[Macabre] Apprendre et comprendre, enseigner et maitriser.

S'il est une chose qui n'avait guère changée depuis la nomination du seigneur protecteur de Tethien, c'était la présence d'une jeune elfe dans sa demeure. Ancienne esclave qu'il avait prise sous son aile, il avait entreprit de lui réapprendre à vivre selon les coutumes des enfants d'Anaëh. Car après de si longues années d'esclavage, la jeune Macabre, tel qu'elle se nommait elle même, avait oublié le sens même du mot liberté. Elle ignorait son véritable nom. Elle avait énormément perdu, et certaines choses ne lui seront probablement jamais rendues. Mais le seigneur Fineldor entendait bien lui faire reprendre consicence de la vie non comme esclave, mais comme enfant légitime de la Mère.

Depuis ce jour, la jeune Macabre avait bien appris. Certes elle conservait un petit côté sauvage. Mais elle avait appris la plupart des us et coutumes nécessaires pour vivre en société. Elle dormait dans un lit, mangeait à table... autant de détails qui pouvaient parraitre insignifiants, mais qui avaient été si compliqués à lui faire comprendre.

En marge de cela, il y avait un autre thème, plus délicat, sur lequel maitre et élève avait dû travailler tout aussi dur. Car la petite Macabre, loin d'être une esclave ordinaire, est capable d'user de talents magiques. Et dans des domaines bien particuliers. Il était déjà étonnant qu'elle soit utilisatrice de magie de l'immatériel, qu'on prétendait comme la plus compliquée à utiliser. Mais elle avait manifestement été à bonne école, quoique sa maitrise soit loin d'égaler celle de son maitre. Car si Fineldor était en effet un maitre dans l'usage de la magie de lumière, Macabre en connaissait le penchant sombre de l'ombre.

Ayant vu de quoi était capable la jeune elfe, Fineldor avait rapidemment entreprit de la former et de lui expliquer les limites à ne pas franchir avec de tels pouvoirs. Ainsi, plusieurs fois par semaine, il trouvait le temps d'enseigner et d'apprendre sur la magie à sa protégée. Ces heures d'études étaient aussi éprouvantes pour l'élève que pour le maitre, mais tous deux savaient combien elles étaient nécessaires.

Ce jour ci, Fineldor souhaitait une fois de plus connaitre l'étendue de la mairise de Macabre en matière d'ombre, afin de pouvoir améliorer son contrôle. Ils avaient tous deux rejoint l'une des salles d'entrainement de l'académie. La présence de l'ancienne esclave dans un tel bâtiment avait maintes fois provoqués des protestations de certains mages, mais Fineldor avait su les faire taire. D'autant que la plupart des maitres étaient d'accord avec lui: une magie non maitrisée était bien trop dangereuse.

Vêtu d'une robe tissée de fils gris et blanc, le maitre des lieux se tenait assis dans un coin de la pièce. Plusieurs livres étaient ouverts sur la table en face de lui. Mais il était davantage intéressé par ce qui allait suivre. La jeune Macabre se tenait au centre de la pièce, comme il l'avait demandé.

Bien. Je sais combien les travaux théoriques te sont pénibles. Aussi aujourd'hui allons nous essentiellement nous concentrer sur la pratique. J'ai du temps devant moi, alors nous allons en profiter, et y aller doucement.

Il se leva, et adressant un sourire rassurant à son "élève", engloba la pièce d'un geste

Pour commencer, j'aimerai que tu use de ta magie d'ombre. Je ne te demande rien de particulier. Fait ce qu'il te plait. Contente toi juste d'user de cette magie là. Et avant que tu ne me demandes pourquoi.. Je vais essayer aujourd'hui de t'aider à mieux la contrôler. Je sais que c'est plus inné pour toi, comme tu me l'as déjà dis. Mais je pense qu'il est temps que tu apprennes à réellement la canaliser, la ressentir, plutôt que de la laisser te guider.

Car c'était bien là son but. Observer, réfléchir... et ensuite l'aider à mieux comprendre ce pouvoir qu'elle n'avait jamais vraiment saisi jusqu'alors.

Macabre... Un drôle de nom. Qui n'en était pas un d'ailleurs.
Certains limitaient l'usage de ce pseudonyme au maximum. D'autres utilisaient un diminutif. Quant à sa gouvernante, elle lui avait trouvé un petit nom en elfique qui faisait office de nom en attendant de trouvé celui donné par ses parents. Pourtant, après neuf années, aucune avancée n'avait été faite sur la recherche de son identité. Alors les solutions temporaires risquaient de persister encore un moment.

Mac, comme l'appelait quelques gardes du Palais, avait beaucoup changé depuis son arrivée. Le plus flagrant était son apparence physique. Plus de guenilles mais des robes, blanches le plus souvent. Toutes traces des violences qu'elle avait subies étaient effacées. Plus de cernes ni d'anémie. Elle pouvait manger et dormir autant qu'elle en avait besoin et, bien qu'elle ait fait une petite rechute en déménageant au palais, elle ne dormait ni ne mangeait plus sur le sol, dans le recoin d'une pièce.
Tout cela, elle le devait à Fineldor Elwëndrion. Elle qu'il avait prise en train de voler chez lui, il avait compris sa situation et, plutôt que de demander justice, il avait décidé de la prendre sous sa protection. Elle avait eu de la chance ce jour-là car tous n'auraient pas été si cléments. Depuis, elle essayait de convenir à ses attentes, dans la mesure de ce qui lui était possible. Impossible pour elle de parler elfique. Même les noms elle les écorchait. Elle lisait mais n'aimait pas ça alors lire un ouvrage lui prenait du temps. Quant à ses manières, difficile de refaire toute une éducation après presque cent ans d'asservissement. D'ailleurs, un désaccord persistait sur ce point... Macabre se considérait toujours comme esclave. Sur le papier, ce n'était pas totalement faux puisqu'elle n'avait jamais été affranchie mais le fait que l'esclavage n'ait pas cours en Anaëh ne lui suffisait pas pour se penser vraiment libre.

