LE LANDNÖRTEN Le
Landnörten, ou Landnostre en bon péninsulaire, désigne, paradoxalement, la région méridionale des Wandres, à la frontière avec les fiefs nordiques du royaume des hommes. Plus hospitalier que le reste des Wandres, ce pays est aussi le plus populeux. Sauvage, il est semé d'une myriade de clans, partageant avec les péninsulaires une longue histoire rythmée par les razzias et les expéditions punitives.
En effet, les habitants du Landnostre se caractérisent par leur sang bouillonnant. À l'image des terres qui les ont vu naître, ces hommes là sont farouches et batailleurs, ne connaissant d'autre loi que celle de leur clan. Ils en ont acquis une réputation, souvent méritée, de profonde sauvagerie dans l’œil des péninsulaires. Cependant, si l'on aurait tôt fait de les résumer à de vulgaires voleurs de chèvres (ce que certains sont), ce serait bon mal connaître ces hommes. En vérité, les tribus landnostriennes sont si diverses et éparses (en témoigne leurs guerres intestines incessantes), que le Landnostre lui même.
C'est en effet un pays riche en variété, et aux paysages multiples. Il est aussi celui le mieux connus des hommes de Serramire, de par la proximité, souvent conflictuelle, qu'il entretient avec la marche nordique du royaume. Autrefois, la route reliant Diantra à Kirgan transitait par les forêts landnostriennes, mais aujourd'hui, ce n'est guère plus qu'une piste délabrée, semée d’embûches.
I. La grève de Mitfell
Pays situé entre les côtes de l'océan d'Eris et les contreforts montagneux, ainsi que sur les bords du lac d'Aegir, nommé aussi la cuvette du géant (par égard à une légende voulant que le géant Aegir se fut assis là, creusant le lac). C'est un lieu balayé par les vents, la pluie, et les tempêtes hivernales viennent s'y écraser avec force. Surnommé les rivages gris ; il incarnait la fin de la forêt, là où les pins ancestraux cessaient, remplacés par de vertigineuses falaises de grès.
Si certaines des antiques falaises ont subsisté jusqu'à ce jour, la plupart de sont effondrées, rongées durant des millénaires par l'eau et le gel. Ainsi, la grève est nimbée de rocs colossaux, arrachés au relief par les vagues incessantes. C'est dans les criques les plus hospitalières, où le goémon vient s'échouer inlassablement, que les hommes de Mitfell ont fondé leurs villages.
Les saga racontent que là où le géant Aegir s'assit, se trouvait alors une cité mirifique : aujourd'hui encore les jeunes garçons plongent en vain dans le lac à la recherche de ses trésors Les peuple de la côte, les
Fellings, sont avant tout des peuples de pêcheurs, et, tant sur les bords de mer que de lac, on retrouve ça et là nombre d'installations. La ressource principale est le hareng, que les hommes pêchent au filet, sur de petites coquilles de noix. Les enfants ramassent les bulots sur la plage, au canif, et les esclaves sont mis à contribution pour saler le poisson.
Pour obtenir des richesses, il existe deux moyens : participer aux raids estivaux, quand les guerriers du clan vont razzier les côtes arétanes et celles du berthildois, ou s'adonner à la pêche aux perles. Celle-ci nécessite de plonger en apnée dans l'eau glacée pour arracher aux huitres leur trésor. Les perles noires de Lön sont considérées, dans le Langecin, comme un joyau précieux ; au bord de l'Eris, les plongeurs sont vus comme des hommes de peu, par opposition aux guerriers. Chaque femme possède des parures garnies de perles qui feraient pâlir d'envie une dame langecine, et il faut près de dix ans de plonge pour permettre à un pêcheur de s'acheter un esclave, quand un guerrier peut en ramener un ou deux par raid estival.
Les clans de la côte sacrifient à une myriade de dieux, mais leur ferveur va prioritairement au Grand Tourteau, gardien des flots. On lui sacrifie généralement des prisonniers ou des esclaves trop faibles pour les salaisons. La malheureuse victime est alors attaché par des chaînes à un des nombreux rochers runiques qui jonchent la côte, jusqu'à ce qu'au fil des marées, les crabes aient suffisamment bouloté l'infortuné, et que son corps soit emporté par les flots.
