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| Des roses naissent les épines | Gaston | |
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Blanche d'Ancenis
Ancien
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| Sujet: Des roses naissent les épines | Gaston Mar 29 Nov 2016 - 20:39 | |
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6ième ennéade de Favrius de la 9ième année du XXIième cycle - Jour 8 [Automne]
Cette dérangeante impression tiraillait son cœur alors que Blanche faisait route vers le castel, laissant comme traine ses Sigisbées-de-Suie. Son père Raymond était reparti du bastion avec épouse et enfants avant même qu’elle ne pose le pied sur les marches menant au hall. La cause de sa fuite était cette nouvelle, celle-là même qui disait que Madeleyne s’en alla retrouver le fieffé familial. Là était la cocasse farce des voies de communication de ce monde. Les messagers ou pigeons s’étaient sans doute croisés sans échanger. Blanche aurait dû s’en douter en ne croisant sa cadette au mariage de Clairssac. Evidemment, l’excuse – pour repartir – du pater Ancenis fut qu’il avait fort à faire en tant que représentant du conseil de régence d’Ancenis et donc le très saint nommé envoyé de Bathilde. Oh certainement la mesnie ancenoise avait passé de merveilleux jours au sein de la cité, Raymond plus que les autres à se gaver des fastes odélianes mais aussi des exploits guerriers contre les peaux-noires… Si on exceptait le fait que le Marquis avait pris pour femme sa fille sans même sa bénédiction. Oui, c’est cela. Raymond d’Ancenis avait passé d’agréables moments, quand bien même l’objet de sa venue ne séjournait plus là où elle devait être. Et c’est sans regret qu’il repartit d’où il était venu, faisant place désormais à son ainée.
Les billes azurées de la Dame du Val se promenaient allégrement sur le cortège de piques plantés tout le long du chemin. Elle détailla ces visages mangés en partie par les vers. Pour certains, ils ne restaient sans doute plus que les os. Voilà ce à qui ressemblait l’ossature d’un sombre ?
« Tu es pensive, petite fleur. »
Les paupières se fermèrent un instant alors qu’elle se mordit la lèvre inférieure.
« Il te fait peur ? » « Non » « Alors quoi ? » « Je ne sais pas. Je ne le sens pas. » « Tu crois qu’il fourre bien ta petite sœur ? » Les doigts se resserrèrent sur les brides de Sinir, son destrier. « En tout cas, moi je me ferais un plaisir de la remplir. » « Tais-toi. Tu es grossier… Et puis, c’est toujours la même rengaine. On dirait que tu es frustré. » « Moi frustré ? On est revêche à ce que je vois. Non, je ne suis pas frustré, petite fleur. Je m’amuse tout simplement… Les humains et même les elfes ou sang-mêlés… Dès qu’on en parle. Vous êtes timides. Vous ne savez plus où vous mettre. Cela vous dé-ran-ge. C’est la nature, tu sais. Comment serions-nous des milliers dans ce cas ? » « Je pense qu’on peut avoir d’autres conversations ? » « Ah oui ? Comme la pluie et le beau-temps ? Parler des fleurs peut-être ? De la robe que tu vas mettre ? Woah ce genre de conversation m’ennuie. » « Non, qu’est-ce qui a fait de toi ce que tu es ? Pourquoi es-tu si… » « Méchant ? Perturbé ? Dérangeant ? Malsain. Allons, je ne suis juste pas dans les normes. Le mal que tu décris n’est pas un mal si tu te défais de toutes ces normes. » « Ce ne sont pas des normes. C’est ainsi. C’est la vie. » « Ah oui et qui a fabriqué cette « vie » là ? Tes ancêtres… Ces humains des cycles passés. Par contre, te dire qu’est ce qui a bien pu faire en sorte qu’un péon décide qu’il fallait appliquer ces règles là et pas une autre puis qu’ensuite un ramassis d’autres péons le suivent. Ah ben ça, c’est un mystère. » « Hm… » « Connais-tu ce diction « La bêtise est humaine ». Je pense que ça doit être né de là. »
« Madame ? Madame ? Madame ? »
Blanche rouvrit les yeux et fixait Friedich.
« Tout va bien ? » « Oui pardon… J’étais dans la lune. » « Nous sommes arrivés.
Ainsi s’en alla un membre de sa délégation annoncer à la venue de la Baronne de Hautval, Duchesse du Médian. Un intendant vint les accueillir et là Blanche feignit la fatigue. Enfin la vérité n’était pas non plus tant éloignée. On leur administra leur quartier et ce n’est que quelques heures avant le dîner que la Dame du Val annonça qu’elle était désireuse de rencontrer le Marquis et qu’elle exigeait voir son neveu, Christian. Naturellement, elle attendit qu’on vint la chercher.