Ce jour-là, la petite elfe avait suivi son protecteur dans une des salles d'entraînement de l'académie de magie de Thetien. Comme d'habitude, de nombreux regards s'étaient portés sur elle tandis qu'elle circulait dans les couloirs. Mac avait le statut d'étudiante de l'académie mais sans en suivre aucun cours parce que ce que les années n'avaient pas encore su effacer, c'était son ignorance et son absence de maîtrise en matière d'émotions. Elle en connaissait déjà bien plus qu'à son arrivée, certes, mais elle était encore bien loin de les comprendre et encore moins de savoir les gérer. De la même manière, elle ne connaissait des relations sociales que celles qu'entretenaient un maître et son esclave. Aussi était-elle incapable de se mêler à une nuée d'élèves qui, en prime, n'auraient pas su comprendre sa différence. Mais la jeune magicienne n'accordait aucune importance à ces regards. Elle ne savait même pas les interpêter. De plus, son visage inexpressif et ses yeux vides de toute émotion qui les dévisageaient suffisaient à leur faire regarder ailleurs.

Macabre avait suivi les instructions de son professeur qui lui demandait de se poster au centre de la pièce avant d'écouter les consignes suivantes.
User de sa magie. Voilà qui était une requête somme toute assez simple. C'était à cela qu'elle avait été entraînée au Puy. Quant aux conséquences, on ne lui avait jamais demandé de s'en préoccuper. Aussi était-elle capable de produire des sorts d'une certaine puissance mais la maîtrise n'était pas toujours au rendez-vous, surtout dans un contexte émotionnel qu'elle ne savait pas gérer.

Interpêtant le geste de Fineldor à la lettre, elle fixa devant elle pour préparer son sort. Une seconde plus tard, elle inclina légèrement la tête sur le côté et un nuage d'ombre commença à l'envelopper avant de se propager dans toute la salle. Elle fut remplie en quelques secondes, obstruant la vue du Protecteur.
C'était peut-être un peu trop...

La jeune elfe avait certes été esclave, mais elle était intelligente, prompte à saisir ce qu'on lui demandait, et d'une vivacité d'esprit dont beaucoup auraient bien fait de s'inspirer. Lorsque son professeur lui demanda d'user de sa magie comme bon lui plaisait, elle ne se fit guère prier. Se concentrant assez peu à ce qu'il semblait, elle créa un nuage d'ombre qui l'enveloppa petit à petit. Mais loin de s'arrêter là, la puissance de l'ancienne esclave se déversa tels des courants brisant une digue. L'ombre se répandit lentement, étendant ses serres dans toutes la salle, installant une obscurité telle que nul ne pouvait y distinguer quoi que ce fut. Fineldor soupira. Tant de talent, tant de puissance pour son âge. Seule la maitrise lui manquait. Et lorsqu'elle l'aurait acquise, elle serait sans nulle doute une élève de choix, que beaucoup de maitres aimeraient pouvoir éduquer. Mais l'orgueil n'était pas le moindre défaut du seigneur protecteur, qui entendait bien rester seul maitre de l'éducation magique de la jeune Macabre. Ainsi en serait-il, car il entendait pouvoir lui offrir meilleure vie qu'elle n'en aurait jamais espéré il n'y a que quelques années de cela.

Se levant malgré l'obscurité complète, le maitre fit quelques pas. Même le bruit semblait s'être etouffé par la masse d'ombre. Mais sa voix portait toujours suffisamment pour que son élève l'entende.

Il n'y a guère de doute, tu es une élève brillante et tu possède un don que beaucoup t'envieraient. Toutefois... Pour lancer ce sort, tu as du faire appel à une sorte d'intuition, une manière que tu as apprise tant bien que mal lors de ces tristes années. Je ne t'ai entendu pas entendu prononcer le moindre mot, ni esquisser le moindre geste. Tu y a simplement pensé, me semble-t-il, et ainsi ton nuage s'est materialisé. Ai-je raison?

Il y avait fort à parier que oui. Les sombres ne s'embarraissaient guère d'apprendre ce genre de choses en premier lieu. La puissance brute les importaient, mais la puissance rapidement apprise, et pas forcément maitrisée. Quel gâchis cela pouvait provoquer. Avancant encore d'un pas dans la direction de son élève, le seigneur protecteur poussa un soupir. Puis il entonna une douce incantation.

La jeune elfe ne put dans un premier temps rien voir ni entendre de plus que les lentes paroles de son professeur. Elles se déversaient, trop basses pour qu'elle puisse pleinement les comprendre de quelque manière que se soit. Et puis, lentement, au milieu de l'obscurité insondable, une faible lueur s'éclaira. Elle grandit, refluant l'ombre et la noirceur comme une étoile dans une nuit noire. Elle se fit plus vive, lentement, jusqu'à éclairer suffisamment le visage de celui qui la portait. La petite boule luminescente était posée dans sa main, flottant à quelques centimètres seulement de sa paume, et l'éclairait, lui et son élève. Deux elfes au milieu des ténèbres.

