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 Jalaad Sil'Avryn [Terminée]

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Jalaad Sil'Avryn
Elfe
Jalaad Sil'Avryn


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Date d'inscription : 28/08/2015

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Niveau Magique : Arcaniste.
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MessageSujet: Jalaad Sil'Avryn [Terminée]   Jalaad Sil'Avryn [Terminée] I_icon_minitimeMar 1 Sep 2015 - 21:28


Nom/Prénom : Jalaad Sil'Avryn
Âge/Date de naissance : 467 ans (an 539)
Sexe : Féminin
Race : Elfe
Faction : Noss
Particularité : //

Alignement : Loyale neutre
Métier : Druidesse
Classe d’arme : Magie

Équipement :
Son manteau orné des plumes et des os de son totem est incontestablement son bien le plus précieux. Comme tous les autres druides, elle possède peu, du moins rien qu'elle ne puisse emmener avec elle dans ses errances interminables : le nécessaire à la survie (outre, coutelas, couvertures et bandages) et à son art. Faucille, fagots d'herbes médicinales et autres menues choses de ce genre garnissent les poches innombrables de ses fontes et de son manteau.

Description physique :
Une ombre. Au commencement, c’est toujours cela. Dans la lumière morcelée des forêts profondes, elle se dessine invariablement à demi, toujours voilée, toujours occultée, jamais pleinement aperçue, fut-ce dans la flamboyance vive d’un soleil écrasant. Furtive, obscure, elle se glisse dans le silence des futaies, revêtue de ses atours poussiéreux qui reproduisent dans leurs circonvolutions les camaïeux verdoyants des bois. Ocre, brun, et toute la palette des mousses, des feuillages, de l’émeraude indistincte, du noir en touches savantes, et voici qu’elle s’avance comme une antique dryade couronnée de ses tresses sombres. Un manteau lui couvre les épaules, lui fait une mante d’ombres luisantes qui ont la noirceur incertaine du plumage de corbeaux et des geais.

Vois la lumière, quand elle se meut. Un éclat révèle un visage sec, osseux, prolongé d’un nez aquilin légèrement recourbé comme le bec d’un oiseau de proie. C’est une face claire, altière, pâle comme un masque d’albâtre au milieu du flot de la chevelure, rehaussé de ces marques bleues et noires qui n’ont de sens que pour elle. Et puis elle se déploie, une haute taille, fine et puissante. Jalaad fait parfois penser à ces hêtres contournés, ridés par la bise et qui sont plus tenaces encore que les grands chênes au tronc solide. Elle n’est pas de ce bois vert dont on fait les jouvencelles, elle est faite de l’aubier dur de ceux qui n’ont connu que froidure et frimas, tannée, desséchée, martelée. Coriace est un mot qui la définit bien, comme un vieux cuir, comme une corde rêche qui se tend, qui ploie, qui plie et ne rompt jamais. C’est là son avantage, en vérité, puisqu’elle n’a pas celui de la force brute comme nombre de guerriers, mais elle est rapide et plus encore, endurante et tenace.

Elle est belle, oui, sans doute, comme le sont les elfes de son peuple : mais ici l’agrément de l’apparence se mêle à une inquiétante étrangeté qui dépouille de sa clémence et de sa grâce la sécheresse énergique de son visage et de son corps mince. Elle semble de ceux qui sont capables d’inspirer le respect, mais pas la sympathie. Il n’y a pas de chaleur, même dans sa bonté, pas d’attrait ni de séduction dans son altérité silencieuse. C’est la distinction impériale des déesses de pierre, celle qu’on adore et qu’on révère, celle qui fascine et qui effraie tout à la fois. Sans doute faut-il du cœur, pour oser se frotter au feu obscur qui se consume dans ses prunelles d’un vert sombre et profond. C’est une incandescence qui brûle sans cesse et trahit, au travers des masques d’une trompeuse tranquillité, l’éclat d’un caractère flamboyant. Ils ont quelque chose d’infiniment expressif, comme ils sont souvent chez les gens d’un naturel silencieux, et apportent toute l’ardeur qui manque un peu à son immobilité sereine. Là où tout semble pétrifié, là où tout paraît endormi, le regard brûle et dément : tout n’est qu’incendie, tout n’est que feux et flammes au-dedans, et parfois on la voit se défaire de ce carcan qui la fige. En d'autres temps elle s’élance, délaisse sa langueur froide de figure de marbre, et s’anime soudain d’une énergie formidable quand elle laisse enfin tout se rompre et s’épancher librement.

Description mentale :
L’habit fait la nonne, pourrait-on dire, mais il y a bien des tromperies, bien des faux-semblants qui s’embusquent. Comme l’oiseau dont elle porte le nom, Jalaad est silencieuse, voire même un peu sinistre. Parfois ses lèvres s’entrouvrent dans un rire, mais bien souvent elle veille sans bruit comme le font les corbeaux dans les rochers. Et en vérité, Jalaad est un, de roc. Elle en a la dureté, l’âpreté glacée, et on la jurerait faite de la même roche noire et tranchante qui forment les pics acérés des plus hautes montagnes.

Jalaad est une incurable solitaire, et le silence l’a prise au berceau. Rien ne lui plaît plus que de courir la forêt tout le jour, et de se taire pour tout écouter vivre autour d’elle. Elle n’est pas si triste, si figée et si morte qu’on pourrait le croire : regardez ses yeux, toujours, voyez-y brûler l’âme sourde et sauvage et le cœur obscur qui lui bat entre les côtes... Et pourtant elle aime, un peu, à sa manière, tout ce qui évolue et croît en ce monde, tout ce qui pousse et tout ce qui vit sous les frondaisons. Ces forêts, ces halliers ombreux et ces vallées embrumées chantent à son esprit des merveilles indicibles, et rien ne pourrait la détourner de cela. C’est un être sauvage, qui en a les brusqueries, les feux et la ferveur. Point de mesure, ou peu s’en faut, le caractère rétif et enflammé de la druidesse a eu tout loisir de s’épanouir à l’ombre de sa solitude d’ermite. Elle a néanmoins la sagesse et la lucidité de savoir où s’en tenir, ne pas franchir la limite, et toujours garder en mains les rênes de ses colères et de ses passions brutales.

