Ce petit vent est agréable, il me rafraîchit les aisselles. Quand il fait chaud comme ça, ça fait vraiment du bien. Tu le sais bien Iolla, j'ai toujours été originaire du sud, ce n'est pas pour autant que j'en suis venu à apprécier la chaleur. Je pense que dire que je m'y suis habitué serait correct. Mais comme tu n'as jamais aimé le froid, nous n'y sommes jamais allé vers le nord. Le plus grand avantage du froid, mais aussi, en quelques sortes un désavantage, c'est que ça pue moins. Autant le mec qu'à la cuisse droite aussi gangrenée que ... oui tu as raison Iolla, passons nous de métaphores la dessus. Bon tu te plaignais de ton vivant que je rentrais puant du dispensaire et tu avais raison. Un mec canné où en voie d'y arriver, ça ne sent pas la rose. La aussi, je pourrai dire que je m'y suis habitué, mais ça reste plus agréable sans. Toujours aussi silencieuse, hein ? Ça ne te vas pas très bien tu sais, c'était mieux quand tu chantais, avant que tu ne nous quitte. Mais bon, je devrai me faire une raison... cela doit bien faire trente ou quarante ans que tu es aussi muette que la tombe qui t'abrite.
Finalement, la mémoire m'est revenue. Naelis n'est pas un bled paumé sans histoire qui organise tout les mois une fête qui rassemble tout les culs terreux des dix kilomètres à la ronde. Non, c'est plus que ça, un ville, une capitale même. Décidément, les bouseux devraient apprendre à causer correctement. Na-hé-lyse qu'ils me disaient ces cons, pas étonnant que je reconnaisse pas le coin. Évidement, Naelis, je ne pouvais pas oublier... si je me souviens bien, c'est même des péninsulaires qui sont à la base du bousin. Bon, me reste encore une bonne semaine de tape-cul jusque la bas. Ça changera ma monotonie, ça me rappellera des petites sauteries du bon vieux temps. Pour l'instant, je me contente de suivre une route des plus classiques. C'est plus une sente de terre agrémentée d'ornières, je ne suis pas particulièrement adorateur des grand-routes.Je croise des gens du commun, des paysans qui poussent des charrettes remplies de foin, ainsi, nous sommes déjà à cette période de l'année. Je penses à tout et à rien, laissant mon regard vagabonder sur le paysage. Soudain, je me fais interpeller par un petit vieux à l'autre bout de la route. Il me veut quoi ? Un petit homme, crane rasé et barbe bien fournie, des vêtements plus riches que ceux de ceux que j'ai croisé et une carrure bien plus imposante.
-Brashen, ma couille, comme va ?
-Vaungh, ma biche, ça fait combien de temps ?
-Trop ! T'as pas changé !
-Arh arh ! Tu parais plus vieux toi !
-Hyar hyar hyar, Brash' c'est à ce moment que tu dis toi non plus !
Rhys, un des mes vieux potes, un vieux de la vieille. On est resté dans la même compagnie de mercenaires, pendant 5 ou 6 ans. Un petit gaillard baraqué à la barbe poivre sel, un sourire brillant et une grosse voix. Probablement le meilleur soldat que je n'aie jamais connu, la preuve personne n'a jamais réussi à le tuer. D'ailleurs, si tu avais vu ses abdos Iolla, tu m'aurais probablement quitté pour lui et je l'aurai probablement accepté, ce mec a des sacrés abdos.
-Tu fous quoi dans le secteur ?
-J'pensais faire du tourisme à la capitale.
-Ramène toi à la maison, vieux, on parlera de la bonne époque, ça fera plaisir à Fi' de te revoir.
-Je suis obligé d'accepter.
