'importe, son bien-être avant tout hein, c'était la clé de sa survie dans cette foutue société de sauvage où trônait la brute. Au delà de ça, il ne réagit pas au compliment - supposé -, ce qui faisait sa grandeur n'était pas ses qualités d'artisans, même si c'était la partie visible et compréhensible pour tout un chacun, mais soit !

Elle reprit ses conditions et y offrit des réponses, acceptant ce qui relevait de l'évidence, mais comme dit précédemment, c'est dans l'évidence que naît la fourberie de l'escroc, alors mieux vaut insister dessus. Par contre, vint la partie sur le fait de préserver le secret des commandes que d'autres lui feraient, et ce qu'elle en vint à dire le surprit… Enfin, ça n'avait pas beaucoup de sens pour lui – et confirmait au passage le bien fait de son refus de protection – et il allait à ce sujet sans doute surprendre par la justesse de sa réponse.

« Je crois que vous ne saisissez pas bien la nature de mon Art, Maîtresse des Forges… Quand bien même on me commanderait des armes, je ne suis pas le forgeron qui leur conférera leurs formes et leurs tranchants et les rendra dangereuses pour votre tête, ni ne peut insuffler la volonté ou le talent à celui qui la maniera… Je ne serais jamais responsable de l'usage qu'on fait de mes pierres, comme le forgeron n'a pas à assumer le poids des morts que son travail provoque. Mais si vous voulez, si il me parvient une intention à votre encontre, je vous préviendrais, si vous restez discrète. »

Mais il doutait franchement qu'une telle chose arrive, on commandait pas pour une tâche aussi précise… Et surtout, on en avertissait pas le Façonneur, surtout lorsque ce dernier est réputé pour sa neutralité et que cela ne l'encouragerait donc pas à faire un petit peu plus pour aider à la concrétisation… Enfin, si ça pouvait la rassurer.

« Vous pouvez bien espionner, de toute manière, ils n'y comprendraient rien et vous n'auriez pas plus de détails ou de réponses de ma part, quand bien même j'aurais un de vos supposés rivaux ou ennemis comme clients. »

En gros, il se moquait des problèmes de la Maîtresse des Forges, et elle devait en prendre bien conscience. Elle trouverait un collaborateur pour certains travaux, assurément, mais elle ne pouvait espérer y voir un allié loyal et fidèle, toutes ces histoires ne le concernaient pas.

Bon bah pas de pacte d'entraide en cas de problème. Ce refus était assez étrange étant donné qu'il n'engageait à rien mais s'il y tenait...

« C'est pas moi qui vais me plaindre de ne pas avoir à vous protéger en cas de problème ou de vol. »

Bon visiblement, le Façonneur n'avait pas plus que ça envie de coopérer à perte. Très bien. Au lieu d'être classé dans la liste des partenaires mielleux qu'il fallait absolument garder à l’œil, il le serait dans la très courte liste des associés franc. Qui disait pas de d'arrangement sous le manteau disait pas de coup de poignard dans le dos.

« L'assurance d'un petit mot si vous pressentez que ma tête va rouler au sol me suffit amplement. Et je n'ai ni rivaux ni ennemis, seulement une clientèle très fortunée et des partenaires commerciaux doués. »

Certes, une certaine Mâtrone aurait put prétendre à plusieurs de ces catégories... Comme beaucoup d'autres partenaires de la Corporation d'ailleurs. Mais bon,

« Si on ne fait pas d'affaire avec les gens qui ne nous reviennent pas, autant mettre la clé sous la porte. »

Et ça, pour son confort, ses caprices et sa forge, c'était impensable. Et il avait beau s'en défendre, le mage se comportait en eldéen. Peut-être un peu égocentrique, porté sur l'argent plus que sur l'honneur et ayant perdu cette flamme patriotique que beaucoup avaient et qui faisait la grandeur de la race drow... mais au bout de quelques siècles, on en avait bien le droit.