Pour autant, ce n’est guère quelqu’un de démonstratif ; il y a chez elle une pudeur rude et digne propre à sa lignée, et plus encore à son isolement qui lui a longtemps fait perdre le contact avec ses semblables et les fonctionnements subtils d’une société civilisée. Elle n’aime pas le voisinage des autres, ou bien seulement de ceux qui la comprennent et qui lui ressemblent, des âmes comme elle toutes baignées des ombres de la forêt, un pied en ce monde et un pied dans celui de la nature.  Beaucoup disent que personne ne parviendra à le lui faire chavirer, ce cœur qui semble façonné de pierre. En vérité, elle ne se laisse guère approcher de trop près : il faut du temps pour gagner son respect et plus encore pour avoir son affection, au point que personne en dehors de quelques-uns de ses proches n’a jamais réussi.

Au quotidien, Jalaad est intraitable, souvent sèche, mais jamais par cruauté. Ce qui doit être dit sera dit, ce qui doit être fait sera fait. Ni plus, ni moins. Elle n’a pas le goût de faire souffrir et lorsqu’elle y est obligée, ça n’est pas par gaieté, car elle n’a pas le plaisir de nuire, ni d’attrait pour les maux sans raison. Elle n’est pas mauvaise femme, elle est simplement faite ainsi : brutale, parfois, elle n’a que la cruauté innocente des bêtes sauvages.

Il y en a bien peu ici bas qui peuvent la comprendre. Cette âme nourrie de frimas, de silences et de solitude s’est un peu détachée du reste, comme si elle regardait le reste du monde s’agiter, sur une autre rive. C’est un esprit simple comme une lame, aussi froid, aussi tranchant. Elle est fière pourtant, et humble tout à la fois. Elle sait son rang, elle sait ses mérites, tout comme elle sait ses faiblesses et ses torts et ne s’en cache point. Mais que l’insulte lui est insupportable ! Après une vie passée à devoir endurer le poids de sa différence, elle est la seule à s’autoriser la critique et l’injure. Que nul autre s’y risque, car la blessure, comme chez les bêtes sauvages, déchaîne la colère, immédiate et implacable.

Capacités magiques :
Aussi loin qu’elle se souvienne, Jalaad a toujours prêté l’oreille à la Symphonie. Elle était ténue, à l’origine : rien qu’un son de voix lointaines qui résonnaient parfois, çà et là, dans son sommeil ou en éveil, comme une mélodie étouffée qui se faisait entendre à certains moments. Il lui avait toujours semblé que c’était près des cours d’eau, des lacs et des fontaines qu’elle percevait le mieux tout cela, et enfant, elle passa des heures à méditer près de ces lieux changeants, espérant saisir plus qu’une mélopée fugace dans les reflets des flots courants. C’est sans doute ces prédispositions particulières qui ont poussé Anoleth sur les pas de la petite fille ; nul ne sut jamais vraiment ce qui avait mis l’une sur la route de l’autre, mais ce fut ainsi. C’est lui qui lui a tout appris, l’alpha et l’oméga de son univers pendant près de deux cents ans d’un apprentissage rigoureux et sévère. Jalaad se montra en vérité largement à la hauteur des exigences de druide et son avidité de connaissances parut presque inquiétante à son maître qui se montra prudent dans son enseignement. Il ne lui dévoila que peu à peu les secrets les plus enfouis, et les pratiques les plus puissantes qu’il connaissait : sans doute craignait-il le caractère emporté et hâtif de la jeune fille, en même temps qu’une certaine propension à faire montre d’un pragmatisme glacial en certaines circonstances.

La magie elle-même n’était pas innée chez Jalaad, bien au contraire. Néanmoins, cette prédisposition qu’elle avait, peut-être favorisée par une proximité perpétuelle avec l’eau, semblait avoir formé une matrice prometteuse pour l’éclosion de ces talents. Ce fut l’une des parties les plus ardues d’un enseignement dont la rigueur et l’exigence étaient à la hauteur de la rudesse de caractère de l’élève et il y eut des journées innombrables passées avant de parvenir ne serait-ce qu’à esquisser le premier mouvement d’un sortilège. Il la fit méditer, des heures et des heures durant, à proximité des cours d’eau, dans les aubes frissonnantes, afin qu’elle apprenne d’abord à se mêler à son élément et à percevoir toutes les inflexions. Près des rivages de la mer, au bord des étangs, les pieds dans l’eau ou bien presque totalement immergée, Jalaad se laissa envahir, lentement. Après tout, pour apprendre à maîtriser cela, il fallait bien d’abord en faire pleinement partie et en savoir la substance et les propriétés, savoir quelle énergie et quel chant subtil parcouraient ces courants fugaces.

Au travers de ces eaux qu’elle aimait tant, Jalaad se sentit pourtant capable de percevoir plus fortement encore le chant de la Symphonie. Comme un son qui se propage plus aisément dans les profondeurs marines, le chant des arbres lui semblait plus fort, plus vif, plus concentré, si bien qu’à force d’exercice, elle parvint à aiguiser ses sens d’une manière plus intense encore lorsqu’elle se trouvait immergée. L’eau devint un médium idéal pour augmenter sa réceptivité à la Symphonie, pour tout écouter autour d’elle, comme si elle touchait du doigt la matrice du monde pour prêter l’oreille à sa voix la plus intime. L’eau des plantes, de la terre, des sources souterraines, l’eau des cieux, la pluie et la brume, tout ensemble mêlés, son contact plus ou moins fort suffit bientôt à lui donner une perception si grande qu’Anoleth craignit bien vite qu’elle n’eut la tentation de s’y perdre. Tout vient d’elle, tout retourne à elle : Jalaad avait toujours eu cette intime conviction, et dans l’allure trompeuse, changeante, aussi merveilleuse que mortelle des courants de l’eau, elle avait toujours cru discerner ce qui était l’absolu, à la racine de l’univers. Quoi de plus universel et de plus présent ? Elle amenait la vie et la mort, la guérison et la destruction, essentielle à toute existence comme capable de tout détruire. Elle était le commencement et la fin, elle était partout, et ainsi que la magie, c’était le fluide le plus essentiel qui baignait l’univers, avec ses parts sombres et lumineuses, ses dangers et ses attraits. C’est pour cet aspect équivoque que cet élément plaisait tant à Jalaad qui croyait y déceler une infinité de possibilités.

