L'envol du Dräke | Thibaud de Kelbourg

La nuit prenait doucement la place du jour en cette première journée de la sixième ennéade du premier mois d’automne. Le banquet était lancé et ce il y a plusieurs heures maintenant. Les premiers convives avaient déjà quittés les lieux, d’autres étaient restés pour se saouler et boire toute l’alcool jusqu’à la dernière goûte.

Maélyne quant à elle, était encore présente, supportant son récent mari qui semblait exagérer sur le débit de boisson. Elle qui avait pour habitude de ne boire que du thé s’était promit de faire un effort de boire autant qu’elle le pouvait, espérant que cela l’aiderait à mieux passer la nuit. Mais elle n’y arriva pas. Tout ce qu’elle arrivait à faire était de tirer la tronche.

Non loin de là, dans les allées du château, d’autres personnes déambulaient à une allure folle ; les domestiques.

« Allons, ce n’est pas possible ! »
« Je te dis que Si, Gertrude, je l’ai vu de mes yeux vu ! »
« Un dragon… dans la chambre de la Dame ? Non ! Bêtises ! Tu devrais arrêter de lire des livres et faire mieux ton travail ! »
« Mais ! »
« Non ! Les affaires de Dame Maélyne doivent être déménagées et ce avant que les mariés ne rejoignent leurs chambre ! Suit-moi, il est temps que ce soit fait. »

Gertrude se dirigea alors vers la chambre de Maélyne, celle qu’elle occupait depuis son arrivée à Etherna. Une fois à l’intérieur, éclairée par des torches, les affaires commencèrent à être déménagées.

« Ne regarde pas sous le lit ! Je sais qu’il est là ! » Répliqua alors soudainement la jeune servante, toute tremblante.
« Arrête donc tes sottises. Regarde…. » Dit la vieille en s’abaissant pour regarder sous le lit. « Il n’y a rien ! »
« Pourtant… je l’ai vu, j’en suis certaine ! »

Tout avait été déplacé, de la moindre plume au grand bibelot. Il ne restait que la malle. Celle qui contenait toutes les robes de Maélyne. Elles étaient quatre à le porter jusqu’à la chambre de Guillaume. Quatre à supporter son poids. Quatre à ne point se douter de ce qui se cachait à l’intérieur.

Arth était apeuré, il n’avait qu’une envie : fuir. Mais il ne pouvait pas. Il était figé, comme tétanisé. Il essayait d’appeler Maélyne mais sans doute était-elle trop loin pour entendre ses appels à l’aide.

La chambrée du régent était bien plus grande, bien plus luxueuse que celle qu’avait occupée la Lourmelloise. La malle fut déposée près de l’armoire qui accueillait les vêtements du marié.

« Attendez, nous devons nous assurer qu’elles soient toutes bien rangées. »

Et c’est là que Gertrude ouvrit, et c’est là qu’un cri aigu fut poussée sous la stupeur de découvrir un petit lézard ailé dont les écailles étaient d’un blanc immaculé et dont les yeux rouges semblaient vous percer.

« UN BALAIS ! VITE ! »

Plusieurs coups furent donnés à l’animal qui essaya tant bien que mal d’esquiver après avoir quitté la male. Il s’envola alors, tournoyant dans la pièce à la recherche d’un abri mais où qu’il aille, il se faisait pourchasser par cette branche où de la paille avait été accroché à son bout. Il n’y avait plus qu’une solution : la fenêtre. C’est donc dehors qu’il se trouvera en plus grande sécurité… ou pas.

Le château était grand, trop grand pour essayer de retrouver Maélyne et puis, après tout, elle ne s’occupait plus de lui. Il prit alors la direction de la ville haute. Dans le noir, même blanc comme neige qu’il était, on le confondrait avec une autre bestiole. Un oiseau, une chouette, une chauve-souris mais certainement pas un lézard ailé.

Etherna, ville aux mille visages ! Ville lumière ! Ville où tous les plus grands hommes de ce monde sont passés pour... pour quelle raison au juste ? A dire vrai, Thibaud n'en avait foutrement aucune idée. Pour lui, Etherna avait été un simple point sur une carte poussiéreuse enfouie dans la salle des archives de Kelbourg. On disait cette ville quelconque, le cul entre les cités fortes du nord et celles resplendissantes du sud. Une cité baronniale de moyenne importance, de second plan et surtout atrocement appauvrie depuis les envolées bellicistes de leur baron à la belle chevelure dorée. C'est qu'il devait prendre soin de ses cheveux le loustic, à défaut de s'occuper de ses gens.

