Échange du Nord

Sujet: Échange du Nord Mer 23 Mar 2016 - 17:56

1er jour, 6e énnéade, Verimios, 8e année, XIème cycle.

Godfroy de Saint-Aimé a écrit:: A l'attention d'Aymeric de Brochant, marquis de Serramire et seigneur de Brochant,

Bon marquis, c'est avec plaisir et une grande joie que j'ai reçu la nouvelle de votre victoire ainsi que l'invitation à vos festivités. Vous serez ravi d'apprendre que Roderik de Wenden, autrefois sénéchal, sera bientôt comte. Par mon tutorat, je compte le marier à Iselda de Karlsburg, et tous deux seront heureux.

Je vous confesse mon impatience quant à la tenue de ce tournoi, qui sera l'occasion pour les braves de se montrer preux s'ils ne l'ont point été contre l'Envahisseur. Je suis heureux aussi d'apprendre le dénouement pacifique de ces querelles avec Jérôme de Clairssac. L'homme ne m'a pas paru mauvais, lorsque je l'ai rencontré à Sainte Berthilde en compagnie de l'une de vos dames, Maélyne de Lourmel. Nous y avions discuté de notre avenir, maintenant que, à notre insu, le Médian a renversé la régence. Par votre vassale, peut-être avez-vous appris la mort du véritable roy Bohémond Ier, d'une pneumonie, le mois dernier, en Barkios. Le naufrage de feu sa mère, ma cousine, et de son demi-frère ne laissa aucun autre survivant. Le Soltaar s’est empressé de clamer qu’il détenait notre bon roy Bohémond, mais fadaises que tout cela. Le goût démesuré de ces gens pour le pouvoir les poussera à dévoiler leur vrai visage, quand ils se mordront leurs queues, et feront preuves de toute la cupidité et la soif de pouvoir qui les animent.

Mais lorsque l'animal agonise, on remarque qui sont les charognards qui se ruent sur lui. Croyez-bien, bon marquis, que je ne porte guère ces gens par-delà les Monts Corbeaux dans mon cœur, mais avec votre sagesse et votre tempérance, j'entends affronter ma colère et la vaincre. C’est à croire, monseigneur, que la défaite d’un ennemi voile l’arrivée d’un autre, plus dangereux ! Occupés que vous étiez au Nord, j’ai assisté impuissant à la chute de Diantra. Apprenez ceci : j’ai cessé l’envoi de blé au Médian, et ce depuis la 7e énnéade de Barkios. Je me tourne aujourd’hui vers vous, en bon ami et bon allié, afin de nous pencher sur un avenir commun.

Puisse les dieux vous guider,

Godfroy de Saint-Aimé, marquis de Sainte Berthilde, prieur et seigneur de Saint-Aimé, seigneur de la Toranne et d'Erignac.

Revenu d'Oesgardie, Aymeric découvrit, en sus d'autres missives, celle que lui avait envoyé son voisin Godfroy de Saint-Aimé, dont tout supposait qu'il avait enfin mis sa - large - main sur les terres de Sainte-Berthilde. Les deux hommes s'étaient connus - ou tout du moins rencontrés - il y a fort longtemps, lorsqu'en réponse à la rébellion du baron Baudoin, les seigneurs du Nord avaient marché contre l'Oesgardie. Le marquis d'aujourd'hui servait le duc d'alors, et Godfroy, quant à lui, obéissait à l'ineffable Aegar, ce margoulin qui avait jadis acheté son titre à force de piécettes.

Après la rébellion de ces deux seigneurs, Aymeric n'avait guère plus eut d'occasion de rencontrer le seigneur de Saint-Aimé. Ce dernier, du reste, regagna certainement ses pénates, d'où, à l'instar de notre héros qui avait lui aussi pris les armes contre Merwyn le Fol, il contribua à chasser le marchand Aegar. C'est que Godfroy, de la même manière qu'Aymeric, était lié à ses suzerains par le sang, et tenait de celui-ci quelque prétention au titre. On raconte qu'au tournoi du Roy, l'Effroyable s'était même vu promettre le fief de Sainte-Berthilde, avant que le roi ne se rétracte et ne l'offre à une de ses cousines, la dame d'Erignac.

Ainsi, Aymeric et Godfroy se trouvaient être deux hommes aux vies fort semblables : bons chevaliers, ils avaient défendu le Roy contre leurs félons de suzerains, et Sa Cécité Trystan les en avait bien mal récompensé. Des années après, tout deux se retrouvaient à la tête d'un marquisat, et tout laissait à penser que ces deux larrons là s'entendraient comme cochons. Oncques mais! Une lettre fut reçue. Après l'avoir lue avidement, le marquis entreprit de répondre aussitôt à son commensal.