Je l'accompagne alors jusque chez lui, une fermette pas trop modeste. Il nous avait tous étonné à l'époque en nous annonçant qu'il prenait sa retraite pour vivre paisiblement ses dernières années avec une fille rencontrée dans le coin. La dame de la maison me salue du chef et on échange quelques politesses. Elle ne me voit sans doute que comme un nid à problèmes... comme énormément de gens, en fait. Je lui rappelle sans doute le temps où son mari risquait sa vie pour le genre de causes qui ne font rêver personne. Nous n'étions pas des chevaliers, pas plus que nous étions des justicier. On écrasait ceux qu'on nous demandait d’affronter et on protégeait le cul de ceux qui nous payait pour ça. Le chef était pas du genre à trahir un contrat, il a jamais accepté une contre-offre et n'acceptait pas les missions qui puaient trop. On se présentaient comme des héros, personnes n'étaient dupes, nous non plus. On se gargarisais de notre code de l'honneur pour justifier nos actions. Il n'est pas étonnant que personne ne soit intéressé par s'acoquiner avec des individus si peu recommandable. Je n'allais pas imposer trop longtemps ma présence évocatrice de casseroles rouillées. On a vite abandonné la demeure pour s'échouer sur un banc avec vue sur la vallée.
-J'aurai jamais parié que tu quittes la compagnie.
-T'aurais pariés quoi ? Que je décède sur un champ de bataille après une bataille à un contre cent ?
-Nan, ça c'est Rysh, le trésorier. Moi j'avais parié que tu crèverais de vieillesse pendant cette bataille.
-Hyar hyar hyar ! Après en avoir descendu combien ?
-Au moment où tu décapitais le général.
-Désolé pour ton paris !
-J'ai toujours pas perdu et Rhys non plus.
-Il est devenu quoi ce beau-gosse ?
-Il est partit quelques mois après toi, aux dernières nouvelles il tient un commerce florissant à Naelis, j'pensais lui rendre visite.
On a continué la conversation autour d'une bouteille agrémentée d'herbe à pipe de sa propre récolte, le jeune Ybot qu'il appelais ça. Cela dit, je préférais son anagramme, malheureusement, ça pousse pas par ici. Puis est venu le moment de la soirée que je redoutais en quelques sortes. Il s'était avancé sur son siège, coude sur les cuisses, l'air de vouloir dire quelque chose sans vraiment vouloir le dire. Le genre de pose qu'un mec tient avant de te révéler qu'une connaissance commune est décédée, qu'il à chopé la chaude pisse ou pire, que la fille de l'auberge est enceinte.
-Ecoute Brash', j'ai un petit soucis.
-T'es malade ?
-Nope...
-Fio' ?
-Nan personne est malade !
-Quoi alors ?
- Une bande de bandit à pris possession d'une ferme des environs et fait chier tout le monde.
-Alors t'es entrain d’entraîner les bouseux du coin pour leur botter le fion ?
-Le temps qu'ils apprennent à tenir une lance dans le bon sens, on changera de cycle.
-Les réguliers alors ?
-Le temps qu'ils soient informés et qu'une expédition soit lancée, un mois sera passé.
-Moaui....
-Et mes bouseux ont le sang chaud, le chou farcis de fables et la patience courte, ils vont agir avant.
- Boaurf, c'est pas une bande de culs-terreux avec des couteaux à fruit qui vont faire beaucoup de dégâts.
-Le soucis, c'est que ce sont pas des culs-terreux, mais des déserteurs avec des gros couteaux à viande.
-Merde...
-Alors la seule solution que je vois pour éviter un massacre. C'est d'y aller personnellement pour me les faire sans pertes de notre cotés.
-Ils sont combien ?
-Six.
-Tu veux que je t'accompagne pour jouer les héros ?
-Oui-da et de préférence, ça serait mieux que personne n'en sache rien.
-Personne ?
-Tu connais Fi'...
-J'aime pas trop ça, mais compte sur moi....On part quand ?
-Demain... on va pas y aller à moitié bourré.