Thibaud déambulait dans les rues désertes de la haute ville. Ses hommes s'étaient éparpillés. Certains étaient restés au banquet pour finir les fûts, d'autres étaient partis dans les divers bordels et autres endroits joyeux pour finir de la meilleure façon possible. Lui n'avait fait que marcher en manquant à chaque pas de se manger le sol. Ce n'est qu'en arrivant sur une grande place, vraisemblablement dédiée aux cérémonies, qu'il fit une pause non loin d'une statue haute comme trois hommes. Bien imposante, bien sculptée, l'homme représenté tenait une épée dans une main et un bouclier dans l'autre. Visiblement, un grand seigneur avait été à la tête de cette cité dans le temps. Il ne lui fallut guère beaucoup de temps avant de recouvrir les pieds de ladite statue par une gerbe représentant tous les éléments qu'il avait ingurgité.

-Voilà, t'es bien plus belle comme ça ma grande.

En se relevant, un bruit anormal faillit le surprendre. Ce n'est qu'en levant la tête qu'il aperçut un drôle d'oiseau volant au dessus de lui. La bestiole tournoya encore et encore jusqu'à se rapprocher un peu plus de la sculpture recouverte de gerbe. Elle finit par venir se poser à quelques pas seulement de lui et ce n'est qu'à ce moment qu'il comprit que l'oiseau était en réalité une toute autre créature. Un petit dragon nom de nom !

-Viens là toi !

L'animal ne bougea pas d'un pouce et le regarda avec la plus grande indifférence qui soit.

-Je suis sûr que tu ferais du bon paté ! Un paté de dragon tien, lâcha-t-il en riant. Petit petit petit, viens par là !

Et il vole, vole le petit dräke qui tournoyait au-dessus de la cité d’Etherna. Il avait une nouvelle fois tentée d’entrer en contact avec Maélyne mais il se heurta contre un mur. Sans doute était-il trop loin d’elle pour que sa maîtresse n’entende son appel. Malheureusement l’obscurité de la nuit l’avait aidé à sa dissimuler aux yeux des habitants mais celle-ci l’aida également à s’égarer.

Arth était de plus en plus en proie à une peur qu’il n’arrivait plus à contrôler. Il voulait rentrer, il savait qu’il avait fait une bêtise en s’éloignant du château mais quelque chose l’y avait poussé. Ce sentiment d’abandon qu’il ressentait depuis maintenant plus d’une ennéade ne lui rendait pas la vie facile, ni agréable. Il se souvint encore des nombreux échanges qu’il a entretenus avec Maélyne, ceux qu’il passait librement en sa compagnie à Lourmel, là où le personnel du château avait finalement apprit à vivre avec sa présence. Mais tout était si différent aujourd’hui. Maélyne était elle-même en proie à des sentiments qu’il ne comprenait pas, et cela l’indifférait même plus qu’autre chose. Lui ne voulait qu’une chose, manger et s’amuser. Heureusement, il était encore nourrit, mais l’amusement il ne l’avait plus.

Il vola au-dessus d’une statue, assez haute, représentant un ancien seigneur tenant un bouclier et une épée. Puis il vit un homme, un paysan sans aucun doute vu son état, tituber autour. Sans réellement se l’expliquer pourquoi, Arth eu l’envie de se poser, fatigué d’avoir passé autant de temps en vol. Son instinct lui disait de se méfier, les hommes sont toujours des êtres mauvais qui ne savaient rien respecter d’autre que leurs propre cul, et celui-ci serait sans doute pas différent des autres vu qu’il essaya déjà de l’attirer dans ses filets alors qu’il était à peine posé.

-Viens là toi !
-Et puis quoi encore ? Laisse-moi.
-Je suis sûr que tu ferais du bon paté ! Un paté de dragon tien, lâcha-t-il en riant. Petit petit petit, viens par là !
-Moi ? Du pâté ? C’est quoi du pâté ? Ca s’mange ? Tu en as ? J’ai faim…

Bien évidemment, le paysan ne pouvait pas entendre ce que disait le dräke, le seul chose audible pour lui était de petits cris aigus qu’il poussait en sa direction tout en reculant légèrement. Il avait faim certes, mais son instinct lui dictait de se méfier de cet homme. Il se mit alors à courir, écartant les ailes comme pour essayer de s’envoler mais la fatigue était trop présente et ses pattes restèrent clouer au sol.

Les grognements de la bête le firent doucement rire. C'est qu'elle lui donnait presque l'impression de lui répondre dès qu'il parlait. Qu'un animal ait pu faire du bruit, il le concevait, mais qu'elle donne le sentiment d'être pourvu d'une quelconque conscience, cela le fascina au plus haut point. En se rapprochant toujours un peu plus près, en tâchant d'être le plus prudent possible. Ce qui aux vues de son état parut totalement risible pour un éventuel spectateur. Une chance pour lui que l'animal n'ait point été trop méfiant à son égard, mais plutôt curieux au final.

