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 A l'Ouest d'Elda

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Phar'roos
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MessageSujet: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeMer 15 Juin 2016 - 10:38


      Depuis deux jours, à l’extérieur de la porte Sud de Sol’Dorn, s’était édifié un étrange campement. C’était une moisson de tentes bariolées ou sombres, jetées anarchiquement en travers de la route, devant les murailles de la cité brune. La plantation oblique des piquets, et le sable qui les avait déjà en partie ensevelis, tout cela indiquait que le campement n’était pas fait pour durer. De fait, on s’y agitait beaucoup à l’approche du zénith.

      Tout avait commencé, deux jours plus tôt, au soir, avec l’arrivée des premiers esclaves zurthans. Sous le joug de quelques contremaîtres obscurs, à la mine pâteuse, les travailleurs avaient apporté des stères de bois épais. Aidés des petites haches bombées qu’on trouve à l’Est d’Ithri’vaan, les esclaves s’étaient affairés sur le bois, pour le tailler et le biseauter. Dans la nuit étaient apparues les premières poutres, ébranchées et droites, prêtes à supporter du poids. Au matin suivant, les zurthans avaient abouti à un grand chambranle solide. Dans la deuxième nuit qui s’étirait, on lui fit de grandes roues épaisses, cerclées d’un cuir rouge. A présent la tâche trouvait son terme : c’était une grande charrette, portée sur huit roues, et tirée par huit bœufs à trompe. Des bois à l’essence plus fine avaient été disposés sur toute la plateforme, pour figurer des crocs, des pics et des pointes. On aurait dit un délirant chevalet de torture.
      Après les zurthans, étaient venues les danseuses Sombres, trouvées dans les bas-quartiers de Sol’Dorn. Elles étaient souples et lascives. Pour la plupart, elles n’avaient pas un sang suffisamment pur pour que leur peau fût bien cuivrée comme l’aiment les Drows, et leurs oreilles se terminaient en un arrondi honteux. Mais leurs maîtresses avaient recouvert les peaux les plus claires d’un pigment aux éclats de bronze, qui leur tannait la peau dans les teintes obscures ; et pour certaines aux oreilles épaisses, un coup d’aiguisoir leur avait donné un profil pur de Prima. A cette heure, les danseuses patientaient dans la plaine, devant la porte du Sud ; elles grelottaient de froid, immobiles qu’elles étaient, dans leurs tenues presque obscènes.
      Le dernier matin étaient arrivées quelques colonnes de captifs, raflés dans les domaines alentour. Peu étaient des ennemis vaincus de haute lutte : on y trouvait des seigneurs de quatrième zone, qui n’avaient jamais conquis qu’une pauvre enclave sur des terres salées ; des pillards quelconques, qu’habituellement on exécutait sans cérémonie ; quelques Elfes raflés ici ou là, et dont on s’était efforcés de ne pas trop briser la face, avant de les conduire dans la plaine. Tous se trouvaient à présent solidement pris dans des chaines noires, huileuses, qui rayonnaient depuis la grande charrette vers eux tous, répandus derrière elle comme une traîne.
      Enfin, ce matin-là, arriva Phar’roos, de la Maison Noqu’th. Mais elle était si richement parée et ornée, que tous peinaient à la reconnaître. Son épaisse chevelure cuivrée avait été ramassée, relevée, reformée, en une forêt de piques hérissés vers le ciel, chacune teinte en une nuance de rouge. Son visage entier était baigné d’un masque d’encre bleue, dans lequel ses yeux, ses pommettes et son front se détachaient nettement, rehaussés par des tatouages d’un blanc d’os. Deux larges bandes d’or, recourbées comme des serres, pendaient élégamment à ses oreilles. Phar’roos était vêtue d’une immense robe de cérémonie, d’un carmin sanglant, taillée dans le cuir des grandes bêtes qui régnaient sur les déserts de Mathaora. Cette tenue lui faisait comme une forteresse de tissu, qui affinait considérablement son corps épais de Drow mêlée au sang de Nain. Enfin, un collier d’airain, étiré en vingt-quatre terminaisons, rayonnait sur sa poitrine corsetée.

      Phar’roos ne toléra, lorsqu’elle parut, que le silence. La sidération devait saisir le peuple, qui ne l’avait jamais vue que dans des ganaches de guerrière, ses cuisses épaisses de Naine sanglées dans des bottes de combattante.
      La Matrone fut portée sur le char édifié par les zurthans, où elle se tint droite, murée dans une arrogance travaillée. Phar’roos fit grimper à ses côtés, sur toute la longueur de la plateforme, des prêtres et des acolytes d’Uriz, le Guerrier, qu’elle entendait célébrer par cette parade victorieuse. On disposa alors le cortège entier : les danseuses à l’avant, encadrée par quelques Sombres portant des armes rutilantes ; puis les bœufs à trompe tirant la grande charrette, depuis laquelle trônaient Phar’roos et les prêtres d’Uriz ; enfin venaient les vaincus et les captifs, harnachés dans leurs chaînes pesantes.
      La Matrone souffla quelques ordres aux prêtres d’Uriz qui l’accompagnaient, et ils répondirent dans la même voix basse. Un désaccord semblait partager la Matrone et les adorateurs du Guerrier. Toutefois on dut parvenir à une entente, car les sifflements furieux cessèrent bientôt. Enfin les chants en hommage à Uriz s’élevèrent de toutes parts, et le cortège victorieux s’ébranla vers l’intérieur de Sol’Dorn, pour y rejoindre le Temple de la Guerre.
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Velkyn Xaran
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeJeu 16 Juin 2016 - 3:53

Le front posséda pendant nombres d’années l’entièreté de l’attention du Haut-Prêtre. Si bien, qu’on se demanda encore aujourd’hui, dans les bas-fonds du Puy d’Elda, si le cœur de ce dernier battait toujours. Certes qu’il battait, plus encore que jamais, d’une flamme se revigorant d’années en années. Chaque estafilade qu’il cumula agissait comme de l’huile sur les braises de sa passion pour la guerre. Il fût néanmoins tiré au dehors du front, attiré par une carotte on ne peut plus appétissante : la présence de sa femme, Krish Al’Serat. C’est en Thaar, lors d’un banquet mondain, qu’il redécouvrit quelques intérêts concernant Sol’Dorn, la citée Doeb. Il aperçut d’ailleurs l’un des faciès connu de l’endroit et c’est, spécialement ce pourquoi, il décida d’aller y jeter un coup d’œil. Il ne chercherait pas à aller y jouer du bâton, simplement de constater si les ravages du temps furent aussi peu miséricordieux qu’il le croyait. Si autrefois elle fût reconnue comme une citée dès plus pieuse envers les Dieux Sombres, il sembla qu’elle en aille perdu cette caractéristique. Pour une fois, ses déplacements seraient faits sous l’anonymat, question de ne pas influencer quiconque pourrait, ou ne pas, le reconnaître.

Son habillement était tout fait de noir de jais. Vêtu comme le premier gueux, il n’avait pour se couvrir qu’une toge longue et ample, qui chutait de ses épaules jusqu’au sol. Sa capuche servait de voile pour assombrir son faciès et ses yeux tiraient vers le sol afin de ne pas attirer l’attention. Toutes les personnes ne pouvaient le connaître, mais ses tatouages singuliers et sa physionomie somme toute fortement ravagée et scarifiée par les vestiges de la guerre, pourraient mettre la puce à l’oreille.