Voilà bien la différence entre mes pouvoirs et les tiens. J'ai certes bien plus d'années d'apprentissage que toi. Mais cela, tu pourras y parvenir. Ce qui te manque en premier lieu, c'est la maitrise de ta magie, du don que nous a fait notre Mère. Il existe diverses manières d'augmenter la puissance de notre magie. La première, tu as pu la constater, c'est celle de la voix. Une incantation, aussi simple et brêve soit-elle, renforce les effets et lui permet de perdurer plus aisément. Mais ce n'est pas la seule.

Levant la main tenant la sphère lumineuse, il prononca une courte incantation, tout en tenant esquissant des gestes de son autre main libre.

Calima sila

La sphère se mit à briller plus fortement. Désormais les deux elfes étaient entourés d'un halo assez puissant pour repousser l'ombre au delà de leurs corps. Ils baignaient dans une douce lumière bienfaitrice, qui n'éblouissait nullement. Fineldor recula d'un pas, laissant le temps à son élève d'admirer l'effet qu'avait eu son incantation.

C'est là le deuxième vecteur qui nous permet de canaliser et de contrôler la magie. Les gestes sont propres à chaque mages. Certains n'en usent pas, d'autres en font leur art. Mais nul ne peut nier qu'ils aident à diriger la puissance là où nous le souhaitons, comme nous le souhaitons. Du moins pour ceux dont la maitrise est suffisante. Car il faut garder à l'esprit que la magie est dangereuse et imprévisible pour celui qui ne la contrôle pas. Et nul ne peut prétendre la contrôler totalement. Elle est aussi libre que l'air ou l'eau. On peut tenter de l'emprisonner un temps, mais elle finit par se libérer et retourner à son état naturel.
Mais il reste une dernière source de pouvoir que je ne t'ai pas montré. Probablement la plus puissante à mes yeux.

Cette fois ci, il lanca doucement la sphère, qui s'éleva vers le plafond, en flottant paisiblement. Lorsqu'elle se fut suffisamment élevé, il lanca une autre incantation, tout en touchant de sa main le pendentif en forme de prisme qu'il portait. C'était là un objet précieux pour le mage, son focalisateur depuis toujours, symbole de sa puissance magique. Sa voix se fit plus forte et plus majestueuse. Elle tonna pour repousser l'ombre et les ténèbres.

Silmë Nacil Allasaïla Lamëil

La sphère grossit jusqu'à exploser, inondant la salle d'une puissante lumière. L'ombre fut balayée, refoulée, et la jeune elfe fut probablement aveuglée un court instant. Toutes la pièce n'était que lumière, et rien ne semblait pouvoir y résister. Cela ne dura que quelques instant, avant qu'elle ne s'appaise, laissant seulement Fineldor et Macabre, face à face, dans une pièce de nouveau éclairée par la lumière du jour. Un tel sort semblait ne pas affecter le mage. Mais il lui avait fallu des décenies, et mêmes des siècles, pour en arriver à une telle maitrise. Et la petite elfe avait tant de potentiel...

Vois tu combien la lumière a balayé l'ombre? Cela, parce que j'ai usé de toutes les composantes, de tous les pouvoirs dont je disposais. S'ils rendent l'utilisation de la magie bien plus compliquée, le résultat n'en est que plus puissant, plus maitrisé, plus contrôle. Et ainsi l'on peut protéger ou repousser sans grand effort la magie de ceux qui ne la maitrise pas.

Sur ces mots, il se tourna, et marcha de son pas fluide et grâcieux vers sa chaise. Tout irradiait chez lui d'une maitrise telle que rares étaients ceux qui pouvaient s'en targuer. Ses manches flottantes semblaient se mouvoir en parfaite harmonie, son corps empreint de majesté imposant le respect sans qu'il n'eut à le demander. S'asseyant de nouveau à sa chaise, il redressa doucement la tête. Ses cheveux cascadaient sur ses épaules, ceints par la mince couronne blanche qu'il porait. Ses yeux d'un vert profond sondèrent son élève, comme pour tenter de savoir quelle serait sa réponse.

Ayant assisté à cela, je vais donc te poser la question. Je ne te la poserai qu'une seule fois, et tu seras pleinement libre de choisir. Je puis, si tu le souhaite, t'apprendre à maitriser davantage la magie, à la contrôler plus qu'à la laisser te guider. L'apprentissage sera long et difficile, et sans doute derva tu rencontrer d'autres maitres. Mais je resterai celui qui t'apprendras. Et au final, peut être l'ombre rivalisera-t-elle avec la lumière. Ceci est ton choix. A toi de me dire, mon élève.

Entourée de l'ombre qu'elle avait créée, Macabre se sentait bien. Bien qu'elle ne l'ait pas choisi, elle était désormais habituée à la solitude, la discrétion, le noir total. C'était son univers à présent. Même après 9 ans de "liberté", elle préférait se déplacer à l'abri des regards. Soit en empruntant des chemins déserts. Soit en circulant là où personne n'allait et où personne ne posait les yeux. Soit en usant de magie afin de ne pas être vue.
Toutefois, ses habitudes évoluaient lentement avec le temps. A force de fréquenter du monde et d'élargir son cercle de connaissances, elle commençait à se faire à la présence des autres. C'était pourquoi, depuis quelques années, on la voyait de plus en plus marcher dans les couloirs parmi les autres elfes. Les regards curieux, gênés, inquiets, méfiants ou désapprobateurs qui se posaient sur elle ne la dérangeait pas. Ce n'était donc pas cela qui la poussait encore parfois à se cacher mais bien son confort personnel.