Comme quoi, je suis bel et bien un oiseau de mauvais augure. On a attendu que la maîtresse de maison s'abandonne au sommeil pour fourbir nos armes. On a éradiqué la rouille à coup de patates, huilé nos armes avant de leur rendre leur tranchant de l'époque.On s'est retiré dans un bosquet avec des bâtons pour vérifier si on avait pas autant rouiller que nos armes. Ça allait, ce n'est pas comme si nous nous contentions de vivre convenablement se gavant chaque jour. Je suis même agréablement surpris, il continue à suivre le programme d'hygiène que j'avais instauré dans la compagnie. On a vite cessé néanmoins, veillé tard n'est plus de notre âge. On est partit tôt ce matin la, prétextant une promenade dans les environs. Nos chevaux sellés avec de prétendues victuailles et des cannes à pèches, je ne pense pas qu'elle ait été dupe... mais elle n'a rien fait pour nous arrêter. On n'a pas pressé nos montures et on a finit le chemin à pied équipé.
On est arrivé en début d'après-midi, on a observé quelques temps la fermette isolée que les truands ont pris comme refuge.
-Ils pioncent en armure ou quoi...
-Je pense plutôt qu'ils ont prévus d'aller se servir dans la soirée...
-On a pas vraiment le temps de trainer.
On a détecté leur angle mort, un coin de la baraque dépourvu de fenêtres et pas dans le champ de vision de ceux qui sortent pour pisser. On a progressé accroupi avant de s'adosser à la façade sans se faire apercevoir ou tout du moins, ils ne l'ont pas montré. Un mec a finit par se décider de sortir pisser. Au vu des litrons qu'ils ont évacués, je pense qu'ils n'ont pas passer la nuit dernière plus sainement que nous. Vau' dégaine son poignard d'un geste fluide, je l’arrête d'un geste de la main et m'empare du stylet glissé contre mon flanc.
-Il a une totale... a moins de lui chopper l'oeil ou d'avoir assez de pot pour lui avoir la gorge... on y arrivera pas.
-Tu proposes quoi ? Le poignarder ? C'est peut etre un troufion, mais on dirait pas que ce soit de la merde.
-Nan, j'essaye de le zygouiller par magie et si ça marche pas, je le lui glisse entre les cotes...
-Et si ça foire ?
-T'as ton arbalète, non ?
-Je vise plus comme à l'époque... j'risque plus de foirer.
-Raison de plus que je le chope du premier coup.
J'avais déja décidé ou frapper, j'allais m'en prendre directement à son cœur. Gros muscle qui avec le stimuli adapté cessait de battre... conduisant irrémédiablement à la mort du sujet. Sinon, je lui plantais ma lame entre la troisième et la quatrième cotes, perforation du poumon et du coeur... résultat garantit. Il avait une cote de maille et une gambison, dur à dézinguer le salopard... mais je peux dire pareil pour moi remarque. Sur les quelques mètres qui me sépare de l'arbre victime de l'amidon de ces salopard, je prépare un sort. Ah... non... il se masturbe le salopard... bah, ça me facilitera la tâche. Ma main gauche s'enroule autour de sa mâchoire et la gauche se pose sur sa poitrine avant de lâcher un sort on ne peut plus simple. Une rigidification des muscle de la victime, il met quelques secondes à réagir, s'attendant sans doute à une blague de l'un de ses camarades avant de commencer à s'agiter. Il m’envoie bien quelques coups de coudes, mais ils sont amortis par mes protection. Il s'agite encore quelques secondes avant de se laisser tomber à mes pieds, jouet toujours en main, sans vie. Il a dut s'y agripper sentant son cœur défaillir... j'en serai presque ému. Tient... il tire une drôle de tête... ça fait pas ça une crise cardiaque d'habitude... Comment c'est que je l’ai buté ? Je me penche sur lui... en fait il a pas clamecé le mec... bah tant pis, je lui enfonce mon arme dans l’œil. Un juron retentit derrière moi suivi d'un claquement sec vite accommodé d'un râle. Je me retourne tout en dégainant ma lame, Un mec à dix pas de moi facile s'accroche désespérément au carreau planté dans gorge, il doit pas avoir vingt ans, pauvre gosse. Mais bon c'est comme ça, quand on décide de tourner ses armes vers autrui pour vivre de leur bien... on finit rarement dans un lit.