Alors il se promena, cherchant ici et là, comme le ferait un espion de bas étage, quelques informations à se mettre sous la dent. Parfois, quelques humains parlaient de marchandage, alors que d’autres expliquaient dans le détail la manière dont ils avaient troussés la gueuse du coin. Loin de l’Elda, les Drow, pour beaucoup, n’avaient pas spécialement perdu leur sens de la discrétion. S’ils échangeaient, ce fût via quelques messes basses et interdites. Des regards échangés, de la monnaie subtilement déposée, ci et là, à l’intention d’un bonhomme quelconque, ce genre de coup fourré quoi …

Alors, il lui vint une idée. S’il fallait évaluer si Uriz se faisait toujours louangé, c’est en périphérie de son temple qu’il fallait rôder. Il piéta en cette direction mais tomba sur un os, alors qu’une foulée de bonnes genses s’agglutina près des portes du quartier. Principalement formé de peaux sombres, étonnamment, la foule avait aussi son lot d’humains. Les voyants, les probabilités qu’Uriz soit concerné frôlaient le zéro, se dit-il, en se retournant vers le Temple. C’est seulement lorsqu’il escalada les nombreuses marches qui menaient au Temple, qu’il aperçut au loin l’immense char. Il plissa les yeux en direction d’icelui, dubitatif, puis opta pour garder l’endroit de choix où il était perché. Il s’épauler contre l’un des imposants pilier que formaient les escaliers pour attendre la suite.
Il n’avait aucune idée de ce qui se passait ou allait se passer. Chose certaine, si cette chose, aussi grandiose était-elle, était dédiée à n’importe lequel Dieu du Panthéon sombre, Velkyn aurait à s’entretenir avec son auteur.
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeSam 18 Juin 2016 - 4:43

      Le cortège avait traversé la ville, depuis la porte jusqu’au Temple. Au son des cors et des flûtes, au rythme des tambours et des trompettes, les danseuses avançaient en ondulant, et elles entraînaient à leur suite le char et les captifs. Tout rutilait au zénith, des chaînes huileuses qui tenaient les prisonniers, jusqu’aux anneaux de cuivre pesant sur les hanches des femelles. Devant les marches du Temple, la foule accueillit dans une ferveur confuse ce spectacle rare à Sol’Dorn, cité demeurée austère depuis longtemps, et qui avait oublié l’éclat de ces triomphes à la manière d’Elda. Phar’roos, élevée sur une petite marche au milieu du grand char, balayait d’un regard qu’elle voulait puissant la masse des fidèles et des curieux. La scène devait projeter une impression de férocité tranquille.
      Le cortège s’immobilisa devant le Temple, où patientait le reste du clergé d’Uriz, ceux qui n’avaient pas pris place sur le char aux côtés de la Matrone. Tout avait été orchestré à l’avance avec eux également : à un geste de Phar’roos, ils entonnèrent les chants votifs en l’honneur du Guerrier. Mais leur voix était déjà couverte par les hurlements et les crachats de la foule, qui entourait déjà les captifs entravés dans le fer. Ceux-là, encerclés de toutes parts, saisis par la fureur de la masse, devaient regarder avec horreur l’envie de mort qu’on devinait dans les yeux de chacun.
      La colère de la foule, qui s’entretenait par sa propre vigueur, couvrait largement les incantations du clergé d’Uriz ; personne ne pouvait saisir une parole des Prêtres, sauf le Dieu, c’était à espérer. Ce que dit Phar’roos, juchée sur son char triomphant, fut également absorbé par la fureur ambiante, sans qu’on en saisît un seul mot. Cela sembla désarçonner, l’espace d’une seconde, la Matrone : comment sauraient-ils, ceux-là qui grouillaient tous devant le Temple, que c’était à Uriz et lui seul qu’elle vouait ces victimes ? Mais la Drow tira alors de son côté une longue épée cuivrée, à la lame savamment ouvragée, et en éleva la pointe vers le sanctuaire aux flèches acérées. La foule dut bien comprendre ; ou sinon, la suite acheva de les convaincre de la dévotion au Dieu.
      Bien que couverts par les sifflets de la foule, les chants des Prêtres s’étaient faits plus forts. L’air vibrait de la puissance du Guerrier : la vue ondulait autour du cortège, comme sous l’effet d’une grande chaleur. Puis ce fut un sifflement aigu, ardent, qui prit naissance à la base du char, et se répandit vers les fidèles agglutinés sur les marches. C’était une note stridente et ombrageuse. Enfin, dans la clameur du chant du clergé, du sifflement du char, et des quolibets de la foule, Phar’roos abaissa soudain son épée vers les captifs. Alors les chaînes qui les entravaient, aussitôt se cambrèrent.
      Une magie hargneuse remplit l’espace et dessina une scène formidable. La masse des spectateurs, occupés l’instant d’avant à hurler de colère, passa soudain à la joie fiévreuse et extatique. Sous la commande de tous les Prêtres, les longues chaînes noires et huileuses, qui couraient depuis le char jusqu’à chacun des prisonniers, s’étaient mises en mouvement. Un battement comme celui d’un pouls les agitait à présent régulièrement : on voyait les maillons se soulever et s’abaisser, à un rythme lourd et lent, comme une bête épaisse à l’heure de s’éveiller. Le sifflement, qui n’avait pas cessé, mais s’était encore accru, désormais se modulait pour dessiner une sorte de respiration. Tous ces liens de métal claquaient et cliquetaient en cadence. Alors le chant des Prêtres se fit plus pressant encore, et les chaînes se raidirent soudain : depuis la base du char, l’ensemble des entraves se regroupa en un grand bouquet de métal, qui s’élevait vers le ciel. Les captifs furent happés par le haut, et ils demeurèrent ainsi à plusieurs mètres du sol, ballotés sous l’effet du pouls qui animait la bête magique. La foule redoubla de ferveur pour ce qui ressemblait à une grande pieuvre forgée, dont les bras ondulaient alentour. On voyait les prisonniers, soudain saisis par la peur, qui tournoyaient doucement dans les airs, selon le désir de la construction mystique.
      La folie de la foule atteignait des sommets : délirante, elle trépignait devant la promesse d’un beau massacre. Phar’roos jeta dans la clameur des paroles incantatoires en l’honneur d’Uriz, afin qu’il recueille ces sacrifices faits sur les marches de son Temple. Alors la pieuvre fut saisie d’un spasme, et elle abattit un premier bras droit vers le sol.
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeMer 22 Juin 2016 - 5:41

Au loin, le cortège traça son chemin dans la citée et laissait derrière lui une traînée de mouches, des gens de foi, qui hurlait de bonheur à voir ce genre de phénomène qui, par les temps qui couraient, se raréfiaient. Les gens sortaient de leurs demeures, quittaient les marchés, couraient d’un bout à l’autre de la citée pour rassasier la curiosité qu’ils avaient envers l’engin. Plusieurs soldats même, désertaient, dans l’espoir de comprendre ce qui se passait. Assez tôt, l’ensemble de la foule n’avait plus le moindre doute sur les intentions de cette mise en scène : tous entendrons le nom d’Uriz et acclamerons sa toute divinité avant le couché du soleil. Le bruit des chaines se mélangeait de manière hétérogène aux acclamations de la foule qui d’ailleurs, lançaient tout ce qu’ils avaient sous la main aux « élus » qui se verraient tôt, retiré le droit de vivre.

Aux premières loges, accompagné d’autres peaux sombres, Velkyn se mit légèrement de retrait. Toujours encapuchonné par sa longue toge aux allures macabres, il prit soin de ne pas être le premier à se faire remarquer, lorsque les principaux concernés graviraient les marches à leur tour. À son ceinturon de fer pendouillait une lame horriblement longue sur laquelle il percha l’une de ses mains, comme il le faisait d’ailleurs lorsqu’il se devait de patienter. Ses lèvres remuèrent et poussèrent en un souffle, quelques paroles inaudibles, de suite après les avoir étirés en un sourire franchement satisfait.


