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| Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] | |
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Cléophas d'Angleroy
Ancien
Nombre de messages : 314 Âge : 39 Date d'inscription : 22/12/2011
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 42 ans Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Mar 26 Avr 2016 - 21:52 | |
| - Cléophas ? - Oui ? - Tu es certain de vouloir aller au bout ? - J’y suis déjà, au bout. Que pourrais-je, que devrais-je, faire de plus ? - Tout ! - Je crois que tu me surestimes… - C’est toi qui te sous-estimes. Tu ne peux tout de même pas tout abandonner là… - Je n’abandonne rien, je me rends à moi-même. Combien d’années ai-je perdues ? Combien de fils n’ai-je pas aimés ? Chaque fois que j’ouvre les yeux ce sont de nouveaux panoramas qui se découvrent à moi ; toujours les mêmes villes mais défigurées, rapiécées, éventrées. Combien de princes et de rois ai-je enterrer et veiller ? Dis-moi, dis-moi combien car mon esprit défaille à force de compter les cadavres que j’ai rencontrés. Je n’ai plus que des tombeaux pour amis. Un vent a soufflé sur ceux qui m’étaient chers, un vent pestilentiel dont la plus grande cruauté aura été de m’avoir épargné. - Tu exagères. Je suis là, moi. - Qu’es-tu sinon un des leurs ? Certes je te vois en chair et en os et je peux te toucher et sentir ton cœur battre au creux de ma paume, mais cette main aura bientôt à sceller tes yeux de deux pièces d’argent. - Alors c’est décidé ? Tu ne reviendras pas en arrière ? - Non. - Je persiste à dire que c’est absurde. - Ce qui est absurde c’est de prendre part à sa propre déchéance. - De quelle déchéance parlez-vous ! Regardez, vous avez déjà tout ! - Justement ! Ce que j’ai, je l’ai aux dépens d’un autre qui a moins que moi et qui voudra plus que moi. Tous mes amis en sont morts et je suis le dernier à être encore en vie, le vestige d’une époque que la péninsule aimerait oublier. Je veux encore jouir du plaisir d’arpenter les rues de Merval, de contempler les mosaïques du Porphyrion, de voir les Verdesmonts changer de couleur aux premières chaleurs du printemps, de visiter les fontaines de naphte cachées sous la terre. Je veux poser une dernière fois les yeux sur la seule qui ait été fidèle malgré mes absences, silencieuse tandis que je gémissais de douleur, solide alors que tout autour de moi s’effondrait, accueillante au milieu d’une péninsule qui me haïssait. Si je persévère, ils ne m’en laisseront pas le temps mais me faucheront en plein vol. - Tu sais, je me souviens de toi, quand tu es arrivé au palais de Diantra avec toute ta garde…tu puais l’ambition à plein nez…je n’aurais jamais cru que je te verrais signer ta propre abdication… - Comme quoi, le monde a encore quelques surprises à nous dévoiler… - Tu veux que je te laisse seul ? Pour signer la lettre ? - Pour une fois que c’est moi qui te le demande… - Pas de problème. On se retrouvera dans peu de temps de toute façon. - J’avais oublié… Il fit quelques pas en direction de la porte.
- Aetius ! - Oui ? - Merci. - Je n’en attendais pas autant. La chaleur te réveilla. Le soleil, déjà levé, irriguait ta chambre d’un torrent de lumière orangée, tapant contre le bout de ton lit. Il n’y avait personne dans la pièce. Personne d’autre que toi. Constatant ta solitude, tu t’affaissais dans tes oreillers, lâchant un long soupir : ce n’était donc qu’un rêve. Tout avait pourtant paru si réel…Aetius avait raison, il restait beaucoup de choses à faire. Trop à ton goût. Tu voulais profiter encore de tes draps, de ton lit, de l’étreinte encore chaude d’un sommeil profond et de cette sensation que tu n’avais pas connue depuis Diantra : celle de pouvoir sentir glisser contre ta peau le lin des draps et la fourrure des jetés. Soulevant d’un geste brusque tes couvertures, tu posas tes pieds encore humides sur les tomettes brûlantes. Un frisson te parcourut, faisant vibrer tes tendons et tes muscles engourdis.
Lève-toi, Cléophas, être chétif car le jour t’appelle !
Dressé sur tes jambes, nu, tu observais d’un œil brouillé cette chambre, aux couleurs du zénith. La fine couche de poussière qui recouvrait tes cartes, le silence, les encensoirs immobiles et la pâleur des murs donnaient à cet instant quelque chose d’intemporel. Là, maintenant, tu pourrais être n’importe où. Il n’y avait plus de lieu, de jour, de nuit, de nom, d’office : il n’y avait que toi. Les yeux clos, tu goûtas ce moment précieux, il n’y en aurait certainement plus d’autre. Une bourrasque venue de la ville s’engouffra dans les baies grandes ouvertes, charriant ses effluves pestilentiels, sa fumée, ses scories. La vie venait de te rattraper, ses soucis avec elle. Tu passas une tunique pour couvrir ta nudité, tu la recouvris d’une autre plus soigneuse pour couvrir ta pauvreté, et enfin tu enfilas un grand manteau de bure écarlate, dont les manches touchaient le sol, pour te donner de l’ampleur. Rapidement tu passas un peu d’eau vinaigrée sur ton visage, mâchas des grains de cardamome pour te donner une haleine acceptable et sortis au visage du monde, sans qu’il sache que sous ces couches de tissus ton corps gardait encore l’odeur d’une nuit agitée.
Deux pages se présentèrent à toi tenant chacun un encensoir débordant de braises sur lesquelles on jeta à poignées des branches de romarin, de thym, de lavande et quelques larmes de baume odorant et alors, en un ballet rigoureusement répété, ils tournoyèrent autour de toi, agitant les vasques de métal au bout de leurs chaînes et l’espace de quelques minutes, tu disparus totalement au monde des vivants pour rejoindre celui des morts. Chaque matin tu éprouvais ce moment que redoutent les hommes, lorsque présents à leur être, croyant être en vie, ils entendront des voix et sentiront la fragrance des huiles d’embaumement mais ne verront rien qu’un épais brouillard. Pour toi, cela ne dure que quelques minutes mais pour eux, cela doit bien durer une éternité. Une éternité d’incertitude, de frustration, d’impuissance à laquelle ont été réduits tous les puissants de ce monde ; à laquelle tu n’échapperais pas.
Le protovestiaire s’avança et te présenta les insignes de la chancellerie posant cérémonieusement sur tes épaules le grand collier de l’office, frappé dans l’or et le vermeil, anciennement incrusté d’émeraudes et de citrines –aux couleurs de l’ancienne régente Arsinoé- que tu fis remplacer par des améthystes et des rubis. Il te remit aussi un manipule et enfin le manteau d’office, qui ressemblait plutôt à une cape plus foncée que ton manteau de bure. Il s’inclina légèrement et s’en alla, entraînant les pages en procession hors de la salle dans un silence religieux. Ils te laissèrent en plan, toi et tes douze mètres de tissu. Eprouvaient-ils la moindre satisfaction à te servir tel qu’ils le faisaient ou était-ce devenu pour eux une corvée qu’ils n’accomplissaient que par un sens aigu du devoir ? Et toi-même, consentais-tu aujourd’hui comme hier au poids pesant du manipule de la chancellerie par amour du Royaume ou parce que, toi aussi, tu avais un sens du devoir qui frisait l’orgueil de vouloir être parfait ? Qu’à cela ne tienne, tu n’avais plus le temps de te poser de telles questions car la péninsule continuait d’avancer et elle n’était pas la seule.
Traversant la cour du palais, tu t’aventuras vers un bâtiment couvert d’échafaudages montés à la hâte. Des ouvriers s’y affairaient, s’y injuriaient, s’y tuaient à la tâche pour ton seul plaisir d’avoir de nouveaux vitraux à contempler. C’était apparemment un ancien temple qu’on avait laissé à l’abandon, faute de pratiquants zélés dans le palais ; une bâtisse remarquable qui t’avait plu au premier coup d’œil. Tu savais d’expérience qu’il était mieux que la chancellerie soit assez loin des quartiers royaux afin de pouvoir garder loin de toi les sicaires fanatiques d’un roi devenu paranoïaque. L’histoire de Merval débordait d’anecdotes sanglantes lesquelles t’avaient fait comprendre la nécessité d’avoir un chez-soi bien gardé. De l’extérieur on ne pouvait deviner que le squelette d’un dôme qui dominerait la ville haute à l’ombre du palais, le reste étant caché sous les toiles tendues par les ouvriers pour dérober leur ouvrage aux regards indiscrets. Franchissant les tentures, les rideaux et le nuage de poussière qui te faisait demander comment les travailleurs ne s’étaient pas encore étouffés, tu admiras l’enfilade de cloîtres, traversant le premier et ses arcades qui s’élevaient sur cinq niveaux et qu’on flanquerait chacune d’un archer zélé pour atteindre le second, écrasé par le coffrage du dôme qu’on allait élever. Au sol, les mosaïstes s’affairaient pour tracer l’ébauche d’une carte de Miradelphia centrée autour de Merval et Soltariel et les ébénistes et menuisiers travaillaient d’arrache-pied pour combler les arcades du déambulatoire par des panneaux d’acajou damasquiné. Tu allais faire de ce lieu l’écrin et le joyau, l’aperçu de la splendeur cachée de Merval au milieu de la capitale nouvelle d’un royaume qui ne tarderait pas à se renouveler. Tu remarquas qu’ils avaient commencé par s’atteler aux rives de l’Estrevént, figurant Thaar et ses satellites par une pléthore d’étoiles colorées chacune reliée à Thaar par une chaîne. Ces artistes avaient-ils déjà mis les pieds à Thaar pour la représenter si fidèlement, s’étalant tel un montre repu sur les campagnes environnantes, débordant presque sur l’Olienne avec sa multitude de quais, de ports, de cales sèches. Même vue de haut, elle avait l’air d’une matrone autoritaire avec son visage sévère et redoutablement excitant, son sourire de carnassier et sa démarche qui rappelait les danses des assassins qui se faufilent entre les ombres dans la nuit.
Comment ne l’avais-tu pas courtisée plus tôt ?
Te précipitant dans la pièce meublée à la hâte qui te servait d’étude, tu te rappelais de l’essentiel lorsqu’il s’agit de séduire une femme : commencer par charmer ses amies. Heureusement pour toi, Thaar n’en manquait pas de jeunes filles à sa suite qui se disputaient depuis des siècles les mêmes charognes estréventines, lorgnant langoureusement sur ce cadavre en décomposition qu’avait toujours été Naelis, n’osant pas se disputer une péninsule déjà acquise à la cause de son Roi. Maintenant qu’il n’y avait plus de Roi ou presque, l’occasion était rêvée. Et puis, depuis le temps que tu cherchais une occasion pour quitter Soltariel…
Lévantique pénétra dans la pièce, toujours aussi rogue, toujours aussi mystérieux – fidèle à ce qui l’avait fait devenir qui il était. Il y avait quelque chose de foncièrement admirable chez cet homme : l’ampleur de ses mouvements, leur fluidité quasi elfique, la lenteur avec laquelle il se déplaçait, tout en lui paraissait sortir d’un autre monde ; jusque ses cheveux d’un noir de jais qui lui descendaient en cascade jusqu’à la taille. De ses mains, on ne voyait que ses longs ongles blancs taillés comme des griffes ; de son visage on voyait ses pommettes saillantes, ses sourcils incompréhensiblement blancs comme la laine et son sourire qui inspirait la mort : le genre d’ami que l’on aime avoir près de soi. Aux dernières nouvelles il revenait de Thaar, sa mère patrie qui l’avait répudié sans que personne n’ose demander pourquoi. Les bruits d’auberge racontaient qu’il gravitait autant dans les bas quartiers que du côté des palais marchands, prenant garde à ne jamais trop s’approcher du palais des princes. S’il y avait donc bien quelqu’un qui savait tout ce qui se passait dans les tréfonds de la pieuvre orientale, c’était lui.