Sans doute était-ce pour cela qu’elle avait toujours rendu un culte tout particulier à Mëlien : au contraire de ceux qui ne semblaient solliciter que ses aspects de guérisseuse, Jalaad embrassait au contraire toutes ses facettes, car elle semblait refléter l’essence de la nature et du monde. Tour à tour sauvage, mortelle et imprévisible, tour à tour bienveillante ou cruelle. Peut-être y vit-elle aussi comme un écho magnifié d’elle-même, une proximité intime, comme si c’était l’Ëala elle-même qui avait présidé à sa conception et à sa naissance. Anoleth partageait ses vues, et c’est lui qui enseigna cette croyance, laquelle fut très vite assimilée par son élève qui y vit comme une vérité cachée, quelque chose qu’elle avait toujours su au fond d’elle sans en avoir conscience jusque-là. Il avait simplement formulé cela de façon plus tangible, posé des mots concrets sur des impressions, des certitudes diffuses qui s’ignoraient à demi.

Avant toute chose, Anoleth enseigna comment percevoir la Symphonie, et tous les savoirs des druides. Ensuite, il lui apprit les sorts qu’il connaissait : lui-même usait d’une palette très étendue, mais Jalaad ne réussit jamais qu’à en maîtriser une infime partie. Ses sortilèges favoris consistaient en une grêle de traits aquatiques capables de cingler si fort un animal — ou un homme — pour l’assommer ou l’entraver. Elle puisait pour cela dans toutes les eaux qu’elle pouvait trouver : une flaque, une rivière, une mare, ou même, lorsqu’elle était suffisamment concentrée, la pluie qui pouvait tomber. L’hiver et les frimas du nord lui donnaient de nouvelles armes : elle maniait ainsi la neige et la glace, et par les mouvements de ses mains, en faisait des traits et des projectiles encore plus performants. Anoleth la dissuada toujours d’utiliser la magie pour tuer : il lui apprit avant toute chose à entraver, immobiliser, ou mettre hors d’état de nuire. Pour cela, outre ses traits d’eau et de glace, Jalaad apprit à manipuler les brouillards qui planaient souvent dans les sous-bois. Ainsi, à force de patience et d’attention, elle put à loisir, au bout d’un certain temps, les épaissir et en faire de véritables barrières qui la dissimulaient à la vue. Naturellement, elle ne put apprendre elle-même à voir clair dans ces murs vaporeux qu’elle créait, et pouvait s’y retrouver elle-même prise au piège. Néanmoins, cela fit partie des sorts qu’elle sut maîtriser le mieux et qu’elle usa à de nombreuses reprises. En cachette d’Anoleth, sur la fin de son apprentissage, elle s’ingénia même à tenter de manipuler ces brumes au point de pouvoir gêner la respiration des êtres vivants. Cela ne fut que guère concluant, mais prometteur.

De manière générale, même si de nombreux sorts restent hors de ses capacités, Jalaad demeure une bonne magicienne : elle a la concentration et le sérieux nécessaire pour manipuler son élément favori, ainsi qu’une assez bonne résistance physique pour en supporter les effets. Anoleth n’a pas manqué d’endurcir son élève pour qu’elle parvienne à encaisser sans trop de peine les contrecoups de ses pratiques, dont elle use encore souvent à la chasse. La base de tous ces sorts est la même : la gestuelle du corps permet de mobiliser le flux aquatique, d’en détourner le cours pour lui donner une impulsion et une forme nouvelle. Il faut pour cela que Jalaad soit en pleine possession de ses moyens physiques et mentaux. Tout se passe de mots et se fait en silence, car elle n’a jamais eu besoin de formuler des paroles à voix haute pour sentir les remous et les courants qui l’entourent. Elle n’aime guère les rituels, qui réclament du temps et des moyens qu’elle n’a pas toujours en sa possession, encore qu’elle en connaisse quelques-uns qu’elle a rarement utilisés, qui consistent essentiellement en la manipulation d’un cours d’eau de petite taille, qu’il s’agisse de détourner un ruisseau ou de faire jaillir une source. Là encore, tout est dans le geste et le silence : c’est par le mouvement qu’elle procède. Pour cela, elle utilise comme focaliseur une sorte d’épais bracelet constitué d’une multitude de rangs de petites pierres ramassées dans différents cours d’eau. Des galets, des quartz polis, des coquillages anciens, quelques perles d’ambre marine, qui constituent un lien plus symbolique que réel avec son élément, mais au travers desquels elle croit pouvoir percevoir le songe de leur lieu d’origine.

Histoire :
Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Jalaad a toujours eu la forêt pour foyer. Elle est née d’elle, née par elle, et c’est aussi par elle qu’elle a vécu comme tous les pères et toutes les mères de sa lignée. Malgré le passage des années, elle saurait encore d’instinct retrouver le littoral et les collines de sa prime enfance : là, juste là, dans ces lieux incertains où les bois s’écoulent et s’érodent vers la côte nord d’Anaëh, où la terre s’effrite en ilots, en criques, en renfoncements abrités qui sont autant de refuges hantés par les seuls cris des oiseaux. Là, la grève s’abandonne, se délite en rochers tranchants, en franges de bruyères et de courtes prairies âpres et rétives qui se courbent sous les embruns. Plus loin, sur les premiers remous des coteaux qui s’alanguissent vers les falaises, on voit surgir de la brume marine la lisière clairsemée de la forêt : c’est un autre rivage qui débute, celui de cette mer d’arbre qui couvre tant et tant de lieues, cet océan émeraude et brun où l’on se perd sans efforts. Quelques hêtres, quelques châtaigniers robustes et quelques broussailles, embryons de bosquets à venir, hantent ces marches verdoyantes. La lumière perce dans les sous-bois, et puis peu à peu, tout s’enfonce dans la nuit.