« Bon, j'ose escompter que cet arrangement est clos. On s’occupera de signer tout ça, si vous le voulez. Vous pouvez écrire le contrat si vous le voulez aussi. Sinon... Enfin bref, Si nous en venions à quelque chose de plus excitant. »

ENFIN !

Wik et sa clientèle seraient content. Elle avait obtenu un petit arrangement correct. Maintenant, elle pouvait s'occuper d'elle et d'un chef d'oeuvre.

« Arrêtez moi si je me trompe, mais si vous reniez si fort le fait même d'être un eldéen, pour une raison qui m'échappe soit dit en passant, vous devez vous foutre totalement de l'avancée de l'armée ou de savoir qui est le troisième membre du Triumvirat. Mai j'y vois l'occasion de produire une œuvre d'une grande finesse. »

Une œuvre qui resterait dans l'Histoire et forgerait le futur d'une façon ou d'une autre. Mais d'abord, il fallait savoir si l'imagination de la forgeronne n'allait pas trop loin...

« Excusez mon ignorance en matière de magie. J'aimerai savoir s'il existe un moyen d'influencer l'esprit d'un homme assez pour lui donner a la longue un but qu'il suivra toujours quoi qu'il advienne. De faire en sorte qu'il ne connaisse plus ni douleur, ni peur ? Et sinon existe-t-il un moyen de fouiller l'esprit d'un homme pour en connaître la valeur ? »

« Pour renier, il faut avoir déclaré l'être un jour, non ? Vous autres, vous vous attachez à un lieu, à une caste, à un camp, un clan, à ses idées et ses alliances, vous prenez part à ses conflits et contribuez à sa prospérité ou souffrez de sa décadence. Aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais eu de telle préoccupation, je ne me suis jamais posé pareilles entraves. »

Pour celui qui considère la Magie pour sa globalité, contemplant le monde sous cet aspect où les races, les conflits et les barrières, les différents, toutes ces préoccupations mineures n'ont guère d'existence ou d'importance, d'influence. Un lieu n'est pas préférable à un autre, sauf si il présente des intérêts dans ses recherches… Un groupe plutôt qu'un autre, une culture plutôt qu'une autre… Sa quête, son appétit, son addiction d'un savoir qu'il savait le dépassant, qu'une vie entière, même éternelle ne suffirait à embrasser complètement, c'était la seule chose qui comptait… Un lieu, une patrie, une culture… S'y attacher, et le mot est bien choisi, c'était se mettre des freins.

« Comme je l'ai dit à la Matrone, je suis né Sombre, je suis né Eldéen, ce sont deux faits sur lesquels je n'avais aucune emprise, j'en mesure les avantages du fait qu'ils m'aient permis de trouver mon mentor et à mon Art de s'épanouir. Mais ce n'est pas une société dans laquelle je me retrouve. Vous pouvez le clamer, vous, bien faites de corps, l'esprit forgé pour ces lieux… Je suis aux yeux des vôtres un rejeton dont son Art est sa seule qualité, j'inspire à la plupart d'entre eux le mépris et le dégoût, redoublé par l'interdit que représente ma rareté alors que tout leurs êtres appellent à ma mise à mort. »

Elle qui ne comprenait pas son rejet de ce statut d'Eldéen, peut-être y trouverait-elle le sens, même si il n'avait que faire de son approbation, de savoir qu'il était comprit ou non. Il y a des siècles qu'il avait renoncé à cette simple idée. Elle pouvait ne pas approuver, prétendre qu'il se trompait, se serait un mensonge.

« Alors oui, je me moque des Eldéens, je me moque de leurs conflits… Je n'ai aucune animosité envers les elfes, sinon qu'ils m'aient interdit l'accès à leur savoir en matière de magie, à cause de mes origines, mais ils m'ont laissé quitter leurs bois en vie. »

Et c'était pas faute d'avoir essayé, même si il s'estimait chanceux et reconnaissant pour ne pas avoir été exécuté, même si il avait perdu un assistant dans l'affaire. Mais même si il n'en mesurait pas une éventuelle conséquence, c'était admettre avoir tenté le coup… Était-elle susceptible de mal réagir, avec son patriotisme latent ?