- J’ai besoin de vos conseils, Lévantique. - C’est bien pour cela que je suis ici. - Si vous deviez vous rapprocher de Thaar, par où commenceriez-vous ? - Par prendre un navire pour Thaar. Un silence s’imposa naturellement. Apparemment on pouvait à la fois inspirer la mort et cruellement manquer d’humour.
- Je vois que votre esprit est toujours aussi désarmant. - Vous êtes perspicace Messire. - Oui, oui…pour en revenir à Thaar – - Honnêtement, connaissant les thaaris, on ne vient pas sans avoir déjà été annoncé par la plupart des marchands de la ville. - C’est-à-dire ? - Si vous voulez qu’on vous prête attention dans cette ville, il faut que vous l’ayez déjà attisée. On ne s’invite pas à Thaar, on y est invité. Au pire, introduit. - Hm… - Vous ne pourrez pas arriver avec vos titres et les leur jeter au visage. - Si j’arrive avec le poids de tout le sud de la Péninsule – - Cela ne fera rien, Messire. Il faut comprendre que Thaar est un microcosme qui n’a jamais eu besoin de quiconque pour vivre. Ils ont essuyé les assauts des Drows sans jamais se tourner vers la Péninsule, ils possèdent l’une des plus grosses flottes, sinon la plus grosse jamais construite. Ils ont leurs propres rois, leurs propres vassaux, leurs propres courtisans…Les thaaris en ont développé une certaine fierté qui leur fait croire qu’ils n’ont besoin de personne et, de fait, ils n’ont pas presque pas souffert des troubles en péninsule… - Presque pas, c’est-à-dire qu’ils en ont tout de même souffert. - Certes, où voulez-vous en venir ? - S’ils sont fiers, ils sont aussi cupides…ils ne refuseront sans doute pas une occasion de s’enrichir. - Il est vrai…toujours est-il qu’il vous faudra courtiser ailleurs. - J’ai bien connu la duchesse De Clary fut un temps, je pourrais la retrouver. - Je ne vous le conseillerais pas, Messire. - Pourquoi cela ? - Elle est morte. - Pourquoi faut-il que dès que j’ai besoin d’une personne, celle-ci meure ! - Elle est morte depuis quelques temps déjà, Messire. - Forcément, personne ne me met jamais au courant de rien…pour me donner l’état de l’approvisionnement en miel de Hautval, tout le monde est présent mais dès qu’il s’agit de me dire si un partenaire important est décédé, il n’y a plus personne. - Vos informateurs, qui sont-ils ? - Des eunuques…je savais que je n’aurais pas du miser sur des eunuques. Coupez leur les bourses et ils se jetteront sur la nourriture…la preuve. Lévantique se tut et parut gêné.
- Bon, qu’est-ce que vous savez des De Clary vous ? - Il n’en reste plus, ils ont été supplantés par un jeune. Kodratos d’Henning ou quelque chose comme ça. - Qui est-il ? - Un pimpant gaillard, il verse dans la magie, membre du conseil, ascension fulgurante – - Un thaari quoi. - Exactement. - Vous pensez que ce serait une bonne idée de commencer par lui ? - S’il suit la ligne de ses prédécesseurs, il doit être assez ouvert sur la péninsule, ce serait idéal. - Soit. Vous pouvez vous en aller. - Ravi de vous avoir aidé, Messire. Il lévita presque de son siège et disparut comme un nuage de brume au petit matin. Saisissant un parchemin, tu te mis à écrire audit héritier de la dame de Clary que tu avais connue autrefois. Quelle plaie qu’elle ait du si vite partir, elle dont le visage respirait le poison et l’amour. La plume griffa un vélin d’une remarquable qualité, l’encre était couleur de sang. Elle provenait d’une résine uniquement trouvable à Merval et dans quelques régions d’Estrévent et qui, lorsqu’on la diluait teintait l’eau d’un rouge éclatant. On aurait presque dit des tâches de feu liquide répandues sur le parchemin, prêt à s’embraser. Les termes furent clairs, écrits dans un thaari presque parfait.
« Au Sire Kodratos de la Maison de Henning, Duc des Septmonts et Seigneur protecteur de Henning : salut !
Je me réjouis de ce que feue la Duchesse de Clary que je tenais pour chère a trouvé un successeur digne de sa grandeur et c’est la raison de ma missive. Je n’ai jamais eu d’interlocutrice plus chère et zélée à Thaar que l’illustre Andrastia et c’est dans l’espoir de renouer ces liens que nous avons laissés se détendre que je compte prendre la voile pour votre doux pays. J’espère retrouver chez vous l’hospitalité que j’ai pu y connaître naguère afin que nous devisions calmement et dignement des liens entre votre pays et celui du Roi Bohémond Ier de son nom et du mien, le bon pays de Merval. Sachez que vous serez toujours le bienvenu de notre côté de l’Olienne.
Que les Dieux vous bénissent, vous gardent et éclairent votre visage au milieu des vicissitudes de nos vies.
Par le Sire Cléophas d’Angleroy, le Serafein, Prince de Merval, Vicomte de Corvall, Grand Chancelier et Gardien du Royaume, le Petit Prince des Vertus, par la grâce de notre Seigneur et Roi Bohémond Ier et de la Damedieu, Toute-Protectrice et Toute-Providentielle. » Tu cachetas la lettre des sceaux de Merval et de la Chancellerie avant de la rouler, la lacer de rubans pourpres et la remettre à un page qui la donnerait à un messager. Ton voyage allait te mener à Sybrondil, d’où tu embarquerais pour Merval. Là tu retrouverais ta cité, tes gens, ta cour et la masse des réfugiés diantrais qui grossissaient les faubourgs déjà garnis de la ville. Tu pensais déjà à la suite que tu embarquerais avec toi, aux dignitaires, aux marchands tant du royaume que de Merval afin de pouvoir poser un pied véritable en Estrévent et rouvrir de solides négociations avec ce duché qui comptait parmi les plus grands du pays de Thaar. Tu pensais aussi aux cadeaux et aux courbettes qu’il faudrait déployer pour, à défaut d’obtenir son adhésion, au moins amollir son cœur et pouvoir deviser honnêtement avec lui sans qu’il lève sa méfiance comme un bouclier entre vous deux. Si ce que Lévantique disait était vrai –et il se trompait rarement- et que le sire Kodratos était mage, alors Lévantique se joindrait à vous en compagnie de quelques pyromants de l’ancien ordre. Tu te demandais si tu n’allais pas tomber nez à nez avec la princesse Kahina dans un des quartiers de Thaar.
Est-ce qu’elle t’attendait pour te tendre un piège ? Avait-elle déjà recrée un simulacre de cour dans un harem caché des bas quartiers de la ville ? S’était-elle aventurée dans la grande lande stérile qui frise le pays des Sombres et où les ruines de temples anciens érigés à des dieux inconnus guettent les passants en quête d’aventure ? Ou alors était-elle simplement morte, engloutie à la faveur d’un des rares orages qui éclatent dans l’Olienne ? Ou vendue comme esclave à un équipage de corsaires ? Où es-tu, Kahina d’Ys, princesse des soleils mourants ? Où est passée ta superbe, dans quels yeux se perd ton regard, dans quels caniveaux as-tu trouvé refuge ? Et toi, Cléophas d’Angleroy, prince du pays des gryffons, que trouveras-tu en ces terres lointaines que tu ne possèdes déjà ? Est-il venu pour toi, le temps de l’exil et de l’oubli ? Vas-tu en éclaireur repérer les dunes qui enseveliront ton cadavre ? Qu’attends-tu du Levant pour t’y précipiter ainsi ? L’espoir d’y voir un nouveau soleil se lever et éclairer le golfe et la péninsule tout entière. Tu espérais qu’en ces terres d’où soufflent les vents qui réchauffent la côte de Sel, un vent nouveau allait se former et dissiper les sombres nuages, les panaches toxiques et les miasmes mortifères qui planaient sur le royaume.
Ce n’était pas trop d’un mage pour parvenir à cela…
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| | | Invité Invité
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Sam 14 Mai 2016 - 14:25 | |
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Imbéciles doublés d'eunuques ayant perdu leurs dents... La pique qui resta une simple pensée au sein de l'esprit, aussi enfiévré qu'une colonie de fourmis découvrant une horde de termites à l'assaut, du Duc des Septmont tandis qu'il regardait les deux hommes vociféraient à son encontre. Deux gardes s'approchèrent, la mine sombre, et pointèrent vers les injurieux leurs lances à l'allure spartiate, mais parfaitement aiguisées. Un silence retomba aussitôt dans la salle. Nul n'insultait le noble dirigeant de ces terres qu'étaient les Septmonts. Encore moins des hommes déchus du pouvoir, tombés en désuétude. Les Eternels n'étaient plus, et qu'importe ce qui avait pu traverser l'esprit de ces deux anciens membres du gouvernement, ils n'avaient plus rien à espérer des Septmonts. Bien que nombre des leurs eut péri lors de la rébellion, aussi courte que sanglante, que Kodratos avait récemment matée, ils n'en restaient pas moins que le Duc avait refusé d'éliminer les membres de cette caste d'esclaves affranchis et interdit aux nouveaux gouverneurs de les anéantir. La plupart avaient fait profil bas, se réengageant dans l'armée ou les nouvelles administrations. Mais certains avaient constitué un parti qui s'opposaient aux nouvelles réformes. Dans un souci d'équité - et ne désirant pas une nouvelle révolte sur les bras - Kodratos avait accepté de les rencontrer. A son grand malheur. Trois jours d'âpres conversations n'avaient menés à rien. Ainsi, exaspéré, le Duc se leva, le regard noir et les poings crispés.
"Assez rustres ! L'ordre des De Clary est à présent terminé ! Vivez avec votre temps et inclinez vous face à l'aube d'une nouvelle ère. - Les De Clary sont les vrais Ducs ! Tu n'es qu'un bâtard impi descendu de tes montages ! - SILENCE ! Tous ont disparus. Le temps des Eternels est révolu, fini les esclaves pouvant s'élever plus haut que des hommes libres. - Tu ne disais pas ça quand tu broutais la De..."
L'homme se tut à jamais lorsque la pointe de la lance transperça sa gorge. Dans un râle d'agonie, le sang poissant son menton, il prit la hampe d'une poigne faiblissant et s'effondra au sol dans un bruit de déchirement assez désagréable. L'insulte était celle de trop. Même le compagnon du mort s'en rendait compte. La peur se lisant dans son regard, il recula d'un pas en observant le Duc qui tourna des yeux glaçants à son égard.
"Le temps que j'accordais aux derniers d'entre vous qui refusent l'évolution est terminé. Tout Eternel n'ayant pas enregistré son nom et sa nouvelle fonction avant la fin de la semaine se verra considéré tel un traître et condamné à l'exil ou à la mort."
Il fit signe à ses hommes de faire quitter la salle au survivant et s'assit lourdement sur son trône, le visage pensif...