C’est là, au fil de cette frontière vague que commence réellement Anaëh, et c’est là que Jalaad a son foyer. Depuis des siècles sans nombre, la Noss d’Iorwynn habite ces âpres bois frissonnants dans des hivers trop rudes. On serait néanmoins bien en peine de trouver trace de leur passage, ou bien le val obscur où elle est née : pourtant Jalaad, comme chacun de ses frères, chacune de ses sœurs, le sait. Elle a toujours prit soin de cet endroit. Souvent elle y revient, comme on fait un pèlerinage, et elle flâne un peu auprès de ses souvenirs, elle retrouve alors quelque réconfort, et la douceur d’antan. Ses vieux parents ne sont plus là depuis longtemps, mais leur mémoire s’attarde sur ses bois, vivace comme un parfum entêtant. Si on demandait aux membres du clan, si on demandait à leurs femmes et à leurs aïeux, tous pourraient discourir sur la réputation de Senan Sil'Avryn et plus encore sur celle de Filja, son épouse. Tous s’accorderaient sur le fait que Jalaad ne pouvait décemment espérer autre chose que d’hériter de leurs étrangetés et de leur penchant pour la solitude.

Si Senan n’occupait guère de responsabilités au sein de la Noss, Filja en était la chamane. Bien qu’ils eussent tous deux un goût prononcé pour l’isolement, nul n’ignorait où la trouver quand il fallait rendre grâce aux Ëalas. On les respectait, faute de les aimer : Filja n’eut jamais un caractère propre à attirer la sympathie. C’était une femme laide comme un pou, mais qui avait une espèce de charisme particulier qui lui donnait une allure de reine, faisant revivre soudain quelques évocations de divinités anciennes, de ces sorcières et de ces fées qui vont le soir tombant dans les bois pour cueillir des aubépines. On chuchotait à son propos qu’elle avait des yeux et des oreilles partout et que derrière son mutisme obstiné et sa trogne de vieux soulier se cachait une concentration de secrets et de confidences qui dépassait l’entendement. Elle savait tout sur tout, et fine mouche qu’elle était, se gardait bien d’en dire trop. C’était néanmoins à se demander ce qui avait piqué Senan de prendre pour femme un cageot pareil, quand, dans sa jeunesse, tout ce qui portait jupon se retournait sur son passage.

En vérité, on ne vit jamais de couple plus mal assorti que ces deux-là : Filja était aussi revêche, brusque et silencieuse que Senan était d’une douceur tranquille et d’une bonhomie avenante. Pourtant, ils furent unis jusque dans la mort par une affection mutuelle que peu étaient en mesure de comprendre : c’était une histoire de tendre connivence, de complicité muette et une complémentarité étonnante que seuls leurs enfants semblèrent réellement capables de mesurer. On voyait souvent l’un sans l’autre, Senan allant au diable pour vaquer à ses occupations, et Filja cloîtrée au foyer quand elle ne courait pas à hue et à dia pour s’occuper des petites misères et des grands drames de ses concitoyens. Deux enfants naquirent du couple : Jalaad, et Hoël, son frère aîné.

En vérité, toute austère et sinistre que fut Filja, Jalaad a toujours gardé une tendresse profonde pour elle. Ce petit bout de femme grincheuse au port souverain fut une mère attentive et sévère, mais aimante, à sa manière, sans jamais trop le montrer. Elle n’était pas de nature à faire preuve des mêmes effusions et des transports dont Senan pouvait faire montre, mais Jalaad et Hoel pouvaient déceler dans un sourire, dans un regard, dans un mot trop rarement lâché ça et là, toute l’affection maternelle qu’elle leur portait. À Jalaad, elle enseigna tout son savoir, un savoir secret, des confidences de femme auxquelles Hoel prit part, parfois, encore qu’il n’y comprit guère. Il préféra bien vite la compagnie de son père, laissant sa mère et sa sœur à leurs tractations et leurs activités énigmatiques, et apprit bien tôt toutes les subtilités du travail manuel. Sa mère transmit à sa sœur ce qu’elle savait de toutes les plantes qui poussaient dans les bois : les essences des arbres, les feuillages et tout ce qui pouvait croître et prendre racine. Souvent, elle arrachait au petit matin ses enfants à leur lit pour les emmener dans les brumes et les vallées, observer les oiseaux, surprendre un cerf et sa harde, faire quelques cueillettes fructueuses de végétaux et de champignons.

L’un et l’autre inculquèrent à Jalaad beaucoup de ce qu’elle sait à présent, et elle garde un souvenir ému de ces instants de silence immuable sous les arbres frissonnants de rosée, à attendre l’instant propice pour décocher sa flèche, ou simplement à ouvrir grand les yeux pour espérer surprendre, dans un éclat de lumière passagère, le plumage bariolé d’un geai ou d’une huppe en maraude. C’est dans cette ombre morcelée, dans ce semi-monde obscur et bruissant, dans la solitude âpre des forêts qui dorment aux pieds des montagnes qu’elle a ainsi passé son enfance, et c’est à ces émotions, ces sensations encore vivaces de sa jeunesse qu’elle aspire encore et toujours, et tient chevillé au corps cet amour pour l’atmosphère vespérale des grands bois. Sauvage, déjà, car à trop grandir loin des autres, elle n’avait jusque là jamais eu le goût de la compagnie des autres. Ils se défiaient un peu d’elle et de son frère, elle en était bien consciente, et dans ces petites communautés resserrées sur elles-mêmes, les rumeurs s’épanouissent avec vigueur.

Jalaad n’en avait cure. Dans l’innocence et l’insouciance du jeune âge, elle n’aimait rien moins que de courir les bois le jour durant, se perdre et se diluer dans la contemplation des vallées ombreuses chargées de brume, dans les jeux de la lumière sur les feuillages. C’est sans doute en ces années sans nombre passées loin de tout, dans l’isolement de ces bois, que furent semées les premières graines de ce qui allait s’épanouir plus tard, et lui faire l’esprit tout forgé de lueurs vespérales et de murmures végétaux. Sans doute a-t-elle gardé, à sa façon, un peu de cette candeur primaire, de cette capacité sans cesse renouvelée à s’émerveiller de tout ce qui pouvait l’entourer.

Le temps passa, lent et immuable comme il semble toujours l’être sous ces frondaisons. Les tumultes du monde étaient loin, et ne parvenaient à Jalaad que sous la forme de rumeurs, de récits, comme des échos d’un monde inconnu. Que tout était loin... Les cités de pierre, les rois et les seigneurs, les humains et les autres... Des noms, des mots, rien de très concret, en vérité. Longtemps, cela demeura aussi intangible que la trame des contes que tissaient les bardes et les raconteurs de légendes. Elle n’en avait cure, tant que cela ne concernait pas son monde à elle, que cela ne troublait point la quiétude tranquille de ses forêts familières. Peu à peu cependant, l’éveil lui vint, comme une floraison printanière qui fit naître au fond d’elle des songes étranges. Les voix soudaines, les chants indistincts, les murmures et les paroles qui lui venaient, en éveil comme en sommeil, devinrent bientôt la preuve très certaine que Jalaad avait en un sens surpassé sa très sage mère dans l’exercice de ses dons. La Symphonie était un mot étrange aux oreilles de Jalaad, mais très vite, cela vint recouvrir une réalité qu’elle connaissait depuis l’enfance, en vérité : soudain les mots s’imposaient sur ce qui avait toujours été là, en sommeil, comme une graine en stase dans un terreau fertile.