« Pour ce qui est de votre demande… L'esprit est un domaine très sensible, mais la manipulation est possible, en fonction de la personne visée. Les Prêtres d'Uriz parviennent fort bien à stimuler l'esprit des combattants, c'est que le Magie le permet. » Oui oui, là, il considérait totalement et sans trembler pouvoir imiter au moins partiellement l’œuvre d'une magie considérée divine. Il en était là, au point de considérer que tout ce qui était issue de la Magie était reproduisible, sans forcément passer par les Dieux. « Toutefois, ce sont des situations qui exigent une certaine souplesse, une part d'improvisation. Générer une boule de feu, un bouclier, appliquer une guérison à un type de blessure en particulier, ce sont des situations ou des exigences précises, elles ne demandent pas d'adaptation et s'appliqueront à l'identique à chaque fois. » Et c'était justement cette régularité dans ce qu'on demandait et dans la forme que prendrait la magie qui avait son importance. « Mon Art ne me permettra pas de vous offrir la maîtrise d'un domaine magique, ses subtilités… Pas davantage la réactivité ou l'adaptation d'un mage en fonction de l'évolution d'une situation, ou d'une personne, en l’occurrence. Il vous offrira une possibilité, vous garantira sa fiabilité à moindre effort. » C'était là que se trouvait l'une des limites de son Art, mais une faiblesse tout à fait acceptable devant la somme des avantages. « Alors je peux créer une gemme qui influera sur la douleur ou la peur, stimulera des hommes, il n'est pas garanti qu'elle fonctionne sur tous, mais au moins sur la plupart… Pour le reste, il vous coûtera bien moins cher et avec plus d'assurance d'employer les talents d'un mage. »

Bon, elle risquait d'être déçue, mais c'est les risques de ce genre de demande, on touche à un domaine où la réalité ne peut pas satisfaire tous les fantasmes, du moins, sauf à y consacrer une éternité pour des sommes mirobolantes que personne n'a envie de dépenser.

Sujet: Re: Artisan ou Artiste? [Ranaghar] Sam 10 Oct 2015 - 22:36

Des entraves. Voila une façon bien étrange de voir ses origines, surtout venant de la part de quelqu'un qui avait l'expérience et la reconnaissance. Ou serait-il à présent si le Puy ne cherchait pas tous les talents, si leur éducation n'avait pas fait de son don l'une des œuvres les plus fines et les plus recherchées à force de le polir et de le passer au feu pour lui faire perdre sa grossièreté naturelle et révéler tout son potentiel ?

L'idée de rejeter de façon aussi absolu son héritage, de se moquer ouvertement de sa propre nature Eldéenne était aberrant c'était... Puis Krish se rappela qu'elle s'en fichait. Du moins elle se fichait des apparences. Elle n'était pas rentré plus de quelques jours ces dernières années et certaines de ses propres décisions devaient frôler la trahison pour bien des têtes d'affiche de sa cité natale. Peu importait. Elle savait ce qu'elle valait et ce qu'elle voulait. Ils en parleraient tant qu'ils voudraient après sa mort.

-Vous pouvez le clamer, vous, bien faites de corps, l'esprit forgé pour ces lieux…

Le sourire de Krish se fit plus pincé. Il avait peut-être raison. Elle même l'aurait sans doute trouvé indigne de leur race quelques centaines d'année plus tôt... Et elle se serait trouvé bien sotte. Maintenant elle comprenait l'important, même si cela lui avait demandé des siècles. Elle faisait la différence au sein du Peuple. Elle avait jadis enviés tous ces hommes et ces femmes qui trouvaient une place en équilibre instable sur l'échiquier Eldéen. Cette masse des drows assez fort pour survivre mais surtout assez indécis pour se laisser dicter leur vie par une société qu'ils n'avaient pas choisis.
Maintenant, elle les regardaient de haut, tournant plutôt son regard vers une espèce bien plus rare de gens réellement intéressants: ce qui avaient la volonté de suivre leur propre voie sans perdre de vue leur but, tout en ayant l'intelligence nécessaire à la réalisation de leurs projets. Elle avait retrouver un semblant de but, et il se trouvait qu'il demandait une dose infime de patriotisme. Mais cela ne changeait rien à la valeur de celui qu'elle avait en face d'elle. En quelques explications, il venait de gagné définitivement le respect de la Forgeronne, non plus seulement pour son art, mais aussi pour son caractère.

