Viens boire un p"ti coup à la maison ! [Nimyo]

7e ennéade, an 8, 11e cycle

L'on attendait en ce jour à Diantra l'arrivée d'une délégation du médian avec à sa tête le manchogre de Velteroc. A l'annonce de cette soudaine visite, le duc de Langehack et actuel régent de la capitale eut un petit sourire au coin des lèvres. L'homme qui avait rompu tout contact suite au conseil tragique de la noblesse, venait à présent le voir non plus comme un ancien allié, mais bien comme l'ambassadeur de cette ligue, porteur probablement d'une promesse de paix et d'apaisement pendant que toute la péninsule était encore en proie à la guerre et aux hécatombes. Mais soit, Oschide accepta la rencontre, pressé de connaître les propositions et autres motifs de cette venue.

Une escorte guida alors l'embassade jusqu'à l'ancien château ravagé par les flammes à moitié. Sans montrer une once d'hostilité, on invita les gens du médian à poursuivre leur chemin comme si les liens d'amitiés n'avaient jamais été brisé. De toute évidence, bons nombres de ces hommes s'étaient déjà croisé auparavant lorsque les langecins avaient rejoint l'armée du velterien dans les environs d'Esteria.

Ainsi, lorsque l'embassade arriva dans la grande cour royale, des palefreniers sortirent de leurs écuries pour venir s'occuper des montures fatiguées par le voyage et l'on proposa aux hommes quelque rafraîchissements. De son côté, le duc de Langehack se mit à les attendre dans la grande salle du trône désormais bien vide de toute activité. Sur le siège qu'occupait autrefois la vipère Olysseanne, il les vit passer la porte pour venir dans sa direction. Lorsque le manchot fut tout près, Oschide se leva et le salua brièvement comme si la dernière entrevue qu'ils avaient eu en amont du conseil s'était déroulée la veille. Pourtant, beaucoup de choses avaient changé depuis ce temps...

-Archiduc du Médian, vous êtes le bienvenu à Diantra. S'il nous faut parler, je veux vous inviter à venir discuter en privé.  

Nimmio accepta sa proposition. Ainsi, les deux hommes s'en allèrent à l'abri des regards et des oreilles, accompagnés seulement de quelques hommes disposant de leur confiance. D'un coup, l'ambiance amicale laissa peu à peu place à une tension palpable où les regards méfiants remplacèrent les premiers gestes de sympathie, où disons le plus franchement, de diplomatie. De son côté, Ignazio, le capitaine Pietro et Augustor de Rasque avaient pris place en attendant que les velteriens fassent de même.

Le duc de Langehack prit soin de s'asseoir face au manchot et ne le lâcha plus du regard. Si Oschide pouvait être un ami fidèle et loyal pour ceux qui avaient sa confiance, il pouvait être tout aussi glacial et sec avec ses opposants. Aujourd'hui, il ne savait pas encore dans quel camp Nimmio se trouvait. Autant dire qu'au premier signe d'hostilité à son encontre où à l'encontre de Langehack, le duc sortirait ses crocs et remettrait le velterien à sa place. Pour le moment, la courtoisie restait de mise.

-J'ai accepté votre venue afin de pouvoir éclaircir les choses. Aucun coup d'éclat lors de cette diète n'aurait été digne des lieux dans lesquels nous nous trouvions.

Le ton sec et franc, Oschide annonça la couleur dès l'ouverture de la discussion. Nullement impressionné par son invité, ni par les hommes qui l'accompagnaient, il n'attendit pas de réponse et reprit de plus belle.

-Avant de commencer, vous devez d'ores et déjà savoir que vous aurez un sauf conduit jusqu'à vos positions non loin d'ici, si je ne m'abuse.

La référence aux positions proches des troupes de médian servit de petite pique. Petite pique qui révélait néanmoins la méfiance et les doutes du velterien.

-Tout d'abord, félicitation pour votre titre de connétable, messire de Velteroc. Comme nous tous, vous avez revu vos prétentions à la baisse, mais je dois saluer votre volonté à sortir la tête hors de l'eau et à donner le meilleur pour vos terres et celles de votre épouse, même si les alternatives n'étaient pas les plus nombreuses.