Peu après cela, dans l’éclosion fugace d’un printemps frileux, on vit venir un homme. Jalaad comme toujours vaquait à ses occupations aux creux des vallons, cherchant à débusquer quelques reflets subtils sur le flot d’un ruisseau gonflé par la fonte des neiges, et ce ne fut qu’après un long moment d’un silence incertain que Jalaad releva enfin les yeux sur la silhouette muette qui l’observait. Elle se rappelle encore de cette vision, il semble toujours présent derrière ses yeux clos. Elle sait, encore, le frisson infime, et la présence qui semblait prendre tout l’espace, la réduire à rien, une infime brindille dans un écrin d’éternité, plus éphémère et plus vaine encore que le moindre papillon. Elle se souvient de la chevelure de neige, des yeux pers et bleutés, de la longue face brune du druide couronnée. Il allait coiffé d’aubépines et de fougères, il allait comme un étrange vagabond que soutenait un bâton taillé dans la racine contournée d’un vieux chêne. Le vent n’avait qu’à peine soulevé ses frusques obscures, et tout autour se taisait alors que près de lui se faisait entrevoir la silhouette fabuleuse d’un grand cerf. Les andouillers royaux, sévères comme un diadème impérial, avaient secoué les feuillages, fait dégringoler une averse de rosée, troublant l’immobilité fantasque de cette apparition fabuleuse.

Le cerf était parti, mais l’homme était resté. Doucement, tout doucement, il s’était avancé vers elle, et s’était penché pour l’observer : ses cheveux avaient ruisselé sur la mousse et sur les rochers, et il s’était assis.

On dit souvent que c’est la forêt qui choisit le druide : Jalaad n’en sut jamais vraiment rien, et son maître non plus, par ailleurs. Qui peut savoir ce qui avait amené Anoleth jusque sur ces traces, au creux du ruisseau ? Une intuition, un souffle, le murmure de ce qui l’entourait, ou le conseil, sagement susurré, d’un Ëala vagabond ? Peut-être un peu de tout cela, qui sait.

Quoi qu’il en fut, il n’y eut guère de palabres, guère d’hésitations : à peine quelques mots échangés, et déjà la jeune fille, toute pleine de l’ardeur de son jeune âge, dévorait avec avidité tous les mystères et toutes les promesses du druide. Il disait qu’elle avait un don, qu’elle avait quelque chose, et que ce serait un crime que de laisser cela inachevé et latent au fond d’elle ; bien sûr, Jalaad le crut et ce fut un écho inespéré à toutes ses rêveries passagères, de grandeur et d’isolement, de magie et de rêves inavoués. Il lui offrait le pouvoir, il lui offrait la puissance, et soudain comme quelque chose qu’elle avait toujours désiré : l’union plus profonde encore avec ce qui l’entourait, quelque chose, un lien plus intime encore que ce qu’elle avait expérimenté jusque là.

De ces bois, elle serait la gardienne, une parmi la multitude, une parmi ses frères et ses sœurs, une, pour le pouvoir et pour l’équilibre. Anoleth la mit en garde : embrasser ce sacerdoce l’obligerait à demeurer pour toujours entre les limites de la forêt d’Anaëh, mais cela, elle n’en avait cure. Il n’y avait rien d’autre que cela, qui pouvait compter pour elle. Rien d’autre que la sylve, rien d’autre que son chant, rien d’autre que de se laisser bercer pour toujours par la Symphonie des arbres. Alors, Jalaad quitta les siens, paracheva la longue dérive qui l’avait toujours poussée, depuis sa naissance, à choisir les chemins de la solitude. Filja était si fière, et Senan si heureux, quand bien même cela signifiait de laisser partir leur cadette. Peut être son frère eut-il un brin de jalousie, peut-être, elle n’en sut jamais rien. Elle rassembla ses effets, embrassa ses parents, et s’en fut sur les traces du druide. C’était l’aube frissonnante d’un matin tout brumeux, et l’on vit alors Jalaad, couronnée de ses cheveux d’encre et de suie, s’enfoncer dans la blancheur d’un brouillard qui noyait les clairières. Sa silhouette vacilla un instant dans les nuées, et puis, plus rien. Sur le pas infatigable du cerf, elle s’en fut.

Ce fut comme une plongée, une renaissance longue et laborieuse, comme si Jalaad larguait peu à peu toutes les amarres qui la retenaient à un fragment de société, à un monde tangible, pour s’enfoncer toujours plus avant dans le labyrinthe de l’irréel. Elle fut une élève attentive, passionnée, caractérielle aussi, mais elle mettait toute son énergie à l’ouvrage. Elle apprit, peu à peu ; à distinguer les voix du végétal, les sons et les murmures, à se plonger corps et âme dans la Symphonie. De son propre aveu, Jalaad laissa beaucoup de choses derrière elle, durant ces années : des illusions, peut-être, un peu d’elle-même, un peu de ses souvenirs, comme un sacrifice infime laissé aux pieds d’Anaëh tout entière pour sceller son appartenance pleine et entière. Car c’était cela, sinon quoi d’autre ? Jalaad ne voulait rien de plus qu’appartenir, littéralement, ne faire plus qu’une avec tout ce qui l’entourait et se fondre dans la sylve, se fondre dans chaque chose vivante en ces bois.