Mais lorsqu'il en vient à parler de son sentiment à l'égare des elfes sur le même ton que le reste, comme s'il tentait de la tester, elle ne put retenir un éclat de rire véritablement joyeux.

-Vous avez eu de la chance ! Quand j'ai essayé d'avoir une entrevue avec leur plus grand maître forgeron, on a failli me percer le coeur sans somation ! Les nains, eux, ont au moins eu la délicatesse de me laisser examiner leurs armes de près.

Elle n'était visiblement pas la seule à penser qu'aussi vaniteux soient les drows, ils ne possédaient pas tout le savoir du monde... Mais assez de sensiblerie et de vieux souvenirs, elle viendrait sans aucun doute l'embêter de nouveau pour ce genre de chose. Pour l'instant, ils avaient également à parler affaire.

Des dires du mage, le fou projet qui était né dans l'esprit de la forgeronne ne pourrait pas aboutir exactement comme elle le pensait. Soit. La légende devrait être façonnée avec plus de minutie.

-Si les sorts d'un mage lambda pouvaient survivre plus de quelques minutes, j'irais sûrement le voir. Mais ce n'est pas le cas. Je croit comprendre les restrictions de votre Art, mais je suis prête à courir le risque, à tolérer un certain taux d'échec... et à contribuer à toutes les recherches nécessaires pour l'aboutissement de tels travaux. Ce que je veux, c'est un joyaux qui mette son porteur à l'abri de toute douleur, qu'elles soient d'origine magique ou physique. Et deux autres qui servent de barrière mentale contre les sorts joyeux comme ceux qui permettent de lire dans les pensés, d'influencer les sentiments ou d'altérer les souvenirs. Si cela ne peut être infaillible, au moins en donner une bonne illusion. En sauriez-vous capable ?

Sujet: Re: Artisan ou Artiste? [Ranaghar] Mar 10 Nov 2015 - 10:32

« C'est réalisable, mais vous devez être consciente que ce que vous demandez est une épée à double tranchant… Ignorer la douleur n'en épargne pas la présence, ni les effets, les contraintes et les ravages d'une blessure ou d'un saignement prolongé. Si vous n'êtes pas attentive, ou trop téméraire, trop certaine de votre invulnérabilité, cela vous coûtera la vie. »

Il allait le faire, après tout, le client était roi, enfin, en partie, tout au moins souverain dans ses décisions, lui rendait les choses possibles, il ne prenait aucune responsabilité vis à vis de l'utilisation de ses joyaux. Mais il avait une conscience professionnelle, il l'avait toujours eu… Les êtres communs ont des rêves et des visions, et si il est, dans une certaine mesure, capable d'y donner forme, c'était avec des restrictions… Et puis, ça n'était que transmettre ce qu'un prêtre lui avait bien plus tôt enseigné sur ces pans de magie, rien qui ne soit un secret de polichinelle.

« Quant aux deux autres, évidemment… Mais comme je vous l'ai dit, ça n'aura pas la souplesse ni la réactivité d'un mage. Un des principes élémentaires d'une défense magique est qu'elle repose pour beaucoup sur la réponse, adaptée en fonction de la nature de l'agression, ce que n'aura pas la gemme… Donc je peux vous conférer l'illusion de la protection et une dissipation pour les effets les plus… simples. »

Mais il était perfectionniste, et aussi suffisamment lucide pour suggérer de quoi gonfler la facture finale… C'était aussi du souci du détail, cette petite voix intérieure qui lui suggérait des subtilités pouvant ennuyer le mage standard dans sa quête d'on ne saurait trop dire quoi.