*** "Mon Seigneur... Votre audience de cet après midi se déroulera dans moins de deux heures. Vous en connaissez l'importance. Il serait bien de vous nourrir et habiller en la circonstance."
Kodratos regarda son conseiller, un vieil homme - un bourgeois de la ville et un de ses plus proches amis au cours des mois écoulés - qui le regardait, un air paternel sur ses traits. En tant que marchand il imaginait assez facilement le poids de la politique sur les épaules d'un homme de modestes origines. Par ailleurs son plus grand défenseur au Sénat, menant la politique ducale avec entrain, il le voyait comme son fils et s'adressait à lui pareillement à la différence qu'il le vouvoyait comme il se le fallait. Le Duc acquiesça, se rendant compte que le soleil était monté à son zénith tandis qu'il réfléchissait aux conséquences de ses actes ainsi qu'à son ancienne amante. Ses dernières semaines semblaient faites pour lui rappeler la Duchesse. La chaleur de son lit, les courbes de son corps, son odeur musquée et pourtant... Que de douloureux souvenirs qui avaient meurtri son coeur, à lui son conseiller et amant parmi d'autres et pourtant bien souvent rappelé à partager sa couche. Faisant signe à l'homme il se leva tandis que le conseiller quittait la salle, revenant quelques instants plus tard accompagnés de domestiques.
Trois magnifiques femelles - peau d'albâtre et de cuivre, cheveux de blé et d'acajou, regards de saphirs et d'émeraudes, et une même une délicate rousse - ainsi que deux hommes à la stature musculeuse par l'habitude de porter de lourdes charges. Les quatre avaient été des esclaves, achetés et affranchis par Kodratos qui refusait de voir cette pratique au sein de son palais bien que la tolérant à l'extérieur. Bien qu'il fut l'amant occasionnel de ces beautés il n'avait jamais forcé ou battu l'un d'entre elles de la même façon que les deux hommes étaient bien payés et vêtus, faisant d'eux d'excellents et discrets gardes du corps. Les saluant d'un sourire de convenance le Duc les laissa peigner ses cheveux, nettoyer son visage avec divers vinaigres et autres eaux parfumées, avant de se restaurer rapidement de quelques tranches de gigots accompagnés de légumes. Piquant de sa dague une pomme il croqua dedans avec plaisir tandis que les femmes lui passaient divers crèmes sur la peau. Refusant d’un signe de tête tout type de maquillage il posa le trognon du fruit défendu sur un plateau d’argent, et laissa la rousse lui glissait une feuille de menthe entre les dents pour lui rafraichir, non sans lui voler un baiser dans cette intimité complice. Ecartant les bras Kodratos se vit vêtu d’une riche chemise de la soie la plus douce, entrelacée de fils dorés, puis d’une veste d’un magnifique pourpre avant qu’on ne glisse à son goût une chaîne d’argent, au bout de laquelle un médaillon d’or orné des armoiries des Septmont brillait. Enfin une cape noire, bordée d’une douce fourrure d’un renard blanc des montagnes de la lointaine Nanie, vint parfaire l’ensemble. Le Duc serait bien évidemment passé de la cape étant donné la chaleur qui régnait en ces lourds mois d’été mais c’était un supplice qu’il lui faudrait subir il le savait. Fin prêt il congédia d’un geste ses compagnons et resta seul avec son conseiller.
« Nos aristocrates sont prêts monseigneur. Ainsi que l’escorte des Péninsulaires. Si vous m’autorisez à… »
Kodratos eut un dernier sourire devant l’insouciance des paroles de son vieil ami et hocha la tête. Il savait parfaitement que le mépris que son conseiller affichait n’était que passager, causé par de trop grandes émotions et l’on murmurait qu’il souffrait de toutes manières d’une certaine peur de l’étranger - même les Thaari c’était pour dire. De marbre, le Duc observa le ballet nouveau mais déjà bien complexe des bourgeois qui pénétraient dans la grande pièce. A l’opposé du mercantilisme de Thaar où les richesses primaient, ici la politique s’était faite une place en quelques mois à peine. Ainsi Kodratos put observer qui avait conclu telle ou telle alliance, qui voulait être vu ou opérer un rapprochement auprès d’un Magnat présent. Il était fier de savoir que cela était son oeuvre et il hocha la tête au salut respectueux de certains membres du gouvernement. Lorsque tout le monde fut en place et qu’une allée menant des portes de salle au trône fut crée, et couverte de luxueux tapis, les gardes ouvrirent les lourds battants, laissant apparaître une riche escorte que menait un éminent membre de la monarchie péninsulaire. La cérémonie dura près d’une heure durant laquelle la moindre parcelle de l’étiquette fut respectée, entre présentations des différents antagonistes de cet office. Enfin Kodratos put proposer à son éminent invité, arrivé la veille, de le suivre dans sa salle du Conseil où ils pourraient se rafraîchir et conversaient. Installés dans la fraîcheur toute relative de la pièce, un verre de blanc glacé tiré des réserves personnelles du Duc, les quelques hommes et femmes présents purent enfin se détendre.
« C’est un plaisir de vous rencontrer Altesse. J’eus grand plaisir à lire votre missive ainsi qu’à y répondre. J’ai par ailleurs eu joie à découvrir qu’ils me semble avoir aperçu des manipulateurs de l’Art parmi votre entourage. »
Buvant une gorgée de vin, Kodratos observa les protagonistes de cette réunion et décida qu’il était temps d’attaquer les choses sérieuses.
« Ainsi vous souhaitez discuter des relations entre les Septmonts, et l’honoré royaume du bon roi Bohémond Ier… Moi également. Si vous me le permettez je vous invite à débuter. »
Et la ronde des politiciens débutaient…. |
| | | Cléophas d'Angleroy
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Jeu 26 Mai 2016 - 13:30 | |
| Ah Cléophas ! Depuis combien de temps n’avais-tu pas foulé la terre de ce pays, Cléophas ! Depuis combien de temps n’avais-tu pas plongé ton regard dans celui charbonneux des hommes et des femmes de cet autre monde et senti dans l’air flotter un nuage d’encens, de parfums et d’épices ! Malgré la chaleur étouffante, la vision de ce jeune Duc te rafraîchissait. Ah, depuis combien de temps n’avais-tu pas découvert un visage inconnu ? Le jeune gaillard n’en restait pas moins vigoureux, engoncé dans ses fourrures et tu te demandais en le regardant là, devant toi, s’il ferait un fin politicien. Tu le savais : Thaar ne jurait que par les pièces sonnantes et trébuchantes et préférait à la raison l’éclat des joyaux. Or, de joyaux, il ne t’en restait plus beaucoup comme pour tous les seigneurs de la Péninsule. Tu apparaissais à ces hommes comme une vision mirifique, paré de tes plus splendides atours, une couronne d’or rose sertie de rubis vissée sur ton front et embrassant les quelques boucles qui se lovaient autour et ton grand manteau de velours pourpre tissé de fil d’or sur lequel tombaient les colliers de tes différents offices et pour cause, il fallait qu’ils crussent encore à une Péninsule prospère ou en tout cas à un Soltaar possédant des réserves infinies. Mais si cet homme n’était pas aussi péninsulaire qu’on te l’avait fait croire, alors il faudrait sortir un échantillon de ces richesses évaporées et les négociations n’iraient pas plus loin. A ta grande surprise, les discussions ne se feraient pas à huis clos – ou alors les thaaris en avaient une vision plus large. Autour de vous une petite foule de conseillers en tous genres s’affairaient, échangeaient quelques cadeaux de peu de valeur, tentaient d’appréhender la langue et les coutumes l’un de l’autre…une ambiance de marché pour un échange que tu espérais autrement plus grave. A ta droite, un peu en retrait, Lévantique se tenait, hiératique et silencieux, comme à son habitude voilé de mystères. Sa chevelure soyeuse aux reflets indigos se confondait à l’étoffe soyeuse dont était faite sa dalmatique ; un fossé vous séparait tous deux, celui qui espace la lumière des ténèbres, cette limite insaisissable qui sépare la flamme de l’obscurité qu’elle éclaire ; qui détermine les limites du soleil et de son éclat et celles plus tenues du néant et du chaos. Lévantique portait sur sa pâle face les marques d’un passé obscur, il dissimulait sous les replis de ses habits celles d’un présent douloureux. A lui seul, il supportait le fardeau de plusieurs vies d’homme et il t’avait semblé qu’il portait une partie de la tienne. Cet homme à côté de qui la mort paraîtrait chaleureuse avalait en secret tous tes cauchemars et tes peurs primales, se grossissant de tes instincts les plus vils, de ceux qu’on eut préféré ne pas laisser voir à la lueur du jour. Tu le sentais tendu derrière toi, piégé dans cette pièce trop grande, envahie par les rayons trop chauds d’un soleil trop brillants, en compagnie d’hommes trop bons pour être thaaris, ou trop thaaris pour être foncièrement bons. Pourtant, ce Duc t’inspirait confiance à toi, perspicace au point de trouver le mage en Lévantique. Le scrutant face à toi, et après t’être assuré qu’il ait bu son vin, tu en pris une gorgée et lui répondit. - Je vois, cher ami, que vous avez l’œil. Je vous présente le sire Lévantique, du pays de Thaar. Un homme remarquable versé dans une multitude d’arts dont un que vous paraissez prendre particulièrement en considération. Pour moi, je ne me suis pas un mage, tout juste sais-je quelques incantations et puis-je déchiffrer quelques runes, mes connaissances trouvant vite leurs limites. J’ai jugé bon de le faire venir afin que nous puissions, aussi, nous entretenir de sujets qui vous tiennent à cœur. Car voyez-vous, j’ai beau ne pas être mage, je n’en suis pas moins curieux et je remarque que la pratique de la magie de notre côté de l’Olienne perd de la vitesse…nous n’avons plus de mages, les collèges vidés, la nécromancie et la goétie ont été bannies depuis longtemps. Comprenez-moi bien, ce n’est pas que j’en sois adepte, cependant je me demande parfois à quoi ressemblerait la péninsule si nous y pratiquions l’Art avec autant d’assiduité que vous… Lévantique se redressa dans son siège, frottant discrètement son annulaire gauche avec son pouce droit. Tu sentais qu’il n’aimait pas Thaar. Quoi qu’il y ait fait dans son passé, cela continuait de le poursuivre et il se croyait apparemment plus en sécurité de l’autre côté de l’Olienne, comme hors de portée. Mais de quoi ? Tu savais bien à en voir ton interlocuteur qu’il faudrait te poser ces questions à un autre moment. L’heure était aux négociations. - Venons-en justement aux faits, sire – dis-tu bondissant de ton siège, faisant signe à un page de s’approcher. Le gamin dont la moustache jouait la timide s’avança les bras chargés de coffrets de tailles diverses. Tu avais tout de même prévu quelques joyaux pour le marchand, un peu moins reluisants que ceux que le monde connaît mais qui auraient, tu l’espérais, une grande valeur à ses yeux. Tu déposas devant lui un long coffre