[Serramire] Négociations et propositions. | Jérôme de Clairssac [Terminé]

La guerre était finie. Non seulement la menace Noir Elfique a été boutée en dehors de l’ancien Royaume des Fiiram mais le Baron d’Etherna, Jérôme de Clairssac marchait aux côtés du Marquis. Cela ne voulait dire qu’une chose ; ils avaient trouvé un accord. Même si Maélyne n’en connaissait pas les termes, elle était toutefois heureuse que les hostilités prennent enfin fin. La Dame était restée à Lourmel durant les nombreuses ennéades de guerre mais elle n’a pour autant pas tourner les pouces. Pendant que le nord se battait vaillamment pour défendre le Royaume des hommes, le Médian s'entre-déchirait et Maélyne prit soin de suivre ces événements minutieusement.

En route pour Serramire, elle était plutôt rêveuse, la tête dans les nuages, sourire aux lèvres. Le retour de Roderik, la fin de la guerre, les négociations fructueuses entre le Baron et le Marquis, ses retrouvailles avec sa famille, restée à Serramire, elle avait de quoi être heureuse malgré l’approche de la nouvelle année qui annonçait également un anniversaire déchirant qu’elle préférait oublier pour l’instant.

Serramire-la-ville, là où elle a vécue bon nombre d’années. Cette cité n’était pas Lourmel mais la Dame l’appréciait tout autant. Accueillie comme il se doit au château, la Dame prit possessions de ses appartements. La journée ne faisait que commencer et le soleil brillait de mille feux. Les jardins... Ces beaux jardins... Elle s’y rendit, pour marcher, pour profiter des rayons du soleil et pour humer les fleurs aux parfums délicats. Maélyne arriva près de l’arbre, le fameux arbre qui la fit chuter aux pieds de la belle Aline. Un sourire s’afficha sur son visage lorsqu’elle y repensa et la dame se demande ce qu'était devenue la soeur du Seigneur de Montévlin.

Elle prit place sur le petit banc, à l’ombre de l’arbre puis se mit à lire le livre qu’elle avait emportée, écoutant les gazouillis des oiseaux. C'est alors qu'une voix familière l'interpella.

Cette voix... elle la reconnu tout de suite. Levant les yeux, elle vit le visage de l’homme qui lui avait ramené sa sœur. De l’homme avec qui elle s’était liée d’amitié, mais aussi celui qui l’avait trahie. Un mélange de sentiments s’empara d’elle, toujours en colère elle ressentait néanmoins de la compassion, de la culpabilité mais aussi un sentiment de soulagement.

De ses petites mains froides, elle referma son livre après avoir soigneusement marquée la page. « Je vous en prie votre honneur, faîtes donc. » dit-elle en lui laissant un peu de place après s’être reculée. Il voulait parler, sans doute de tout ce qui s’était passé, ou alors de la guerre ou encore de Mathilde et de Lyse qui sont restées un certain temps à Lourmel. Maélyne doutait, elle qui d’ordinaire se montrait plutôt franche et direct avec Jérôme, pour le coup, elle se montrait plutôt effacée, comme craignant que leurs discution dérape une nouvelle fois.

Elle avait joint ses mains sur ses genoux, puis, lorsque le Baron s’était installé, elle reprit la parole. « Je suis heureuse de voir que vous êtes revenu sain et sauf. » Elle fit une légère pause. « Les récits... Décrivent... de telles horreurs. »  Elle n’aurait pas pu en dire plus, tant d’hommes avaient péri dans cette guerre. Elle remerciait toutefois les dieux pour avoir insufflée la raison aux hommes qui après avoir bouté la menace noir-elfique en dehors de nos terres, ont été assez intelligents pour garantir une paix sans combats.

« Comment vous portez-vous, Jérôme ? » Demanda-t-elle avec un peu plus de familiarité.

Jérôme fit un sourire figé à Maélyne, encore plus en voyant qu'elle continuait de le vouvoyer, ce qui n'était pas forcément un bon signe. Il s'assit prêt d'elle quand elle lui fit une place et réfléchit à tout ce qu'il avait à lui dire. C'est elle qui continua

"Point de votre honneur entre nous Maélyne."

Un voile passa devant ses yeux lorsqu'elle parla de la guerre, preuve de tout ce qu'il avait vu la bas et qui était pire que les autres campagnes qu'il avait faite.