Une pierre runique au bord de l'océan À mesure que l'on approche du Sud de la grève, celle-ci disparait, noyée dans le delta de l'Elbre. L'embouchure du fleuve serramirois se décline ici en une multitude de paluds, faisant office de frontière naturelle entre le pays de Mitfell et le royaume des hommes. Si durant des siècles, aucun des wandrais ou des péninsulaires ne s'y est installé, maintenant un fragile équilibre frontalier, cette situation a évolué depuis l'arrivée des colons velteriens, et la fondation du Fort Norkan.
II. Le Massif du Sigolsheim
Pays âpre, le massif du Sigolsheim se constitue de montagnes chauves, balayées par les vents de grêle venus de l'Eris. Passé les collines boisées qui forment sa base, on découvre un paysage presque lunaire, formé de vaux à l'herbe sèche et rase, ainsi que de pierriers vertigineux. Nimbées dans les brumes, ces montagnes sont un piège traître pour qui les sous-estime. Nul n'en connait mieux les sentiers que ses habitants, les agrestes
Sigols.
Ce peuple est en effet à l'image de ses montagnes : rude, sec, avec une forte propension à la violence. Les Sigols, vivant dans les hauts-plateaux, élèvent avec peine de maigres troupeaux de chèvres et de moutons, dont ils revêtent les peaux quand les neiges d'hiver gèlent les cols. Peuple pauvre et ensauvagé, ils s'adonnent sans mal au vol de bétail, même à l'intérieur du clan. Hâbleurs, rancuniers, ils sont prompts à la colère et lents au pardon. Les règlements de compte entre individus sont chose commune, souvent résolus au simple canif.
Une bergerie sigole au creux d'une valléeCependant, si les Sigols s'entre-écharpent si bien mutuellement, ils savent tout autant mettre de côté leurs rancœurs lors de la fonte des neiges. Avec le printemps, les bergers se muent en de féroces razzieurs, dont la cible toute désignée se trouve en plaine : les bestiaux des gens de Serramire. En effet, durant toute la saison estivale, les Sigols délèguent les pâtures aux femmes et aux enfants, pour s'en aller en quête de pillage sur les terres péninsulaires. S'en prenant aux fermes isolées et aux voyageurs, ils sont craints, à raison, par les hommes du Nord, qui ont érigé pour s'en protéger une multitude de châteaux. Ainsi, les Sigols s'aventurent rarement sous les meurtrières des péninsulaires, se contentant des cheptels esseulés.
Certains clans prient des dieux, d'autres des esprits, mais quelle que soit leur spiritualité, les Sigols sont un peuple très superstitieux. Chaque année, à l'occasion du solstice d'été, une fête religieuse commune anime tous les clans, qui se doivent d'enterrer leurs rancunes un temps, pour participer à cette fameuse cérémonie du Vikermann, où chaque clan se réunit sur le haut-plateau du Skallda et monte une immense construction de bois à l'effigie de l'Homme. A l'intérieur, un membre de chaque clan sera sacrifié. Cette fête est censée rallonger le jour, afin qu'il n'y ait point de nuit, car il est dit que c'est en cette nuit que les démons sortent du sol pour jeter sorts et maléfices aux Hommes, afin qu'ils vivent une très mauvaise année.
Une des nombreuse effigies à quelque dieu sigol. III. Le pays de Soccor
S'étendant entre les massifs montagneux du Landnörten, la forêt de Soccor est un pays sauvage et giboyeux, qui dans l'imaginaire péninsulaire représente sûrement le mieux l'idée que l'on se fait des Wandres. Les nains la désignent sous le nom de Skógr, quand les hommes de Serramire et d'Oesgard l’appellent le Saugschwald. Recouvert par un épais tapis de sapins et d'épicéas, il abrite en son sein nombre de meutes de loups, et cache dans ses entailles d’innombrables tanières d'ours. C'est un pays de valons boisés, où la lumière du jour ne perce que rarement l'épais manteau d'épine des conifères.