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Mar 6 Déc 2016 - 12:31 | |
| L'air était glacial. Les tours jumelles de Fort-Bélier, qui servaient de bastion aux fortifications de l'enceinte interne, n'avaient jamais joui d'un quelconque confort. Ces murs transpiraient une froideur moite, mais après tout c'était leur but. Le cortège de dame Blanche sentit qu'ils fourraient le museau dans un lieu dénué de tout plaisir courtois au moment où ils franchirent le pont volant et s'engouffrèrent dans l'une des deux tours carrées. La lumière était inexistante. Ici, aucune fenêtre. Quand on les fit descendre par un étroit colimaçon au rez-de-chaussée, quelques raies solaires dardaient timidement leur éclat sur la pierre des marches par une meurtrière plus étriquée que la féminité d'une vestale. S'ils s'attendaient à découvrir une chambrette cossue et un bon feu, ils furent cruellement déçus, cet étage ressemblait au précédent : des murs aveugles et suintants oppressaient le regard, et seules les torches de l'escorte odéliane écartaient la pénombre. La destination finale de la délégation, les quartiers de Blanche, se résumait à quatre murs épais écrasés par un plafond bas et voûté. Pas de fenêtre, naturellement, juste une porte cloutée dont on avait omis de remettre la clé et une cheminée minuscule, sobre et éteinte. Comble des honneurs, le sol de pierre était jonché de sacs de grain. On les avait installé dans la remise.
Il était dur d'en douter à présent : on n'était pas en odeur de sainteté à Odélian. Blanche et ses compagnons avaient pu le sentir dès qu'ils eurent passé les murs extérieurs du bourg. Déjà une foule hostile s'était agglutinée près de la grand'route et des murmures grondaient, mais l'escorte des Hautvalois comme les hommes du marquis encadrant sa belle-soeur avaient dissuadé les plus remontés. Aucune insulte ni gadin ne fusa, juste des regards réprobateurs. Ils tiraient tous la tronche, qu'ils soient gens du peuple ou homme d'armes. Ceux-là avaient leurs ordres, mais la mauvaise foi avec laquelle ils les exécutaient était manifeste. Arrivé devant la porte des murs intérieurs, il avait bien fallu dix minutes aux gars du pont-levis pour le descendre et dix autres minutes aux gars de la herse pour la remonter. Les Odélians ricanaient que c'était à cause de l'automne qui faisait rouiller les mécanismes.
Le cortège reprit son odieux parcours, bifurquant vers la rue des Ferrants en direction de la basse-cour de Fort-Bélier. Toujours des badauds qui zyeutaient sans pudeur, toujours cet air glacial. De nouveau une porte, de nouveau des trognes qui les fixaient durement, celles des hommes des bastions cette fois. Ils ne murmuraient pas mais on aurait préféré ; leur mutisme puait la haine. Voilà où ils en étaient lorsqu'ils furent reçus dans la tour et menés jusqu'à leurs quartiers. Un page leur apporta quelques bûches puis, peu après qu'elle fit sa demande, pria la dame d'accepter une entrevue en tête à tête avec le marquis avant d'enchaîner sur une rencontre plus publique. Il les mena finalement au troisième étage. Il se faufila entre la presse des chevaliers du marquis réunis dans la salle principale et entrouvrit une porte en faisant un signe à Blanche. «Seigneur, dame Blanche, de la maison d'Ancenis. » Annonça l'enfant. « Qu'elle entre. » Répondit une voix de l'autre côté de la porte.
La pièce où elle était reçue était rafraîchissante. Plutôt la chaleur qui se dégageait de l'âtre brûlant la changeait des couloirs obscurs et des ''appartements'' glacés qu'elle avait visité jusqu'ici. Une meurtrière jetait même un peu de lumière sur le cheveu blond de Gaston, assis dans le renfoncement du mur. Il leva son cul du coussin avec l'énergie d'une demoiselle en détresse recevant son chevalier libérateur mais resta debout sans faire un autre geste. « Vous désiriez me voir, archiduchesse ? Ou dois-je dire majesté ? » Dauba-t-il en souriant.