"Je dois avouer être content d'être sain et sauf, les récits sont effrayants mais ils ne sont qu'un pale reflet de la réalité. La guerre, bien que nécessaire, n'est pas une belle chose à voir"

Jérôme avait toujours détesté la guerre même s'il l'avait fait plus que son compte ces derniers temps. Et pourtant, il devait s'avouer qu'il avait apprécié de diriger les hommes sans avoir le poids de la politique sur les épaules. Certes il avait le destin de milliers d'hommes entre les mains mais ce n'était pas pareil. Sa réputation et la foi de ses soldats à son encontre était grisant et lorsqu'il voyait ce qu'était la politique, il préférait la vie à la dure. Et il devait lutter contre cette ambiguïté qui faisait qu'il n'aimait pas la guerre mais appréciait son environnement. Enfin de toute façon, il avait eu son content de conflit et il avait faillit y passer. Il avait d'autres préoccupations et sa réconciliation avec ses deux suzerains étaient un soulagement. Il savait ce qu'il voulait à cet instant présent et il décida de ne pas tourner autour du pot

"Comment je vais, voila une question intéressante. En me regardant je dirais bien, j'ai eu la chance d'être très bien soigné après la dernière bataille."

En effet Jérôme avait été sérieusement blessé à sa folie meurtrière et sa décision de se jeter en première ligne. Il aurait pu y rester mais vu son statut, les mages l'avaient privilégié pour les soins.

"Maélyne, je ne doute pas que tu es au courant de la situation et du pardon que j'ai reçu de la part de Gaston d'Odélian et d'Aymeric. J'ai renoncé au titre de comte afin de prouver ma bonne foi, celle dont je t'ai parlé lors de notre dernière rencontre. Aujourd'hui Serramire à récupéré Oësgard et Alonna, sans heurt. Je me demandais...j'espérais, que cela serait suffisant à tes yeux pour y voir ma bonne foi. Je sais que mon honneur est entaché, surtout par rapport à Odélian mais ton amitié m'est précieuse et je voulais savoir si tu pensais pouvoir reconsidérer la mauvaise opinion que tu as eu et voir ma bonne volonté."

Voila, les mots étaient lancés. Il avait d'autres choses à dire mais cela était le plus important pour lui

Maélyne s’attendait à ce qu’il soit direct, mais pas à ce point. Ces paroles la touchèrent, elle qui n’était que Dame de Lourmel, une petite noble de seconde zone, pourtant il tenait à renouer les liens précédemment perdus. Que pouvait-elle demander le plus ? Il aurait pu se contenter du pardon de ses suzerains et complètement oublier leur querelle…

« Je n’ai plus la force de t’en vouloir Jérôme… Et j’en ai plus l’envie non plus. Je suis au courant de la situation. Du moins, je sais uniquement que son Excellence t’a pardonné. Les termes, car je suppose qu’il y en a, de votre nouvel accord ne m’a pas encore été divulgué. Mais qu’importe, ce n’est pas ce qui m’importe le plus. » Elle offrit un sourire en le regardant. « Je pense… Que nous devrions partir sur de nouvelles bases. » Elle se tourna légèrement pour lui faire face. « Crevons l’abcès. » elle fit une légère pause. « Je pense, que je te dois des excuses. Il est vrai que je te dois beaucoup… par rapport à Lyanna et… que nous avions décidé d’une alliance entre Lourmel et Etherna. » Elle soupira. « Quand Son Excellence à annoncé partir en guerre contre toi, il nous a tellement bien vendu ta traitrise que je me suis laissée convaincre, en plus d’être sous un serment de vassalité. Je…» Elle s’arrêta de nouveau. Serment ou pas, elle aurait pu faire sécession et suivre Jérôme, mais il ne lui avait rien dit. Comment pouvait-elle savoir. « Je m’excuse Jérôme. »

La conversation n'alla pas dans la direction qu'il souhaitait mais il n'avait pas à se plaindre. C'est comme si, comme Maélyne l'avait indiqué, l’abcès avait été crevé et s'était dégonflé. Et non seulement, tout allait mieux que dans ses plus grandes espérances mais en plus c'était elle qui s'excusait, revenant sur leurs accords et sur sa soeur jumelle. Bon certes, elle n'avait pas fait confiance à Jérôme et cela malgré ses obligations, elle ne lui avait même pas laissé le bénéfice du doute, mais vu les dernières actions du baron, c'était compréhensible. Jérôme lui prit la main, allant au delà de toute décence mais il ne s'en rendait pas compte

"Maélyne, arrête, ce n'est pas à toi de présenter des excuses. Il y a eu de nombreux malentendus et tu étais lié par serment au marquis, je comprends. J'aurais juste voulu que tu me laisse le bénéfice du doute, ce qui ne semblait pas le cas à notre dernière rencontre. Me voila bien heureux de voir qu'il y a une possibilité de réconciliation, je t'avoue que j'en doutais la dernière fois."