« Pour les autres… Je peux vous en avertir… Un effet quelconque, peut-être davantage un sifflement, qui réagirait à l'intrusion, pour vous prévenir… Ça ne le neutralisera pas, mais ça pourrait d'une part le distraire et d'autre part, vous donner le délai ou l'attention pour le dénicher et lui en coller une. »

Ça n'était pas garantie, mais comme il l'avait dit, tout ce qui à trait à la défense repose sur l'adaptation et la réactivité… D'ordinaire, on ne pourrait pas espérer repérer l'intrus, et donc, peu de chance d'agir, mais avec ce petit coup de pouce, elle aurait davantage de chance.

Dans tout les cas, il avait tout noté, ça allait lui demander du boulot, mais l'idée d'ennuyer d'autres mages le stimulaient parfois davantage, et c'était le cas cette fois… Rien de mieux que de mettre des bâtons dans les mages roublards de l'esprit pour l'amuser intérieurement. Restait l'autre facette de son métier, parce que non, il n'était pas perfectionniste que dans son art magique… Mais bon, il allait pas se plaindre d'une personne accordant davantage d'attention à cette dimension qu'à l'autre.

« Bon, pour ce qui est des imprégnations, la question semble réglée… Mais avez-vous une préférence pour la présentation ? Une arme ? Un bout d'armure ? Un bijou ? Autre chose ? » Mais rien que dans l'intonation, il essayait d'influencer, et quand bien même il avait face à lui une forgeronne, il laissait entendre son dégoût vis à vis de tels supports.

[Désolé de la qualité de cette réponse, faut que le coup revienne x)]

Sujet: Re: Artisan ou Artiste? [Ranaghar] Mar 24 Nov 2015 - 17:57

-C'est en effet fait pour ! La question n'est pas de savoir si une personne ne ressentant aucune douleur finira pas se tuer par inconscience, mais quand. Et c'est bien ce que je cherche.

La magie était complexe et sa théorie infinie. Mais si Krish n'était absolument pas au fait de ce qu'il était possible ou non de réaliser en allant au plus haut degré d'expertise, elle arrivait à jouer au mieux avec les cartes qu'elle tirait. Aussi, faire d'un inconvénient apparent un réel avantage était aussi important que de savoir jouer sur plusieurs tableaux en même temps.

La suggestion du mage concernant l'alarme entrait parfaitement dans cette catégorie et l'enchanta... sans mauvais jeux de mots.

- Vous êtes un maître en la matière, Maître, sourit-elle. Si vous avez d'autres idées de ce genre pour déstabiliser ou coincer un mage adverse, n'hésitez pas, nous nous arrangerons toujours pour le paiement.

Au vu de ce qu'elle avait déjà entendu de sa bouche, cela devait répondre à sa plus grande inquiétude. Sur le point de l'argent, elle était prête à y mettre du sien au vu de ce que cela pourrait donné si de telles œuvre étaient bien réalisées.

Il ne restait plus que le problème de la forme...

- Hmmm... Celle contre la douleur sera probablement sur une arme. Les deux autres probablement sur des bijoux... Mais surtout j'aurai besoin que l'une d'elles soit la plus petite et la plus discrète possible. A part ça, si vous avez des préférences ou des envies d'expérimentation, n'hésitez pas. Je ne suis pas pressée.

Elle était bien placée pour savoir qu'on ne pouvait obtenir une œuvre aboutit sans y investir le temps et l'attention suffisante. Un artisan inspiré faisait toujours mieux que celui a qui on donnait une liste de course dont il ne pouvait déroger.

Sujet: Re: Artisan ou Artiste? [Ranaghar] Sam 28 Nov 2015 - 12:45

C'était quoi ce raisonnement ? Elle voulait en faire quoi de ces gemmes, par tous les dieux ? Non parce que là, du peu qu'il comprenait hein, donc une erreur dans la traduction était aussi possible que probable, il l'imaginait la coller à un type sans qu'il en soit conscient, l'activer et voir combien de temps le pauvre bougre mettrait à se tuer… C'était un véritable gâchis de temps, de ressources et d'or… C'était idiot, peut-être trop, il devait sous-estimer ses capacités cognitives, c'était forcément le cas. Mais il devait tout de même envisager qu'elle soit aussi folle, et donc la prévenir des conditions d'utilisation.