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| | | Blanche d'Ancenis
Ancien
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Dim 11 Déc 2016 - 19:09 | |
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« Mes avis, qu’on n’est pas les bienvenue » fit Irving.« Non… Sans blague… On l’avait pas remarqué » renchérit Odeline extrêmement agacée. « Mes avis qu’ils vont venir nous assassiner dans notre sommeil. » reprit Irving.« On n’aurait jamais dû venir ! »« Je vais le dépecer. » grommela Roderik.« Personnellement, je m’en branle éperdument qu’on soit logé dans une remise… Ce qui me dérange, c’est le manque de sortie. Aucune fenêtre, un étroit escalier, à notre avantage certes… Mais… tout de même. Ne voudrait-il pas mieux loger dehors ? » débattit Clyde. « T’as vu leur horde, ils nous étriperaient aussi dans notre sommeil. »« Calmez-vous tous. Personne n’a agressé personne. Restons digne. Certes, l’accueil de son excellence n’est pas la plus courtoise mais nous avons un toit et de quoi faire du feu. Il faudra juste bien s’organiser. Clyde tu te charges de réquisitionner du bois avec Neith et si ces couards refusent de nous en fournir, nous irons simplement en acheter en nous déguisant… C’est certes,… risible mais parfois nécessaire. Est-ce que cela vous convient votre altesse ? »Friedich se tournait dès à présent vers la Duchesse qui était restée muette. Elle fixait un coin de la pièce sans réagir.« Dame Blanche ? »Un petit sursaut la prit et sa silhouette se tourna dès à présent vers ses Sigisbées-de-Suie. Une maigre inclinaison de son menton accompagnée d’un sourire adhérait au propos du sénéchal. « Sire Friedich a raison. De toute façon, nous sommes considérés comme des lâches, des chiens, d’ignobles personnages. Qu’importe si on nous traine dans la boue, tant que nous nous relevons. »« Peut-être mais je n’aime pas la façon dont il te traite, qu’importe mon honneur, le tien est celui qui prévaut à mes yeux. »« Odeline, ta langue… Je vais finir par te l’arracher si tu continues à être si familière avec son altesse. »« Laissez Friedich… J’ai besoin qu’on change mes bandages. Serait-il possible de monter mes bagages ? Je doute que leurs domestiques ne nous les amènent. »« Arsès s’en occupe. J’ai anticipé, votre altesse. »Finalement, trois bûches furent amenées. L’Ancenoise avait néanmoins eu le temps de prendre froid puisqu’il avait fallu qu'on lui apporte quelques soins. Mais elle avait pris son mal en patience et avait bien vite retrouvé des vêtements chauds. L’accalmie fut de courte durée, priée de rejoindre le Berdevin. Cela l’arrangeait, à dire vrai. Ainsi, ses bottes foulèrent d’ores et déjà les dalles froides de ce bastion, accompagnée de deux cerbères, Clyde et Odeline. Ces derniers n’avaient pas quitté leurs armures de cuir. Une fois, introduite dans la salle principale, sa présence ne fit pas l’unanimité. Au mieux, des regards curieux se posaient sur sa personne, au pire, tout leur assentiment s’exprimait dans leurs yeux. Elle ne s’en offusqua pas. Malgré l’expression fermée de la dame, la douceur de ses traits d’égérie pouvait amadouer les plus sensibles aux charmes féminins. Avant d’entrer dans le petit « salon » de Gaston, elle adressa un sourire au page en le remerciant. Sa voix avait quelque chose de réconfortant et de chaleureux. Elle jeta un dernier regard à ses deux sentinelles qui demeureraient dehors, jetées dans la gueule du loup. Pour sa part, elle ferait plutôt face au Bélier. Clyde et Odeline échangèrent un regard compatissant, en essayant de ne pas déclencher un incident diplomatique.
Les pas de la Dame s’étaient portées face au marquis. Il l’avait déjà vu, de rare fois, du temps où Madeleyne était mariée à Grégoire. Blanche leur avait rendu visite. Depuis lors, elle n’avait pas changé à quelques exceptions près. Le teint diaphane de l’Ancenoise était à l’image de cette mèche blanche ruisselant le long de sa joue. Elle contrastait avec sa chevelure d’ébène courant jusqu’au creux de ses reins. Une cape de laine noire habillait sa silhouette et était rehaussée d’épaulières coiffées de plumes de corneille, offrant quelques reflets cérulés et olivacés d’une bien jolie façon. La pèlerine cascadait sur une robe cintrée, boutonnée jusqu’au cou offrant le même nuancier que celui de ses épaulières. Simplement, elle s’inclina d’une révérence qui se voulut gracieuse malgré les courbatures inhérentes à son voyage à cheval. « Appelez-moi, comme il vous sied, votre excellence. » Dit-elle sans se soucier de sa raillerie. La voix était plutôt morne. « Il serait malvenu de faire un si long voyage sans pouvoir vous rencontrer, ne pensez-vous pas ? »Un instant, elle hésita à lui présenter sa main gantée et succomba finalement à la tentation.« Je vous remercie pour cette accueil si vous décidez un jour de visiter notre si beau pays, je saurais vous recevoir à la hauteur de votre hospitalité, votre excellence. » La douceur des mots soufflés d’entre ses lippes carmines contrastait avec toutes les allusions puantes d’un « Rira bien qui rira le dernier. »
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Mer 21 Déc 2016 - 19:11 | |
| [Message supprimé dans une erreur de manip. Je me hais. Gaston reçoit Blanche avec jovialité, l'embrasse et la débarrasse de sa pèlerine. Il demande comment était le mariage des Clairssac et fait une blague sur Jérôme. Fait chier. Je me hais.]