-Il n'y a guère de doute, tu es une élève brillante et tu possède un don que beaucoup t'envieraient.

Macabre se tourna vers son professeur. S'il ne pouvait la voir, le contraire n'était pas vrai. Car pour évoluer dans les ombres, il fallait pouvoir y évoluer... Et pour cela, rien de mieux qu'un second sort.
Immobile et silencieuse, son visage était tourné vers Fineldor. Celui-ci, ne la voyant pas, regardait légèrement à gauche de sa position exacte et... un peu trop haut aussi. Mais le problème ne perdura pas bien longtemps car bientôt le Protecteur baissa les yeux vers sa main où apparut une faible lueur.

A son arrivée à Thetien, Macabre était effrayée par cette magie totalement opposée à la sienne et dont elle ignorait tout. Longtemps, elle avait cru l'art de la lumière comme plus fort que celui de l'ombre mais, après maintes explications, elle avait fini par comprendre que ce n'était pas le cas. Elle manquait juste de... maîtrise. Oui, c'était bien le mot qui convenait car la puissance elle la possédait déjà. Quant à l'entraînement, elle en avait suivi bien plus qu'un elfe ayant pratiqué pendant trois fois son âge.
Aujourd'hui, elle parvenait enfin à regarder Fineldor pratiquer son art sans avoir peur ni de lui ni de sa lumière. Lorsque les rayons de la sphère l'atteignirent, le Protecteur vit disparaître l'effet du second sort de la petite esclave, ses yeux passant de noir à son bleu clair naturel. Il était inutile de le maintenir à présent...

Macabre écouta la leçon sans bronché. Il avait déjà abordé tout cela mais ce n'était alors que de la théorie et il est aisé d'imaginer à quel point cela avait pu passionner la petite elfe... Même si la magie était son unique centre d'intérêt identifié jusqu'à ce jour, il était difficile de maintenir avec elle une longue conversation sur le sujet. Les mots n'étaient pas son fort... Et elle le prouvait encore une fois en laissant les questions de son professeur sans réponse.
De toute manière, elles n'en appelaient pas vraiment...

Lorsque Fineldor conjugua le pouvoir de la volonté, des mots, des gestes et de la catalysation, la sphère magique irradia si fort qu'elle aveugla la petite elfe. Une main passa devant elle comme pour se protéger des effets de la lumière et un cri de peur lui échappa.
Certes elle ne la craignait plus, mais à petite dose seulement... Si sa gouvernante Lalë avait été là, elle serait venue à ses côtés s'assurer que tout allait bien mais ce n'est pas ce que fit le Protecteur. Plutôt que de la rassurer, il retourna à sa place tout en poursuivant son cours. Pourtant, ça ne choquait pas son élève. Son maître l'avait élevée dans ses conditions telles qu'elle n'était pas habituée aux marques d'affection que lui témoignaient ceux qui prenaient soin d'elle à présent. Alors que Fineldor la laisse gérer ses émotions ne risquait pas de la vexer.

Désormais, plus une ombre n'était visible. Celles qui n'avaient pas été balayées par la lumière avait disparu lorsque Macabre avait eu peur, perdant ainsi le peu de concentration à laquelle elle avait fait appel pour lancer et maintenir son sort jusque là. Le sort du Protecteur avait fini de faire effet lui aussi et il n'y avait plus que les rayons du soleil pour éclairer la pièce et ceux qui s'y trouvaient.
Le professeur prit à nouveau la parole dans une longue tirade, demandant à son élève de confirmer son engagement dans la voix qu'il lui proposait de suivre. La procédure était très formelle et Macabre ne comprenait pas qu'il fasse tant de cérémonie pour finir sur un "à toi de me dire". Toutefois, ce qui avait marqué le plus la jeune elfe n'était pas tant le fait qu'il n'y ai finalement aucune question dans sa phrase... Mais un mot qu'il avait utilisé dans un contexte qui lui était étranger.

-Des "maîtres" ?

Macabre savait que l'esclavage n'avait pas cours en Anaëh et elle y vivait depuis suffisamment longtemps pour s'en être assurée par elle-même. Malheureusement, elle n'avait jamais entendu ce mot utilisé dans un autre contexte que celui de maître/esclave. De plus, son emploi la faisait toujours frissonner, créant une boule dans son ventre. Même si elle considérait toujours appartenir à Don'dar, elle aimait sa vie à Thetien et avait peur de reprendre son existence d'esclave.
Elle savait qu'un même mot utilisé dans différents contextes pouvait avoir des sens différents. Elle se doutait que le sens du mot avait été changé mais elle n'était pas sûr de le comprendre...

Il était désormais loin le temps où la petite elfe prenait peur au moindre effet magique que le protecteur invoquait. Car sa magie était bellle et bien opposée à celle de son élève. Et la facilité avec laquelle il avait pu balayer ses sorts  lui avait fait grand peur. Il n'allait certes pas s'en plaindre, car c'était l'un des éléments qui lui avait permit de la prendre en main. Il n'y avait eu que la peur au début qui permettait de lui faire comprendre certaines choses. Mais ce temps était bien loin...