De toute évidence, il faisait référence à la catastrophique décision de Nimmio à vouloir rejoindre la ligue. Le velterien, en prenant les armes contre la régence, était déjà devenu félon aux yeux du reste de la péninsule. Alors inutile de dire à quel point son image et sa crédibilité étaient à présent au plus bas maintenant qu'il venait de franchir un nouveau pas en entrant dans la ligue. Pourtant, ni lui, ni aucun autre membre de la ligue ne semblaient avoir encore conscience de ce qu'ils venaient de commettre.

Décidément, le comte de Velteroc était bien loin de toutes les réalités qui régissaient en ce moment-même le royaume perdu des Hommes. Où était-ce tout simplement calculé et dans ce cas, fort mal avisé de sa part. Il était simple de trouver des arguments à l'encontre de cette ligue, mais Oschide préféra aborder la chose avec recul et retenu, de façon à ne point brusquer son invité. Ne sachant pas encore à quel degré le velterien était impliqué dans cette organisation, il prit bien soin de peser ses mots.

-Malheureusement Nimmio, nous ne partageons pas le même point de vue sur cette ligue. Vous voyez en elle une transition. Je vois, moi, un leurre politique promettant une paix que nul être dans cette péninsule n'acceptera. Vous me parlez d'une restauration royale, mais je ne vois qu'un ultime affront fait aux préceptes mêmes de la féodalité et de la monarchie. Je ne puis tolérer cela, d'où mon refus de l'intégrer et si vous restez persuadé d’œuvrer pour le bien fait du royaume, avec pour ultime fin de restaurer la royauté, alors laissez-moi vous dire que vous vous trompez largement.

Les actions commises par la création de cette organisation auront pour répercussions de brusquer tous les royalistes et de leur donner le prétexte de s'unir pour lutter contre vous et votre ami d'Apreplaine. Vous pensez que Diantra et que Langehack sont isolés et que nous vous implorerons pour rentrer à vos côtés, mais vous vous trompez une fois de plus. Ce n'est pas moi, mais bien le médian et les terres royales qui sont à présent isolées et si je puis vous assurer de ma neutralité jusqu'à présent, il vous faudra bientôt faire des choix afin de ne point vous faire écraser entre le marteau nordique et l'enclume sudiste.

Nimmio n'était pas un âne au point d'ignorer ces réalités, du moins, il l'espérait. Néanmoins, il ne pouvait encore savoir si son ancien allié avait réellement compris les conséquences.

-En parlant de restauration royale d'ailleurs, entendez-vous par là de trouver un héritier légitime de Trystan ? Mais ne pensez-vous pas que si une telle personne avait existé, nous l'aurions placé sur le trône depuis longtemps ? N'avons-nous pas essayé de faire de vous un nouveau roi ? Voyez-vous alors les faiblesses et les paradoxes de votre ligue maintenant ? Celle-ci n'a eu pour but que de vous isolez un peu plus, et si mon amitié envers votre personne aurait presque pu me forcer à vous suivre dans votre démarche, je ne pouvais souhaiter un tel destin au duché que j'ai juré, sous serment, de protéger.

Il repensa brièvement aux dernières paroles qu'il avait chuchoté à Nimmio avant son départ du conseil de Diantra.

-Souvenez-vous de mes derniers mots avant que nous ne nous quittions lors du conseil ? Au moindre signe, au moindre appel à l'aide, j'aurai pris mes hommes et rejoint vos armées pour faire de vous un Roi. Au nom des liens qui unissent nos familles, au nom de mon amitié pour vous, j'aurai croisé les fers avec tous ses opposants qui ont révélé leurs vraies natures lors de ce conseil. Harold aurait péri, vallancourt aurait terminé la tête sur une pique, j'aurai pu le jurer sur ma vie Nimmio ! Mais vous avez préféré rester dans le silence et me laisser sans nouvelles. Comprenez alors que contrairement à vous, l'armada soltaar menaçait mes côtes et mes îles. Comprenez pourquoi je n'ai vu dans cette ligue qu'une mauvaise plaisanterie lorsque celle-ci assurait la paix tandis que je risquais encore de perdre mes hommes, mes villes et mes terres.

Ne soyez plus étonné par mes choix et mes actes, Nimmio.