Dernière édition par Gaston Berdevin le Mer 4 Jan 2017 - 18:36, édité 2 fois |
| | | Blanche d'Ancenis
Ancien
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Ven 23 Déc 2016 - 1:34 | |
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Ce qui dérangeait la dame et ses sigisbées n’étaient pas d’être reçue en qualité d’invité de marque mais plutôt le fait d’être logée dans cette pièce où on entreposait les grains. Pas même avait-elle droit à un quelconque lit ou encore une paillasse. Habituée aux pierres froides de la citadelle de Hautval, elle n’était pas non plus désireuse d’un confort royal mais simplement du rudimentaire, un lit, des latrines et un baquet d’eau car il faut se le dire, l’auberge du patelin du coin était plus accueillante que cette pièce. Enfin le mal était fait. Elle n’en ferait pas tout un plat, après des jours et des jours de chevauchées en compagnie de ses sentinelles, elle n’était plus à cela près... de son confort et de son intimité.
Là était une question de point de vue, va-t-on dire. Si dans sa grande mansuétude, Gaston avait agi pour la protection de sa belle-sœur, il saurait lui faire savoir. Pourtant il ne renchérit pas. Disons que c’était là un prêté pour un rendu. L’incident se devait sans doute d’être clos après l’échange de ces politesses.
Blanche fut embarrassée. A dire vrai, elle ne s’attendait pas à une si chaleureuse étreinte après sa moquerie. Prise au dépourvue autant par la convivialité de ses mots que de ses gestes, elle demeura inerte durant quelques secondes. Il la surplombait d’au moins une bonne tête, si pas deux et paraissait si menue par rapport à son imposante carrure. D’ailleurs lorsque ses bras l’encerclèrent, elle crut qu’il allait la briser en deux. Evidemment, il ne s’arrêta pas là. Il entreprit de la déshabiller. A ce titre, sa robe avait seulement la couleur de ces plumes de corneille non pas la texture. Et puis de toute façon, les rumeurs la traitaient de sorcière donc autant se caler ces dira-t-on. Ravalant sa surprise, elle entreprit de se défaire de sa cape pour la lui donner.
« Merci… »
Remarquant ce regard galopin, elle se permit d’ajouter.
« Cela ne v… te sied guère, on dirait… Voudrais-tu que je me change ? »
Oh, elle n’était plus à cela près. Et puis présupposer qu’elle n’était pas au gout de son hôte – quand bien même, il était le mari de sa sœur – la tracassait. Elle aimait prendre soin de son apparence. Elle aimait ravir puisqu’elle n’avait pas droit à l’ombre d’un regard de la part de son propre époux. Et elle en était bien malheureuse. Blanche s’avança vers l’âtre pour se réchauffer. A la petite pique, un petit rire discret la prit et fit tressauter ses épaules. Gaston avait quelque chose de charmant et « relaxant ».
« Les noces étaient… particulières… Va-t-on dire… Il y eu quelques impairs à mon sens mais Jérôme peut se montrer bien maladroits, c’est notoire… »
Et par là, elle entendait ce mariage entre Maélyne d’Outremont et Guillaume de Clairssacs qui auraient dû se passer en Serramire tout comme ce plan de table désastreux ou encore la présence de Nakor.
« Il y’avait cet infâme mage fou, le conseiller du feu roi Trystan… qui a fait perdre la tête à mon seigneur. Je lui aurais bien… hm pardonne moi. »
Elle lui aurait bien fait bouffer sa barbe, en effet. Mais elle se ravisa.
« D’ailleurs, je fus étonnée de ne pas te compter parmi les invités… Toi et ma chère et tendre petite sœur. Il y’a-t-il une raison à cela ? Et d’ailleurs, où est-elle ? »
Lentement, elle s’en retourna vers le blond. Les bras se croisaient machinalement tout contre ses courbes pour se prémunir du froid. Ses saphirs eurent tôt fait de trouver les yeux de son homologue pour s’y implanter en silence.
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Mer 4 Jan 2017 - 18:35 | |
| Il s'apprêtait à poser la cape sur un siège près de la table et de l'âtre quand elle lui demanda s'il lui serait agréable qu'elle se changeât. Il se retourna pour la dévisager, incapable de dire à son timbre si elle plaisantait. Il ne lut aucune expression moqueuse. En face de lui n'était qu'une demoiselle de robe et de cheveu sombres, les bras croisés sur les épaules pour avoir chaud, une jeune femme qui soutenait son regard dans l'attente d'une réponse. La proposition était sincère. Mais la proposition était presque indécente. Sans trouver une réponse qui lui sembla satisfaisante, Gaston se retourna à nouveau pour jeter la cape sur le siège. Il trouva son silence aussi incriminant que de répondre, oui, non ou plus tard. La conversation s'engagea sur les noces des Clairssac tandis qu'ils se détournaient l'un de l'autre, elle pour commenter le mariage de Jérôme à demi-mot, lui pour caresser deux de ses vieux chiens que l'entrée de Blanche avait sorti de leur torpeur. Elle lui apprit que Nakor le magicien avait été de la sauterie. Nakor, sur ses terres !