Plus que quelques pas et il serait enfin à lui. Thibaud se jeta de tout son poids sur la bestiole, mais ne trouva qu'un sol bien dur. La bête s'était faite la malle et tournoyait de nouveau au dessus de lui comme pour le narguer d'avoir lamentablement échoué.

-Foutu dragon ! Tu verras si je t'attrape, je n'en ferais qu'une bouchée !

Comme un enfant cherchant à attraper un ballon détenu par des plus grands, Thibaud agita ses bras dans les airs en sautillant pour tenter d'attraper la vilaine bête. Rien, nada, que tchi ! Le dragon dut bien se foutre de sa gueule, ce qui ne fit qu'accentuer un peu plus son agacement d'homme ivre mort.

-T'as gagné l'oiseau. La prochaine fois que je te trouve, je te bouffe les entrailles, je t'empaille et je te flanque dans ma galerie de chasse.

Survolant la cité, le petit Dräke s’est rendu compte qu’il a failli y passer. Ce paysan ne semblait pas commode et même s’il employait des mots qu’il ne comprenait pas, l’intention de sa voix et ses gestes brusques avaient suffi à Arth pour fuir. Et de justesse. Heureusement qu’il lui restait encore un peu de force pour un décollage précipité. Tournoyant à l’air du vent autour de quelques maisons, l’animal décida de rentrer pour trouver Maélyne, la seule qui sache réellement le protéger.

Mais c’était sans compter la bonne odeur qui vint capturer les narines du petit dräke. De la viande fraiche, ou du moins ce qu’il en restait. La maison, plutôt coquette devait abriter un bourgeois pour qui le gaspillage ne devait pas être à blâmer. Arth commença sa descente, lentement, tout en scrutant la rue à la recherche d’une quelconque menace. Il se posa d’abord sur un balcon, puis descendit encore plus bas, arrivant enfin à la récompense tant désirée. Il se mit à arracher de ses petites dents quelques morceaux de chair qu’il trouvait sur la carcasse qui fut jetée. Mais omnibulé par la faim il ne se rendit pas compte qu’il n’était pas le seul à convoiter cette nourriture. Il n’entendit pas les petits pas s’approcher et ne sentit pas les coups de griffes venir. Arth poussa un cri puis détala à toutes pattes, incapable d’étendre ces ailes au vu des griffures qu’il venait d’endurer. Heureusement le gros matou n’a pas choisi de le suivre, préférant se délecter du festin qui s’offrait dorénavant à lui.

De retour à cette fameuse place et toujours apeuré, l’animal vint se cacher dans un trou en dessous de cette statue. Il se mit à appeler Maélyne mais elle était encore trop loin pour l’entendre.

De son côté, la Dame avait entamé les recherches dans le château mais n’avait rien trouvé. Elle décida donc de fouiller les extérieurs et notamment la ville dans laquelle elle s’engouffra à cheval avec quelques gardes.

Allongé de tout son long en plein centre de la place, Thibaud regardait la statuette au dessus de sa tête. D'ici, elle lui parut impressionnante, même si la giclée de gerbe l'avait dénué de noblesse. Le fait est... qu'elle ne manquait pas de grandeur et de classe, indéniablement ! D'autant plus que sa vivacité et sa capacité de se déplacer de droite à gauche rendait la statue unique. Ces Ethernans alors ! Qui l'eut crut ? Des véritables mages ensorceleurs de pierres qui rendaient les statues aussi vivantes que des êtres humains. Cela le réconforta presque un instant de la savoir proche de lui. Le foutu dragon, lui, l'avait laissé seul comme un mal-propre.

-Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il en souriant. Tu as une bien grosse épée.

Aucune réponse ne vint briser le long silence glacial qui s'était immiscé dès qu'il s'était tu.

-Tu n'es pas très loquace, dis-donc.

Toujours rien.

-Je pense qu'on pourrait bien s'entendre toi et moi, lâcha-t-il avant de soupirer. On est pareil, les gens nous emmerdent et nous gerbent dessus... Et on a tous les deux une grosse épée.

Un bruit au loin l'interpella. En relevant la tête brusquement, le décor se mit à tanguer comme s'il s'était retrouvé sur le pont d'un navire en haute mer. Il vit alors plusieurs silhouettes venir dans sa direction. Elles semblaient se multiplier au fur et à mesure de leur progression. A n'en point douter, ces éthernans étaient bel et bien des magiciens !  