de bois de rose damasquiné, poli à en devenir un miroir. Le page l’ouvrit avec délicatesse et présenta au Duc une rapière resplendissante. La lame, longue à n’en plus finir et plus large qu’à l’accoutumée, martelée par des artisans doués du pays Nanique butait contre une garde dorée à l’or fin autour de laquelle s’enroulaient une multitude d’anneaux en or vert et rouge. - Depuis l’incendie de Diantra et malgré le rétablissement miraculeux de mon bras, je garde quelques séquelles, la morsure du feu de Pharet est bien plus profonde qu’on l’imagine. De fait, il y avait dans l’armurerie du Porphyrion des trésors que je ne pourrais jamais manier. Vous êtes thaari, vous serez plus amené à tirer votre rapière que moi en péninsule. Des nains l’ont forgée, il n’y a qu’eux pour tirer de telles prouesses d’un peu de métal en fusion. Dites-vous qu’elle est bien plus âgée que moi, même si elle parait neuve, et je gage qu’à l’instar d’un bon vin, elle ne fera que se bonifier au fil des âges. Tandis que le Duc examinait son présent, tu allas chercher le second coffret, moins long et plus profond. Un petit sceau en laiton empêchait qu’il fût ouvert, tu le brisais avec une dague, puis l’ouvris. Sous le pan de velours que tu relevas, quatre rouleaux, usés par les années se côtoyaient. On voyait encore les traces de l’encre délavée par le soleil et le temps sur les faces extérieures des parchemins. - Comme je vous l’ai dit, cher ami, la magie n’est plus pratiquée depuis longtemps en péninsule mais ici, ces parchemins reprendront toute leur valeur. Il y avait autrefois à Merval le prieuré général d’une congrégation de mages qui avait essaimé sur tout le littoral oliyan. Il se trouve qu’après l’invasion de notre pays par les péninsulaires, cette congrégation a fini par disparaître, laissant ses vastes salles vides et silencieuses et ses bibliothèques remplies de vieux manuscrits dont personne ne savait que faire. Sachant le sujet sensible et connaissant les mœurs thaaries, j’ai préféré les garder en sûreté…mais comme vous pratiquez l’Art, vous en aurez usage et vous pensant plus fin que le reste des seigneurs de la côte, je vous fais confiance pour ne pas en faire n’importe quoi. Ces rouleaux, c’est Lévantique qui en fit la sélection avant votre départ. Il s’engouffra derrière les hautes murailles de Velyn, suscitant les regards torves des moines qui y vivaient reclus, pour en déterrer quelques trésors écrits dans une langue indéchiffrable par les péninsulaires mais que Kodratos connaîtrait sans doute car la lente agonie de la magie avait aussi coupé le fil des traditions qui s’y attachaient et en dehors des quelques anciens mages formés à Soltariel, personne, pas même à l’Arcanum, n’aurait pu se servir de ces parchemins. Lévantique jura qu’un mage saurait apprécier la valeur d’un tel présent et tu jugeas sa sincérité en voyant avec quelle amertume il consentait à laisser partir ces trésors. Une fois le tout offert, tu te rassis et enchaîna, gavé de vin : - La raison de ma venue est simple. La péninsule est exsangue. Trop de guerres l’ont étouffée et elle est maintenant une vieille femme en pleine agonie. Les dieux ont voulu que le Roy Bohémond survive aux aléas de la guerre et que la continuité du Royaume soit assurée en déplaçant notre capitale à Soltariel ce qui aurait dû être fait depuis bien longtemps. Si la situation ne s’arrange pas et elle ne s’arrangera pas de sitôt, non seulement la péninsule coulera mais Thaar avec elle puisque la majeure partie de vos exportations se font vers la péninsule. Assurément, vous pourrez comprendre pourquoi nous sommes tous deux réunis. Le Duc t’écoutait avec attention. Tu repris donc de plus belle, te levant, passant entre les conseillers, le regard faussement perdu se posant sur tout ce qui passait devant lui, sur les colonnes et la couche de sable et de poussière qui les recouvrait, sur les visages bruns des thaaris et les fronts en sueur de ceux de ta suite. Le soleil pénétrait la salle de toute sa vigueur, l’embrassant dans sa totalité, ne lui laissant aucune marge de manœuvre, aucun lieu de repos. La fraîcheur des murs se faisait dévorer par ce mâle qui imposait sa loi sur tout le pourtour oliyan et dressait mieux que les dieux ce peuple à la nuque raide et à l’orgueil démesuré. - Les guerres de la Péninsule l’ont scindée en trois et les routes commerciales ont pratiquement toutes été coupées depuis l’incendie de Diantra. Au Nord, les Elfes se sont reclus dans leurs forêts et les Nains tentent de donner un sursaut de vie à leur nation meurtrie autant dire que nous n’espérerons pas d’aide de leur part. J’ai toujours su que c’est vers l’Est qu’il faudrait se tourner…après tout, Merval a été fondée par des oliyans, ce n’est que le retour naturel du balancier. Le Sud de la péninsule possède encore de nombreuses richesses, votre Duché aussi. Je ne sais pas exactement comment fonctionnent les manigances à Thaar, mais nous avons déjà la principauté d’Ys à notre solde, et quelques petites seigneurs thaaris avec qui nous commerçons de longue date…si jamais vous aviez besoin d’appui de nobles locaux pour faire valoir vos droits, quels qu’ils soient, sachez que vous pourriez l’avoir. Je vous demande simplement de reprendre le commerce avec le Sud et uniquement avec le Sud, que vos marchandises ne débarquent que dans nos ports, que vos interlocuteurs ne soient que ceux qui sont encore fidèles au Roy Bohémond. Vous n’y perdrez rien, c’est ainsi que le commerce s’est toujours organisé en péninsule : les marchandises de l’Orient débarquent dans les ports de la côte suderonne et remontent par la Garnaad et les routes jusqu’en Oesgärd. En échange, vous obtiendrez notre soutien diplomatique, dans la mesure du possible le Roy engagera sa flotte pour vous défendre et vous soutiendra financièrement dans vos efforts, si et seulement si vous consentez à ne vous tourner que vers nous pour commercer. L’offre peut paraître restrictive, mais sachez cher ami, que je ne fais que vous proposer le triple que ce dont vivait feue la duchesse… Tu savais que ta proposition était plus que correcte. Qui d’autre que le Soltaar pouvait se targuer d’avoir la plus grande flotte de la péninsule, les ports les plus nombreux et les plus prospères sinon vous ? On comptait sur la côte de Sel les grands ports de Merval, celui de Scylla, Port-Royal de Diantra, le port de Sybrondil et par extension celui d’Ydril. Sans compter les autres villes portuaires qui essaimaient le long du littoral. Qu’était-ce que cette enclave missédoise dont tu oubliais déjà le nom et ces jetées vétustes que le Nord appelait à tort des quais. Que savaient-ils de la mer, ces rustres dont la seule préoccupation a toujours été de dominer une péninsule prête à s’effondrer sous son propre poids ? Il était temps Cléophas, temps pour le grand exode et il n’aurait pas lieu sans l’aide des estréventins. Ton espoir résidait pour le moment en cet homme dont tu savais finalement si peu de choses. Quels étaient ses désirs les plus secrets ? Ses ambitions les plus folles ? Ses plaisirs les plus simples ? Quel genre d’homme était-il, ce seigneur trop péninsulaire pour être thaari, trop thaari pour être péninsulaire ; cet héritier d’une Duchesse dont la splendeur et la poigne de fer avaient arraché une terre au dominion thaari pour la faire sienne ? Qui était-il, le sieur de Hanning, pour qu’ainsi les nobles tournoient autour de lui dans un mouvement quasi stellaire, pour que dans ce lopin de terre aussi grand que le Médian les seigneurs baissent servilement l’échine devant leur suzerain ? Est-ce que cette balafre qui traçait un sillon dans son visage en était la réponse ? Et la fébrilité de Lévantique, trouvait-elle sa source dans cet homme aussi mystérieux qu’il apparaissait affable ? Ah Cléophas, Cléophas…dans quelles ténébreuses clartés venais-tu de t’engager…
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Dim 5 Juin 2016 - 9:49 | |
| Le Grand Chancelier s'avéra être un homme de goût, faisant montre d'une rare diplomatie et également de générosité. Bien qu'il ne fut pas dupe du caractère presque corrupteur des somptueux présents apportés par le Péninsulaire, Kodratos ne put s'empêcher d'admirer longuement l'épée qu'on lui avait apportée. Elle lui convenait parfaitement, bien équilibrée et si elle alliait la légèreté d'une rapière elle permettait également des coups de taille plus classiques. Parfait pour la guerre en soit. Il ne put également s'empêcher de hausser les sourcils face à la qualité des rouleaux, et un frisson de plaisir anticipé monta en lui à l'idée des les étudier de longues heures durant. Il croisa le regard du mage qui accompagnait le Chancelier et lui adressa un sourire discret. Lévantique de Thaar ? Ce nom ne lui disait rien, mais la Cité des Marchands ne l'intéressait guère.
Après un rapide coup d'oeil sur la garde de l'épée le Grand-Duc reposa l'arme. Il fallait qu'il demande à ses domestiques - ou peut être son conseiller connaîtrait mieux les goûts de l'homme - de trouver tout un lot d'épices les plus rares de l'Estrévent. Peut être s'il cherchait dans la collection d'armement de l'ancien Duc y trouverait il un coutelas qui irait convenablement à l'homme qui s'il avait bien compris se trouvait en difficulté pour manier l'arme. Il sourit franchement à l'homme qui se trouvait en face, flatté d'être ainsi courtisé par un représentant de la Péninsule.
"Je vous remercie pour vos présents Sir d'Angleroy. Je n'ai que rarement vu de lames de telles qualités et nul présent ne saurait vous rendre la pareille. Cependant, il m'attriste de vous savoir encore en difficultés malgré votre guérison... Peut être trouverait vous dans les armureries de ma modeste forteresse une arme qui vous saurait grée ? Il me semble me souvenir de quelques sabres d'une rare qualité dont l'utilisation est parfaite pour un cavalier, tout en limitant ses mouvements... En tant que pratiquant de l'Art je suis honoré de ces rouleaux, et invite Sire Lévantique à les étudier à mes côtés si cela lui plaît."
Les remerciements faits il était temps d'attaquer la véritable diplomatie. L'homme était respectueux de l'étiquette de l'Est, offrant des cadeaux - montrant ainsi sa richesse d'une certaine façon. Kodratos écouta calmement sa vision de la Péninsule, qui n'était pas totalement fausse. S'il avait bien lu les rapports de ses informateurs la situation là bas était catastrophique. Traditionnellement il était habituel que des conflits éclatent entre les nobles locaux. Mais désormais c'était une véritable série de guerres civiles qui ravageaient le monde de l'ouest. Mais le tout était au nom du Royaume, or pour le Grand Duc la légitimité de Bohémond était la seule et unique. Il ne pouvait d'ailleurs guère faire autre chose n'ayant pas un véritable poids politique. Mais apparemment commercial....