Le vieux magicien avait aussi assisté à un autre mariage, celui de Gaucelm d'Odélian et d'Elanore de Caerlyn, dans le temps, il y a près de dix ans. Il y avait fait un beau tour d'illusion en l'honneur de l'épousée avant de disparaître mystérieusement du manoir des Berdevin. Il était reparu quelques mois plus tard, comme par enchantement, mais sa magie s'était montré moins festive, et au cours d'une marche avec son hôte Gaucelm, un incident s'était produit. Le gros seigneur d'Odélian avait été foudroyé sur le sol (c'est une expression), son cœur, dit-on, s'était arrêté brusquement, l'emmenant au pas des Enfers souterrains mais il se releva miraculeusement. Il accusa le sorcier d'avoir tenté de l'assassiner et le fit mettre sous écrous. Gaucelm disparut ce jour-là. Nakor en fit de même. Depuis, ni Grégoire ni Gaston n'avait vu le vieux mage lors de leurs mariages, à leur grand soulagement.
L'événement n'arrangea pas l'image des magiciens dans les contrées d'Odélian, et depuis, les successeurs de Gaucelm avaient considérablement renforcé l'influence des Douze auprès d'eux, le conseil d'arcanistes à la botte d'Odélian. La chose était cocasse, depuis qu'ils redoutaient les sortilèges, les Berdevin n'avaient jamais trouvé aussi nécessaire la présence de leurs magiciens. Le sort de ces rares privilégiés n'était pas représentatif, les autres pâtissaient d'une existence peu enviable. Les chasses aux sorcières avaient regagné en intensité, les marquis mettaient un point d'honneur à trancher promptement et sévèrement ces affaires. Le jugement des nécromanciens était devenu le fait du marquis, qui s'arrogeait un droit de regard et d'exclusivité sur tout ce qui ressemblait vaguement à de la sorcellerie, que ce soit un sang-mêlé ou un karamastrien en goguette. Gaston lui-même avait mené nombre d'enquêtes et d'accusations, et beaucoup se conclurent sur le bûcher. Les remords et les doutes qu'il put avoir furent balayés par la disparition de son frère, l'événement de l'Oeil bleu et, beaucoup plus récemment, l'invasion d'Oësgard.
Le souvenir des morts soulevés par les cantiques ténébreux des Eldéens était pour lui la preuve que la sorcellerie était une affaire de vie ou de mort. Nakor, encore, avait été là. Invité au conseil de guerre qui précéda la reconquête d'Amblère, il avait été cette fois du côté des alliés, avant de disparaître de nouveau dans le chaos et le feu de l'assaut. Blanche s'était plainte de l'hospitalité qu'elle avait reçu, pourtant, eût-elle été Nakor qu'elle aurait subi une geôle conçue spécialement pour elle.
« Madeleyne est dans son pays, à Ancenis, ne t'a-t-elle rien dit ? Tu m'inquiètes, belle sœur ! » la taquina-t-il avant de la rassurer. « Elle est loin mais en lieu sûr. » Sa femme n'avait peut-être pas envie de revoir sa sœur si peu de temps après le massacre des Champs Pourpres, mais Gaston se garda bien de dire quoi que ce soit. La femme qui lui demandait des nouvelles de sa famille avait permis qu'on tua des centaines d'Odélians. Le frère même de Gaston, Philinte, croupissait encore dans un château velterien. Paye tes histoires de famille. Gaston passa d'un sujet épineux à un autre. « Je craignais que notre présence aux noces ne les rende que trop... particulières. En vérité... » En vérité Jérôme avait causé les Champs Pourpres autant que Blanche. Il était presque plus coupable, en rompant son serment d'allégeance, il avait mené les Odélians loin dans le sud, à Diantra, où tout s'était précipité. Plus tard, en échange du pardon que Gaston lui avait offert contre les baronnies d'Etherna et d'Oësgard, il s'était de nouveau dédit et avait poussé le vice jusqu'à se faire l'homme-lige de son plus grand rival, le marquis de Serramire. Ces mariages étaient un dernier coup de d'éperon dans le jarret des Berdevin : les Clairssac épousaient des filles de la cour de Serramire. A ce train-là, Gaston se demandait ce que pouvait encore lui réserver Jérôme. « En vérité j'ai grand soif ! » éluda-t-il en se baissant vers le feu où reposait une marmite pleine d'un liquide noir où flânaient des feuilles de laurier et du nard. Il servit deux coupes à la louche, ouvrit un bocal d'où se dégageait une senteur d'herbes sèches et d'épices pour les verser dans les récipients avant d'ajouter, pour la coupelle de Blanche, du miel en quantité.
Tandis qu'il lui tend l'hypocras brûlant, il prenait un intérêt particulier à la mèche blanche qui se faisait remarquer dans la crinière corbeau de l'Ancenis. Il finit par attraper quelques cheveux, les entortilla autour de ses doigts pour en palper la texture. « Qu'est-ce que cela ? La nouvelle mode du Médian ? »
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| | | Blanche d'Ancenis
Ancien
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Mer 11 Jan 2017 - 0:56 | |
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Le malaise.