« Bon euh… J'ai pas trop d'idée de ce que vous allez faire de cette gemme, mais par précaution… Mes imprégnations ont une durée de vie, aucun sort n'est éternel, elles finiront par perdre en efficacité jusqu'à se dissiper simplement… Alors, même si elle va durer, pas de souci à ce niveau là, un usage permanent accélérera sa dégradation. Voilà, vous êtes prévenue, vous en faites ce que vous voulez. »

Conscience professionnelle, sans doute, non parce qu'après, faut gérer les réclamations, y a litige et tout un merdier s'enclenche, des rires et des pleurs et surtout beaucoup de grogne contre des brutes qui se plaisent dans la violence, c'est vraiment pas joyeux.

« Non, ça devrait suffire, la simplicité, dans cet Art, est une recherche permanente, à trop complexifier on entrouvre une porte à l'instabilité. Cela suffira, à vous avertir autant qu'à possiblement le divertir, vous n'avez pas besoin de plus. »

La qualité en pâtirait, quand bien même il aurait pu gonfler la note, ça lui aurait été préjudiciable… Sa réputation s'était faite sur la qualité exemplaire de ce qu'il produisait, sur la fiabilité de ses œuvres, qui justifiait des tarifs déjà élevés. Il ne fallait pas être trop gourmand, il n'en avait pas besoin, et elle non plus.

Bref, restait la mise en forme, une de ses méthodes autant qu'une attention, justifiant tant sa réputation que ses tarifs, car oui, il ne balançait jamais une gemme sur ses clients en leur disant « voila pour vous, mon argent et tirez-vous ! », non non non, et cent fois non, une présentation soignée, du plus bel effet, et le tour était joué… Bien sûr, ça demandait du temps, des moyens supplémentaires, mais il y trouvait une curieuse satisfaction, c'était des futilités, mais il s'y était attaché.
Bref… Une sur une arme, deux bijoux dont un discret… Il nota, réfléchissant à ne pas oublier de détails, tout en jetant un œil à la forgeronne – cette dernière pouvait l'imaginer lubrique, mais en cet instant du moins, ça n'était pas cette idée qui lui traversait l'esprit, mais la forme et le type de bijou qui conviendrait-, même si il pouvait aisément la contacter durant la conception, ça n'était pas un problème, mais autant avoir une vision d'ensemble dès le départ.

« Hum… D'accord. Pour l'arme, je vous enverrais les dimensions qu'il faudra prévoir pour la gemme, j'imagine que je peux vous laisser sa conception, ainsi, vous aurez l'arme qui vous convient le mieux. Pour les autres, je m'en occupe, toutefois, quel devra être l'imprégnation à la gemme la plus discrète ? »

La discrétion, se dit-il, ne passait pas uniquement par la taille, d'ailleurs, on pouvait tout autant dissimuler une pierre parmi d'autre, sa particularité n'étant pas à la portée des sens communs. Il réfléchirait en ce sens, se pouvait être… intéressant à concevoir.

Sujet: Re: Artisan ou Artiste? [Ranaghar] Dim 29 Nov 2015 - 19:53

Soit il la prenait pour une imbécile, soit il était vraiment très très professionnel. Bon... de toute façon c'était pas bien dramatique. Et c'était bien mieux de ne pas débattre encore une fois sur le sujet.
Un regard chargé de la même minutie que ses mots se posa sur elle, de ses oreilles dentelées et alourdies de chaînettes à la point de ses pieds... En passant par à peu près tout ce qu'il pouvait bien y avoir entre les deux. C'était très loin d'être désagréable mais l'esprit de la forgeronne fut bientôt accaparé par la dernière question. Quelle imprégnation ?

Elle l'avait déjà précisé. Une défense mentale. Mais peut-être voulait-il dire autre chose ?