Anoleth, à force de patience, chercha à apprendre la douceur et l’amour à cet esprit sauvage : il y avait toujours chez Jalaad comme une brusquerie latente, et un désintérêt pour les créatures pensantes qui faisaient craindre le pire à son maître. Peut-être est-ce toujours latent, mais le plus gros travail qu’il eut à effectuer et la leçon la plus importante qu’il eut à inculquer à sa turbulente élève fut que les elfes ne différaient en rien de toutes les autres créatures qu’elle était appelée à protéger. Ils ne faisaient qu’un avec le reste, et l’unité du monde ne pouvait se faire sans eux. Instinctivement, Jalaad sembla reporter alors sa méfiance et ses inimitiés envers tout ce qui n’était pas de sa race ; Anoleth ne put jamais rien faire contre cela, en dépit de ses avertissements : à trop haïr et fuir ce qui différait d’elle, sa protégée risquait bien des déconvenues, plus tard... Mais la vie est bien longue, et les choses peuvent changer : le feu du jeune âge est souvent propice à des emportements provisoires.

Anoleth comprit très vite les dangers que représentaient à la fois la sensibilité grandissante de son élève à la Symphonie, en même temps que les duretés de son caractère revêche et froid. Il tâcha toujours de la mettre en garde et de la protéger contre cela, pressentant que l’âme fantasque de sa protégée risquerait tôt ou tard de la mener vers des sentiers périlleux, et craignant surtout quelque corruption, d’où qu’elle puisse provenir. La confrontation avec les drows au lac d’Uraal lui donna de légitimes raisons de s’inquiéter, il tâcha toujours de tenir Jalaad à l’écart de ces troubles, quitte à renforcer son isolement et à lui cacher certaines choses, en vain. Son élève avait l’oreille fine, et la Symphonie peut être parfois bavarde pour qui sait s’y plonger : souventes fois, Jalaad eut la nette intuition que Anoleth dissimulait volontairement certaines choses pour l’épargner, comme s’il la croyait faible... Elle en conçut une rancœur secrète, larvée, qu’elle ne montrait jamais, mais qui se trahissait parfois, dans un éclat, dans une parole, même si elle ne haussa jamais le ton contre lui.

En vérité, Jalaad avait pour lui une admiration et un respect qui parvinrent toujours à juguler les inquiétudes et les doutes : qu’il la préserve, qu’il la croie à peine à assez forte pour affronter les vérités du monde, elle était patiente et elle savait qu’à la toute fin viendrait un temps où cela n’aurait plus d’importance. Après tout, c’est toujours envers la figure du père qu’on conçoit des velléités de rébellion... Mais elle ne pouvait guère cacher grand-chose à la personne qui la connaissait mieux que quiconque, le seul en vérité qui eut jamais partagé le secret de cette âme solitaire. Dans leurs silences partagés, il y avait une proximité plus grande que celle qu’elle avait pu partager même avec sa mère. Deux cents ans d’existence partagée dans l’isolement complet d’Anaëh sont propres à tisser des liens que rien ne peut défaire, après tout.

Pendant presque deux cent ans, Anoleth distilla son enseignement et son savoir, transmit tout ce qu'il pouvait à sa protégée. Il lui apprit à maîtriser son élément fétiche, et bien que Jalaad n'eut guère l'âme guerrière, ils savaient tous les deux que viendrait un temps, sans doute, où elle aurait à s'en servir pour accomplir son devoir. Au contraire d'Anoleth qui répugnait à ôter toute vie lorsqu'il n'y avait pas de nécessité absolue, Jalaad avait moins de scrupules et il y eut toujours plus de dureté dans son coeur que quiconque put jamais le concevoir. Infiniment plus froide, infiniment plus résolue que son maître, elle allait parfois bien plus loin que lui-même serait allé, et elle se promit de reprendre à son compte certaines magies qu'il lui enseigna afin de repousser certaines limites qu'il s'était posées.

Lorsque vint l’âge de son initiation, Jalaad fut partagée entre le plaisant sentiment de se savoir enfin prête, prête à prendre son envol et à vivre enfin pleinement, en même temps que le vertige indicible d’avoir devant elle un gouffre de solitude et de devoir qui l’attendait. Après cela, il n’y aurait plus la bienveillante et sévère protection de son maître, après cela, ce serait elle, et elle seule.

Comme un signe, ce fut au crépuscule qu’elle trouva l’animal. Le monde s’enfonçait dans la nuit, le silence bercé de murmures vespéraux, jusqu’à ce que le cri perçant d’un oiseau viennent en rompre la quiétude : dans un buisson de ronces, un corbeau blessé agitait en vain ses ailes lacérées par les coups de bec d’un faucon. Quelques-uns de ses semblables, perchés sur les branchages tout autour, tournèrent leurs regards d’ambre sombre vers Jalaad qui s’était avancée à pas lents, comme on pénètre un sanctuaire ; elle ne s’étonna pas, et ne conçut nul effroi de tout cela. Au fond d’elle, elle savait déjà ce qui serait. Doucement, tout doucement, elle dégagea l’oiseau de sa prison d’épines, s’écorcha les mains sur les épines, et ramena le corbeau mourant près de son campement.

Une main sûre en brisa la nuque, et dans l’ombre, un couteau fut tiré. Rien de tout cela ne lui semblait étrange, comme si elle avait accompli déjà ce geste un million de fois, comme si ce n’était rien d’autre que ce qui devait être fait. La nature est ainsi, après tout : sauvage. Comme elle, Jalaad avait appris à ne pas s’émouvoir de ce genre de choses. C’était l’hiver, autour d’elle. La nuit étincelait sous les arbres, à la lueur d’un feu fragile qu’elle avait allumé pour y jeter quelques herbes, quelques poudres, quelques substances propices à l’instant. Anoleth était loin, sans doute était-il déjà parti, laissant son élève affronter son destin. Ce qui devait être fait. Les plumes tombèrent, par poignées, semant le givre de sang et de trainées d’ombres, jusqu’à la chair nue, jusqu’aux ossements grinçants. Le goût était obscur, amer, âpre comme celui d’une enfance consommée jusqu’au bout. C’était la fin. Au seuil d’une nouvelle existence, la druidesse ne s’attardait point et allait, sans retour et sans hésitation, vers ce qui lui ouvrait les bras au cœur de la nuit noire. Peu à peu, tout changeait, tout se muait et le monde autour d’elle perdait sa substance, ou plutôt celle-ci prenait des allures nouvelles alors qu’elle découvrait des fragments nouveaux d’elle-même. Ce fut comme si elle se rappelait de choses secrètes, comme si l’animal qu’elle ingérait jusqu’à la moindre parcelle avait finalement toujours fait partie d’elle. Cela semblait avoir toujours été, comme une chose en stase, comme quelque chose, un recoin de son âme qui n’avait attendu que cet instant pour s’épanouir et s’éclairer, pour revenir à la vie.