Cette question dérangea le marquis dont les pensées errèrent sur des sentiers qu’il ne devait pas être foulés. Blanche avait senti le malaise qu’inspirait ses sombres parures. Il ne faudrait pas qu’on la brûle sur un bûcher, elle qui avait déjà quelques preuves de culpabilité vis-à-vis de la magie. Elle n’était pas désireuse qu’on aggrave son cas en raison d’une garde de robe trop sombre et artificiellement fringuée de quelques plumes et autres excentricités. Ce silence ne l’avait pas froissé mais il inspira chez elle ce sentiment de simplicité qu’on retrouve chez les benêts… En fait, c’était tout de même fort vexant ! Elle décida de ne pas relever l’incident ce qui en soi pouvait s’apparenter à une forme de sagesse – histoire de relever le niveau –. La taquinerie de Gaston, si elle ne lui fit pas grincer les dents – malgré qu’elle en eut fort envie –, eut pour conséquence ce regard froid et réprobateur. Elle le chassa bien vite. Si à ce jour, Blanche était considérée comme félonne par Madeleyne, elle le devait – pour sûr – à ces Berdevins qui avaient certainement réussi à la manipuler et lui retourner le cerveau. Ils méritaient donc bien qu’elle détienne ce bon vieux Philinte dans l’un des étages de sa citadelle et non dans un cachot. En effet, initialement Blanche était très proche de sa sœur et elle en avait le cœur triste de la savoir maintenant si éloignée. Elle ne désespérait pas qu’un jour Madeleyne redevienne ce qu’elle était pour elle autrefois. Ce séjour à Ancenis ne lui ferait que du bien. Peut-être, serait-elle à nouveau saine d'esprit Les saphirs se dérobèrent à ceux du Marquis et s’ancrèrent sur les flammes crépitantes de l’âtre. Trop particulières disaient-ils. Elle s’efforça de ne pas froncer les sourcils à cette réponse. N’avait-il pas fait la « paix » avec son vassal ? Il semblerait qu’il subsiste un âpre arrière-gout revanchard. Cela dit, Blanche aurait certainement réagi de la même manière. Peut-être même aurait-elle été plus loin jusqu’à le massacre de la lignée dissidente. Cependant, il valait mieux être prudent avec ce genre de chose en raison de sa propre situation particulière.
Les billes bleues-nuit se posèrent sur la coupelle qu’elle prit, la moue songeuse. La proximité subite de Gaston la saisit et elle l’observa avec de grands yeux surpris. Elle hésita à se reculer et articula un « Merci » en guise d’interlude.
Les doigts se resserrèrent sur sa coupe alors qu’elle lorgnait sur sa mèche blanche. Ah oui ça… Comment l’expliquer, d’ailleurs…
« Ce n’est pas une mode… Et tant mieux, n’est-ce pas ? »
Essaya-t-elle de plaisanter. Il devait certainement trouver cela laid. C’était son cas.
« Les années me rattrapent malheureusement. »
Mentit-elle. Il ne la voyait pas assez souvent que pour certifier que cette mèche était le fruit d’une manifestation surnaturelle quelconque.
« Ta tendre épouse a la chance de pouvoir compter encore de longues années avant de voir apparaître ce genre de manifestation dérangeante. » … « A ce propos, j’ai un présent pour toi… mais il n’était pas possible pour moi de l’amener dans cette pièce. Quand tu le décideras, je t’emmènerais le voir. »
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Mer 18 Jan 2017 - 20:33 | |
| Il frotta ses doigts au brin blanc. Il voulait déceler la poussière d'une teinture qui aurait donné ce crin argenté. Quand il relâcha les cheveux et observa sa main, il ne vit rien, ses doigts n'avaient pas blanchi. Sorcellerie. Elle mentit sans conviction en prétendant qu'il s'agissait de la vieillesse qui la rattrapait. La fille était dans la force de l'âge et, ironiquement, elle rayonnait d'une joliesse juvénile qu'il ne lui avait jamais connu. Elle semblait avoir rajeuni, seule cette mèche laissait penser le contraire. C'était comme si elle avait concentré les affres du temps sur ce seul bout de cheveux. Le reste de son visage n'avait subi aucune strie, sa lourde chevelure était aussi noire et dense que la nuit et le corps de cette mère paraissait jouir de la souplesse d'une vierge.
Il l'écoutait tout en buvant. Il s'attacha à ne rien montrer de son scepticisme sur les explications qu'elle lui donna. A chacun ses secrets. Celui-là, il le lui laissait. Pour intrigué qu'il fût, il supputait que Blanche s'était adonnée à un tour de magie noire, sur elle-même si on en croyait les indices. Or il craignait qu'en la forçant à lui raconter ce qu'il s'était passé, il étancherait sa curiosité mais la mettrait elle dans l'embarras. Qui sait le prix qu'elle avait dû payer ? Ce qui l'intéressait dans l'immédiat, c'était la raison de sa présence à Odélya.