La petite sphère n'avait guère eut d'effet sur Macabre. Ce ne fut qu'à l'explosion de lumière qu'elle recula, surprise, en masquant son visage et laissant échapper un petit cri. Rien de bien surprenant à cela... Et c'était pourtant un sort presque simple pour Fineldor Elwëndrion. Il était beaucoup trop tôt pour montrer quelle pouvait être la puissance d'un élément maitrisé. Chaque chose en son temps. Le bourgeon devait grandir avant de pouvoir s'épanouir.

Assis sur sa chaise, il attendit la réaction de son élève. Un autre professeur aurait été bien étonné de celle ci. Pas le seigneur protecteur, qui avait appris d'elle combien son attention, ses réactions et tant d'autres choses pouvaient dénoter et être ô combien inattendues. Aussi ne fut-il pas surpris que sa première préoccuation fut de se questionner sur l'origine de ces "maitres". Il l'observa un moment avant de répondre.

Oui, des maîtres. Mais non des maîtres tel que celui que tu as connu. Jadis, ton maître n'avait pour seule préoccuation que ses intérêts et la manière dont tu les remplirais. Tu n'étais pour lui qu'un objet, une esclave. Non, mon élève. Ce n'est pas de ce genre de maître dont je parles.

Il se leva dans un geste plein de grâce, et posa la main sur l'un des ouvrages posés sur la table.

Car il y a d'autres formes de maîtres. Moi même, ne suis-je pas ton maître? Pourtant, tu n'es en rien mon eslcave. Tu es mon invitée, et je suis donc le maître de maison. Tu es mon élève, et je suis ton maître professeur. Mais tu n'es pas mon esclave. Tu es libre.

La dernière phrase fut prononcée sur un ton insistant. Car la notion de liberté était encore difficile à assimiler pour la jeune elfe. Elle devait comprendre que l'on pouvait vivre sans forcément servir quelqu'un. On pouvait décider de sa propre vie.

Donc, les maîtres dont je te parlais seront tes professeurs, comme je le suis actuellement. Ils t'apprendront des choses sur la magie, mais en aucun cas ne te traiteront comme une esclave. Si cela venait à être le cas, tu devras m'en informer sur le champ, et je ferais ce qui est nécessaire pour que cela ne se reproduise plus.

Posant son regard vers sur son élève, il attendit ne serait-ce qu'un signe d'acquiessement. Il ne savait toujours pas pourquoi, mais il tenait à faire de cette enfant qu'il avait recueilli une elfe véritable, une puissante magicienne digne de louanges. Il se sentait parfois comme un père pour elle... peut être l'était-il devenu? Chassant cette relfexion de son esprit, Fineldor décida de revenir au sujet premier. Son ton se voulu autoritaire et inflexible, malgré une légère touche à peine perceptible de compréhension.

Comme je l'ai dis je ne reposerais pas une seconde fois ma question. Toutefois, celle ci attend toujours une réponse.

Macabre se montra très attentive pendant la définition des "maîtres" qui allaient l'entourer. Tout comme le langage du corps, la petite elfe avait du mal avec les nuances des mots. Elle avait besoin de franchise et de simplicité. Non pas qu'elle fut sotte, elle était capable de comprendre aisément une situation compliquée, mais elle n'avait pas été habituée aux contacts humains. Ceux qu'elles avaient connu étaient violents, tant physiquement que verbalement. Cela ne laissait place à aucun ambiguïté. Alors, forcément, certains choses lui échappaient encore. Même après 9 ans.
On n'effaçait pas près d'un siècle comme ça...

L'élève comprit enfin le sens du mot "maître" et ses sourcils reprirent une posture normale, signe que plus rien ne la perturbait. Fineldor avait pris toutes les précautions pour lui répondre. Le sujet était sensible et le resterait encore longtemps. Certes cela avait détourné l'esprit de la petite elfe du sujet d'origine mais il était important que ce point soit éclaircit avant qu'elle ne puisse aller plus loin.

-Donc, les maîtres dont je te parlais seront tes professeurs, comme je le suis actuellement. Ils t'apprendront des choses sur la magie, mais en aucun cas ne te traiteront comme une esclave. Si cela venait à être le cas, tu devras m'en informer sur le champ, et je ferais ce qui est nécessaire pour que cela ne se reproduise plus.

Macabre hocha la tête à quelques reprises pour signaler qu'elle avait compris. Depuis toujours, il s'est montré prévenant à son égard et, même s'il lui avait parfois fait peur, elle avait rapidement su le voir. Ce fut ainsi qu'elle avait pu raisonner sa frayeur de la magie de la lumière car elle avait compris qu'il ne lui ferait pas de mal. Avec le temps, ce "pas" était devenu un "jamais"... Alors, quand il lui disait qu'il refusait qu'on la touche, elle le croyait. Elle avait confiance en lui.

La question de Fineldor sonna à son oreille, appelant une réponse comme si elle ne pouvait plus attendre. S'il y avait bien une chose que la petite Macabre savait reconnaître, c'était l'autorité. Mais, une fois de plus, la nuance lui échappa. Certes, ça n'avait rien à voir avec les ordres de Don'dar qui lui donnaient des frisons dans le dos et lui nouaient le ventre mais la petite touche de gentillesse n'était pas des plus perceptibles pour cet esprit fragile. Elle ne pouvait qu'entendre la combinaison des deux qui lui laissaient seulement entendre que Fineldor n'avait rien de méchant, même si elle ne comprenait pas toujours les raisons qui le poussaient à changer de ton.

-Je veux apprendre.