"Je regrette avec tristesse les évènements qui frappent la Péninsule, l'incendie de Diantra fut une tragédie... C'est avec joie que j'ai appris la survie de votre Roi. J'apprécie votre offre. J'aimerais cependant aller plus loin. N'est il pas vrai que l'Orient est votre lointaine mère ? Mais vous avez su évoluer, vous imposez tandis que nous pliions l'échine sous les Drows. Maintenant vous vous remettez des coups de butoir du Voile - excusez mon expression je vous prie - tandis que Thaar cherche à s'imposer. Or je ne suis pas un vulgaire Prince Marchand, recherchant le profit. Non je suis le Grand-Duc des Septmonts et je me dois de mener ma nation à la gloire. Qu'est ce qui ne serait pas le mieux en une union entre le Royaume de Péninsule et le Duché des Septmonts ? L'économie florissante pour nous, l'ouverture pour établir une tête de pont en l'Est ainsi que l'accès à nos mercenaires les plus compétents. J'accepte votre proposition et pousserai mes marchands à ne négocier qu'avec le Sud. Cependant je souhaite plus entre nos deux royaumes..." |
| | | Cléophas d'Angleroy
Ancien
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Mar 14 Juin 2016 - 1:17 | |
| "Si les rumeurs sont fiables, Kodratos est un homme d'une rare honnêteté". L’expérience t’apprit assez vite qu’il fallait se méfier des missives déterrées au fond d’un tonneau de millet toutefois, il te suffisait d’attacher tes regards sur le Grand-Duc pour sentir à quel point ses sourires étaient honnêtes. L’expérience t’apprit aussi que les estréventins ne pensaient pas l’honnêteté de la même manière et qu’en s’engageant dans un commerce avec eux, la prudence consistait à assurer ses arrières et à ne pas abattre toutes les cartes dans son jeu ; car de même que leur notion d’honnêteté différait de celle des péninsulaires, de même celle de loyauté était variable. Ainsi, un thaari te déclara dans le secret : « Nous, hommes du pays de Thaar, avons été, sommes et serons toujours loyaux. Mais à des personnes différentes. », et pour cause, le culte pentien et sa morale n’existaient pratiquement pas dans cette cité, écrasés par la pléthore de cultes hérétiques, païens, animistes qui foisonnaient depuis les faubourgs jusque dans le palais des Princes Marchands. Cela étant, il suffisait de tourner le visage vers la péninsule pour contempler les fruits du culte des Cinq et de sa pseudo-morale : les hauts-prêtres se livraient aux bassesses temporelles et n’hésitaient pas à évincer leurs frères dans la foi ; partout on se disputait des morceaux de terre et des fidèles, les temples couverts de mousse et de lichens accueillaient l’obole des paysans quand l’or des princes passait, lui, dans les efforts de guerre et la solde des compagnies mercenaires. La morale pentienne et son exaltation de la vie n’empêchèrent pas les grands vassaux de se soulever contre le Roi, de blasphémer contre lui allant jusqu’à proclamer son décès alors qu’il vivait. Elles n’empêchèrent pas non plus le Médian de s’enfoncer dans la briganderie, ni le Nord d’être ravagé par les guerres intestines, ni la capitale de s’évaporer dans les flammes…Lorsqu’elles vinrent souffler sous ta porte et lécher les tapisseries de la Chancellerie, lorsque leur morsure te coûta un bras et que leur éclat rougeoyant t’encercla dans le plus profond de la nuit, où étaient-ils passés, les Cinq ? Crois-tu qu’ils t’aient aidé, ces Dieux qui laissaient leur peuple mourir de peur et de faim ? La Damedieu venait d’abandonner ses ouailles à la rage des flammes, le Dieu-Guerrier déposa son marteau et laissa ses enfants innocents être passés au fil de l’épée. La Déesse des Mers et des Morts ne fit rien pour calmer les vagues qui emportèrent le vaisseau de la Régente. Le Dieu-Barde, chantant des cantiques d’Amour à longueur des jours, ôta du cœur des Hommes toute étincelle d’amour et les regarda se consumer dans les flammes de la haine. La Déesse des Bois, Mère des rivières, des fleuves et des bois, offrit sans concessions ses trésors pour en faire des trébuchets, des scorpions, des béliers et des tours de siège. Lequel, Cléophas, lequel d’entre ces Dieux était responsable de ta survie miraculeuse ? Quel visage avait-il, l’esprit de vie qui t’apparut entre les flammes et te guida hors de la Chancellerie embrasée et du brasier qu’était la capitale ? Plus le temps avançait, plus tu commençais à comprendre cette philosophie si particulière du pays de Thaar. Eux, les marchands, dont les seules idoles se nommaient or et argent, n’avaient pas besoin de dieux pour être cruels tant leur cupidité pouvait les mener à commettre les pires atrocités. Or, comme le Grand-Duc aimait à le rappeler, il n’était pas du pays de Thaar. Que cherchait-il alors, car pour être intègre, il n'en était pas moins homme ? Ton regard se perdait dans chacun de ses mouvements, des invisibles frottements de sa mâchoire à ses canines limées par le ; s'arrêtant sur les ridules aux coins de ses paupières et la courbure de ses cils, tentant de percevoir l'imperceptible, d'écouter au-delà des mots, ce que son corps désirait partager… Il ne disait rien d'autre que ce qu'on t'avait déjà dit. L'homme ne s'imposait aucune fausse rigidité, l'excitation dans son regard dévoilait une joie profonde et la profondeur de ses rétines ne retenait ni sourde haine, ni vil dessein à ton égard. Tu te rendis compte, non sans en rire, qu'il te fallut traverser l'Olienne et rejoindre les contrées humides de Thaar pour goûter à la fraîcheur d’un vent nouveau. Fraîcheur de cet être sincère dans ses aspirations, humble dans ses désirs, spontané dans ses affirmations, si spontané qu’il t’arracha un rictus de surprise à la mention du Petit Roy. "Je dois avouer une chose, mon cher ami, je ne m'attendais pas à cela de votre part. Je me suis tant habitué à recevoir tout ce que l'homme peut concevoir de blasphèmes au sujet du Petit Roy que l'idée d'un autre que moi le louant m'est parue n'être qu'un rêve. Cela tient sans doute au fait que vous avez la tête froide, au moins plus froide que tous ceux qui cherchent à placer leur progéniture ou leurs intérêts sur le trône. Leur vision du pouvoir est si erronée qu'ils pensent qu'en possédant le siège, ils posséderont le pouvoir. Voyez, l'incendie de Diantra leur a prouvé le contraire et pourtant ils persistent à vouloir poser une couronne sur leur front...Et non contents de faire forger la leur, ils veulent arracher celle de Bohémond. Mais vous, vous voyez au-delà de ces querelles partisanes, et ce sens de la vérité vous honore, cher Duc." Par tradition, et depuis la chute de l'empire oliyan, l'Est gardait vis-à-vis de la péninsule une certaine réserve, se contentant de tirer le plus de profit possible de leurs voisins en toutes circonstances, préférant rester neutres dès qu'il s'agissait de guerres pour pouvoir revendre leurs verroteries au public le plus vaste possible. Les seuls thaaris débarquant sur les côtes péninsulaires portaient des coffrets d'épices et des lettres de créance, leurs glaives jamais tirés sinon pour dissuader les indésirables présents dans les auberges, or le Grand-Duc en évoquait d'autres, moins vêtus, moins rougeauds, moins avenants, d'autres qui ne se contenteraient pas de coffrets d’épices et de poignées de main avant de s’en repartir vers leur terre mère. Tu le regardais encore, tentant de déceler une manigance de sa part…son offre était bien trop directe, bien trop évidente pour ne rien cacher. « Vous désirez plus entre nos royaumes dites-vous…eh bien, cher ami, qu’avons-nous de plus à vous offrir ? C’est le désir du Roy que d’étendre ses relations vers l’Orient, forgeant les alliances les plus solides possibles. Je sais bien que de nos temps, les alliances ne sont plus forgées que par le sang et l’épée, cependant quelles épées aurions-nous à vous offrir ? Les frontières de notre Royaume sont menacées par des hordes de soudards, les montagnes et les marais du pays de Merval, ma terre mère, ne suffiront pas à retenir des osts de milliers de soldats si la guerre devait reprendre son cours…les quelques hommes capables de tenir des armes, nous préférons les conserver auprès de notre Roy. Et j’oublie encore la menace qui plane sur le nord de la Péninsule…vous devez bien savoir à quoi je fais allusion…les Elfes Noirs. Autrefois, l’ancienne alliance entre les Hommes et les Elfes nous aurait permis d’éviter qu’un tel fléau nous menace, mais voilà que nos éternels voisins se sont terrés au plus profond de leur royaume, s’entredéchirant pour savoir s’il vaut mieux vivre dans une hutte ou une maison… » Plus…il voulait plus. L’homme pouvait se revendiquer indépendant autant qu’il le souhaitait, il te prouvait tout de même que des années à l’ombre de Thaar lui laissèrent quelques séquelles. Et pourtant, tu sentais bien que ce plus qu’il attendait ne ressemblait ni à l’or ni à l’argent. Percevais-tu dans son œil ce que tu aurais pu voir dans le tien, il y a des années de cela, lorsque tu te présentas en Régent, dans l’espoir d’obtenir une place de conseiller du Roy ? Hélas, Bohémond n’aimait pas de grand cœur les assemblées de courtisans, en la matière tu lui suffisais largement. Le conseil de régence, naguère encombré d’une multitude de pairs, de protonotaires, de chambellans, s’était vu réduit à son strict nécessaire : à vrai dire vous n’étiez plus que deux. L’Anoszia s’occupait du trésor, tu t’occupais de tout le reste non sans conséquences, ta santé commençant à pâtir de cette double charge de Grand Chancelier et de Gardien du Royaume posée sur tes épaules. Quelle place offrirais-tu à ce jeune seigneur dont la spontanéité ferait presque oublier qu’il était un mage aguerri ? La péninsule tout entière constatait son étroitesse, ce petit bandeau de terre que cherchaient à s’accaparer beaucoup trop de seigneurs, elle en souffrait atrocement, qui étais-tu pour lui imposer le poids d’un seigneur de plus ? Fallait-il alors le mettre au parfum ? Et lui dévoiler une partie du Grand Œuvre ? Après tout, il pourrait lui aussi en être l’artisan : levantin, seigneur et mage, prudent et apparemment craint par ses courtisans les plus proches, maître d’une terre prospère…Tu ne perdais rien à lui proposer… « Il y aurait bien quelque chose…Le Roy n’est pas aveugle, il voit bien que la péninsule ne peut suffire à l’entreprise divine dont il est le dépositaire. Il sait aussi, et je le crois avec lui, que la grandeur du Royaume n’a jamais été destinée à se contenter des limites de la péninsule. Vous et moi Kodratos partageons plus qu’un goût au commerce et un intérêt dans les sciences perdues…nous partageons notre sang. Le Prince Anaxée de Valmar, issu de la deuxième conquête pharétane venait plus ou moins de cette bande de terre qui est la vôtre, le bois neuf de vos forêts a poussé sur les souches des arbres abattus pour construire sa flotte. L’accent de nos deux pays dérive de la langue qu’il a parlée. La couleur de nos cheveux, de notre peau, la carrure si particulière qu’est la nôtre…avant d’être mervalois ou thaari, nous sommes tous deux des oliyans et en plus de partager une histoire, je pressens que nous partageons nos ambitions. Cela fait trop longtemps que le golfe a été séparé, trop longtemps que nos contrées ont grandi, aveugles et sourdes aux requêtes de leurs consoeurs. Cette bande de mer qui naguère nous unissait, maintenant est un gouffre béant qui nous divise. Et cette situation ne peut plus durer. Aussi, mon cher ami, que diriez-vous de vous unir à la cause du Grand Soltaar ? Vous conserveriez votre souveraineté, votre territoire, le droit de disposer de vos armées, d’édicter vos lois…vous n’aurez qu’à assurer le bon Roy de votre soutien en cas de guerre et ce dernier vous le rendra. Vous ne seriez pas son vassal, mais son allié, son frère conservant votre indépendance de même que Merval conserve la sienne. Si vous deviez accepter cette proposition, qu’il nous faudra étoffer ensemble, sachez d’ors et déjà que notre Royaume aura besoin d’une capitale en Orient, un lieu d’où rayonner, le penchant estréventin à notre cité de Soltariel. La principauté d’Ys, acquise à la cause du Grand Soltaar, vous devance déjà. Nous avons vu et voyons encore les ravages de la féodalité et le Royaume tel qu’il a été bâti n’a pas tenu six siècles qu’il implose déjà tandis que l’Empire, l’Empire, lui, a résisté aux assauts des millénaires… » Tu lanças un regard furtif à Lévantique, dont le sourcil s’était haussé et la lippe retroussée. Il venait tout juste d’apprendre l’existence du Grand Œuvre et paraissait le soutenir mais derrière sa face figée comme la cire, tu savais qu’il se posait une question : le Roy lui-même en avait-il connaissance ?