« Un présent ? Aurais-tu mis ce gros Philinte dans une de tes malles pour me faire la surprise ? » Son sourire n'eut rien de réconfortant. Il prononça la plaisanterie un rien âprement avant de lui tourner le dos. Il leva le coude et engloutit jusqu'à la lie le vin brûlant de sa coupe. Ses épaules se soulevèrent tandis qu'il inspirait puissamment, visiblement agité, mais quand il reprit la parole, sa voix était calme. Il s'adressait à elle dans un murmure sans lui faire face, la tête un peu baissée. « Par Arcam, Blanche, qu'attends-tu de moi ? Tu viens chez moi comme si tout était bien, comme si rien n'était arrivé. Tu as tué des hommes de mon pays, des cousins avec qui j'ai grandi et des servants qui furent comme des pères, et aujourd'hui tu viens solliciter une rencontre. Trois de mes frères sont encore enfermés dans tes châteaux, et tu exiges de voir ton neveu ! Je ne peux pas accepter tes présents, belle sœur, je ne peux rien recevoir de toi tant que tu ne me diras pas que tu viens chercher ici notre réconciliation et mon amitié. »
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| | | Blanche d'Ancenis
Ancien
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Sam 21 Jan 2017 - 22:26 | |
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Si Gaston n’aurait pas crié aux diableries – quoiqu’il le faisait déjà intérieurement – Blanche aurait grogné. Elle n’en fit rien. Saisissant simplement ses doigts pour les écarter de son visage. S’il y vit peu d’entrain, elle pouvait aisément deviner que ce renard ne serait pas dupe. Qu’importe après tout, il l’estimait peu, du moins avait-elle ce sentiment. La pique lancée ne la fit pas rire, du tout. Il vit plutôt son minois se fendre en une grimace alors que ses yeux s’écarquillaient. Ce parfum de colère de distillait désormais en ses pupilles trahissant son agacement. Pire encore, la suite ! Sa mâchoire se serra. Elle se contenait désormais. En son sein, l’orage couvait. Elle s’était agrippée à sa coupe qui était désormais le canalisateur de tout ce qu’elle désirait lui faire subir pour ses insultes.
Et puisque sa patience brillait avant tout par sa quasi inexistence, Blanche reposa bien vite le godet sur le mobilier de bois. Alors certes, elle avait commis des fautes. Alors oui, elle avait bien des défauts. Mais elle n’en pouvait désormais plus de toutes ces remarques qui la prenaient de haut et toutes ses paroles qui lui rabâchaient encore et encore, inlassablement, cette même rengaine. Même si elle ne reconnaissait pas ce bambin, pour autant elle n’avait pas désiré cette guerre. Mais en ce monde, les hommes ne savaient résoudre les conflits qu’uniquement en ce sens. Ce n’était pas elle qui était remontée en compagnie des armées royales pour venir tuer ces gens et surtout Nimmio. Ils étaient tout autant fautifs qu’elle. Odélian avait tenté de marcher en arme contre Velteroc et par extension, Hautval.
Sa main s’était saisie de l’épaule du grand gaillard et l’avait obligé à la fixer dans le blanc des yeux.
« Est-ce que tes frères, tes pairs, quand ils remontaient jusqu’à Hautval… Est-ce que ceux-là auraient épargné mon clan ? Est-ce qu’ils se seraient retenus de les tuer alors que c’était eux qui venaient chez moi envahir mes terres ? Peut-être que tes servants et tes cousins ne seraient-ils pas morts si vous n’aviez pas eu l’intention de me faire la guerre ! »
Elle avait sifflé ces mots. Mais ce n’était pas tout. Il l’avait fait exprès ! Il l’avait poussé à bout. Elle ne voyait pas d’autres explications à ces propos qui la harassaient un peu plus à chaque fois.
« Oh indigne toi… Et comment dois-je prendre le fait que tu m’as pris ma sœur ? Comment dois-je considérer le fait que tu t’es marié à Madeleyne sans même en informer ma maison, sans même nous inviter ? Je détiens Phillinte. Tu détiens ma cadette car ne va pas me faire croire que c’est un mariage d’amour. Alors cesse tes reproches déguisés, je possède tout autant que toi de raisons pour t’accabler. »
Elle fit une pause. De ce petit bout de femme émanait pourtant une certaine impression de force et de puissance. Et malgré que cette société patriarcale répugnait les donzelles comme elle, paradoxalement plus d’un homme était séduit par ce tempérament tumultueux qui leur donnait bien souvent l’envie de la soumettre… sans succès.
L’Ancenoise ne lui laissa pas assez de répit que déjà, elle poursuivait. Sa voix avait changé, plus douce, sans pour autant être entièrement débarrassée de ses relents colériques. « Pourtant… Je suis là. Moi… Malgré nos différends et toutes les menaces qui pèsent sur mes frêles épaules. J’ai bravé tout cela pour me retrouver devant toi, pour me réconcilier avec Odélian, pour nous réconcilier toi et moi. Et au lieu de remarquer ce premier pas, tu m’abreuves de douceurs empoisonnés. Quand te décideras-tu à abandonner tes rancœurs du passé pour un avenir meilleur ? »
Et devant lui, ce corps fragile tremblait encore, secoué par les diverses émotions le transcendant.