Si les futaies sont sillonnées par toutes sortes de bêtes, elle ne se réservent pour autant pas au règne animal. En effet, c'est sous ses épaisses futaies que chassent les
Soccores, dont on dit que la peau blafarde est en permanence recouverte par leurs peintures de guerre. En effet, en bons chasseurs, les Soccores ont vite appris à dissimuler leur complexion d'albâtre sous d'épaisses fourrures, et à enduire leurs visages d'une pâte épaisse qu'ils tirent des résineux. Pareils à des prédateurs - qu'ils ne craignent du reste guère - les Soccores arpentent les bois par clans entiers, ne restant au même endroit que pour une saison ou deux. Suivant la migration des troupeaux, ils traquent en priorité les imposants bœufs wandrais, pour leur chair abondante et leur épaisse fourrure. Inlassables, les clans quittent le lieu une fois le gibier épuisé, et s'en vont trouver un autre terrain de chasse.
Les forêts du Saugschwald sont souvent le théâtre d'affrontement sanglants. Les inévitables rencontres avec les clans voisins donnent ainsi lieu à des affrontements généralisés, où chaque membre de la tribu, fut-il une femme ou un enfant, entreprend d'estourbir son rival. Cette guérilla s'épuise souvent bien vite, sa violence n'ayant d'égal que sa rapidité, et bientôt, le clan vaincu s'en retire en quête d'un autre terrain, moins giboyeux.
Emprunts de superstition, les peuples des forêts soccores pratiquent d'obscurs cultes druidiques, durant lesquels ils tâchent d'obtenir les faveurs de la nature. S'ils ne semblent pas nommer Kyrïa par son nom véritable, ils invoquent toutefois une figure similaire, quand ils éveillent les esprits endormis dans les arbres runiques. C'est pour pallier à l'ennui de leurs divinités du bosquet que les hommes de Soccor leur envoient en masse des âmes de loups, de lynx ou de corbeaux ; il n'est pas rare qu'ils leur sacrifient également les membres d'autres clans, ou des étrangers, les dieux n'ayant jamais assez de compagnie.
Il n'est pas rare de trouver un arbre runique au milieu de ces bois. IV. Les Hortles
S'étendant au Nord de l'Oesgardie, les Hortles, sont le sujet de bien des rumeurs. Tapis d'épaisses futaies, ces montagnes jouissent d'une sinistre réputation. Rare sont les pâtres de l'Hasseroyale à s'aventurer dans ces collines emprunte de mauvaiseté, et ceux qui en reviennent, à l'image du tristement célèbre Att'ylä le saleur de champs, semblent colporter avec eux l'influence de la montagne maléfique.
Sur ces pitons traitres règne une atmosphère malévolente, une aura de mauvaiseté. La roche y est friable, et les arbres moisis prêts à craquer. Plus d'un voyageur a relaté avoir entendu émaner de souches moussues les hululements imputables à quelque esprit malin. Une faune délétère y a élu domiciles : des ours squameux, des lynx, et, dit-on, de terribles kerkands qui, la nuit, sortent pour quérir quelque enfant égaré.
Si cette nature fétide a convaincu les hommes les plus sains d'esprits de fuir les flancs de la montagne, d'aucuns, toutefois, s'en sont pourtant accommodés. Hélas, à tout seigneur tout honneur : cette populace, les
Hortelins, ou Hortlings, est à l'image du pays. Là où la plupart des wandrais sont redoutés, les gens des Hortles, eux, sont craints.
Les saules noueux sont le lieux d'étranges sacrifices, comment en témoignent les crânes encastrés dans les racines et l'écorce. Menés, en lieu et place des chefs vigoureux qui suivent usuellement les Landnostriens, par d'iniques coven nigromancien, les Hortelins sont tenus en dédain par leurs propres congénères. Ils se gardent bien de trop fréquenter ceux-ci, se terrant dans leurs montagnes touffues. On dit qu'ils s'y complaisent dans l'impiété, boulotant tout cru jusqu'au moindre écureuil, quand ils ne partent pas en maraude, chercher quelque enfançon à sacrifier durant leurs sordides sabbats nigromanciens. Il n'est d'ailleurs par rare qu'un aventurier imprudent ne finisse dans leur gamelle, ou pire, enchâssé dans un de leurs arbres sacrificiel.
C'est que les nigromanciens hortlings pratiquent d'étranges, et tout autant sordides rites. Ces hérauts de barbarie, après avoir abusé de libations sanguinolentes, entreprennent de sacrifier ce qui leur passe sous la main à quelque idole païenne. Ainsi, les forêts hortles sont remplies d'arbres souillés par les rituels originaux des autochtones, des arbres dans lesquels de nombreux crânes sont encastrés, et sur les branches desquels pendent allègrement moult sacrifiés.