« Kyorl dosst dalharuken, ilharn. Nind ph'ortelanthin feir tarthe dal delmah Elda. »

Le Haut-Prêtre s’appuya contre une poutre et resta toujours de retrait, entretenant une cuisante curiosité face à la suite de cet évènement d’envergure. Ses yeux dévoraient tous les détails, ne serait-ce que la manière dont les chaines furent attachées, les femmes choisies pour se déhancher de manière aussi suggestive, mais aussi, la principale instigatrice qui sembla tirer toutes les ficelles. Ses deux mires se déposèrent sur Phar’roos et ne la quitta plus d’un instant cherchant à brûler sa mémoire d’une image d’elle. Il savoura des yeux ses allures de prêtresse, cherchant à noter les traits de son faciès. Ses lèvres se pincèrent d’un air dubitatif, comme s’il ne pouvait expliquer le fait qu’il n’ait jamais eu l’occasion de la croiser … Il devait remédier à la situation mais avant toute chose, il lui fallait mener à terme sa tuerie roulante.

À bien analyser la chose, le rituel sembla en son ensemble franchement parfait. Le présent était dédié à Uriz, c’était sans contesté d’une évidence certaine. Cependant, tous ne remarquèrent pas l’emballage de ce cadeau. Présenté préalablement à l’aide de magie et aussi, de délicieuses créatures frétillants le bassin en diable, voilà qui saurait d’avantage encore rendre l’offrande accueillante. Velkyn roula les épaules, comme s’il commença à s’impatienter, voyant que les choses évoluaient sans qu’elles n’usent de rapidité.
Phar’roos incanta de nouveau et sous la foule en liesse, le spectacle commença de plus belle.

Décidemment, la conversation qu’il envisageat avec la Matrone s’annonçait tout aussi palpitante que l’était ce spectacle de marionettes.



Spoiler:
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Phar'roos
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeJeu 23 Juin 2016 - 18:46

      La pieuvre avait éventré toutes les victimes : la foule ruisselait de sang. Par-dessus tous les fidèles enfiévrés, qui glapissaient d’extase, saisis par la ferveur du grand rituel, les bras de la pieuvre vinrent essorer les cadavres des sacrifiés. Les chaînes entouraient un corps, puis se resserraient avec férocité, et méticulosité, jusqu’à le broyer complètement. Les boyaux explosaient en l’air, les intestins crevaient et se vidaient de leurs fèces. Entre les maillons d’acier, qui anéantissaient toute la chair, des lambeaux de viande perçaient comme de gros bourgeons d’un rouge visqueux, aux reflets noirâtres. C’était une grande pluie écarlate qui tombait sur les fidèles, comme une tempête de printemps : dans les torrents de sang qui se déversaient du ciel, on aurait cru voir Uriz fécondant ses enfants.
      Phar’roos était toujours juchée sur son char. Elle laissa la clameur du moment la saisir : le ruissellement des chairs sacrifiés, l’ombre tumultueuse de la pieuvre d’acier, et la fureur de la foule agglutinée tout autour. Une immense frénésie faisait vibrer l’air sur le parvis du sanctuaire du Guerrier. La Matrone glissa, en coin, un regard complice aux prêtres les plus proches d’elle. Voilà de nombreuses ennéades que Sol’Dorn n’avait pas démontré une telle piété pour le dieu qui, pourtant, aurait dû présider aux destinées de cette cité, l’avant-poste des Sombres dans l’Ithri’vaan ouvert à ses armées conquérantes. Les quelques poignées de prêtres qui accompagnaient Phar’roos restaient coi, interdits devant ce grand massacre festif. Certaines mains étaient crispées, certains visages tordus par l’appréhension : c’eût été pour la pluie de sang qui fouettait la scène en tous sens, et empêchait de bien voir, on aurait pu croire que certains de ces religieux, pourtant dévoués, avaient soudain peur. Voilà un long temps que la force brute du Guerrier n’avait pas été déchaînée sur les terres soumises à Sol’Dorn : depuis la fin du cycle passé, le sanctuaire d’Uriz semblait n’avoir vécu qu’un long assoupissement – suffisant pour amollir ces prêtres grincheux, songea Phar’roos avec mépris.
      Enfin la pieuvre cessa de tordre des cadavres dans les airs. Ses bras s’apaisèrent, ses chaînes se mirent à retomber vers le sol, rassérénées. Le sang séchait déjà sur les maillons, sous le cuisant soleil du milieu du jour. La foule hurla encore un temps, puis, comme la tempête refluerait, les gorges se calmèrent peu à peu. Sur eux aussi, sur ces visages zébrés d’écarlate, sur ces têtes frappées par des coulées de chair, le rouge commençait à sécher et craqueler. C’était un spectacle épatant, vaguement effrayant, de voir cette assemblée toute imbibée de sang, maintenant relever la tête et attendre en silence. Un grand calme tomba sur eux tous, devant les murs impassibles du Temple. Phar’roos laissa s’installer un moment de mutisme, qui acheva de faire le silence parmi eux tous, et aiguillonna même leur curiosité ; puis elle leva haut les bras, pour s’adresser à la foule.
      La pieuvre l’en empêcha. Le Matrone s’était avancée, elle avait ouvert la bouche, les mots se bousculaient déjà dans sa gorge, lorsqu’un nouveau spasme fit s’agiter tous les maillons rouges de sang. Un autre silence, celui-ci soudain et interloqué, saisit l’assistance. Le métal cliquetait, se tordait, s’agitait à nouveau. On vit les longs bras de la pieuvre d’Uriz se relever de la poussière, passer par-dessous la foule, et s’élever une nouvelle fois vers les airs. Mais cette fois ils étaient vides, sans victime à leurs bout – et en les voyant tournoyer ainsi, planant au-dessus des têtes, comme des rapaces en chasse, on croyait qu’ils s’apprêtaient à continuer leur massacre en piochant, cette fois, dans la masse des curieux. Une vague appréhension saisit tous les visages, sans qu’un mot ne fût dit. Phar’roos chercha du regard le clergé d’Uriz, afin qu’on lui explique cet étonnant incident dans le rituel. Mais les faces des prêtres étaient fermées. Certains d’entre eux, même, qui se tenaient sur les plus hautes marches, au plus proche du Temple, commençaient à se reculer prudemment vers l’intérieur du sanctuaire, loin du chariot et de sa pieuvre.
      Toutefois la peur se révéla vaine. Après s’être agitées quelques instants, par-dessus les visages interrogateurs de la foule, les chaînes se raidirent à nouveau, se regroupèrent toutes en une gerbe unique, et coulèrent délicatement vers une haute silhouette vêtue de noir. On aurait cru voir un dogue retrouvant les pieds de son maître. La pieuvre s’allongea de toute son étendue depuis le char, pour lover ses terminaisons dans la crasse du sol, devant le mystérieux individu.
      Phar’roos vrilla du regard l’homme. C’était une silhouette puissante, de pure race, mais il s’était masqué dans un capuchon sombre pour demeurer dans le secret. Une très longue rapière, véritablement interminable, courait jusqu’à ses chevilles ; la Matrone apprécia les dimensions de la lame, en rêvant aux ravages qu’elle devait engendrer.
      Les prêtres alentour commençaient à grogner, certains par peur, d’autres par envie, face à cette mystérieuse silhouette aux pieds de laquelle se couchait l’outil d’Uriz. Mais la Matrone, piquée au vif par la curiosité, admirait la carrure puissante de celui qui ne pouvait être qu’un guerrier – et, ses longs sourcils dressés par une surprise sincère, elle attendait que l’homme se révèle.
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Velkyn Xaran
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeDim 26 Juin 2016 - 1:29


Le moment tant attendu arriva enfin, laissant derrière lui ses préliminaires ô combien agréables, mais aussi interminables que le purgatoire. Dans l’ensemble, le rituel n’avait pas été prolongé plus qu’outre mesure, seulement, le Haut-Prêtre attendait ce moment précis avec autant d’impatience qu’un gamin devant un présent emballé. Les chaines se déchaînèrent et s’agitaient dans tous les sens, fouettant l’air en dépit du fait que les pauvres corps de chair ne pouvaient supporter une telle pression. Il se dessina dans le ciel, l’une des plus belles créations que Velkyn eut la chance d’assister. Un tableau monstrueux aux aspirations des plus cruelles et pieuses à la fois.