Nimmio écoutât attentivement les paroles de celui qu’il avait jusqu’ici considéré comme un allié, voir un ami. C’était sans doute là une de ses faiblesses que d’accorder trop de confiance à ceux qui l’accompagnent. Enfin, parfois seulement car bien d’autres fois, l’issue ne fut pas néfaste. C’est quelque peu songeur qu’il entreprit donc de répondre.

Cher Oschide, sans l’approuver, ni le réprouver, je comprends votre point de vue et votre position. Vous voyez en cette ligue le verre à moitié vide, là où je le vois à moitié plein. Vous pensez que l’issue pour nous ne peut être que catastrophique, je pense au contraire que nous avons en mains des clefs et une ouverture qui nous permettront d’aplanir nos relations avec ceux qui voient pour l’heure, notre initiative d’un mauvais œil. Nous n’avons pas la prétention de nous organiser en royaume indépendant et n’avons pas de prétention sur la couronne.

Je vois mal le sud et le nord, aux positions antagonistes concernant la couronne - à savoir que le sud se considère garant de cette dernière au nom de Bohémon et que Sainte Berthilde et une partie du nord au moins annonce que ce dernier est mort - s’entendraient pour affronter le seul territoire qui ne demande rien d’autre que de discuter. Qui voudrait d’une guerre assurément sanglante et coûteuse lorsque cette dernière pourrait simplement être évitée ?

Et pour ce qui est de restaurer la monarchie, vous avez raison, il n’y a aucun descendant du Roi Trystan de connu, sans quoi, ma candidature n’aurait eu aucun sens. Et force est de constater que cette dernière fut un échec qu’il me faut aujourd’hui assumer et comprendre. Je ne dispose aujourd’hui pas d’assez de soutiens au sein de la noblesse locale pour être légitime et je ne suis point assez assoiffé par le pouvoir pour écraser mes opposants.

J’ai bien entendu vos paroles et ais toujours assuré Langehack de mon soutien. Ce dernier allait de soit et j’aurais accouru à vos côtés si d’aventure le Soltaar vous avait attaqué. Je ne pensais pas avoir besoin de vous le redire. Mais là aussi, je me suis visiblement trompé. J’espère que vous me pardonnerez cette erreur un jour et que nous pourrons réaffirmer cette amitié qui nous permit de chasser l’usurpatrice et ses sbires de Diantra.

Mais pour l’heure, nous avons d’autres choses à voir. Vous avez décidé de conserver Diantra sous votre joug. Vous n’êtes pas sans comprendre l’étendue symbolique de cet acte et ses conséquences potentielles. Votre acte est un pied de nez à la Ligue, que je considère comme un signe de désapprobation et non une déclaration de guerre. Mais tous ne pensent pas forcément comme moi.

Aussi, suis-je rassuré par votre déclaration de neutralité qui ouvre la porte à une discussion plus sereine. Si d’aventure nous acceptions de vous laisser la ville, nous vous demanderions de ne point porter atteinte au commerce ni aux mouvements de population. Cela vous parait-il acceptable ?

En entendant les réponses du velterien, Oschide vit qu'un dialogue était finalement possible. Chose complètement inespérée s'il avait fallu argumenter durant ce conseil de la diète. Finalement, seul un certain recul vis-à-vis de l'événement avait été nécessaire. De facto, le duc approuva les dernières paroles de l'homme aussi blanc que la neige.

-Qui serai-je pour oser porter atteinte au commerce ? Je n'ai jamais cherché à l'interrompre, soyez-en assuré. Ni les mouvements de population. Si vous souhaitez partager avec nous les victimes des campagnes royales, n'hésitez pas un seul instant, nous vous les donnerons de bon grès pour qu'ils retournent dans leur foyer. La guerre a bien assez duré, il est temps pour eux de cultiver de nouveau leur terre.

Concernant l'épineuse question de Diantra et de la ligue, Oschide revint sur ce point en donnant un dernier avis au Velterien.

-Diantra n'était pas un pied de nez à votre ligue. Diantra, cité des rois et des reines, n'avaient juste aucun raison d'accueillir votre organisation. Diantra n'ouvrira ses portes qu'à celui où celle qui réussira à réunifier le royaume.