Vau arrive vite pour se placer à coté de moi alors que quatre types déboulent de leur repaire, toute arme dehors. L'un d'eux semble prêt à vomir et pas très stable... la gueule de bois ça pardonne pas. Il aurait sans doute préféré rester couché toute la journée, mais tant pis pour lui.
-Ah mais je le reconnais, c'est le nabot qui jouait les fiers ... fallait pas te déranger on allait venir te voir...
Une guisarme et trois épées. Bon on va s'amuser, deux contre un, notre situation préférée. Ils se déploient et avance lentement vers nous, que peuvent faire deux vieux qui ont pris leur potes en traître de toute façon. Désolé les gars, on se battait déjà que vous aviez pas quitté les bourses de vos pères. Pourquoi on doit se farcir des gamins putain...Vau' se propulse sur le gars le plus à l'extérieur de son cercle qui recule d'un pas par pur, mauvais réflexe. Laisse moi deviner, on est tombé sur une bande de couillons qui n'avaient pas les couilles d'aller sur le champ de bataille et qui ont pris la poudre d'escampette. Résultat, ils sont recherchés et sont forcés de se planquer et de faire la seule choses qu'ils savent faire pour survivre. Un troisième corps tombe après avoir littéralement bouffé de l'acier. Je profite de l'instant de flottement et d'incertitude instauré par mon acolyte et saisissant la guisarme du type qui avait eu la mauvais idée de tourner la tête. Ma propre attaque arrive juste derrière, prenant le chemin le plus direct vers la cervelle. Les deux derniers gars se fixent blême, des puceaux du champ de bataille. On est pas dans une bagarre de rue où t'essaye d'encercler un troufion. Tu fais comme ton lieutenant t'as bourré le crâne, tu gardes la formation de façon à ce que ton pote puisse te couvrir.
Y a que les vieux briscards qui peuvent ne pas suivre cette règle, rester côte à côte ne nous aurait servit à rien, alors autant attaquer direct. L'un d'eux lâche son arme et recule pour se vidanger les boyaux, j'ai pitié de vous les gars, sincèrement. Le gars à mec coté s'élance sur moi et après quelques passes d'armes parvient à me cingler l'épaule, sans trop d'utilité autre que de me faire reculer d'un pas. Faut pas dormir quand ton instructeur te raconte comment marche une armure... On est vraiment tombé sur une bande de ratés...Il n'a pas eu le temps de réitérer son erreur, Vau' y a bien veillé. Le dernier nous supplie à genoux, il nous raconte que c'est pas sa faute, il a peur de mourir et s'est enrôlé pour plaire à une gonzesse. Il a pris les bouts dés qu'il a pu et s'est carapaté dans le coin en voyant sa trombine sur un avis de recherche. On se concerte du regard, on fait quoi de ce pleutre...
-Si je laisse cette tanche en vie... il va sans doute revenir.
-Pas faux...
-T'as pas un sort pour qu'il nous oublient ?
-Nope... soit on le zigouille soit on le ramène chez lui... ou il sera exécuté.
-Donc un gamin sans avenir... désolé fiston... mais t'aurais pas du te dégonfler.
Ca s'est fini aussi vite que ça à commencé, on vérifie que la maison est vide. On monte rapidement un bûcher et on brûle les corps. J'avais bien suivi les enseignements de la bienveillante à une époque, mais avec le temps, j'ai fini par douter du bien fondé de suivre la volonté des dieux. Je n'ai jamais vu une divinité bloquer un coup d'épée, sauver un homme agonisant ou rendre l'enfant d'une fausse couche vivant. Ceux qui ne se basent que sur les prières sans prêtres douée de la magie pour les aider... reçoivent ce qu'ils ont semés en priant, du vent. La mort de ces gamins me peinait, mais le monde était ainsi. Ils n'ont eu que ce qu'ils méritaient et on à agis pour le moindre mal... juste une jeunesse gâchée qui a connu nos armes et non celles d'autres types.