Là-haut dans le ciel, les boules de cotons restèrent immaculées et pourtant, c’est une pluie écarlate qui s’abattit autant sur les curieux que les plus pieux. Une pluie bouillante d’un sang encore frais qui barbouilla le visage des plus vieux comme des plus jeunes. Jamais il n’y avait eu en ce monde un tel massacre aussi gratuit. Toutes ces âmes sacrifiées aussi violemment, aussi cruellement, dans un acte de barbarie pure et simple, faisaient office de plat de résistance au banquet d’Uriz.

Perché là-haut, sur cette marche de pierre, Velkyn se contenta d’admirer dans un des mutismes les plus pieux. Ses lèvres étaient cependant bien tendues, en un sourire épatant, un sourire qu’on ne lui aurait jamais connu. Il était on ne peut plus satisfait de la tournure des événements. Ses yeux allaient d’ici et là, détaillant toute cette macabre mise en scène, se nourrissant des visages enjoués des fidèles, autant qu’il contempla avec satisfaction celui de ceux qui se voyaient outrés et dégoûtés. Hélas, tous bons plats, même ceux dont la qualité outrepassait tous les autres, se devaient d’avoir une fin. La pieuvre s’agitait encore et encore comme l’aurait fait un Kraken attaqué par milles et uns navires, jusqu’à ce qu’elle se repose, un temps, au moins.

Le visage du Haut-Prêtre reprit son air habituel, soit aussi sévère que froid, puis secoua les épaules, un peu agacé que la conclusion ait été présentée aussi abruptement. Ses mires carmin trouvèrent le confort de la Prêtresse en chef, jusqu’à ce qu’il se fasse lui-même surprendre par l’agitation de la créature métallique. Sa grande paluche trouva le pommeau de son immense lame, dans un réflexe dès plus naturel. Il était loin de se douter à ce moment précis, qu’une créature, animée par une magie aussi mystérieuse que puissante, allait cramer sa couverture en moins de deux. L’animal se soumettait à son maître, à la vue de tous et chacun.

Loin de faire son plaisir, il accueillait désormais l’intérêt de la masse, lui qui ne désirait que faire simple office de spectateur. Ses deux pattes d’ours se soulevèrent jusqu’à se saisir d’un pan de sa capuche qu’il rabattit vers l’arrière. Il exposa à jour son faciès aux traits particulièrement sévères et austères. Ses oreilles étaient pointues et transpercées par plusieurs anneaux forgés d’un métal aussi sombre que le charbon. Deux cicatrices maintenant guéries, ornaient ses joues en y laissant voir la morsure d’un animal ou d’une arme à griffes. Ses yeux, quant à eux, aussi intenses que des feux dont on aurait alimenté le brasier avec de l’huile, allaient sonder la crasseuse foule. Il accorda finalement toute son attention vers Phar’roos, l’auteur et metteur en scène de toute cette pagaille religieuse, afin de la juger, droit dans les yeux. Il chercha pratiquement à lire en elle, à chercher le fond de ses intentions, à découvrir qui était-elle. Finalement, il s'exprima d'une voix portante et autoritaire, ne faisant preuve d'aucune preuve d'amitié ou de gentilesse.


« Alu haggan, dalharil d'Uriz »
« Poursuis, fille d’Uriz. »

« Dosst b'lath kyorl whol dos.»
« Tes fidèles attendent. »

Dans d’autres circonstances, il aurait bien dû s’adresser aux fidèles à juste titre d’Haut-Prêtre. Mais il n’en fit rien. Il était venu pour constater la piété des gens de Sol’Dorn et après son départ, les gens devaient continuer en ce sens, quoi qu’il advenait, Haut-Prêtre ou non. Aussi décida-t-il de laisser poursuivre sa nouvelle « protégée », question de voir les desseins qu’elle réservait à son rituel on ne peut plus glorieux. Icelle devait mener à terme son projet et Velkyn mourait d’envie de voir comment elle rattraperait cette petite embuche.

L’animal de métal resta cette fois inanimé, couché dans les marches et ce, jusqu’au tout sommet, près de Velkyn et de Phar’roos ainsi que des autres prêtres. Si le visage du Primas avait été reconnu par tous le culte présent, la foule attendait ou bien des précisions, ou bien la fin du rituel …

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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeVen 1 Juil 2016 - 19:54

      Le rituel touchait à sa fin. Les dernières gouttes de sang noir achevaient de flicflaquer sur les marches du Sanctuaire. Elles ruisselaient le long des gueules hagardes des fidèles, tous encore ébahis, habités par la transe. Eux sentaient un splendide silence sacré, celui de l’instant après la fin de l’extase. Uriz, repu, refluait hors de Sol’Dorn.
      Le clergé du Guerrier devait gérer ces fins de rituel parfois abruptes. Partout les fidèles se réveillaient, émergeaient de leurs rêveries, revenaient dans le monde. Mais tous gardaient, niché au fond de leurs pupilles rouges, un désir de déchirement. Ils promenaient un regard envieux sur l’écarlate sombre qui les zébrait de toutes parts ; certains s’approchaient déjà des chaînes de la pieuvre, à présent abandonnées sur le sol, et ils faisaient jouer un doigt avide le long des lambeaux de chair qui y restaient accrochés.
      Alors les prêtres agirent avec célérité. On ouvrit grand les portes du Temple, on sortit les grandes vasques de bronze qui servaient aux holocaustes, on y jeta les bûches et l’huile à brûler. D’un coin de la rue, quelques acolytes accouraient déjà, les robes relevées : ils tiraient derrière eux, au bout de licous, une douzaine de bœufs à trompe, tous marqués à l’oreille gauche du sceau du Sanctuaire. Les fidèles étaient encore pantelants, foule amorphe, on n’eut aucun mal à s’y frayer un passage et, en poussant les uns, en tirant les autres, on dégagea un corridor pour amener les bêtes jusqu’aux vasques. Les prêtres saignèrent les bœufs rituellement, tandis que les acolytes étalaient leur magie naissante pour enflammer le bois dans les grands réceptacles.
      Quelques instants à peine après la fin du rituel, douze bœufs rôtissaient sur les marches du Temple, et les fidèles éteignaient dans la chair cuite leur envie de violence.

      Phar’roos était demeurée sur le char, encore transportée par la fureur du Guerrier. Puis, revenue dans ce monde, elle sentit comme tous les autres que la faim, et autre chose que cela, l’envie de mordre, lui cisaillaient l’estomac. Elle sauta lestement de la charrette, noyant le bas de sa robe dans les mares de sang noir. Sans y prêter attention, l’œil et l’esprit rivés sur les bœufs fumants, la Matrone s’empara d’un cuissot que lui tendait un prêtre, bénit Uriz pour cette chair, et y plongea ses dents avides.
      Non loin, elle devina le puissant homme, demeuré presque muet dans toute cette confusion. Phar’roos le considéra en coin, une fois de plus. C’était un Drow de force, aristocratique par le sang, arrogant par le maintien ; un Sombre comme il n’en existait qu’au Puy, songea-t-elle envieusement. Une galaxie de tatouages rehaussait la force de tous ses traits.
      Alors Phar’roos alla jusqu’à lui. Devant l’immense stature, elle se sentit écrasée ; elle se réfugia dans une révérence profonde, où la honte d’être trop épaisse, se mêlait intimement au plaisir de se sentir écrasée. A demi redressée seulement, la Matrone, de ses mains semblables à celles d’une Naine, éleva vers le Sombre le cuissot où elle avait mordu, afin qu’il s’y repaisse à son tour.
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeSam 9 Juil 2016 - 1:00

Les événements s’embraquaient si naturellement que le rituel sembla avoir été pratiqué plus d’une centaine de fois par les prêtres du clergé. Tous savaient leurs tâches, tous connaissaient l’issue des festivités et savaient de source sûre comment allait-il se dérouler. Jusqu’à un certain point, le Prima se demanda si certains d’entre eux démontraient plus d’aisance encore que le Grand-Prêtre du Puy en ce genre de cérémonies. Le fait étant que Velkyn était venu solliciter la présence de prêtres afin de s’assurer que Sol’Dorn n’avait pas sombré d’avantage, ne laissant derrière elle que les vestiges d’un temps où cette citée affirmait haut et fort les croyances d’un peuple entier. Mêlés de manière presqu’homogène à d’autres peuplades, la piété des Drows ne pouvait que se noyer inévitablement d’une génération, ne pouvant faire abstraction à ces autres simulacres de Divinités. Paroles mensongères criées haut et fort par d’autres païens, les représentants du Panthéon Sombre avait la tâche lourde, se devant d’un jour à l’autre de redoubler d’ardeur afin, à terme, d’extraire ce venin qui assombrissait les racines d’un peuple.