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Mar 14 Juin 2016 - 19:05 | |
| Kodratos eut une bouffée de joie lorsque l'homme se dit surpris et touché par sa volonté d'aider la Couronne. Le Grand-Duc était ravi de cela, car une solide réputation d'homme honnête, fidèle et noble d'âme menait à une gloire et un pouvoir bien plus grand et stable que la tyrannie et le meurtre. Il était de toutes manières un homme civilisé, certes un meurtrier mais il portait la punition parfaite pour cet accident depuis plusieurs années. Par ailleurs, le Grand Chancelier ne semblait pas bloqué sur sa cicatrice aux allures étranges et mystérieuses comme certains de ses interlocuteurs. Non il semblait plus intrigué par ses yeux, cherchant à y lire quelque trahison ou médisance. Mais le péninsulaire pouvait toujours chercher, il ne pourrait voir seulement que Kodratos était droit comme "i". La curiosité presque intense de l'homme ne le dérangea pas outre mesure, il connaissait la mauvaise réputation des hommes de son territoire, qui plus les récents évènements de l'Ouest ne devaient pas l'avoir rassurer. Et le fait qu'il cherche à être de ses... alliés montrait clairement qu'il cherchait la confiance qu'il pouvait partager avec autrui.
Le Grand-Duc craint cependant avoir été trop franc et spontané concernant une possible alliance avec le Sud, et ce qui restait du royaume humain. Il vit le regard de l'homme chancelait et le doute y brilla une rare seconde. Avant de se reprendre. Trahison ou prise de décision ? Kodratos imagina aisément que c'était là la seconde raison bien. Et il eut raison. Il écouta avec un plaisir et une ambition grandissants les propos de l'homme, bien que le terme de "entreprise divine" le fit légèrement hésiter mais préféra ne pas en tenir compte. Il aurait bien les moyens de clarifier la situation le moment venu. L'offre du Chancelier était généreuse, plus que généreuse. C'était une aubaine à qui souhaiter s'écarter du joug mercantile de Thaar, surtout lorsqu'il apprit que d'autres principautés partageaient les idéaux du royaume. Le rêve d'un peuple humain unis partout en ce monde qu'était Miradelphia ? Puis son discours sur leurs origines oliyanes, sur les défauts de la féodalité et les qualités de... l'Empire. Le tout puissant empire nisétien. Le coeur de Kodratos s'accéléra tandis que le projet prenait forme. Dieux tout puissants... souffla t'il intérieurement.
"La gloire... Voilà ce que vous pourriez nous amener. Considérez nos deux contrées et peuple alliés et unis par les liens sacrés qui peuvent unir deux nations... Nous prendrons connaissance d'un traité plus tard. Je souhaiterais vous entretenir en petit comité désormais."
D'un regard circulaire, Kodratos fit comprendre à ses conseillers qu'ils n'étaient plus le bienvenue et ses domestiques leur firent signe de s'éloigner. Le Grand-Duc se servit un verre de vin, non sans proposer la même à son noble invité avant, puis une fois qu'il eut la certitude que personne ne les écoutait à part son conseiller, et ses domestiques veillant à la discrétion de cette conversation il s'assit, souriant en coin. Regardant le mage ainsi que le Chancelier il poussa un petit soupir autant de satisfaction que de plaisir anticipé.
"Vous parlez bien Chancelier. Je n'aurais guère à faire pour finir de convaincre les miens d'être allié à la Péninsule plutôt qu'à servir les collecteurs d'impôts de Thaar... Votre discours m'a particulièrement touché et j'ai cru lire entre les lignes un sous texte qui m'a... fasciné. Permettez moi d'être franc et d'aller droit au but. Croyez vous vraiment que le futur Empereur Bohémond Ier, pardonnez moi cet osé titre, est illuminé par la grâce des Cinq et saurait unifier la nation humaine ? Répondez moi franchement."
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| | | Cléophas d'Angleroy
Ancien
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Mer 15 Juin 2016 - 2:02 | |
| Franc...maintenant que c'était à ton tour de l'être, tu te demandas si tu le pouvais encore. Dès qu'il fallait inspecter l'intégrité d'un autre, tu te précipitais mais dès qu'il s'agissait d'être toi-même intègre...à croire que tu ne savais plus ce que cela voulait dire, finalement. A force de côtoyer des êtres aux sourires macabres et dont l'haleine fétide empestait la charogne, on devient forcément plus méfiant, jouant d'acrobaties rhétoriques pour tenter de dissimuler ce qui doit l'être tout en paraissant n'en rien savoir ; et révéler ce qui devait rester cache, tout en faisant comme on n'en avait rien dit. L'histoire des chancelleries ne regorge pas de demi-héros haranguant les foules, sermonnant les princes devant toute la cour, rendant leurs jugements au milieu d'assemblées de clercs et de laïcs, placardant des missives à la vue du monde, non, l'histoire des chancelleries est empreinte jusqu'aux os de la moiteur de la nuit, elle ne parle que d'ombres et de clair-obscur, de chuchotements et d'alcôves, de rencontres oubliées ou inconnues, de lettres cachées dans les braies d'un marchand, de vin si sucré qu'on n'en goûte point le poison... Tu le découvrais au fil du temps avec surprise mais inconsciemment tu savais que ces manigances étaient la raison pour laquelle Arsinoé te nomma Chancelier car sans cela tu ne l'aurais jamais rencontrée. C'est bien ce goût de l'intrigue et du verbe mielleux qui t'ouvrit les portes d'une Cantharel assiégée par des milliers d'arétans, ce même goût qui te cantonna dans ta tente tandis que la bataille faisait rage, cette même motion incontrôlable de l'esprit qui te fit saisir une plume et dévoiler au régent d'alors les positions et les dispositifs de son adversaire rebelle qui te tenait compagnie. Tu savais cela, et tu t'en étais même réjoui, jusqu'au jour où tu pris conscience que la toile que tu mis tant de temps à tisser se refermait sur toi. L'araigne se trouva à la merci d'autres plus perfides encore et il lui fallut trouver un moyen de s'échapper, ou de tisser une toile plus robuste encore. Le mot du Grand-Duc résonnait dans ton esprit, frappant les parois de ton crâne comme un martelet. « Franchement »...qu'est-ce que cela pouvait-il bien lui faire que tu le sois ? Qu'est-ce que cela changerait ? Et comment le saurait-il d'ailleurs ? Des lors que la réponse à leur question n'est pas celle qu'ils espéraient, les hommes crient au mensonge. Alors quelle réponse espérait-il ? Attendait-il un mot rassurant, ou le mot secret de ton cœur ? Tu ne pouvais t'empêcher de sourire devant ce seigneur chaleureux comme le soleil, dont l'audace ne consistait pas tant à parler du Petit Roy comme d'un Empereur, mais à associer la gloire et l'ambition à l'intégrité. Tu connaissais la gloire des intègres, Cléophas, tu en vécus, en savoura le suc avant qu'une couronne soit posée sur ton front. Tu aurais pu lui dire que la gloire des hommes intégrés ne brille d'aucun éclat, qu'elle n'aveugle pas, n'irradie pas, n'incendie pas. C'est celle des petits gens aimés de leurs amis et de leur famille et dont la renommée ne dépasse pas leur faubourg. Encore peuvent-ils espérer, une fois morts, qu'on parle d'eux pendant quelques semaines - le temps pour leurs clients de trouver un nouvel herboriste, pour leurs veuves de trouver un nouvel homme, pour leurs orphelins de se faire enrôler par des bandits - puis rien. Si la gloire et l'ambition se nourrissent mutuellement, elles ne poussent pas droitement comme un plant de vigne, leur seule droiture elles la doivent à des tuteurs de l'ombre, trempant dans les intrigues jusqu'aux coudes, ayant abandonné leurs scrupules au début de leurs carrières. Les grandes figures de ce monde, ces mythiques héros auxquels on rendait des hommages, ces hommes surhumains qu'on disait touchés par la grâce, ces briseurs de chaînes, ces rois de bonté, ces explorateurs de vie, ces parangons de vertus n'avaient en commun qu'une histoire tronquée et des chroniqueurs biaisés. Ce n'est pas sans conséquences de déchiffrer toutes les chroniques jamais écrites de part et d'autre des deux mers, Cléophas...tu compris que les trompe-l’œil que l'on s'acharne à construire d'un côté ne sont qu'un échafaudage de toile et de carton vu de l'autre. Il suffisait de voir à quel point le nord de la péninsule considérait le premier roi Phyram comme un envoyé des Dieux alors que la côte de Sel maudissait toujours sa mémoire et son héritage. Quelle grande figure de l'histoire pouvait affirmer à la face des hommes qu'elle a toujours agi intègrement ? Sainte Deina, dont les appels à unifier la péninsule justifièrent l'extinction sanglante et humiliante des pharétans ? Aetius d'Ivrey, qu'on qualifiait à mi-mot de régicide et fratricide ? Ou le Prince Clavel Ier, ton antique prédécesseur, qui pour fonder Merval dut exterminer une dizaine de tribus autochtones ? Face à un tel constat, la mélancolie proverbiale des Elfes te parut plus compréhensible...toi et le reste des hommes aviez encore des héros à admirer mais eux les virent un a un s'effondrer, perçant à travers le tissu de mensonges qu'ils avaient revêtu. Ils connaissaient tous les travers de ta race, la race des seigneurs couronnés de gloire et de majesté. Ils savaient eux. Tu en vins à te demander quelle était ta part de responsabilité dans le chaos ambiant ; en voulant freiner l'égo du Comte de Velteroc, tu l'as exacerbé et la suite...disons qu'elle est connue de tous. Kodratos te demandait d'être franc et ta bouche devint pâteuse tout à coup...c'est donc ça que l'on ressent lorsqu'on ne sait plus quoi répondre ? « Je crois en la pérennité de la Couronne, Kodratos. D’autres après Bohémond la porteront, ce sont eux qui m’importent. Ce que je vois aujourd’hui, ce sont des hommes et des femmes qui s’entredéchirent pour des intérêts futiles, et entraînent avec eux la péninsule, tandis que leurs mains sont toutes tâchées de sang. Je les ai vus, ces nobles enfarinés maniant le verbe aussi bien que l’épée, se terrant dans leurs fiefs, encerclés par leurs armées. Tous ils ont envoyé des hommes mourir au combat, saccager des campagnes, ruiner des familles…et pour quoi ? Un lopin de terre à peine plus grand que leur propre château ? Un titre qui ne leur apporterait rien qu’une nouvelle couronne sur leurs blasons ? J’ai contemplé passivement ces hommes et ces femmes battre à coups de pieds une péninsule innocente, chacun de leurs coups faisant naître en eux une soif de sang toujours plus grande. Si je n’avais pas emmené le Petit Roy en sûreté, qui sait ce qu’ils en auraient faits ? Ils l’auraient pendu pour s’arroger ses droits dont il a hérité par le