C’était l’heure du premier rêve. La neige. Un silence. De l’ombre ? La pluie qui tombe.

Chuchote.

Le craquement des flammes. Quels souvenirs emporter ? Les plus précieux, bien sûr. Les plus heureux. Mais quelle joie demeure encore sans amertume ? Regarde. Ils te sourient encore. Les fumées s’emmêlent, tout s’abîme.

Contemple.

La lumière rampe. Elle se répand, sanglante, sur la neige remuée. Là, des taches d’ombres. Noir, rouge, blanc. Trois couleurs. Sur tes doigts, elles s’emmêlent. Tu marques ta chair. Tes ailes se tendent. La peau craque et fume. Te voilà autre.

Hurle !

Dans la nuit, tu t’éveilles, tes yeux s’ouvrent, ton souffle se soulève, tu t’animes et dans le secret, complice du bois obscur, tout te revient. Tu es tout à la fois. Ton nom chante, une syllabe après l’autre. Jalaad. Ils disent que c’est le vent qui l’a susurré à ta mère quand elle fouissait les buissons d’aubépines pour tresser sa couronne d’épousée.

Jalaad.

Tu es la coureuse des bois, notre sœur. Viens, viens, nous chantons dans le vent, même en éveil, tu nous entends encore. Entends nos murmures, joins-toi à la danse, joins-toi à la grande chasse.

Dans la nuit, Jalaad s’envola. Le battement de ses ailes dans l’air gelé résonnait comme un froissement d’étoffes, rayonnait sur la forêt désolée, et tout semblait la porter et l’accompagner dans cet instant sublime où elle sortit du couvert des branches nues pour embrasser l’immensité du ciel noir et la lune à son lever. Sa faucille d’argent errait au ras de l’horizon, baignait la neige et la glace de lueurs tranchantes, tandis qu’elle laissait loin derrière elle l’étoile éphémère du feu de camp. Ce fut l’ivresse, terrible, irrépressible, l’ivresse d’une liberté sans égale qui l’emmenait plus haut qu’elle n’était jamais allée, plus loin encore, traversant en flèche le champ noir d’un firmament semé d’une innombrable floraison d’astres scintillants. Tout brillait, tout étincelait comme une broderie de perles et d’opales, et la nuit soudain n’était plus si noire : elle ne l’était que pour les yeux qui ne savent pas voir... Et le vent murmurait sa complainte, et le vent la portait, comme elle portait tous les autres oiseaux qui avec elle avaient pris leur envol.

Comment revenir, après cela ? Comment revenir à la lourdeur du corps scellé à la terre, au souffle lourd et à l’âme indistincte ? Il le fallut pourtant, car tout n’était pas encore achevé. La nuit pâlissait dans une aube glaciale quand Jalaad était retournée à son campement, et qu’à la lumière d’un soleil rasant sous les frondaisons nues, elle avait tissé son habit de ces plumes noires éparpillées. Du ramage irisé, elle fit un manteau, une coiffe, et des os un collier. Patiemment, durant des heures, sans se soucier du temps qui passait, elle confectionna avec le plus grand soin ce qui allait devenir son habit et son attribut, ce qui allait pour toujours sceller son totem. Femme corbeau, dame corneille, embusquée dans l’ombre des bois.

Ainsi fut le seuil, ainsi fut le chemin : Jalaad avait embrassé au mitan de la nuit le cœur sombre des bois et consommé son sacerdoce, pour accomplir ce qui devait être fait. Elle revint auprès des siens, après cela : des brumes hivernales, sur le sol craquant de givre, on vit revenir à la Noss celle qui l'avait quitté deux siècles plus tôt, et sans amertume aucune la druidesse put constater ce qui, somme toute, avait changé. C'était comme de revenir à un ancien monde, un ancien rêve à demi effacé. Que c'était étrange de revoir tous ces visages, connus et parfois inconnus ! Ce ne fut pas une blessure, ce ne fut pas une souffrance, mais il y eut comme un trait de glace qui vint percer l'ombre : elle ne faisait plus vraiment partie de cela. Elle n'appartenait plus vraiment à la multitude, quand c'était l'isolement qui l'appelait, quand c'était une autre voie qui était devenue la sienne.

Pourtant, elle s'étonna de voir que les leçons d'Anoleth avaient porté leurs fruits. Elle savait à présent quelle était sa mission, quel était son devoir, et ce qui serait le restant de sa vie, pour des siècles et des siècles. Sans doute fut-ce à ce moment-là qu'elle eut pleinement conscience de la porté de l'enseignement de son maître et qu'elle comprit le plus profondément ce que tout cela signifiait, ce que signifiait sa fonction, et ce qu'elle était devenue : le poids de la responsabilité qui pesait sur ses épaules ne l'effrayait pas, mais c'était comme un vertige. Eux tous comptaient sur elle, même les anciens et les vénérables de la tribu s'inclinaient devant elle quand bien même ils la connaissaient depuis le berceau. Le chef de la Noss lui-même lui fit montre du plus grand respect, jusqu'à ses propres parents, qui semblaient n'avoir enfanté qu'un spectre d'elle-même, quelque chose qui n'était plus depuis fort longtemps.

Ainsi était-ce pour tous, sans doute. Aux druides le fruit de la solitude, à eux les délices et l'amertume mêlés d'avoir pour enfants, d'avoir pour foyer, tout ce que la forêt comptait d'âmes et d'êtres. Mais il fallut apprendre, encore : l'enseignement ne remplace pas l'expérience, ni la sagesse qui vient avec le nombre des ans. Il y eut des erreurs, sans doute ; de jugement et d'actes, de mauvaises décisions, mais loin de s'étouffer sous le poids d'une culpabilité qui aurait pu la ronger, Jalaad tâcha toujours d'en tirer les leçons nécessaires et émoussa peu à peu les angles trop vifs d'un caractère qui avait sans doute besoin de cela pour s'adoucir un peu. Peu habile et se sentant peu concernée par les jeux de la politique lointaine du royaume et encore moins par les tractations de ceux qui avaient éprouvé le besoin de s'enfermer dans des cités de pierre, Jalaad demeura loin de tout cela et ne se préoccupa guère que du petit, de l'infime, tâchant de maintenir à flot ce qu'elle estimait être du ressort de sa responsabilité. Elle veilla sur son clan, elle veilla sur tous ceux qui demandaient conseil ou protection, dispensa son savoir à ceux qui le souhaitaient. Cela ne lui attira guère de sympathies, plus le respect qu'on doit à une aïeule très sage : de tous temps Jalaad ne sut vraiment comment susciter l'amour et l'affection, mais cela lui importait guère car de son avis, ce n'était pas là une de ses attributions.