Il devait informer Maélyne de ce qu'elle ne savait pas, ce qui était étonnant

"Après Amblère, Aymeric m'a demandé mes intentions pour Oësgard. Ne voulant pas le spolier et ayant comprit que c'était ce qu'il pensait, j'ai renoncé à mon titre de comte afin de lui laisser la suzeraineté sans ambiguïté. Je pense qu'il avait encore des doutes sur ma bonne foi, dans tous les cas il m'a nommé régent d'Oësgard et sénéchal des armées du marquisat."

Et maintenant qu'elle savait, revenir sur ce qui était important

"Il est normal d'avoir tout fait pour que tu sache au sujet de ta soeur, j'aurais été le plus malhonnête des hommes si je ne t'avais pas aidé dans ta quête de justice. Ainsi donc tu es d'accord pour effacer tout cela, oublions tout ce qu'il s'est passé et au lieu de repartir sur une nouvelle base, continuons sur celle qui était avant, qu'en pense tu ? Sinon je suis d'accord pour repartir à zéro et me présenter de nouveau."

Il se leva et posa un genou au sol, sa main dans la sienne, comme pour une première rencontre avec une dame très importante. Mais après tout, ne l'était elle pas pour lui. Il avait poussé le jeu avec un petit sourire narquois, rien de méchant, content de voir qu'il pouvait retrouver ses anciens amis et que son erreur pour Odélian et les malentendus et maladresses de sa part pour Serramire ne l'avaient pas isolé. Il fallait dire que vu les bassesses qui avaient eu lieu, il avait été écœuré par la politique et qu'il doutait de beaucoup de monde maintenant. Il voulait donc conserver coute que coute les personnes qui lui semblaient honnête auprès de lui.

"J'ai appris que tu avais hébergé ma soeur et que tu t'étais occupé de ma nièce durant la lourde épreuve que nous traversons. Je t'en remercie, ça me touche beaucoup, je vais bientôt me rendre à Etherna après un passage par Froissart afin de me recueillir sur la tombe de ma mère."

Mais parler c'était bien mais il ne lui avait pas demandé lui, comment elle allait

"Et toi, comment vas tu toi ? la guerre n'a pas dû être facile même pour ceux qui sont restés au pays."

Elle l’avait écoutée attentivement, étonnée toutefois qu’il se mette à genoux, mais bon, ces Clairssac avaient toujours le don de vous étonner. Elle se rappelait encore ses moments passés en compagnie de sa sœur, Mathilde et de sa nièce, Lyse, au castel de Lourmel. Cette femme et cette petite ont réussies à l’étonner plus d’une fois.

Maélyne afficha toujours un léger sourire, heureuse de retrouver son ami mais pas que. Cette réconciliation était le signe d’une nouvelle bonne entente entre la noblesse Serramiroise et la noblesse Ethernienne, ce qui avouons-le, n’était pas de refus au vu des nombreuses tensions de ces derniers mois.
« La guerre n’a pas été facile il est vrai, mais je n’ai pas à me plaindre tu sais. Je suis restée au château, au chaud, à l’abri du vent et de la pluie, en sécurité alors que nos hommes partaient combattre une menace si dangereuse... » Elle s’arrêta un instant. « Tant d’hommes ne sont pas revenus... » Un voile de tristesse s’empara de son visage. « J’étais heureuse d’apprendre qu’une once d’intelligence a traversé l’esprit de nos suzerains pour qu’ils cessent de se quereller après pareille bataille. » Elle soupira, laissant son regard vaquer dans le vide un moment avant de se reprendre, affichant à nouveau un léger sourire.
« Mais soit, tout cela fait partie du passé maintenant. Nous sommes tous présents ici aujourd’hui pour festoyer dignement la victoire des hommes sur ces monstres. » Elle fit une légère pause avant de reprendre. « D’ailleurs, je voulais te parler d’un tout autre sujet. J’espère toutefois que cela n’est pas trop précipité mais mon oncle m’a demandé si ton cousin, Basil de Clairssac serait intéressé de prendre ma cousine en épousailles. Même si c’est la branche des Outremont, cela pourrait éventuellement rapprocher nos deux maisons. » Maélyne avait replongé son regard dans le sien, attendant sa réponse.