Voilà sa réponse. Même si elle s'exprimait davantage qu'à son arrivée, une véritable conversation restait un phénomène épisodique. Macabre continuait à faire preuve d'une grande concision et ne développait ses propos que rarement par elle-même. Toutefois, dans le cas présent, était-il vraiment nécessaire d'en dire plus ?

-Je n'ai pas compris l'elfique. C'était quoi ?

Le moins que l'on pouvait dire, c'est que Macabre s'exprimait toujours à sa manière et que son esprit restait toujours fermé à la langue de son peuple. N'importe qui qui ne l'aurait pas connue avant pourrait pensé qu'elle n'avait pas vraiment évoluée depuis son arrivée en Anaëh de part son comportement et son langage. Rien ne laissait à penser qu'elle s'intégrait plus qu'autrefois dans le paysage des cités sylvaines. Et pourtant...
Mais bien peu était ceux capables de s'en rendre compte et d'apprécier les changements qu'elle avait traversés à leurs juste valeur. Mine de rien, cette courte phrase était beaucoup plus claire qu'elle ne l'aurait été par le passé. Il y avait un peu plus de cinq ans, le "C'était quoi ?" aurait été le seul élément communiqué à Fineldor !

Durant la longue explication, la jeune elfe autrefois esclave fut très attentive afin de bien comprendre de quoi il s'agissait. De méfiance, elle finit par se détendre, prenant une attitude plus habituelle. C'était bien là le signe qu'elle avait compris. Car Fineldor avait commis une grave erreur en utilisant le terme de maitre. Sujet sensible que celui du sens à donner à ce mot, surtout pour celle qui avait tant connu l'esclavage des sombres. Elle avait été maltraitée et bafouée. Le seigneur protecteur se souvenait encore de son état lorsqu'il l'avait recueillie. Si jeune et qui avait pourtant déjà ressenti plus de souffrance que bien des elfes avec plus du double de son âge. Elle ne l'avait pas mérité, et il espérait pouvoir rattraper toutes ces années perdues. Mais jamais de tels souvenirs ne pourront totalement disparaitre. On disait que chaque événement était une lecon dans l'existence. Ce qu'elle avait vécu l'avait certainement marqué à tout jamais.

Par les divers signes d'acquiescement, elle marqua sa compréhension. Puis, quand le ton légèrement plus autoritaire réitéra la nécessité d'une réponse, celle-ci ne se fit guère plus attendre.

-Je veux apprendre.

Voilà qui était dit. Une bonne chose, à dire vrai. Car il était plus que temps que les véritables enseignements commencent. Tout, jusqu'alors, n'avait été que simples apprentissages de la vie courante, des manières d'être, pour qu'elle puisse de nouveau se sentir libre, se sentir elfe, se sentir elle-même. Mais au-delà de ce simple aspect, son potentiel magique ne devait pas être négligé. Car une telle puissance livrée à elle-même pourrait faire bien des ravages, sans même qu'elle le veuille.

-Je n'ai pas compris l'elfique. C'était quoi ?

A cette question, Fineldor Elwëndrion eut un sourire en coin. Une élève oui. Et une élève bien curieuse. Quoique de sang elfe, elle n'entendait guère à la langue de son peuple. Il avait bien tenté de lui apprendre, mais c'était peine perdue. Alors se contentaient-ils, pour l'instant, de la langue commune.

Ce que tu appelles simplement l'elfique, c'était là les incantations dont je me suis servi pour pouvoir utiliser au mieux ma magie. C'est un peu comme l'appeler, communiquer avec elle, l'inviter à se manifester.

Tout en expliquant, il se leva, et tendit la main, paume ouverte vers le haut. Puis il regarda la petite elfe droit dans les yeux.

La magie, c'est un peu comme les gens. Tu peux les forcer à faire ce que tu veux, les obliger. Si tu es assez forte, ils le feront, mais de mauvaise grâce, et tu devras sans cesse forcer pour les retenir.

Tout en parlant, il invoqua une petite sphère de lumière. Même s'il aurait pu la rendre plus lumineuse ou grande, il laissa une petite lumière presque tremblotante, pour bien illustrer ses propos.

Mais tu peux aussi proposer à ses gens de te suivre, les inviter. Tous ne viendront pas, mais ceux qui le feront seront heureux de le faire, et ainsi tu pourras espérer davantage d'eux.

Il éteignit la petite sphère, puis prononca une nouvelle fois une incantation.

Calima sila

Une nouvelle sphère apparut, beaucoup plus lumineuse, sans être éblouissante. Sa lumière était plus chaleureuse, plus stable, et on pouvait croire qu'elle allait prendre vie et s'envoler d'elle même en chaque instant. Elle flottait à quelques centimètres de la paume ouverte du maitre mage, qui esquissa un sourire vers son élève.

Voilà ce que c'est que l'elfique dont tu parles. Tu n'es pas obligé d'utiliser notre langue. Mais ce serait mieux, je pense. Parce que la langue de notre peuple a plus de sens et de pouvoir que le banal langage que tous utilisent. Mais aussi parce que tu pourrais apprendre la magie et le langage en même temps. Ce serait un bon point de départ. Bien sûr, les incantations te seront propres. Presque aucun mage n'utilise les mêmes. Mais quand tu sauras lesquelles utiliser, tu pourras rendre l'ombre plus dense, plus sombre et plus dure à repousser. Cela te conviendrait-il pour débuter, mon élève?