sang et le sacre ! Ce petit enfant est innocent de tous les crimes qu’on lui impute et c’est bien la raison pour laquelle je crois qu’il ne peut y avoir d’unité sans lui, car aucun de nous autres n’est innocent. Le seul crime de Bohémond est d’être né de l’amour de son père et de sa mère et d’avoir reçu des Dieux, la grâce du sacre royal, c’est par cette grâce que tous les seigneurs qui se sont rebellés contre lui ont reçu leurs fiefs, c’est par cette grâce que mon pays de Merval obtint d’être libre de toute tutelle à nouveau et aussi longtemps que Bohémond vivra, je le soutiendrai et le protègerai des assauts de ces loups affamés qui n’ont rien à envier à vos voisins thaaris. » Ta coupe était vide. Tu ne la remplirais pas. La vue de cette liqueur écarlate dans le carafon, ce goût de silex en arrière bouche te rappelait les fumerolles s’élevant au-dessus de Cantharel et de Diantra ; de Chrystabel et d’Olyssëa, ces panaches noirs empestant le fer battu et le sang chauffé par le soleil, ce parfum intenable de tenailles et de mort qui occupait tes narines et ta gorge, imprégnant tes vêtements et ton pain de chaque jour. Les estréventins ne se souvenaient plus de ce que c’était qu’agoniser pendant un siège, qu’arpenter des champs de boue recouverts de mailles ensanglantées, qu’utiliser des bannières en lambeaux pour couvrir dignement des faces rendues méconnaissables par les coups répétés des haches et des massues. Partout on s’étonnait que tu ne busses que des vins liquoreux à outrance…s’ils savaient combien le goût du vin et du sang se ressemblaient, cette même amertume qui colle au palais, cette même robe d’hémoglobine qui lèche les parois de la coupe…Ton esprit s’y perdit un moment, avant de revenir en toi-même. Le sieur de Hanning évoqua la gloire, il évoqua l’ambition mais il évoqua aussi l’Empire… « Quant à savoir si Bohémond sera sacré Empereur ou non, cela dépendra de l’existence ou non d’un Empire. Le Médian et le Nord de la péninsule ressembleront d’ici peu à un ulcère purulent prêt à s’effondrer sur lui-même. A mesure que le Sud gagnera en prospérité, leur hostilité grandira à l’égard de Bohémond et si nos marchands peuvent aujourd’hui aller aussi loin que Sainte Berthilde en traversant les terres, je crains que la situation ne dégénère très vite. Si nous voulons rétablir des liens commerciaux avec le Royaume Sylvain et le reste de l’Adurie, il nous faudra exploiter cette veine qui cisaille l’Estrévent, à savoir l’Oliya, et tisser des liens avec les notables de la capitale Doeben. Nous pourrons vous fournir assez de navires pour mettre une flottille à l’eau mais il serait mal venu d’y faire flotter le pavillon du Roy. Diantra n’a jamais entretenu de flotte commerciale digne de ce nom, se reposant sur celles d’Ydril et de la côte de sel quant à Merval, si certains de ces marchands ont connu Sol Dorn, Sol Dorn elle, n’a pas connu Merval. Mais les Doeben, ils connaissent votre nom, votre maison, votre blason…imaginez ce que ce serait si nous y ouvrions nos propres comptoirs. Nous n’aurions plus besoin de décharger nos marchandises à Thaar et de les confier à des négociants véreux ! Et nous obtiendrions un droit relatif de naviguer sur l’Oliya et rejoindre l’Elfie sans nous soucier des troubles qui secouent le pays de Sgarde… » Tu guettais sa réaction. Tout le monde connaissait la réputation des thaaris en matière de commerce, notamment qu’ils faisaient de piètres intermédiaires, achetant à prix ridicules pour revendre les mêmes marchandises à Sol Dorn avec des marges exorbitantes et les Drows achetaient docilement à prix d’or des liqueurs, des épices, du sel et de la poix…que donneraient-ils pour une jarre de feu de Pharet, dont la flamme danse au-dessus des marais et des bois durant des jours et des nuits comme de la lave inextinguible ? Voyais-tu, Cléophas, comme l’appât du gain commençait déjà à empourprer tes pensées au point d’envisager l’inenvisageable ? De vendre à la flamme qui embraserait l’Anaëh et à l’autre la solution pour l’éteindre…La pensée ne resta pas longtemps et s’évapora tant elle te provoqua de frissons. Tu retrouvas Kodratos, toujours intéressé, toujours enjoué, prêt à entendre ce qu’il te restait à dire. Tu réfléchis un temps, soupesant la question, avant de finalement lui lâcher, stoïque. « Evidemment, il reste la question de Naelis… »
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| | | Invité Invité
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Jeu 16 Juin 2016 - 18:38 | |
| La question franche et qui se voulait innocente de Kodratos cachait en réalité une certaine peur que l'homme qui se trouvait face à lui, un humain honorable, respectueux et surtout avec qu'il souhaitait unir son peuple n'ait eu la folie des grandeurs. Mais les paroles par lesquelles il répondit le rassurèrent. Déjà il usa de son prénom, ce qui était un symbole d'un début d'une amitié qui se voudrait fière et solide si elle se créait. Cléophas débita sa déception des hommes et des femmes de la Péninsule, plus particulièrement de leur politique fratricide, fade et qui faisait s'effondrer leur race sur elle même. Etait ce le propre de l'Homme ? Partageait il cela avec les Drows ? Le Grand-Duc rejeta cette question au fond de son esprit, la haine envers les Sombres remplaçant très vite ce doute. Le seigneur d'Hanning hocha sa tête et sourit d'un air non pas compatissant mais complice au Chancelier, tout en notant que ce dernier buvait peu de son vin.
"Ah mon ami je comprends votre lassitude vis à vis de ces hommes... Malheureusement la politique n'est qu'une guerre sans armes tirées où nous cherchons à attraper la moindre parcelle de pouvoir, aussi faible soit elle. Cependant, c'est un art au contraire de la barbarie du matérialisme guerrier qui ne chercher que la propriété. Nous cherchons la prospérité, la mémoire de notre oeuvre. L'élévation de l'âme, et la prolongation de la gloire de notre peuple. Pardonnez mon idéalisme et mes rêves de jeune fou mais sans espoir nous sombrons dans la cruauté, le fléau de l'homme... Souhaitez boire autre chose par ailleurs Cléophas ?"
Selon sa réponse Kodratos lui ferait parvenir des jus de fruit, des vins blancs sucrés ou même de l'eau glacée. Le vin était âpre et ne rafraîchissait guère les Péninsulaires qui devaient souffrir cruellement de la chaleur. Kodratos cependant appréciait la chose et but une nouvelle gorge en réfléchissant aux paroles de son hôte. En effet le Nord était perclus de moults souffrances intestines et ne valait guère à l'extérieur de ses frontières. Mais faire affaire avec des Drows ? Quelle félonie ! Dans le même temps mis à part traquer les bandes criminelles non affiliés à Sol'Dorn la haine de Kodratos envers ce peuple n'était connu que de ses proches. Peut être son blason serait il respecté sur l'Oliya, malgré le fait qu'il ne passe guère par la cité. Le seigneur d'Hanning tapota son doigt sur ses lèvres puis alla à une étagère tirait deux rouleaux. L'une représentait le territoire des Septmonts, parfaitement détaillé de la moindre route à la plus petite bourgade et l'autre était un croquis, assez précis, de l'Estrévent. Le Grand-Duc pointa son doigt sur Hanning, le fit suivre une route qui s'étendait à travers les collines de l'est, entre les forts de son armée jusqu'à une rive de l'Oliya, loin au Nord.
"Je ne porte guère les Drows en mon coeur je vais être honnête avec vous. Cependant, je puis tolérer leurs taxes et ne pas causer de tort à leurs intérêts. Peut être accepteraient ils que nous construisions ici un modeste comptoir commercial. Vos richesses arriveraient sur mes côtés, et non celle de Thaar, par voie maritime puis seraient acheminés en ces quais fluviaux pour atteindre la mystérieuse Aduram. Cependant, mes voisins du Sud voient un mauvais oeil le fait que je ne partage pas leur idéologie mercantile. Notre alliance serait un couteau planté dans leur dos de leur avis. Et ils tenteraient de m'étrangler d'une manière ou d'une autre. Si vous pouvez permettre à une partie de votre flotte battre pavillon non loin de mes lieux je pourrais mette en oeuvre ce plan, si vous l'acceptez. Si Thaar souhaite s'opposer à nous, Soltaar comme Hanning risque d'être étouffé mais si vous coupons la tête de l'hydre nous vaincrons tous les autres adversaires. Concernant Naelis... Mes vues sur ce pays ne sont méconnues de personne. Que ce fut par la guerre ou par l'alliance, bien que je privilégie la paix, ce territoire rejoindre le Grand-Duché... ou le Royaume. Qu'en pensez vous ?" |
| | | Cléophas d'Angleroy
Ancien
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Ven 5 Aoû 2016 - 19:11 | |
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« Vous cherchez la mémoire de votre œuvre, Kodratos, et je suis heureux de constater que nous partageons au moins cette ambition. Voyez donc, cher ami, comme l’Empire, au-delà des siècles fascine encore les hommes, voyez combien il continue de structurer le pays de Thaar, celui de Merval ; voyez comment le Sud de la Péninsule, timidement, cherche à s’accaparer son héritage de mages, de sel et de feu. Ceux qui désirent la guerre auront la guerre. Ils tireront leurs lames, revêtiront leurs armures, fouleront les champs de bataille et obtiendront sans doute la victoire – mais voici que les lames rouillent, les armures se ternissent, les champs de bataille se recouvrent d’herbe verte quant aux victoires, elles sont bien vite surpassées par d’autres triomphes plus grands, plus récents. Ces couronnes, ces titres, ces bannières – ouvrages de mains humaines. Elles connaîtront l’oubli comme tout le reste.
Mais nous, si je comprends bien votre désir, nous nous inscrivons dans un mouvement qui nous dépasse déjà, qui existait déjà avant nous et existera après nous. Peut-être nos héritiers oublieront-ils nos visages, sans doute oublieront-ils le son de notre voix, la mémoire de nos rires et le souvenir de nos regards, mais l’Empire vivra de nous et nous en lui. Tant qu’il perdurera, nos noms perdureront avec lui et quand bien même devrait-il s’effondrer, les âges futurs se souviendraient encore de ceux qui l’auront reforgé. Vos espoirs, Kodratos, sont certes ceux d’un jeune homme mais il faut bien cette hardie jeunesse pour réveiller les rêves des vieilles gens. Sur la Péninsule comme sur tous les hommes plane une brume qui s’éprend des chairs, puis des os, puis de l’âme – un nuage qui plonge les hommes dans une mélancolie léthargique. L’espérance est la lumière qui vient déchirer cette brume comme une flèche déchire un pan de tissu, l’embrasant de son feu !