Jérôme écouta la réponse de Maélyne, Le sourire qu'elle arborait était un signe de plus qu'elle ne l'avait pas rejeté et que cette réconciliation aurait lieu. Jérôme souhaitait cette entente car il portait la dame en très haute estime et il avait besoin de soutiens. Il lui serra plus fort la main lorsqu'elle fit allusion aux hommes qui n'étaient pas revenu et qu'un voile de tristesse passa sur son visage. La suite fut une surprise, alors qu'elle parla de son oncle et d'une union qui lierait les deux familles. La soeur de Basile avait déjà épousé l'héritier de Versmilia et revenir sur son cousin l'étonna. il se releva et s'assit de nouveau auprès de la dame en réfléchissant et en essayant de gagner du temps

"Rester au pays n'est pas une chose facile. Il y a le quotidien à gérer, les décisions d'une noble ne sont pas facile en ces périodes troubles, encore moins avec le manque d'hommes pour la sécurité et les champs. Ne minimise pas ton importance parce que tu n'as pas participer au carnage qui eut lieu, au contraire, réjouis toi et fais tout pour adoucir les retour des valeureux."

L'intelligence des suzerains ou des menaces voilées, voila qui resterait un mystère. Gaston n'avait pas la tête des beaux jours lorsqu'il avait plié bagage avec son armée et celle d'Etherna. Pourtant l'important c'était le résultat

"En effet, et même si je ne suis pas ton suzerain j'accepte le compliment"

Jérôme était après tout au cœur du problème et il avait renoncé au titre de comte pour apaiser ces tensions existantes. Ce n'était pas un mince sacrifice et peu de nobles l'auraient fait. Un grand sourire accompagna sa réflexion humoristique. Ce petit laps de temps l'avait fait réfléchir et cette union ne serait pas de refus. Lier Serramire et Etherna pouvait avoir une importance ultérieure. Aymeric avait semblé heureux de l'annonce de Jérôme sur son envie d'épouser Aline et le baron appréhendait le futur entre ses deux suzerains. Désamorcer la situation était une chose mais encore fallait il que les signes soient forts. Aussi l'union d'un cousin avec une cousine était bonne mais le lien pas si fort que cela. Il se souvenait de Nestor et le mariage qui avait lié les Clairssac aux Versmilia n'avait pas semblé si fort que cela. Une idée avait germé dans son esprit, il hésitait à en faire part à Maélyne, de même qu'il espérait que son frère comprendrait mais après tout, qui ne tentait rien n'avait rien. Enfin, la dame de Lourmel était une femme très bien faite et séduisante et si lui même n'avait pas Aline dans son cœur, il aurait sans doute poussé le vice jusqu'à faire la demande en son nom

"Unir nos deux familles serait une chose qui me ferait plaisir, il faudrait que j'en parle à Basile, le pauvre est veuf et je lui dois bien cela. Mais dis moi Maélyne, excuse moi si je vais trop loin mais tu sais, mon frère n'est pas marié. Que penserais tu ? et que penserait ton oncle si tu t'unissais avec mon frère ? le lien serait alors plus fort et le symbole en serait plus grand."

Voila le pavé était lancé

« Moi ??? » La proposition avait fait l’effet d’une bombe. Oui elle était veuve depuis presque quatre ans. Oui plusieurs personnes de son entourage, proche ou non, réclamèrent qu’elle se remarie. Mais jamais elle n’avait sérieusement envisagé la chose. « Moi ??? » Répéta-t-elle une seconde fois tant l’étonnement était à son plus haut point. Bon, il fallait avoir, des propositions de mariage elle en avait connu plusieurs depuis la mort de son mari, Adrien de Bastylle. Mais là, la situation était tout autre. Oui, souvenez-vous, en tout début d’ennéade. Un homme a rendu visite à la Dame, à moitié ivre au départ mais il a pu décuver en geôle. Cet homme-là, elle l’aimait, par-dessus tout. Maélyne ne pensait pas recevoir de proposition de mariage autre que celle de cet homme-là.

Le rouge lui montait au nez. Elle avait entendu parler de Guillaume mais ne l’avait jamais rencontré. De là à affecter immédiatement et sans rechigner il y avait un monde. « Mais je… » Non elle avait toujours pas trouvé ses mots.