La dernière phrase avait prit un autre ton. Loin d'être agressive, elle laissait pourtant bien entendre une chose: ce n'était plus le père qui parlait à sa fille adoptive, mais bien le professeur à son élève. Professeur qui attendait beaucoup de ladite élève. Et qui savait qu'il ne serait pas déçu.

Macabre suivit avec attention l'explication du Protecteur sur les incantations. La perspective de devoir une nouvelle fois essayer d'apprendre l'elfique ne l'enchantait pas vraiment. Là où d'autres trouvaient le langage drow laid parce que très guttural et l'elfique plus attirant parce que chantant, la petite elfe comprenait très bien le premier mais n'entendait rien au second. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir essayé mais les sonorités étaient très différentes de ce qu'elle connaissait et elle peinait à se faire à un tel changement.

-Du sens ? Même si ça n'en a pas pour moi ?

La question était loin d'être idiote. Quel sens pouvait avoir un mot que l'on ne comprend pas ? Ce serait comme essayer d'utiliser un mot sans en connaître la définition. On l'utiliserait très mal. De plus, cette langue n'étant pas instinctive chez elle, cela ne se révèlerait-il pas être un handicap pour la pratique de la magie ? Elle pourrait toujours apprendre les mots (ou plutôt les syllabes) par cœur mais à quoi cela servirait-il ?

-Calma sala... Ça veut dire quoi ?

Ici, l'intérêt de la petite elfe n'était pas du tout pour la langue en elle-même. Comprendre le sens de l'incantation du Protecteur était pour elle un moyen de comprendre comment formuler ses requêtes. N'ayant jamais utiliser cette technique pour lancer un sort, elle ne voyait pas du tout comment elle pouvait commander aux ombres avec des mots... Un exemple était un bon moyen d'y voir plus clair.

-Il faut forcément le dire à haute voix ?

La petite elfe était décidément bien curieuse mais si Fineldor avait fait d'elle une étudiante de l'académie, ce n'était pas pour rien. La magie était bien la seule chose un tant soit peu normal dans lequel elle réussissait et pour lequel elle avait de l'intérêt. Même si son maître lui en avait imposé l'usage, nul doute qu'elle y serait venu de toute manière étant donné la facilité avec laquelle elle parvenait à lancer ses sorts. Son potentiel magique n'était pas uniquement dû au façonnage de son maître... Et de toute manière, Macabre n'avait absolument pas conscience de ce qu'il lui avait fait subir. Elle n'avait donc pas conscience de ne pas être véritablement elle-même.

La jeune elfe avait manifestement saisi l'importance des incantations. Elle n'en mesurait probablement pas la portée, mais au moins avait-elle comprit que cela aidait, et plus qu'une simple aide fortuite. En revanche, l'idée même de devoir se replonger dans le langage du peuple elfique la faisait grimacer. A en juger par sa première réponse, quant au fait que ledit langage n'avait pas de sens pour elle, bien qu'il en ait pour son maitre. Poussant un léger soupir, Fineldor ferma la paume, mettant ainsi fin au sort de lumière.

Si notre langue n'a pas de sens pour toi, je ne peux pas te pousser à l'utiliser. J'aurai aimé que tu l'apprennes, mais sans doute est-il encore trop tôt pour ça. A toi de décider si tu préfère l'apprendre, ou si tu préfère user de la langue commune. Toutefois, je te demanderai une chose. N'use pas de la langue des sombres. Et ce pour trois raisons.

Son sourire s'était effacé, son visage s'était fait plus grave alors qu'il énumérait les trois raisons.

Premièrement, elle ne fera que nous rappeler ton passé. Et je pense qu'il serait bon de regarder vers l'avenir désormais. Je ne t'interdis pas de l'utiliser complètement, mais lors de nos cours, je préfère que tu utilise la langue commune, étant donné que notre langue t'es inconnue.
La seconde raison est que cette langue a été utilisée pour commettre bien des maléfices. Son utilisation en tant qu'incantation est une insulte même à la magie telle que nous la pratiquons. Cela peut te paraitre comme un principe futile et inepte, mais c'est ainsi. Un professeur doit savoir poser des règles. Voilà l'une des premières.
La troisième, enfin, est que si tu souhaite pouvoir utiliser ta magie à la vue d'autres représentants parmi les elfes, le simple usage d'une telle langue pourrait te valoir la prison, voire pire. Et je ne pourrais pas toujours te sauver. Garde bien cela à l'esprit.

Malgré son incompréhension de la langue, la prochaine question de la petite elfe fut de savoir ce que signifiaient les deux mots utilisés par le seigneur protecteur. Mais sa prononciation laissait fortement à désirer. Ce qui valu un petit sourire à Fineldor.

Calima sila. C'est une incantation commune, et pourtant rares sont ceux qui l'utilisent, car elle est liée à la lumière, que peu maitrisent. Il est difficile de traduire exactement dans la langue commune, car elle présente bien moins de nuance que la langue de notre peuple. Mais vulgairement, cela pourrait signifier "Puisse la lumière briller". Par ces termes, j'invite la lumière à se faire plus forte, plus éclairante, plus brillante. Comme je te l'ai expliqué, j'aurai pu la forcer, mais je l'ai invitée, et elle a comme accédé à ma requête.

Il était compliqué d'expliquer les incantations à quelqu'un n'ayant pas reçu la formation pour. Et faire suivre une telle formation prenait des années voire des décennies. Mais la jeune Macabre se montrait curieuse et intéressée. C'était déjà une excellente chose, même s'il eut préféré qu'elle en fit autant pour le langage utilisé que pour le simple sens.