Citation :: À son Excellence Godfroy, marquis de Sainte-Berthilde, seigneur de Saint-aîmé, Seigneur de la Toranne et d'Erignac,

Au 3^ème jour de la 6^ème énéade de Verimios, à la 8^ème année de notre cycle,

Doux sire, c'est avec grande joie que j'apprends les fiançailles entre l'héritière de feu le comte Alwin, brave à qui le Nord tout entier est redevable, et dont la geste mérite d'être chantée des siècles durant, avec le seigneur Roderik, qui figure premier parmi les prud'hommes de ce Royaume. Il est de bon aloi, après ces mois de géhenne, que réjouissance se fasse, aussi suis-je fort aise d'apprendre votre venue prochaine à Serramire.

Je n'aspire qu'à la bonne entente entre les seigneurs du Nord, dont l'âpre combat contre les puysard a aisément montré la galanterie. C'est cela, je le gage, qui nous distingue du reste du Royaume, dont les forfaits, hélas, me sont également parvenus aux oreilles. Plus que jamais, il convient d’œuvrer pour que vertu advienne, et que la félicité revienne dans le pays de notre bon Roy Bohémond. Car sachez ceci, cher ami : en tant que prud'hommes, et bons chevaliers, nous ne saurions rien laisser au hasard. S'il advenait que par quelque sorcellerie, les soltaris tinssent bel et bien notre Roy, et que le cadavres que vous repêchâtes ne fut que celui d'un simple enfançon, alors il nous incomberait de secourir Bohémond des griffes suderonnes qui l’enserrent.

Ne restez donc point abattu par les évènements, cher ami : si les Dieux sont bons, ils feront que notre Sire ait survécu. Il ne nous appartient que de le secourir de ses geôliers soltariis, et de l'installer à Diantra, qu'il n'aurait jamais dû quitter.

Que la DameDieu vous garde,

Aymeric de Brochant, marquis de Serramire

Godfroy de Saint-Aimé a écrit:

Fin 7ème énnéade de Verimios, 8ème année, XIème cycle

A l'attention d'Aymeric de Brochant, marquis de Serramire et Protecteur du Royaume,

Bon sire, je salue votre optimisme et votre foi en l'avenir, tandis que je contemple les bribes de la mienne, jonchée sur le sol. Croyez bien que je comprends que vous voudriez croire à la survie du Roy, toutefois il est de mon devoir, non seulement en tant que parent de ce dernier, mais aussi en tant que loyal serviteur de la couronne, de ne point vous laisser vous bercer d'illusions.

Si nul ne l'a demandé, je vous le dis ici : durant les derniers jours de Favrius, un navire échoué a été découvert aux larges des côtes de la baronnie d'Olyssea. On y a trouvé ni le corps d'Arsinoé d'Olyssea, ni celui de son premier fils. Mais l'épave était le tombeau de deux bannières, celle du Roy, et celle d'Olyssea - la terre natale de feu ma cousine -, et le navire transportait maints coffres remplis d'or, ainsi que Bohémond.

S'il n'a pas été donné à tous les nobles de rencontrer le Roy, sachez que je l'ai rencontré, plus d'une fois, assez pour le reconnaître, et que je ne suis pas homme à être dupé par le sort, lorsque je vous affirme que l'enfant qui m'a été ramené, et qui nous a quitté des suites du naufrage, était Bohémond. L'amour d'une mère prévaut sur le pouvoir, Excellence, et jamais ma cousine n'aurait cédé son enfant à un tiers.

Pour notre terre, le Roy est mort, mais le Roy doit vivre. Et nous confessons notre scepticisme quant à l'héritière de la couronne, la fille de Blanche de Hautval. Le marquisat ne tolérera pas l'avènement de la fille d'une traîtresse et d'une félonne. Nous serons dans l'attente de nouvelles plus clémentes, se rangeant derrière ceux qui uniront nos terres, recherchant l'équilibre, la paix et la prospérité, et non le pouvoir.

Puisse le sort vous êtes favorable.

Godfroy de Saint-Aimé, marquis de Sainte Berthilde, seigneur de Saint-Aimé, de la Toranne, et d'Erignac.

La réponse du marquis vint promptement, et avec elle, l'assertion sèche que le roy n'était plus. Était-ce le chagrin qui balayait doutes de Godfroy, ou son ambition ? À l'évidence, la rancœur du marquis de Sainte-Berthilde était fondée, car c'était son parent qu'il pleurait. Pourtant, Aymeric ne pouvait s'empêcher de lire entre les lignes : la mort de Bohémond, tout tragique qu'elle fut, faisait aussi le bonheur de Saint-Aimé. En rejetant que le fils de l'Ivrey ait pu survivre, Godfroy s'assurait de l'emprise sur son fief, et de fait, supposer l'existence du Roy, c'était intenter à ses terres.