L’espérance, Kodratos, nous porte au-delà de nous-mêmes et c’est bien pourquoi nous sommes condamnés à réussir là où le reste des hommes échoueront. Eux se fient à leur fortune et ne voient pas plus loin que la fin de leurs années – à leur souffle s’attachent leurs entreprises, aussitôt qu’ils meurent elles s’effondrent. Les blasons s’effacent, le sang se dilue, les noms s’aliènent, les héritages se dilapident et les hydres, quand bien même auraient-elles un millier de bras, finissent par se manger elles-mêmes. Mes espoirs, Kodratos, ne sont pas dirigés vers la Péninsule, celle-là, je la laisse à d’autres qui sauront s’en contenter. J’ai suffisamment vécu sur ce morceau de terre pour voir comment les hommes s’y dressent et s’y effondrent, comment les couronnes se forgent et se fondent et tous ceux qui s’inscrivent dans cette ligne finiront par être oubliés eux-aussi, comme le reste de leurs ancêtres, comme le régent Aetius qui commence à s’effacer des mémoires, comme le Roi Aveugle dont personne n’a plus souvenir, comme sa douce épouse dont on ne connaît même plus le nom, comme les barons du Nord dont la révolte a été supplantée par d’autres plus fameuses et qui elles-mêmes se feront dépasser. Il y a d’autres horizons bien plus vastes et plus riches que ceux de cette terre enfumée par l’orgueil et minée par la mort. » Oui, la Péninsule suffoquait. Elle ressemblait de loin à un navire tentant par tous les moyens de rester à flot alors que sa coque se fissurait de toutes parts. A peine colmatait-on une brèche qu’une autre s’ouvrait. La terre millénaire des hommes prenait l’eau et heureusement pour toi, tu étais issu d’un peuple de navigateurs. Au final, tu te rendais compte avec une certaine résignation que le destin de cette terre était d’ainsi se ronger jusqu’à n’être plus rien. Les dieux avaient protégé cette fois le royaume d’une invasion des Drows mais jusques à quand veilleraient-ils sur ce peuple à la nuque raide, incapable d’entendre les admonestations de leurs prêtres et de se soumettre à leur Roi ? Bientôt, d’autres ennemis déferleront et ils raseront toutes les cités, briseront les remparts, abattront les temples, brûleront les campagnes et réduiront en esclavage ce peuple arrogant qui pullulait sur ces terres impies. L’orgueil : voilà le lot de ces hommes que tu avais côtoyés et que tu connaissais encore. Diantra, cette capitale que le monde enviait, maintenant réduite à l’état de cendres. Dans ses rues pendent des innocents et les enfants, naguère joufflus, maintenant quémandent pour un morceau de pain. Ses femmes fardées et parfumées, dont les toilettes resplendissaient sous les perles et les joyaux aujourd’hui s’avilissent dans l’espoir de se trouver un toit. Diantra, Diantra, la mère de toutes les cités du Royaume, la ville aux cent clochers n’est plus qu’une femme affamée dont les os se dessinent sous la peau, au teint blafard et aux yeux cernés de bistre. Diantra, Diantra, unique joyau des rois et des dieux, se prostitue aux étrangers pour un peu de grain et de millet. Diantra, Diantra, l’épicentre de la joie et des rires, princesse couronnée d’allégresse essuie ses larmes avec la poussière et la cendre de ses rues. Son corps dodu, plus lisse que les porcelaines d’orient est aujourd’hui couvert de plaies et d’hématomes et il n’est pas un homme qui s’émeuve de son sort. Tous ils la traitent comme la dernière des putains, la considèrent avec mépris et l’humilient telle une captive, elle qui les a tous enfantés dans son palais de marbre, d’albâtre, de cristal et de pourpre. Au lieu de la conserver ils la piétinent, au lieu de la consoler ils la déchiquètent comme une carcasse de volaille jusqu’au jour où il ne lui restera plus rien. Et alors, alors Cléophas, ses enfants réaliseront avec effroi la profondeur de leurs insultes et ils trembleront devant le cadavre de leur mère. Ils se prosterneront devant elle mais il sera trop tard. Ils imploreront son pardon mais le temps aura passé. Ils contempleront avec stupeur le courroux de la Damedieu, patronne de cette cité, demeure des rois et des dieux, et tous ils tomberont, un à un telles des arbres qui se couchent lors de la tempête. Ce jour-là, jour terrible, jour d’angoisse, tu seras loin. Tu entendras depuis le pont de ton navire les cris, les larmes et les grincements de dents et tu verras la foudre embraser les côtes et les plaines. Ce jour-là, tu te tiendras comme le bouleau au sommet de la colline et tu diras à la Damedieu, comment toi, tu as sauvé son héritage en la personne du Petit Roy. Tu te placeras sous l’omophore des dragons d’antan et tu t’envoleras sur leurs ailes, loin du chaos et du conflit, en des lieux qui eux n’ont jamais cessé de prospérer. Là, tu y trouveras le repos des justes tandis que cette terre maudite, péninsule ensorcelée, retournera à un âge de tribus qu’elle n’a finalement jamais quitté. Ce temps là arrivait galopant, aussi il était d’urgence de se mettre à l’œuvre et tu trouvais, apparemment, en Kodratos un collaborateur zélé. Tu ne t’étonnas guère de son inimitié à l’égard des Drows, après tout cette race avait su se mettre le reste du monde à dos et ne semblait guère s’en soucier, sinon à Sol’Dorn où les dirigeants avaient compris qu’il fallait ruser de diplomatie pour renflouer son trésor. « Sol’Dorn est une ville marchande, ils auront à cœur de pouvoir commercer avec d’autres nations que Thaar. Je ne les porte pas particulièrement dans mon cœur, d’autant plus qu’ils s’attaquent à nos marches septentrionales, cela dit je sais mettre à part les commerçants et les intrigants. Si Merval ouvre un comptoir commercial aux Sept-Monts, et c’est ce qui arrivera, nous allons tout de même en garder un à Thaar, afin de ne pas vexer leurs ambitions « mercantiles » comme vous le dites si bien. S’il faut qu’une partie de ma flotte mouille non loin de vos côtes pour les dissuader de vous attaquer, ce qui ne serait assurément pas dans leur intérêt quoi qu’il en soit, eh bien je n’y vois aucune objection. Mon but n’est pas d’affaiblir Thaar, bien au contraire, mais de la débarrasser autant que possible de cette plaie qui la gangrène et l’empêche d’administrer un vrai royaume. Thaar n’a jamais été une capitale, ce n’est qu’un phare dressé dans la nuit, un oasis planté dans le désert vers lequel convergent les caravanes des pays alentour et une fois leurs denrées vendues, elles s’en retournent à leurs terres natales. S’ils désirent rester ainsi, soit, je ne peux les en empêcher, mais j’espère plus pour Thaar qu’un vulgaire carrefour, le plus grand de la péninsule certes, mais carrefour tout de même. Ce bazar pieuvresque mérite mieux que ce qu’il est actuellement et les Sept-Monts sont à mes yeux la seule terre qui soit digne de s’élever et qui puisse se donner les moyens de grandir en puissance et en renommée. » Car Thaar n’avait jamais rien été que cela : un bazar immense où se mêlaient les prostituées, les épices et les joyaux sous le regard torves des princes marchands, engloutis sous leurs richesses et leurs vices et qui n’avaient aucune ambition sinon celle d’amasser un trésor toujours plus gros. Kodratos, lui, avait une vision, un désir, une espérance pour sa terre et à la grâce des Dieux, tu ferais tout pour la porter. « Ceci passera par Naelis. Le royaume ne se soumettra pas à un duché, aussi prospère soit-il. Je compte aller à la rencontre de sa Reine et lui proposer de rejoindre notre futur empire, en conservant son titre, ses lois et ses particularités. Elle continuera d’accueillir autant de chevaliers errants, de bannerets bannis, de mages renégats qu’elle le souhaitera mais bénéficiera de notre soutien, de nos moyens, de notre vision. J’aimerais cependant ne pas m’y aventurer seul car à Naelis, mes titres valent peu. Vous, ils vous connaissent et vous savent un homme de paix. Peut-être que nos deux paroles pourront les convaincre sinon les persuader de se lancer dans ce Grand Œuvre débuté il y a plusieurs millénaires… » Naelis, tu le savais, était la clef de l’Adurie. Ce royaume laissé à l’abandon recelait de nombreuses richesses et des hommes valeureux. Loin de l’image de Thaar et de son mercantilisme exacerbé, Naelis cultivait encore un peu cet idéal chevaleresque que la péninsule avait corrompu. Et c’est exactement ce qu’il te fallait…
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| Sujet: Re: Soleil des nations [Kodratos d'Hanning] Lun 26 Sep 2016 - 17:25 | |
| Cléophas était dans le vrai lorsqu'il énonçait l'un des désirs les plus profonds de Kodratos, qu'il tenait caché derrière d'autres secrets, d'autres mouvements politiques. Celui d'être le créateur d'un Etat stable et puissante, père d'une nation à part entière fière de son passé et de son présent, qui saurait évoluer dans les ans en se remémorant à jamais du premier Grand-Duc : Sa Seigneurie Kodratos d'Hanning. Là était l'ambition la plus pure et la moins cruelle des hommes de pouvoirs : la préservation de la mémoire de leurs actes. Peut être était ce inhérent à chaque être vivant doué d'une âme sur cette terre mais les politiciens ne le ressentait que d'autant plus fort, ce désir qui devenait au fil des ans - et que la vie quittait peu à peu leur corps, faisant déserter la vigueur de cette enveloppe temporaire - un besoin.
Ainsi Kodratos écouta avec calme et attention les paroles du Péninsulaire. Il était vrai que Sol'Dorn n'était pas représentatif du reste de l'empire des Noirs, et constituait un creuset de peuplades et de cultures unique et inespéré en son genre, qui brisait avec la soi-disante mixité de Thaar, gouvernée par une seule et unique espèce : l'argent. Par ailleurs le Chancelier acceptait l'une des conditions que le Grand-Duc avait posée, qui était que la flotte royale aussi modeste fut elle mouille non loin des côtes des Septmonts pour l'en défendre si cela s'avérait nécessaire. Ainsi le pacte entre le Grand-Duché des Septmonts et le Royaume serait peut être conclu. Il était également ravi de voir que Cléophas, dans sa grand clarté d'esprit, partagé son avis concernant Thaar et apportait même sa touche à l'image que Kodratos en avait. La ville marchande n'était bel et bien qu'un simple carrefour commercial, rien de plus. Voilà qui apaisait certaines craintes du Grand-Duc. Nul cassure commerciale ou politique ne serait nécessaire lorsqu'il devrait un jour ou l'autre faire face aux Princes Marchands.
En regardant le Chancelier, Kodratos sourit en pensant à un spectacle chantant qu'il avait observé une fois dans les rues de sa capitale. Un homme chantait, accompagné d'un magnifique choeur, les louanges d'une révolte contre le mercantilisme et le chaos de la guerre. Et demandait à qui le voulait dans la foule, qui rejoindrait sa croisade et se battrait à ses côtés. Tel un vrai leader. Et Sir d'Angleroy faisait sans faille parti de cette espèce rare d'homme, aussi bien fidèle à leur parole qu'à leurs valeurs et qui restaient des chefs charismatiques capables de mener combat contre l'impossible. Et le rendre possible. Kodratos rêvait secrètement faire parti de ces hommes mais il n'en était que trop modeste et tempéré pour se définir comme étant à leur niveau. Et enfin Naelis... Terre des égarés de la Péninsule et pourtant futur centre névralgique d'un empire en construction, même si encore seulement rêvé à cet stade...
"Mon ami, j'ai récemment conversé avec la Reine Glinaina, une charmante créature par ailleurs, à la suite d'une légère confusion lors d'un litige quasi-frontalier. Elle m'a paru honnête femme et ouverte au changement, même si notre méconnaissance actuelle a coupé court à nos projets futurs. Je pense qu'il serait profitable que nous unissions nos forces, les Royaumes de la Péninsule et de Naelis ainsi que les Grand-Duché des Septmonts, dans un empire composé d'une simple fédération de nations et d'Etats mais avec une culture unificatrice dont il tirerait sa force. Et la preuve est que part notre parole unifiée nous convaincront Naelis de rejoindre ce projet qui me tient à coeur..." |
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