Velkyn délaissa son attention de la foulée qui hurlait sans jamais confronter l’épuisement de leurs acclamations interminables. Il jugeait, silencieusement, l’instigatrice principale de ce massacre, de cette boucherie, de cette œuvre d’art. Les minutes s’enchaînaient, où il l’auscultait sans piper le moindre mot, la détaillant de pieds en cap avec scrupules et minutie. Elle s’adressait au peuple comme si elle l’avait fait toute sa vie, son charisme était une tempête indéniable, balayant tous sceptiques d’un simple regard et soumettant les plus fidèles d’une œillade. Sa manière de jacter, sa posture, l’assurance dont elle faisait part alors qu’elle n’était connue que de Sol’Dorn : elle était toute désignée pour s’élever.

La ripaille commençait et il était grand temps. Les macchabés laissaient derrière eux une odeur qui n’avait rien d’alléchant, une fois l’émotion retrouvant son plancher usuel. L’énervement du moment porta main forte à faire fi à ce désagrément, mais le temps passait où les gens commençaient à s’en incommoder. Fort heureusement, prévu depuis le tout départ, peut-être, le nombre de bœufs sur la broche se faisant en nombre plus que suffisant, l’odeur alléchante de la viande rouge commençait à faire son bonhomme de chemin. Les gens bavaient à l’idée de se repaître jusqu’à en être francherepus. Deux iris flamboyants fixaient encore et toujours sa cible, l’observant croquer à pleine dent dans ce morceau de chair bien chaud. Elle s’essuya le bec d’un revers de la main puis s’approcha de lui, sans jamais le défier des yeux.

Sa venue était presqu’aussi cérémonieuse que l’était l’ensemble du rituel et sans l’avouer, Velkyn apprécia le rapport d’autorité. Lorsqu’elle arriva enfin à son niveau, après avoir gravit une vingtaine de marches, elle lui partagea sa pièce de viande. Chose évidemment, à laquelle il s’en donna à cœur joie, en allant déchiqueter la viande d’une bouchée plus que généreuse. Il mastiqua un moment, toujours en l’observant de plus haut puis finalement, balança le morceau de viande vers un des prêtres sans se soucier de qui pouvait-il bien être : c’est elle qu’il voulait.

Sa langue débarbouilla ses lèvres crasseuses et de son autre main, la propre, il pliât son index pour venir soulever le menton de la noirelfe. Alors il s’octroya tout le plaisir de plonger ses yeux dans les siens afin d’évaluer a qui avait-il vraiment à faire. Elle sembla a posteriori être une femme de tête, dotée d’une échine de fer et bien sûr, en mesure de diriger. Mais lorsqu’il la sonda, il perçu l’ombre d’un tremblement, percevant l’effet qu’il avait en son endroit, comme s’il l’écrasait par sa simple stature.

« Aujourd’hui, ton Créateur connait ton nom et considère de te garder une place à sa dextre. Du Puy jusqu’à Sol’Dorn je me suis questionné sur l’avenir de la citée Doeben, sans jamais mettre fin à ces interrogations. J’eus cru tomber sur une impasse en y venant moi-même, mais on me prouva le contraire le tout premier jour de mon séjour. »

Il resta nébuleux, certes, mais il n’avait pas à lui en dire d’avantage. Ce qu’il avait vu lui convenait, mais moult détails encore méritaient d’être éclairés.

« J’ai besoin de savoir ton nom, une Drow de ta trempe ne peut plus et ne doit plus être baignée dans l’ombre. »

Son timbre de voix n’avait rien d’amical et au contraire, on pouvait pratiquement le croire courroucer. L’intonation de ses propos sonnait étrangement contradictoire avec les mots qu’il lui témoignait, laissant transparaitre qu’il était somme toute, assez fière d’elle. Il enchaîna ensuite, en ce faisant le plus concis possible :

« Nous avons grand besoin de discuter et cela ne peut attendre. Notre Créateur ne nous le permet pas. Je reviendrai ce soir pour te voir personnellement. »

Il s’exprima comme s’il le connaissait vraiment, comme s’il avait déjà tenu conversation avec lui. Du moins, c’est l’effet qu’il s’en dégageât. Après tout, les ravages de sa schizophrénie n’était pas une rumeur rarement soufflée, elle était établie depuis son tout jeune âge et en plus de six siècle, la nouvelle avait voyagé. Il quitta, puis s'arrêta aussitôt, afin de rajouter, sans lui décocher le moindre regard :

« J’oubliais. Apportes-toi une lame, bien tranchante. Tu en auras besoin. »

Puis il s’approcha du prêtre qui s’offrait la pitance tantôt lancée par la tête, afin de la lui soutirer. Velkyn quitta d’un pas lourd, viande à la main et le bout de son interminable épée caressant les marches de pierres en un crissement métallique.

Le rendez-vous était établi. Serait-elle prête à entendre et à subir les conséquences d’une telle visite ?
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeJeu 14 Juil 2016 - 10:47

      Les heures avaient passé depuis la fin du rituel, et Phar’roos s’était retirée dans les entrailles du Temple. Il y avait là, à la base du sanctuaire, une petite pièce carrée, basse et obscure : on y trouvait la plus énigmatique des statues d’Uriz, celle du dieu à tête de buffle, tenant trois plumes dans sa main droite. L’idole était dressée devant une étroite vasque de pierre brute, au fond percé, et dans laquelle les prêtres déversaient, au sortir des cultes, le sang recueilli, celui des fidèles comme des victimes, des bœufs comme des Sombres. Avec l’usage, la vasque n’était plus râpeuse, mais patinée et polie par le sang. C’était là que se tenait Phar’roos, accroupie à dix pas devant le dieu, encore zébrée du sang versé pour lui ce jour ; et entre eux deux, les prêtres se succédaient, vidant baquet après baquet aux pieds d’un Uriz insondable.

      Une voix enfin, dans pénombre, souffla quelques mots au creux de l’oreille de la Matrone. C’était l’heure. Phar’roos observa les derniers prêtres vider l’ultime charge de sang devant le dieu. Ils se prosternèrent en salut, profondément, puis partirent. Alors elle-même se releva sur ses deux jambes ; sa robe de cérémonie, radieuse à midi, n’était plus qu’un torchon violacé d’avoir baigné dans les viscères répandus sur le parvis. La Matrone alla jusqu’à la statue et s’inclina profondément devant elle. Puis elle plongea la main dans la vasque baignée de rouge, et là, dans les profondeurs de l’offrande à Uriz, patientant depuis le début du rituel, elle retrouva l’épée qu’elle avait ensevelie. C’était une lame brève, acérée ; lorsque Phar’roos la tira du bain de sang, l’alliage de bronze refléta un éclat irréel dans cette pièce si sombre. On aurait cru que le dieu à tête de buffle suivait l’épée de son regard de grès.