-La dissimulation et la protection psychique toujours, mais de façon à ne pas me faire prendre la main dans le sac si j'ose dire. Quelque chose qui passe relativement inaperçu. Que dire de plus ?

S'il voulait plus, il allait devoir l'aiguiller, parce que précisément, les possibilités de la magie restaient très... flou. Avoir autant de pouvoir au bout des doigts s'en vraiment s'en servir pour soit même était un petit exploit en soit. Entre ça et sa réputation, Krish avait presque tendance à lui faire plus confiance qu'à ses propres idées concernant le travail qu'elle lui demandait.

Sujet: Re: Artisan ou Artiste? [Ranaghar] Lun 30 Nov 2015 - 8:44

« Oh, rien de plus n'est utile, vous ne l'aviez pas indiqué et au moins sur ces choses, je m'applique au fameux " le client est roi ". » Car il n'y avait pas risque que son ignorance ne pèse sur son Art lorsqu'il s'agissait de considération esthétique. Et au moins, il ne risquait pas le désaccord sur la forme. « De toutes manières, exception faite de l'arme, car le support rend la chose plus difficile, mes ouvrages sont tous destinés à se confondre, à ne pas paraître pour ce qu'ils sont réellement. » Pour illustrer, il releva sa manche, dévoilant un esthétique bracelet d'argent serti d'une unique pierre, ne se différenciant d'un autre que par la touche apporté au travail de l'argent, se mêlant à quelques breloques et pierres grossissant un poignet qui autrement serait d'une maigreur affligeante pour un drow, qu'il dissimula l'instant suivant. « Si je ne vous suggérais pas que la pierre qui l'orne est imprégnée, l'auriez-vous pensé ? »

Mais donc, la protection sur un bijou qui se devra d'être discret… C'était entendu, il allait y réfléchir. La discrétion avait bien des formes, et pouvait parfois s'appuyer sur l'évidence autant que sur l'aspect peu répandu de son Art, car la gemme, sans nuance, agit sur la magie comme le mage, et que celui-ci, sauf devant un Façonneur admit et connu, ne peut concevoir comme évident la présence d'un de ses ouvrages. Mais elle lui donnait la liberté de s'exprimer, cette idée lui plaisait, elle ne serait pas déçue.

« Eh bien, ma foi, je crois que j'ai tout ce qu'il me faut pour commencer… Sauf si vous avez d'autres choses à ajouter, des questions… Je crois que je n'ai pas besoin de monopoliser davantage de votre temps. »

Lui rendant le regard mal interprété qu'il avait posé sur elle un peu plus tôt elle se fendit d'un magnifique sourire.

« Et bien j'ai hâte de voir vos créations ! Inutile de me dire combien de temps cela vous prendra, ça me donnera l'occasion de repasser. »

Au vu de la demande d'entrevue qu'elle avait reçu la veille, ces créations seraient bien venues... et même assez salutaire. Une bonne occasion de surprendre ce jeune mage qui se croyait si supérieur. Elle n'avait aucun doute sur sa réponse lorsqu'elle lui proposerait son marché... Et aucun doute sur le fait qu'il la ferait surveillé par un de ses sous-fifres. Sous-fifre qui risquait sa tête si jamais il se laissait allé à fureté dans la tête de son employeuse du moment.

Elle voyait déjà les compensations qu'elle pourrait exiger pour un tel affront... Même si dans le fond elle s'en moquait éperdument – pour ce qu'elle avait à cacher d'impardonnable pour l'instant... Mais une règle restait vrai en affaire : ne jamais montrer à quel point une marchandise vous tien à cœur. De ce qu'elle savait, l'homme qui lui offrirait sa porte de sortie sur un plateau d'argent était encore plus mercantile que Wik ! Autan limiter la casse sur l'addition.

Devant l'artisan, elle esquissa une révérence avant de s'éloigner.

« Je vous souhaite une bonne journée! Et si vous passez à Thar, n'hésitez pas à frapper à ma porte. Il y aura toujours un lit pour vous accueillir. »

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