« Jérôme… ta proposition de touche énormément. Mais permets-moi d’y réfléchir et d’en discuter avec mon entourage. Je te promets une réponse dans les plus brefs délais. »

Alors qu’ils venaient à peine de se réconcilier, il fallait éviter de le rembarrer au plus vite. « l’excuse » était lancée ce qui lui laisserait sans doute pas mal de temps pour trouver le moyen de refuser.

Malgré cela, son regard s’était attristé et elle avait baissé la tête.

« Dit moi Jérôme, as-tu déjà connu l’amour ? Je veux dire, le véritable amour, celui qui te donne envie de passer le restant de tes jours avec cette personne. Dis moi, pourquoi ne nous y avons pas droit, nous qui sommes forcés de se marier pour former des alliances et perpétuer notre nom ? »

L'annonce avait l'effet d'une bombe mais vu la réaction de la dame, ou elle était très surprise ou il avait été trop loin et il allait se prendre un coup de semonce. Il pensait plutôt à l'étonnement et il fallait bien admettre que c'était soudain comme demande. En voyant le rouge lui monter aux joues, Jérôme se dit que finalement, il n'avait peut être pas été trop présomptueux. Il ne dit plus rien, lui laissant le temps de digérer l'information et surtout de réfléchir, ce qu'elle fit avant de demander un délai. Il s'y attendait en fait car la décision était d'importance

"Naturellement Maélyne, tu peux y réfléchir, je suis déjà content que tu ne repousse pas tout simplement ma requête. Ce serait un réel honneur de t'accueillir au sein de ma famille"

Le visage de Maélyne se ferma ensuite. Jérôme était noble, il avait apprit à dissimuler ses émotions, même s'il y parvenait mal par moment et il avait également apprit à détecter ceux de son entourage. Alors quand ceux-ci les cachaient ce n'était guère facile mais la dame de Lourmel ne le fit pas, sans doute prise au dépourvu. Jérôme se demanda ce qu'il avait fait pour stimuler ce genre de réaction et elle ne tarda pas à l'éclairer. Ce fut au tour du baron de réfléchir, surtout à la façon de répondre. En effet, il avait reçu plusieurs demandes assez récemment, d'abord par la régente pour une de ses cousines, puis par le patriarche Anoszia pour l'une de ses filles, Azénor. Enfin Maélyne elle même avait fait allusion à sa soeur de son vivant. L'entourage du baron l'avait encouragé à s'unir à Maélyne directement lors de la campagne de Serramire afin de se donner une certaine légitimité du fait de son ancien statut de marquise. Jérôme y avait pensé mais un mariage arrangé n'était pas forcément ce qu'il désirait et l'avenir avait détruit implicitement toutes ces demandes. En apprenant à connaitre Maélyne, il devait avouer qu'il se serait sans doute fort plus à ses côtés mais c'était avant sa rencontre avec Aline et la faculté de la jeune femme à lui ravir son coeur. Comment dire à Maélyne de concevoir un mariage arrangé alors que lui se payait le luxe d'espérer un d'amour. Pourtant sa franchise l'empêchait de mentir à son interlocutrice, surtout alors qu'ils étaient en train de se réconcilier et qu'il lui demandait tant

"Si tu me l'avais demandé il y a peu, je t'aurais répondu non. Je n'ai guère eu le temps de chercher l'amour et même si je l'espérais, je savais que ma position m'imposerait un mariage arrangé. Mais récemment, j'ai rencontré quelqu'un" il marqua un arrêt alors que son regard dépassait la dame et allait vers le mur et qu'il se perdait dans ses souvenirs "une femme qui n'a eut aucun mal à s'insinuer dans mon cœur et à voler mon âme. Je ne pense qu'à elle et le pire c'est qu'elle ne le sait même pas et que je ne sais pas si elle partage mes sentiments"

Il y avait toujours la possibilité qu'elle le repousse ou qu'elle ne l'aime pas de son côté et il n'userait pas de son statut pour la forcer. Revenant à la réalité et à la tristesse qui semblait avoir envahit la dame de Lourmel

"Si tu veux refuser Maélyne, tu le peux, je ne m'en offusquerais pas. As tu toi aussi trouvé l'amour ? ou est ce que tu ne désire pas épouser quelqu'un qui ne t'a pas séduite avant ?"

Jérôme était donc amoureux. Voilà quelque chose qu’ils semblaient enfin partager, même si ce n’était pas l’un envers l’autre. Elle pouvait aisément le comprendre. Ce sentiment qu’était l’amour pouvait à la fois vous rendre immensément heureux mais il pouvait aussi faire tout le contraire. Il pouvait vous insuffler le doute, la peur, l’envie, le manque, la tristesse… tant de choses contraire même à ce qu’on pouvait appeler « aimer ».