Aymeric n'était pas un sot, et s'il s'était longtemps gardé de prendre part aux tractations Diantraises, il savait bien que si les armes devaient être tirées contre le marquis de Sainte-Berthilde, sa neutralité ne lui octroierait aucune aide. Ainsi, tant qu'il ne serait pas certain de la survie du Roy, le marquis tâcherais de négocier prudemment avec ses commensaux.

Citation :: À son Excellence Godfroy, marquis de Sainte-Berthilde, seigneur de Saint-aîmé, de la Toranne et d'Erignac,

Au 6^ème jour de la 7^ème énéade de Verimios, à la 8^ème année de notre cycle,

Cher ami, votre colère à l'encontre des rebelles est légitime et saine. Les gens du médian, en marchant contre notre Sire, on causé un grand dommage à la Péninsule toute entière. Cependant, je ne saurais que vous inviter à l'indulgence envers les enfants de la baronne de Hautval. Il ne nous appartient pas de juger les fils pour les fautes de leurs pères, et les princesses de sang sont innocentes des errances de leur génitrice.

L'ennemi ne réside aujourd'hui pas dans la personne de quelques enfançons, mais bien chez ceux qui les tiennent sous leur férule. Tant que les suderons tiendront celui qu'ils disent être le roi, nous ne seront en mesure de vérifier leurs dires. Pire! Ils le tiendront écarté de Diantra, et dirigeront depuis Soltariel. De même, les filles de l'Ivrey, tant qu'elles seront dans les mains de la Ligue, nous empêcheront de retourner la royauté à Chambrevert.

Sachez, doux sire, que devant cela, les prud'hommes qui nous sommes ne sauraient rester attentifs. Les gens du médian ont jeté à bas la couronne, et ceux du sud l'ont dérobé. Il nous appartient, en bons vassaux de la couronne, de rendre à celle-ci ses terres et ses droits. Je prie les Cinq pour qu'ils bénissent cette entreprise, et j'espère que vous vous adjoindrez à celle-ci.

Que la Damedieu vous garde,

Aymeric de Brochant, marquis de Serramire

Godfroy de Saint-Aimé a écrit:

Début 9ème énnéade de Verimios, 8ème année, XIème cycle

A l'attention d'Aymeric de Brochant, marquis de Serramire et Protecteur du Royaume,

Bon ami, j'entends vos propos, et je me réjouis de voir que l'un de nous deux sait faire preuve de discernement en ne blâmant point un enfant pour les tords de ses géniteurs. Cette faiblesse, je la confesse, m'importune, tout comme elle a été le fer de lance de la rébellion du Médian. A l'heure où je vous parle, je ne suis point le seul à souhaiter l'avènement d'un Roy fort, et à ne plus souhaiter un enfant-roy, fut-il légitime, comme pourrait l'être Alcyne de Hautval.

Toutefois, je me résous à défendre les droits de cette dernière, mais le marquisat et ses vassaux ne toléreront pas que Blanche de Hautval, ou Nimmio de Velteroc, ou Niklaus d'Altenberg, ait la mainmise politique. Nous n'accepterons qu'un conseil de régence, où vous et moi aurons non seulement notre place, mais également notre mot à dire, car entendez cela : je n'entends ni accepter, ni pardonner ces usurpateurs, revendiquant ou créant des duchés de leur seul droit des armes.

J'ai, en bonne foi, entrepris de recevoir Niklaus d'Altenberg, en lui proposant d'établir une couronne unanime, où les nouvelles terres seraient discutées en paix. Mais lui, qui est le premier à clamer que les terres ne l'intéressent guère, attend patiemment de voir celui qui lui proposera la meilleure part du gâteau. Assurément, je vous le dis, sous des allures d'humilité et de nobles intentions, un grand nombre de seigneurs ne sont que des vautours de la pire espèce.

Tant que vos intentions, vos paroles, et vos actes seront dictés par le retour de la couronne, de quelqu'un pour la porter, établissant ainsi un consensus aux yeux de tous, vous serez mon ami et mon allié. Mais si d'aventure votre intelligence était trompée par les apparences du duché de Soltariel, ou si l'on tentait, à vous ou à moi, d'imposer une position, alors le marquisat se retirerait, en l'attente de celui qui unira les territoires sous une seule bannière.

Godfroy de Saint-Aimé, marquis de Sainte Berthilde, seigneur de Saint-Aimé, de la Toranne, et d'Erignac.

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