- Arth ? Arth où es-tu ?
- Arth ? Réponds-moi, où es-tu ?
- Arth…

Maélyne passe de longues minutes à essayer de communiquer avec son dräke mais elle n’obtint toujours pas de réponse. Les gardes qui accompagnaient la Dame se demandèrent ce qu’elle cherchait mais n’osèrent la questionner. La jeune femme reprit alors la route, passant au trot dans les ruelles vidées de leurs habitants.

- Arth ? Arth ?
- Arth ? Où es-tu ?
- Là… là je… suis là…
- Arth ??? Je t’entends enfin ! Où es-tu ?
- Je suis caché, sous une grande statue.

« Gardes ! Je suis à la recherche d’une statue, non loin d’ici, cela vous dit-il quelque chose ? »
« Il y a la statue en effigie à l’un des anciens Baron Madame. »
« Conduisez-moi-y immédiatement. »
« Bien ma Dame. »

Deux hommes partirent en tête suivit de Maélyne ainsi que les deux derniers suivirent, fermant la marche.

- Arth, j’arrive, ne bouge pas.
- Je… peux plus bouger.
- Que t’arrive-t-il ?
- J’ai été blessé. Je ne peux plus… bouger l’aile.
- Par Néerra…

Soudain Maélyne aperçut la place ainsi que la statue. D’un franc coup de talon dont Kaya n’avait point l’habitude, elle réclama le galop faisait totalement abstraction de la dangerosité que cela engendrait pour sa monture. La jeune femme sentit tout d’un coup une douleur à l’un de ses bras, douleur qui s’amplifiait au plus elle se rapprochait de son protégé.

Je ressens ce qu’il ressent… se dit elle a elle-même sans pour autant s’adresser à son dräke. La place n’était pas très grande, du moins n’était-elle pas la principale de la cité. Un homme semblait y avoir pris possession balbutiant quelques mots incompréhensibles.

- Arth…

« Vous là ! » S’écria-t-elle en s’approchant au petit trot avant de descendre de sa monture. « Que lui avez-vous donc fait !? »

- Attends…
« N’avez-vous donc aucun respect envers les animaux ?! »
- Attends… continua-t-il tout en sortant péniblement du petit trou.
« Vous devriez avoir honte de vous ! »

La Dame s’était adressée au paysan en s’approchant d’un pas rapide, faisant fi des remarques de son protégé.

- Ce n’est pas lui…
- Quoi ?
- Ce n’est pas lui qui m’a blessé. Il a juste essayé de m’attraper pour… comment ça s’appelle encore ? Ah oui, pour me transformer en pâté.

« QUOI ? » Enfin sortit, Arth s’approcha en utilisant ses petits pattes alors que son aile resta pliée.

- D’ailleurs, c’est quoi du pâté ?

« COMMENT OSEZ-VOUS ?! »

Non loin de là, les gardes descendirent de leurs montures et commencèrent à se regarder d’un drôle d’air. Sans doute devaient-ils se demander ce qui se passait actuellement dans la tête de la Dame pour parler ainsi à un simple paysan qui semblait, en toute bonne foi, n’avoir rien fait de mal. Arth quant à lui arriva auprès des pieds de Maélyne, se réfugiant à moitié sous sa robe.

La tête à peine relevée pour regarder les nouveaux arrivants, les protestions à son encontre se multiplièrent sans qu'il n'y comprenne quoi que ce soit. Il était déjà difficile de ne point sombrer dans un profond sommeil, mais là... cette mégère insultante eut terminé de l'achever. Il mit un peu de temps à comprendre la source de cette colère. Apparemment, la dame n'était pas étrangère à l'étrange oiseau qu'il avait voulu capturé. Il se releva maladroitement pour tenter de s'adosser à la statue. La manœuvre fut fastidieuse pour ne pas dire pitoyable, mais Thibaud put enfin mettre un visage sur son agresseur et... fichtre ! La mariée bordel de quenelle ! Rien d'autre que ça. Cela le fit rire bêtement.

-On se calme ma belle ! dit-il, tandis que la dame arrivait avec son escorte. Ne devriez-vous point vous faire besogner par votre charmant époux au lieu de vous aventurer dans la ville ? L'endroit n'est guère sûr, surtout avec tous les malandrins qui cherchent les noises.

Il regarda le dragon d'un œil mauvais.

-Je ne lui ai rien fait à votre piaf ! Détendez-vous donc au lieu d'agresser un homme ivre !