      Enfin Phar’roos se détourna du dieu, et revint à l’entrée de la salle. Elle s’y agenouilla dans la poussière de la pierre, la lame posée à ses côtés. De ses doigts gourds de quasi-Naine, elle ôta les deux larges bandes d’or qui pendaient à ses oreilles, puis elle défit le collier d’airain qui tenait sa gorge. Avec lui, toutes les terminaisons de son bustier s’affaissèrent, et la chair pâle de son cou apparut dans la clarté maladive du Temple. Le visage de Phar’roos, orné d’un bleu tout à l’heure triomphant, ruisselait à présent de traces grasses, comme la Matrone avait beaucoup sué dans l’excitation du rituel ; la peinture glissait en longues coulées vers sa gorge, et se perdait dans les tissus qui retenaient sa poitrine. La Matrone demeura ainsi agenouillée, à demi défaite. A présent le puissant Drow qu’elle avait vu plus tôt, honoré de toute la puissance d’Uriz, pouvait entrer à tout instant. Phar’roos ramassa d’une main la lame baignée de sang, qu’elle présenta devant elle, avec patience. Les yeux brillant d’un éclat d’argent, scintillant dans la demi pénombre de la salle basse, étincelant ardemment, fiévreusement, presque amoureusement – la Matrone attendit son maître.
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeMar 26 Juil 2016 - 0:10


Contrastant avec cette foule en liesse qui hurla tantôt sa satisfaction, un silence de mort glaçait le temple d’Uriz. Comme dernier coup de pinceau à cette œuvre d’art qu’avait été ce rituel, les gens s’étaient reclus subtilement en leurs appartements et se promettaient pour la plupart un mutisme dès plus total. Seuls quelques serviteurs et une poignée de prêtres foulaient encore le pavé du Temple, cherchant encore et encore à prolonger cette journée sacrée. Or, Uriz avait bonne raison de croire que tous ses vassaux Sol’Dornien s’étaient cousus les lèvres, tant ce silence pesait. Les heures s’écoulèrent où les ténèbres prenaient avantage sur cette clarté qui s’amenuisait de minutes en minutes, laissant seul les ombrages qui valdinguaient au rythme des flammes de cierges. Un doux fumet, fort plus doux que celui des viscères et des boyaux tordus et leurs fèces, planait dans l’endroit comme un nuage apaisant et réconfortant. Traitreusement, un écho vint perturber la profonde quiétude du palais du Guerrier.

Lointain, aussi subtilement que le vrombissement des ailes d’une mouche, le bruissement semblait gagnait en amplitude. Un interminable couloir dont la clarté avait abandonné son cheminement, menait à une salle où une immense et indomptable statue dominait le sanctuaire. Salle ovale plongée dans d’opaques ténèbres, seule une Drow patientait sagement, agenouillée, dans l’attente de son jugement, que ce soit par le Buffle ou par le Prima Xaran. Alors une silhouette se fit trahir par les jeux d’ombres que projetaient les cierges, laissant à découvert la venue d’un homme dans ledit couloir. À son approche, les bruits se concrétisaient : quelque chose toquait contre le sol et ce, à répétition, ou du moins jusqu’à ce que l’ombre mouvante s'immobilise près de la fille d’Uriz et relâche sa prise contre le sol.

Le tableau était maintenant plus clair, elle pouvait confirmer ses craintes, ses appréhensions ou ses questionnements : c’était lui, traînant un cadavre.

Le macchabé avait laissé derrière lui une traînée interminable de sang frais, sang qui d’ailleurs s’écoula encore de son crâne où le poignard fétiche du prêtre s’était violement ancré. Sa dentition était douteuse, plusieurs chicots lui manquaient et personne n’avaient à demander le pourquoi du comment : son crâne lécha les dalles du Temple de long en large, la gueule grande ouverte, tandis que son meurtrier l’aidait à se mouvoir en la traînant par un pied. À priori, la victime avait une peau laiteuse, un teint d’albâtre, une chevelure de blé et n’avait, par sa grandeur, pas encore la vingtaine d’année. Quant à son meurtrier, il se planta devant la fille d’Uriz en patientant quelques instants, après avoir délié sa main du fardeau qu’elle avait entraîné pendant nombres de mètres. Vêtu dans la plus simple des tenues, c’est-à-dire une épaisse paire de bottillons ainsi que des braie ébène, il se pencha à son niveau, en s’accroupissant. Ses deux yeux injectés de sang se plongèrent alors dans les siens avec un air grave et courroucé à outrance. Derechef, le silence se rompit lorsqu’il lui adressa quelques mots dans sa langue maternelle.


« Nindel ust'dan vess pholor l'yath nythe. »
« Cette infidèle a craché sur le parvis du Temple. »

« Wun Elda , lodias orn'la inbal malaruth ulu elgg ilta. »
« Dans l'Elda, les gens se seraient battus pour la tuer. »

Sous l’emprise d’une colère à peine naissante, sa lippe frétilla sous l’envie de l’injurier à outrance et de se laisser guider par son impulsive colère. Il n’en fit pourtant rien, elle n’avait pas mérité cela, pas après la journée qu’elle avait offerte à son Créateur, non. Alors Velkyn s’asseyait sur le cadavre encore chaud de cette pauvre humaine, récupérant au passage son coutelas sans ménagement, emportant quelques bouts de cervelle qu’il essuya contre son sombre pantalon.

« Alors … Quel est ton nom, ma fille ? »

Maintenant à son niveau, elle agenouillée, lui, le séant sagement déposé sur le grand dorsal de sa victime en puberté. Il enchaîna alors plusieurs questions, à chaque fois qu’elle lui répondait, sans jamais l’interrompre. L’échine légèrement courbée, un tantinet penché vers l’avant, on voyait en ses yeux qu’elle captait à ce moment précis toute son attention.

« Que fais-tu à Sol’Dorn, alors que tes frères et sœurs se meurent pour la Gloire de leur Créateur? »

Question posée non sans curiosité, bien que la réponse pouvait s’avéré délicate, compte tenu de sa position au Front Elfique. Lorsqu’elle termina son interrogatoire, Velkyn lui permit quelques questions à son tour, qu’il répondit calmement, tout juste avant de se redresser. Il roula ses épaules carrées puis fit une torsion à son bassin, comme pour s’étirer brièvement. Son immense paluche se laissa choir contre la garde d’une épée rattachée à sa ceinture, recouverte par son fourreau sobrement décoré.

« Un vieil adage du culte fait référence à la grandeur d'un Drow, à sa capacité à survivre ... J'ai pour toi d'importants desseins, Phar'roos. Ne me déçoit pas, fille d'Uriz. Empoigne ta lame! »

Chose qu’il fit posément, tirant l’acier de son emballage de cuir avec une lenteur déconcertante. Le visage plus grave que jamais et laissant tout croire qu’il n’allait pas être doux. Secrètement, il espérait qu’elle soit de taille parce qu’il avait en elle, moult attentes et espérances.
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeSam 13 Aoû 2016 - 8:46

      Velkyn regardait Phar’roos ; Phar’roos regardait le cadavre ; le cadavre ne regardait plus rien.

      La Matrone n’avait pas bougé de sa position agenouillée. Devant elle, le crâne fracassé bavait son sang noir à gros glouglous mous ; des bulles de cervelle venaient clapoter sur la robe déjà salie et déchirée de la Drow. Phar’roos avait maintenu son regard sur la fille ravagée, tout le temps que Velkyn lui avait parlé, et elle ne l’en retira qu’après que le silence fut revenu. Lorsque le grand cultiste lui avait posé ses vagues questions, elle avait répondu sans vigueur. Maintenant, à l’instant où elle relevait les yeux du cadavre, Phar’roos apercevait la puissante stature du Haut-Prêtre : à dix pas d’elle, il était raidi, ses bras bandés, toute sa force catalysée au fil de son épée. Au moment de défier la Matrone, lui semblait vibrer de félicité.