Les chênes, eux, servent de support lors de la veillée des pendus. Les Hortelins sont l'un des peuples wandrais les plus abominables ayant jamais foulé le sol. Leurs longues chevelures cachent des yeux souvent révulsés par un goût trop prononcé pour les champignons. La loi des nigromancien règne en maître, chez les Hortelins, et lorsqu'un sorcier prend en grippe l'un de ses coreligionnaire, cette histoire peut rapidement se régler en conflit armé entre deux clans, voire plusieurs, selon la situation. Cachés aux yeux du monde, les infâmes nécromanciens des Wandres ont proliféré au fil des siècles, et malgré les diverses tentatives des barons d'Oesgard, comme la dernière battue menée par Jehan de Lonsville en l'an 7 du 11
ème cycle, nul n'a été capable de chasser ces indécrottables cabalistes.
Aux équinoxe, les Hortlings pendent leurs prisonniers par dizaines, afin d'enfermer leurs âmes à l'intérieur de l'écorce. Aux plus petits jours de l'hiver, d'autres sont décapités, et leurs têtes encore chaudes intégrées dans les trou dans l'arbre. Les feuillus ainsi souillés deviennent les supports pour que s'exerce la magie sorciers hortelins, et au pinacle des saisons, il n'est pas rare que le clan tout entier ne vienne danser, à l'appel du sabbat, quand vient poindre la pleine lune.
V. La Chaisne O Bog
À l'Est du Landnostre, des contreforts des Hortles et des monts Umenasts, jusqu'aux flots placides de l'Olyia, s'étend le pays des paluds de la Chaisne O Bog, la chaîne des marais. Cette région, une des plus méconnue de la marche landnostrienne, s'est presque toujours tenue en marge du reste du monde. On dit de ce pays qu'il est celui des exilés, des bannis, l'endroit où viennent se terrer les tribus landnostriennes à qui les guerres de clan ont été défavorables.
Le bayou abrite en effet plus de clans qu'il n'y paraîtrait au premier abord. Les paludiers se sont épandus sous les frondaisons, loin du regard, tant de leurs congénères landnostrien que des péninsulaires. C'est qu'en dépit des apparences, la chaîne des marais permet, pour qui sait s'y adapter, à l'homme de subsister. Sillonnés par les rivières nées des montagnes voisines, les paluds, tel une imposante cuvette, drainent ces eaux en masse, jusqu'aux rives de l'Oliya. Si la plupart des ruisseaux charrient avec eux nombre de poissons vaseux, c'est autour du fleuve Olfenin , la principale rivière sillonnant les marais, que les paludiers baguenaudent.
Sous la canopée s'étendent de profonds marais. Lorsque surviennent les saisons froides, les tanches gagnent alors ce lit profond pour échapper à la gelée du marais, où elles prolifèrent sur les larves de limon. À la fonte des glaces, ces poissons vaseux font le bonheur tant des autochtones, qui évoluent sur la rivière dans leurs barges de roseau, que des austris, chassés à leur tour par l'homme.
Le reste de l'année, les tribus paludières survivent en chassant la grenouille, ou, quand la chance leur est favorable, un bœuf wandrais englué dans les fondrières. Établis aux pieds des futaies, dans les rares terrains secs du pays, les villages paludiers offrent un étrange spectacle : celui d'un village singé par des homoncules. Les plateformes en nattes viennent se suspendre aux branches noueuses des arbres, et de périlleuses passerelles, enfoncées dans la vase, ou tressées de roseaux entre deux habitations, relient ces masures fragiles.
Dans les paluds, les arbres seuls font office de logis aux autochtones. Si les paludiers savent survivre dans cet âpre pays, la chicheté de leur vie les a incité à la prudence. Plus encore, ces gens là sont entachés d'un instinct de conservation puissant, et le sort qu'ils réservent aux étrangers égarés sur leurs terres ne laisse guère indifférent. À la guerre, les paludiers enduisent en effet leurs harpons du venin de grenouille putride.
Rédigé par : Aymeric de Brochant