-Il faut forcément le dire à haute voix ?

Une question intéressante.

A priori, oui. Tu ne peux pas simplement penser l'incantation, il faut la prononcer. Et si tu la murmures, il y a des risques que son effet soit moins puissant. Parce que la magie doit entendre ton incantation. Il n'est pas nécessaire de la hurler non plus. Mais la prononcer d'une voix normale est recommandé. Bien sûr, avec le temps et l'expérience, tu peux la prononcer de plus basse voix, et même t'en passer. Mais ce ne sera pas avant de très longues années. Tu dois te dire que cela sera bien long. Mais si moi même j'ai pu acquérir les pouvoirs qui sont les miens, ce fut au prit de très longues études.

Il l'observa un petit moment. De très longues études... Il ne saurait dire si elle en aurait la patience, mais une chose était sûre: elle serait attentive, appliquée et sérieuse. Il ne l'imaginait pas autrement.

As-tu compris le principe même d'une incantation? Ou dois-je le réexpliquer? Il te faut être sûre, car essayer sans être préparée pourrait être dangereux.

Macabre ne répondit rien à aux doléances du Protecteur concernant l'apprentissage de l'elfique. Malheureusement, elle n'y avait jamais été très réceptive. Laliëmerel lui parlait pourtant souvent dans cette langue pour l'y accoutumer mais aucun réel intérêt n'était jusqu'alors né en elle et elle n'avait su apprendre aucun mot sans le déformer au passage. Il était depuis longtemps devenu évident que le fait de toujours se penser esclave n'était pas étranger à la chose. Le seul lien avec le passé qu'elle conservait était celui-ci. Peut-être pour se protéger du mal inimaginable qui lui tomberait dessus si d'aventure elle se retrouvait à nouveau dans les griffes de son maître...
Son caractère très nature la rendait honnête et elle ne savait ni mentir, ni déformer la réalité contrairement à ce que pensaient ceux qui ne faisait pas l'effort de la comprendre. Elle ne savait simplement pas s'exprimer de manière claire et ses paroles étaient des énigmes pour ses interlocuteurs. Ainsi ne chercha-t-elle pas d'excuses pour justifier son absence de progrès dans cette matière.

-Vous m'avez dit de ne plus la parler. De toute façon, personne ne comprend.

Dès ses premières semaines de liberté, Fineldor lui avait fait comprendre que la langue noire n'était pas à utiliser en Anaëh. Tout du moins, pas de manière commune. Il y en avait bien quelques uns qui connaissaient ce langage mais ils en avaient un autre usage que celui du discours oral.

Lorsque son précepteur la corrigea sur sa prononciation, elle répéta à voix basse, non sans commettre de nouvelles erreurs. Vraiment, elle y mettait de la bonne volonté mais son esprit semblait faire un blocage sur le sujet...
A l'écoute de la traduction de l'incantation du Protecteur, Macabre vit son geste d'un regard nouveau. En somme, il parlait à la magie. Un exercice simple pour certains mais la petite elfe n'avait pas vraiment l'habitude de discourir... Elle ne parlait même pas au petit rongeur qui la suivait le plus clair du temps. Pour se faire comprendre de lui, elle agissait. Quant aux elfes, ils la poussaient à s'exprimer par des mots plutôt que par des gestes. Aussi, si elle montrait ce qu'elle voulait, on lui demandait de faire une phrase pour énoncer sa requête.
Parler à des êtres physiques n'était pas encore vraiment naturel chez elle, alors à quelque chose qui n'existait pas de façon matérielle...

-J'ai compris. Mais je ne sais pas quoi dire.

Choisir un sort et ne pas le lancer ? La suggestion paraissait étrange aux yeux de la jeune elfe mais ce n'était pas la première fois qu'elle ne voyait pas vraiment où son précepteur voulait en venir. Elle se plierait donc à l'exercice sans rechigner. Mais quel sort choisir ?
Se cacher dans une ombre ? Cela ne représentait pas beaucoup d'intérêts. Elle le faisait en permanence et maîtrisait cette capacité dans la moindre difficulté.
Pas de brouillard avait-il demandé... Elle incluait donc le nuage dont elle s'enveloppait afin de s'isoler lorsqu'elle était d'humeur maussade. Les deux exercices étaient trop similaires à ses yeux.
Un sort facile... Donc pas de créature en trois dimensions dont elle se servait comme support avant de passer à l'illusion. Elle s'amusait à affiner les détails de sa création en guise d'entraînement puis tentait de refaire la même chose avec une autre magie. Elle avait d'assez bons résultats mais sans y mettre tout son cœur. L'illusion était davantage une distraction ou un moyen d'expression qu'autre chose à ses yeux. Son domaine restait bien celui de l'ombre.

Finalement, Macabre baissa les yeux. Observant sa propre ombre portée au sol grâce à la lumière de la fenêtre, elle se concentra. Certes, il lui avait demandé de ne pas le lancer mais elle ne savait pas comment l'expliquer autrement... Alors elle ferait un petit quelque chose rapide pour montrer ce qu'elle voulait faire.
Le sort ne dura qu'un instant. L'ombre de la petite elfe se pencha légèrement sur le côté afin de se mettre de profil. Elle porta sa main sur sa bouche et sembla ricaner derrière ses doigts une seconde puis reprit sa position initiale. Lorsque Fineldor relèverait les yeux vers son élève, elle serait déjà en train de le regarder, attendant de savoir comment elle pouvait améliorer ce petit tour de passe-passe magique.