      Il était difficile de dire ce que Pahr’roos pouvait ressentir à cet instant. Dans ces entrailles profondes du temple d’Uriz, face à celui qui incarnait aujourd’hui la voix du Dieu Guerrier, au milieu des ombres et des éclats de métal, dans cette atmosphère irrespirable et pourtant glaciale, la peur devait bien la saisir. Elle avait l’habileté assassine d’un tueur de l’ombre ; à la seule force de la lame, face à une telle brute, sans recoin où se cacher, elle ne pourrait jamais sauver ses os, elle devait le savoir. Pourtant, cette vague de dépit qui s’était mise à flotter sur son visage, elle ne paraissait pas être nourrie de désespoir.

      Lentement, avec des gestes mesurés, Phar’roos se releva du sol, elle déplia devant le grand Drow sa courte stature de bâtarde. A son côté droit, elle avait déjà apprêté sa lame de bronze ; mais elle ne la mit pas en garde. Au contraire, la Matrone alla jusqu’au cadavre laissé là, entre eux deux, sabré par Velkyn. Le corps donnait l’aspect désarticulé des pantins, avant que le marionnettiste n’attache chacun des membres à un fil, pour donner vie aux pièces de bois. La pauvresse se vidait continument de son sang, et tous le rose avait disparu de son visage ; s’y substituait un blanc, aux reflets verts, qu’on apercevait pourrir sous les zébrures rouges.

      Du bout du pied, Phar’roos retourna le corps, pour masquer le visage et révéler l’arrière du crâne. C’était là que le coutelas du Haut-Prêtre avait pénétré, trouant les chairs : cela faisait comme un tunnel, qui perçait jusqu’à la bouche édentée. La Matrone étendit une main précautionneuse, qu’elle alla plonger à la base du crâne, fouillant dans les masses pourpres et brunes. Elle y remua un instant, tournant et retournant. Puis, avec une force étonnante, Phar’roos releva l’ensemble, le crâne, le corps, le cadavre tout entier : elle redressa tout cela devant elle. Le bras tendu en l’air de la Drow faisait comme un crochet, un porte-manteau sinistre au bout duquel pendait, défroque de peau, la silhouette ravagée de la femme.

      La Matrone manœuvra la chair comme un pantin : de sa main droite, elle logea son épée dans la main droite du cadavre, tandis que de la gauche, elle agitait les mâchoires de sa marionnette, pour lui donner mine de parler.

      « Fors l’honneur ! siffla Phar’roos, et elle utilisait pour cela la langue de la Péninsule, avec ses exclamations risibles. Elle ajouta encore, dans la même voix : Palsambleu ! Malheur aux couards ! »

      Les formules rituelles des duels, comme on les prononçait dans les lices dégénérées des Hommes, de l’autre côté de la Mer, résonnèrent dans le Temple d’Uriz avec absurdité. Mais les mots suivants furent persifflés dans la langue des Drows, et dirigés droit contre Velkyn :

      « Je suis Uriz le terrible ! J’ai abandonné durant dix ans cette terre ! J’ai laissé Sol’Dorn tourner le dos à la guerre ! J’ai toléré que la Quatrième Ost délaisse les armes, que mes tueurs cultivent le vin et fassent le commerce des épices ! Mais, sapristi, voici mon puissant Haut-Prêtre, et il s’en va défier la dernière fille qui me soit restée fidèle ! »

      Et la marionnette continuait de s’agiter mollement, à chaque parole ; elle tournait, tressautait et tourbillonnait, comme Phar’roos faisait claquer sa mâchoire brisée, et brandissait la petite épée de bronze. Elle couina à nouveau :

      « Tremblez, guerriers renégats qui prospérez dans la province de Sol’Dorn ! Tremblez, déserteurs de l’Ost, vous qui avez dépecé une puissance militaire pour en retirer des lopins de terre ! Dans ma terrible colère, moi, Uriz, j’ai tué une pauvresse misérable, pendant que vous vous engraissez encore ! »
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeJeu 25 Aoû 2016 - 2:54





La pointe de sa lame était ancrée en tenaille entre un duo de dalles de pavé, patientant que Phar’roos se dresse en fille d’Elda qu’elle était et qu’elle réponde au défi lancé. Elle se dressa, certes, mais non pas pour faire chanter le fer, mais plutôt pour s’offrir en spectacle. Ventriloque improvisée, elle manigança de se sortir du pétrin dans lequel le Haut-Prêtre l’avait balancée en manufacturant une macabre poupée désarticulée. L’agitant dans tous les sens, écrasant au fur et à mesure qu’elle virevoltait les dernières partielle de dignité qu’habitait le cadavre décousu, Phar’roos balança quelques sordides paroles, mais aussi de tranchantes vérités. Parmi les moqueries abondantes, se terraient mots qui ironiquement, étaient fondateurs de sa venue en Sol’Dorn. Qu’elle lance tout haut ce que lui pensait tout bas le rassurait de prime abords, puis écorchait son calme fébrile. Sa consœur au teint cendré se barricadait derrières d’inexactes paroles, ou du moins, en partie. Si seulement elle savait les desseins qu’il lui réservait, peut-être comprendrait-elle ce pourquoi il entretenait le besoin de la défier. Du plus loin qu’il se souvenait, son nom résonna pour la toute première fois, de même que son titre au sein du Puy … Et parce qu’il était ignare sur toute la route à son propos, fidèle à ses habitudes, il se devait de la mesurer et ce, non pas sur une scène à performer un spectacle, mais au fil de l’épée. Sa manœuvre n’allait pas de connivence avec son avis sur le discours, mais il se devait de faire chuter le rideau sur sa performance, aussi incroyable fût-elle.

La poigne du guerrier contre son acier se mouvait, empoignant cette dernière comme on le ferait d’un coutelas, puis d’un geste sec, concis et sans la moindre hésitation, il fendit le cadavre du con jusqu’à la gorge, laissant tomber le lourd sac de ses entrailles contre le sol. Sang, viscères, boyaux et autres organes déboulèrent tous rattachés les uns les autres contre le pavé glacé du temple, faisant écho l’explosion d’un des sacs qui se rependait aux pieds des deux Drow en une flaque opaque et grumeleuse. À peine le massacre entamé, avant même qu’elle n’ait délogé sa mitaine du crâne de la pauvrette, qu’un coup de pied empreint de violence et de rage venait s’écraser contre son buste, la projetant aussitôt contre le pied de la statue. D’un reflex instinctif, elle para le premier coup porté contre elle à l’aide d’un coutelas dissimulé dans l’une de ses chausses de cuir. D’une dextérité hors du commun, elle roula puis se redressa sur ses deux petons en empoignant au passage la lame qu’elle avait disposée préliminairement devant elle. Dans les dédales des couloirs du Temple retentit la querelle de deux armes qui argumentaient férocement l’une contre l’autre. Les coups fusaient pendant nombres de minutes et comme il s’y attendait, Phar’roos, bien que loin d’user de ses primes aptitudes, faisait belle figure devant le Prima. Plusieurs coups portés contre lui d’ailleurs éméchaient sa confiance, si tant qu’il cru une fois se faire occire d’un assaut au flanc droit. Enfin, d’un coup à la garde, il fit s’effondrer les fondements de la défense de Phar’roos puis saisit l’opportunité de s’approcher d’elle pour marier son immense patte contre sa gorge. Ses doigts se resserraient comme un étau et cherchaient à la soumettre à l’immobilité pour mieux fixer le fond de sa pensée, tandis que ses mirettes injectées de sang fondaient dans les siennes. Évidemment, restreinte en air ses membres s’agitaient dans tous les sens, se perdant même en quelques coups de poings vers le visage du Prima.


