Les courses des princes - Libre

Ydril… Ak'esha n'y était pas retournée depuis qu'elle l'avait quitté avec Kahina, après ce désastreux banquet. La ville n'avait pas tant changé malgré… Le soleil était toujours aussi mordant. La mercenaire tira sur sa capuche, enfonçant encore un peu plus son visage dans l'ombre de celle-ci. La chaotique aurait vraiment préféré faire le voyage de nuit, mais les gens avaient tendance à vivre sous le soleil contrairement à elle, et puis les portes de la ville se fermaient à la tombée du jour. Tant qu’à faire si elle pouvait éviter de passer la nuit à la belle étoile ça l’arrangeait, d’autant qu’il serait plus facile de se renseigner sur la compagnie de mercenaire que le couple maître de Soltariel lui avaient demandé de recruter.

Seuls le prince et la princesse se tenaient face à elle, dans une ambiance tendue qu’Ak’esha ignora superbement. Maciste ne semblaient pas emballé outre mesure de faire appel à elle. A cause de sa condition de mercenaire ? De sa tête qui ne lui revenait pas ? A cause des rumeurs plus farfelues les unes que les autres entourant sa réputation ? La muse l’ignorait. Heureusement, Kahina le rassura sur la fiabilité et les compétences de la mercenaire albinos. L’intervention de la princesse confirma aussi qu’entre le couple ducale existait une certaine tension, et celle-ci n’était pas seulement le fruit du problème posé par l’engagement de l’albinos.
La chaotique fixa tour à tour la princesse et le prince les étudiants sans se cacher. Kahina était toujours aussi régalienne assise dans un fauteuil proche du lit de souffrance de son époux. Pour qui n’aurait été qu’à moitié attentif, elle aurait été la vivante image de l’épouse concernée par le bien-être de son mari malade, mais une tension hostile sourdait de l’attitude digne de l’adolescente. Maciste quant à lui portait haut sa fierté comme pour faire oublier la débilité dans laquelle l’avait jetée sa maladie. Son attitude contredisait une bonne moitié des rumeurs qu’elle avait pu entendre ces derniers jours. Le prince se remettait et il était dans une santé étonnamment bonne, capable qu’il était de supporter la froide hostilité de sa princesse de femme. Une question bien légitime s’imposa à la muse : devrait-elle fuir une lutte de pouvoir entre Kahina et son époux ?
Ignorant l’étude de l’albinos, Maciste exposa l’objectif de la mission d’Ak’esha. Elle devait engager une troupe de mercenaire que celui-ci avait auparavant dépêché pour protéger son neveu Alastein. A l’évocation de feu le jeune comte d’Ydril, une ombre de tristesse passa sur le visage du prince et une incongrue pointe de culpabilité lui fit écho dans la poitrine de l’albinos qui l’étouffa avant qu’elle ne s’y appesantisse plus avant… N’avait-elle pas perçu une infime crispation dans les traits de la princesse des deux soleils ?

S’extirpant de ses errements mémoriels, la chaotique rappela à l’ordre sa monture qui s’était arrêtée pour prendre un encas sur le bord de la route. La muse toucha ses fontes contenant l’avance sur paiement fournie par Maciste pour engager la compagnie des Hobereaux du Levant. Elle avait vaguement entendu parler de cette compagnie-là. Sommes toutes elle avait une réputation qui ne dépareillait pas de celle d’autre troupe de mercenaire. Les seuls faits un peu marquants concernaient la disparition de leur capitaine et fondateur et leur implication dans les affaires de la pègre ydrilote. Cette dernière pouvant potentiellement poser problème pour le projet de la servante de l’Unique. Peut-être que la lettre que lui avait confiée le couple ducale de Soltariel aurait suffisamment de poids, couplé à celui de l’or, pour vaincre toute forme d'inertie qui aurait pu s’installer dans les habitudes des mercenaires. Un soupir échappa à la muse et, celle-ci pressant sa monture, elle se dirigea vers les portes de la ville.