Venait-il bien de dire ce qu’elle venait de mal entendre ? Se faire… besogner par son époux ?! Il était ivre, cela se voyait, mais au point de se permettre de telles paroles, Maélyne n’y aurait jamais cru. L’expression de son visage ne pouvait que prouver l’état d’étonnement dans lequel elle était. Ses yeux fixaient l’homme avec un tel dégoût qu’elle n’aurait certainement pas hésité à le frapper s’il ne s’était pas avéré être armé. Une bonne gifle lui aurait certainement mit les idées en place, mais le moment n’était pas à de telles échanges, surtout sur un homme qui ne semblait plus être maître de ses gestes et de ses mots. Maélyne se devait de se tenir et de rester convenable, du moins, physiquement parlant.

L’étonnement était d’ailleurs si grand que plus aucun mot n’arrivait pas sortir de sa bouche. Arth, toujours à ses pieds essayait tant bien que mal de s’agripper à sa robe pour se hisser sur ses épaules.

- Je n’y arrive pas. Aide-moi.

Ce sont ses quelques mots qui la sortirent de ses pensées qui s’obscurcissaient à chaque fois qu’elle croisait le regard de ce malotru. Se penchant légèrement, elle attrapa Arth pour le garder dans ses bras, sécurité supplémentaire quant à l’éventuelle gifle qu’elle avait toujours envie d’attribuer à ce paysan.

« Si vous croyez que je ne suis pas au courant de vos agissements, vous vous trompez ! Ne tentez plus de vous approcher de lui et allez donc faire du pâté avec ce qui semble vous servir de cervelle ! »

D’un geste, elle demanda aux gardes d’approcher.

« En attendant, il vaudrait mieux pour la sécurité de cette ville ainsi que pour la vôtre, que l’on vous raccompagne jusqu’à votre logis. »

Comment avait-elle su qu'il avait voulu faire du paté avec le foutu piaf ? Merde, lisait-elle donc dans ses pensées ? Thibaud se mit à maudire l'alcool qu'on lui avait servi, pensant désormais qu'on l'avait empoisonné. Il fallait désormais devoir ruser et ne plus se faire prendre au piège. D'un regard suspicieux, il toisa de haut les deux matous qui s'approchèrent de lui pour le ramasser et le remettre droit. Peine perdue, il s'écroula de nouveau et les hommes durent passer ses bras sur leurs épaules. La classe ! Un ivrogne ramené au lit par la nouvelle maîtresse des lieux en personne ! Il en ria comme un âne pendant une bonne partie du chemin avant de vouloir pousser la chansonnette.

L'autre jour, l'idée m'est venue
Cré nom des Dieux, d'enculer un pendu
Le vent soufflait sur la potence,
Voilà mon pendu qui s' balance,
Je n'ai pu l'enculer qu'en sautant
Cré nom des Dieux, on n'est jamais content

La femme du vidangeur
Préfère à toute odeur
L'odeur de son amant
Qu'elle aime tendrement
Il était deux amants
Qui s'aimaient tendrement
Qui s'aimaient par devant
Par derrière
Il était deux amants
Qui s'aimaient tendrement
Qui faisaient par derrière
Ce qu'on fait par devant

Il s'arrêta net pour vomir devant lui et arroser les pieds de ses deux compagnons d'infortune au passage.

-Joli l'oiseau que vous avez là m'dame ! On en voit peu d'comme ça par chez moi. Je persiste à penser qu'il aurait fait du très bon paté et que j'aurai pu en vendre pour plusieurs écus. Mais je comprends, c'est l'vôtre alors j'vous le cède.

Il regarda d'un œil hagard l'un de ses porteurs.

-Uuuh daaah, uuuh daaah, à gauche mon brave, ou à droite, je sais pu... tu veux connaître la fin de la musique ? Ça s'appelle la femme du vidangeur, t'as comprit pour quoi mon coco ? Allez t'as gagné, je me relance :

Quand on baise un con trop petit
Cré nom des Dieux, on s'écorche le vit
Mais quand on baise un con trop large
On ne sent pas quand on décharge
Se masturber c'est quand même emmerdant
Cré nom des Dieux on n'est jamais content

Il eut encore envie de vomir mais cette fois-ci les gardes ne s'arrêtèrent pas pour ne pas réitérer l'expérience.

-Oh que c'était un bien joli mariage ma dame. Un peu chiant et pompeux, certes, mais tout de même sympa. Faut dire que quand j'vous ai vu entrer dans la cathédrale, vous m'avez donné l'air d'un prisonnier qu'on emmène à la potence. Et j'parle même pas de vot suzerain que j'connais bien. J'lavais déjà vu faire la gueule, mais là... il aurait enterré une compagnie entière de bouffons. Vous voulez que je reprenne ma chanson ?