Jérôme lui avait avoué être amoureux, mais pouvait elle en faire tout autant ? Pouvait-elle dire que si elle doutait sur sa proposition c’était à cause de l’amour qu’elle portait pour un autre ? Roderik avait avoué ses sentiments, il avait promis de revenir, mais elle ignorait totalement ses intentions. Maélyne lui avait assurée qu’elle assumerait ses sentiments, peut-être avait-elle un peu parlé trop vite.

« La question ne se porte pas sur un éventuel refus. Je pense que tu me connais assez pour savoir que si quelque chose ne me sied pas, je le dis haut et fort. » Elle afficha à nouveau un petit sourire. « Mais vois-tu Jérôme, j’ai vu mon défunt mari pour la première fois que devant l’autel où nous avons prononcé nos vœux. Fort heureusement, il s’est montré être un mari aimant et respectueux. Et… Non pas que je doute des qualités de ton frère, mais je préfèrerais le rencontrer au moins une fois avant de me décider. »

Elle espéra que Jérôme accepte, après tout, elle ne demandait pas l’une des deux lunes.

Bien que n'ayant pas connu de mariage arrangé, Jérôme pensait pouvoir comprendre la crainte qu'inspirait cette coutume. Ne pas savoir qui serait l'époux ou l'épouse, ni le caractère, s'il était doux ou violent devait être un supplice. Jérôme connaissait aussi Maélyne, pas aussi bien qu'il l'aurait pu mais ils s'étaient beaucoup côtoyés durant la campagne de Serramire, puis de Froissart, guerre à laquelle sa soeur avait périe malgré toutes les tentatives pour la secourir à temps

"Quel piètre ami je serais si je t'imposais un mariage que tu ne souhaite pas ou si je n'accédais pas à ta requête. Je te laisse le temps que tu voudras pour réfléchir et bien entendu tu es la bienvenue à Etherna afin de rencontrer Guillaume avant de te décider."

Il ne savait pas trop quoi dire de plus

"Si tu te décidais, j'espère de tout mon cœur qu'il saura te combler autant, voir plus que ton précédent époux. C'est un homme bon et pleins de qualités, mais comme je suis son frère tu vas te dire que je ne lui vois pas de défauts." Il rit "Le fait que tu y songe est déjà une très bonne chose, je t'en remercie. Et s'il y a quoi que tu veuille savoir avant, n'hésite pas à me le demander, je te répondrais le plus honnêtement possible."

Il l'avait déjà dit mais accueillir Maélyne dans sa famille le comblerait. Cette union lierait les familles pour de bon et pour ne rien gâcher, cela renforcerait la puissance des deux.

"D'ailleurs, si tu viens à Etherna, ta fille Aline sera la bienvenue aussi, la mer est belle et les plages la changeront du paysage serramirois, je suis certain que cela lui plaira. Je me ferais une joie de vous montrer les coins les plus sympathiques."

L'on oubliait souvent les enfants dans ces histoires mais Jérôme les appréciait beaucoup, il adorait voir les bambins courir dans la cour du château et ça lui permettait aussi de montrer à Maélyne qu'il ne lui proposait pas qu'une alliance mais bien plus que cela.

« C’est très gentil à toi de m’offrir la possibilité de le rencontrer avant que prendre une décision. » Elle fit une pause. « Comme dit, je ne doute pas que ce soit un homme bon et qu’il sera respectueux envers moi. » Mais… Mais voilà, son cœur était pris, quelqu’un le lui avait arraché, quelqu’un le lui avait volé. Et elle espérait, elle espérait tant qu’il revienne, avant qu’elle ne prenne la moindre décision. Elle espérait qu’il tiendrait parole.

« C’est une bonne idée. » Dit-elle ensuite à son invitation. « Cela fait longtemps que je n’ai plus vu la mer et… je pense qu’un peu de vacances en compagnie de ma fille ne pourrait nous faire de mal à toute les deux. » Elle soupira. « Je n’ai plus beaucoup de temps à lui consacrer. Certaines personnes m’en font le reproche, alors que d’autres me disent que je ne fais pas encore assez pour Lourmel. »

Maélyne se leva alors après une brève pause. « Nous nous reverrons à Etherna, Jérôme. Incessamment sous peu. » Baissant la tête en signe de révérence, elle lui offrit un dernier léger sourire avant de partir.