Alors, sa poigne se relaxa abruptement, la libérant de l’asphyxie et la repoussait sèchement pour mettre fin au combat. Il ne lui laissa pas le temps de reprendre son souffle qu’il entamait quelques paroles en son honneur : « Tout ce que tu as dit à propos de Sol’Dorn est vrai, et c’est ce pourquoi aujourd’hui je requiers ton aide comme jamais. Plus que quiconque, Uriz connait désormais la valeur de sa fille et demande à ce qu’elle se plie à sa volonté. Les Sol’Dorniens sont en perditions et ici, je te demande de faire en sorte que les choses changent. » Velkyn s’adressa à elle, le souffle court, mais empruntant un timbre de voix franchement plus amical qu’il ne l’avait jamais été. « Les affidés font preuves de lâcheté et se soumettent aux us et coutumes des humains, tandis que les prêtres brillent par leur absence. » Son regard se plongea derechef dans le sien afin de quêter son avis et de tâter son pouls face à ses dernières paroles. « Je te veux comme Grande-Prêtresse d’Uriz, à Sol’Dorn. » Lui dit-il, alors qu’il lui tendait d’une main la lame qu’elle avait perdue au court de l’affrontement.


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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeMar 25 Oct 2016 - 22:45

      Phar’roos saisit la main qui lui tendait une arme, et se redressa. Entre ses dents serrées, une giclée de sang commençait à couler depuis ses lèvres vers son menton ; les gouttelettes rouges allèrent bientôt rouler sur sa gorge, rougie et broyée sous l’empoigne de ce Haut-Prêtre colossal. Elle souffla :

      « Merci, seigneur. »

      Ils se tenaient soudain dans le silence, à moins de deux pas l’un de l’autre. Les coups échangés, les entailles reçues et rendues, avaient achevé de recouvrir de rouge leurs corps déjà ensanglantés par l’explosion de l’esclave. Des fibres indistinctes perlaient, gluantes, tout le long de leurs robes. Même les murs alentour avaient reçu leur dû d’éclaboussures, et la lourde statue d’Uriz reflétait à présent des teintes viscérales.

      Mais Phar’roos n’eut pas un regard pour tout cela. Ses yeux, petits et plissés, restaient rivés au plus profond de ceux du Haut-Prêtre – son maître, à présent, c’était l’évidence. Elle fouillait ces pupilles pour y trouver ce qu’elle croyait avoir deviné, dans les dernières paroles prononcées, et la lame qui lui avait été restituée. La Matrone ne trouva pas sa réponse, mais en vérité, c’était inutile. Elle sentait déjà une excitation aiguë s’infiltrer dans son cœur, tandis que ses yeux se heurtaient à l’impénétrable dureté de ce regard sombre.

      Phar’roos raffermit sa prise sur la lame, puis jeta dans un murmure cru :

      « Je crois qu’à cette heure, le Grand-Prêtre – l’actuel – est encore dans les murs de ce Temple ; peut-être au sommet de la grande tour. »

      Car le culte d’Uriz à Sol’Dorn était bien, à ce jour, pourvu d’un Grand-Prêtre. Un pauvre hère, selon l’avis commun – un faiblard, un maigrelet, un attiédi, mais bien enturbanné dans les honneurs de la fonction de commandeur des croyants de la Guerre. Et, si Phar’roos avait bien deviné les desseins du Haut-Prêtre, ce joug de pacotille trouverait son terme, ce soir même, et de sa main.

      « J’implore l’honneur que tu m’accompagnes là-haut, seigneur, soupira la Matrone, et sa voix avait à présent des accents fiévreux, pour assister à la fin du plus dégénéré des cultistes d’Uriz. »
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Velkyn Xaran
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MessageSujet: Re: A l'Ouest d'Elda   A l'Ouest d'Elda I_icon_minitimeSam 5 Nov 2016 - 21:27





Un casse-tête d’images décadentes défilèrent aussitôt devant ses mires vermeilles, s’imaginant milles et un scénario tous aussi savoureux les uns que les autres. Ayant récemment goûté l’originalité et la profondeur de la foi de Phar’roos, le noirelfe se régalait précocement de la fin fatidique de ce rachitique personnage. À cette heure, se tâtait-il de avoir la suite des événements ? Certes pas, le Grand-Prêtre pousserait son dernier souffle et ce, bien assez tôt. Alors, Velkyn redressa son nez vers elle, l’œil brillant, retroussant les lèvres d’un sourire naissant, puis s’exprima sur un ton posé : « Et si … Tu entretenais son agonie, afin qu’il ferme les yeux, là où il est a ouvert pour la première fois ? » Il marqua une pause, patienta un instant, l’air songeur, puis enchaînait mai cette fois-ci, avec l’étrange impression d’avoir une idée derrière la tête. « Lorsque le moment sera venu, un message te sera adressé, alors il te faudra convoier jusque dans les profondeurs de l’Elda. Évidemment accompagné par ton nouvel ami. Qui devra encore respirer. » Ajoutait-il en spécifiant ce menu détail, en omettant toutefois d’en dire l’état dans lequel le colis devait être livré. Le Haut-Prêtre observa aux alentours, pour en revenir vers la disciple d’Uriz, hochant du chef quelques fois. « Détruire, pour rebâtir. » Suggérait-il indirectement, en observant les quelques colonnettes et décorations qu’agrémentaient le sanctuaire. Le guerrier lui tourna le dos puis emboîtait le pas en s’enfonçant dans les ténèbres que projetait les quelques candélabres, jetant à qui voulait bien l’entendre avant de quitter les lieux : « Teiweon devra patienter. »



****



Adjacent à la basilique de l’animosité, un campanile à la chemise de roc délabrée servait de cagibi de fortune à l’aîné aux marques d’Uriz. Les années, plus que les rares combats qu’il mena, épuisèrent et ébranlèrent sa foi à outrance. Arborant une situation fort bien aisée et connue, ce depuis moult années, le vieillard semblait s’être accommodé au confort de ses pantoufles. Les Sol’Dornien ne cultivant plus leur foi d’antan, le vieillard ne risquait pas le moindre renversement de la part de la plèbe, s’il se montrait suffisamment petit. L’eau coulerait, encore et encore, au travers ce barrage méticuleusement entretenu par la paresse, jusqu’au jour oû quelqu’un viendrait y percer une brèche. Alors, l’eau pourrait enfin se déchaîner en des torrents impitoyables, balayant sur son passage chacun des détritus engendrés par leur paresse.

Son échine se courbait sous la pesanteur de ses richesses, un ost de ridules se formait sur sa bouille d’indigne à force de se tenir loin de l’action, tandis que ses os commençaient à éprouver des tremblotements, de peur que la descendance de son Créateur vienne un jour s’entretenir avec lui. Avait-il des raisons de croire à cette possibilité, après avoir aperçu du haut de sa tour de guet, l’importante cérémonie qu’avait organisé le rejeton d’Uriz ? Évidemment.

Comme en sa prime jeunesse, son souffle s’emballait, ses sens s’activaient et du regard, fouillait désespérément une arme pour se défendre. Son instinct de guerrier semblait vouloir revoir le jour et guider ses gestes. Mais à défaut d’avoir à sa disposition un peu d’acier, le libidineux personnage n’avait qu’à portée de main que quelques généreuses besaces, afin de remercier les ombres qui se faufilaient à sa couche les vêpres venues.

Il s’asseyait finalement, résigné. Les mires rivées sur le portail de bois qui clôturait sa chambrette. Son sang ne bouillait non plus comme jadis, prêt à se défendre, à se battre, à tuer, pour son Père le tout puissant. Non, son sang était frigorifié par la crainte. Il avait froid. Très froid.

Car il savait qu’à sa dextre, Uriz ne lui réservait aucune place, et qu’il y rejoindrait plus tôt que tard.



[ Fin ]
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