Pourtant le monde se rappela à elle, lorsque le Voile tomba. Comme tout un chacun, elle savait ce que cela signifiait, comme tout un chacun elle attendit le retour de la lumière, celle qui ne vint pas. Obscurs temps, alors : même en son cœur naquirent l'inquiétude et la crainte, celle de voir ainsi tout finir, dans l'ombre et sans soleil. Elle pria, alors, chercha, appela de tous ses vœux et de toute sa voix le conseil et le renfort des Ëlear et des dieux, moins pour chercher des réponses que pour trouver un espoir de salut. Pourtant il ne lui fallut pas faillir, ne pas s'effondrer quand bien même elle avait le sentiment confus que tout était à un pas de la chute, à un pas de sombrer dans les ténèbres : d'autres réclamaient son aide, son renfort et sa protection, et c'était sur eux avant tout qu'elle devait veiller.

Et puis, tout changea. Comme tous ceux qui avaient déjà prêté l'oreille à la Symphonie, qui avaient guetté son chant plus que jamais dans l'espoir d'y trouver l'apaisement et d'y débusquer un semblant de solution, Jalaad ne put que sentir pleinement et plus intensément que jamais ce qui avait soudain éclot. Lorsque la rumeur se répandit, tangible et impalpable dans le couvert des bois, elle s'en fut chercher les réponses, elle s'en fut au plus profond d'Anaëh vers ce qui avait pris une voix plus grande que jamais, vers l'Estel dans sa floraison nouvelle. Oh, que tout était étrange, et quel ravissement inquiétant c'était : comme d'avoir soudain à plonger dans un torrent alors qu'on n'a jamais connu que les courants tranquilles de petits ruisseaux, comme de toucher à l'essence même d'Anaëh. Cela n'avait rien de commun, rien, avec tout ce qu'elle avait pu ressentir jusque là, et il y avait soudain une puissance à l'oeuvre, si grande que c'en devenait vertigineux, presque effrayant. On se sentait si petit, si infime, si insignifiant, comparé à tout ce qui s'épanouissait avec une vigueur étonnante, comparé à l'étourdissante hâte du végétal qui croissait de nouveau et revivait comme après un long sommeil.

Jalaad renonça à s'approcher trop près de l'Estel. Mue par un respect craintif, c'est bien avant d'en apercevoir la cime qu'elle retourna sur ses pas, répugnant à troubler le sanctuaire végétal, ce labyrinthe mouvant qui l'entourait et semblait s'étendre, comme si elle s'estimait indigne d'aller contempler de ses propres yeux la splendeur de ce qui était revenu en Anaëh. Alors, elle retourna vers son clan, alors elle porta la parole de ce qu'elle avait vu et perçu, et s'émerveilla de tout ce qui changeait alors : les nouvelles affluaient, de toutes parts, celles de tous les elfes qui entendaient à présent la Symphonie, et celles, plus sombres pour certains, des cités de pierre envahies par les plantes. Elle ne vit que cela comme un rappel à la nature viscérale et profonde de chaque elfe, comme la certitude d'avoir fait le bon choix. Ainsi étaient-ils, ainsi devaient-ils être et Kÿria elle-même avait fait entendre sa volonté par cela.

Qui étaient-ils pour s'y opposer? Qui pouvait encore nier leur nature, nier leur essence, après ces miracles et ces évènements? Sans hésiter une seule seconde, elle prit le parti de tous ceux qui voulaient sauvegarder les anciennes mœurs et revenir à elles : Jalaad n'avait jamais porté dans son cœur les elfes de pierre qui prenaient les us des autres peuples pour les faire leurs. Entre d'autres temps, peut-être aurait-elle été plus indulgente, mais elle avait tant à cœur l'importance de leur présence et de leur lien avec la forêt que le retour de la déesse et la floraison sauvage qui s'en était suivie ne pouvait que signifier une chose : certaines limites avaient été franchies et pour elle le message était suffisamment clair.

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MessageSujet: Re: Jalaad Sil'Avryn [Terminée]   Jalaad Sil'Avryn [Terminée] I_icon_minitimeMer 9 Sep 2015 - 11:18

Up ! fiche terminée, j'attends votre jugement.
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MessageSujet: Re: Jalaad Sil'Avryn [Terminée]   Jalaad Sil'Avryn [Terminée] I_icon_minitimeMer 9 Sep 2015 - 11:54

Très bien, je m'en occupe dès ce soir Jalaad Sil'Avryn [Terminée] 1728150167
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MessageSujet: Re: Jalaad Sil'Avryn [Terminée]   Jalaad Sil'Avryn [Terminée] I_icon_minitimeMer 9 Sep 2015 - 20:07

Un personnage intriguant et nuancé, ta fiche est assez complète, il manque juste quelques précisions quant à ses capacités magiques, peut-être pourrais-tu un peu étoffer avec ces indications :

Spoiler:

Peut-être précision, juste pour le contexte, comme ton perso vient du Nord de l'Anaëh comme j'ai cru le comprendre (près de la côte nordique), la température y est plus basse et il est fréquent d'avoir de la neige durant l'année Wink

Voilà sinon j'ai rien à rajouter, précises moi un peu plus tes capacités que je puisse te donner un rang et je te validerais Wink

Fiche parfaite selon moi. Jalaad Sil'Avryn [Terminée] 3538301732
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MessageSujet: Re: Jalaad Sil'Avryn [Terminée]   Jalaad Sil'Avryn [Terminée] I_icon_minitimeMer 9 Sep 2015 - 22:51

Les modifications demandées ont été apportées à la fiche.
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MessageSujet: Re: Jalaad Sil'Avryn [Terminée]   Jalaad Sil'Avryn [Terminée] I_icon_minitimeJeu 10 Sep 2015 - 9:35

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