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Mer 1 Fév 2017 - 15:09 | |
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« Hosanna, chère sœur, hosanna alors ! » s'écria joyeusement Gaston en lui attrapant l'épaule à son tour. Sa liesse balayait l'électricité qui tendait la dame et son discours amer. Sa main même remonta à la racine du cou de l'Ancenis pour l'amener plus près encore de lui tandis qu'il lui baisait de nouveau les deux joues. « Si tu désires vraiment mon amitié, elle sera à toi. » Et pour donner plus de force à cette promesse, il prit une gorgée avant de lui tendre son vin pour que leur deux paroles soient lié par le partage d'un même calice.
Les rancœurs du passé, Gaston s'en foutait bien. Après Nimmio de Velteroc, qui s'était taillé un royaume dans les domaines royaux, et Godefroy de Saint-Aimé, qui avait pu s'arroger le marquisat de Sainte-Berthilde à la disparition de sa suzeraine Arsinoé de Sainte-Berthilde, le grand bénéficiaire des Champs pourpres avait été Gaston des Berdevin. Successoralement parlant, le dernier fils d'Hubert de Dens n'aurait jamais pu prétendre au marquisat. Devant lui, Madeleyne d'Ancenis, la régente et son fils Christian fils de Grégoire verrouillaient la position. Et même s'ils avaient crevé, son grand frère Philinte et ses enfants seraient devenus les successeurs putatifs à la seigneurie d'Odélian. Sur le papier, Gaston n'aurait jamais pu s'élever si haut.
Mais les circonstances et les seigneurs d'Odélian en avaient décidé autrement. La débâcle des Champs pourpres avait affaibli la marquise douairière – certains l'avaient même accusé d'avoir trahi – et avait anéanti le parti de Philinte. La guerre et le chaos encerclaient Odélian, on avait besoin d'un homme fort. Et Gaston était là.
« Et ta sœur, je l'ai sauvée. Qui sait ce qui serait advenu d'elle si le conseil de régence ne nous avait pas unis. Au mieux aurait-elle été mise dans une tour comme un otage dangereux, au pire mon frère et ses amis lui auraient décollé la tête pour traîtrise. »
Il s'abstint de parler du sort du petit Christian, il avait déjà assez choqué la dame d'Hautval comme ça. Le fils de Madeleyne était le grain de sable qui bloquait la machine bien huilée d'Odélian. Le gosse aurait certainement été empoisonné par un fidèle de Philinte afin de libérer le chemin jusqu'au trône d'Odélian. Et s'il fût resté en vie, il aurait été la graine de la discorde entre le conseil de régence et ses oncles Berdevin, Philinte et Gaston. Une décennie de division interne et de luttes pour le pouvoir aurait affaibli la discipline interne que les Odélians chérissaient tant. Tous les grands seigneurs du pays l'avaient pressenti, c'est pourquoi ils avaient opté pour Gaston.
« Je ne songe pas à te nourrir de douceurs et de mensonges, mais je vais te conseiller comme le frère que je suis et tu trouveras mes prescriptions amères. La vérité a souvent ce goût, écoute-la quand même. Tu dois libérer mes frères, Philinte Berdevin, Raoul et Cléante de Prademont, et tous les autres Odélians qui croupissent dans tes châteaux. Sans ce geste de réconciliation, je passerais pour un faible et un idiot auprès des miens, et si tu les rançonnes, Philinte ne s'empêchera pas à dénoncer notre nouvelle amitié. Chaque fois que j'essaierai de te soutenir, Philinte ou d'autres seront sur mon chemin. Pire, rien n'empêchera mon grand frère à prétendre au pouvoir sur l'Odélian et à rappeler à tous que la marquise est une Ancenis, une ennemie. Mais si tu les relâches gracieusement, tous ces hommes ne pourront s'élever contre notre alliance sans passer pour des ingrats. Ils seront tes obligés. »
En vérité, ces libérations donneraient de la consistance à la réconciliation des Berdevin et des Ancenis, de plus elles donneraient du poids à Gaston. Il appréhendait le retour de Philinte. Son frère aîné n'avait aucun lien avec la maison d'Ancenis, il pourrait devenir le chef d'un parti anti-Velteroc qui diviserait l'aristocratie locale et la position de Gaston. Si Blanche et Gaston passaient pour ses libérateurs conjoints, l'agressivité de Philinte contre eux seraient largement réduite à défaut d'être neutralisée. Il restait cependant les Velteriens. Le marquis inspira profondément avant de passer à ce sujet. La main qui tenait Blanche renforça la pression sur son épaule.
« Ecoute-moi bien à présent, et ne prends pas ombrage de ce que je vais te dire. Tu dois t'éloigner de ton époux, Nimmio. Ses rêves de royauté te desservent, ils nuisent à tous et plus particulièrement aux droits des princesses tes filles. Il te faut dénoncer ses agissements, tu dois rappeler à tous que tu as protesté quand il prétendit ceindre la couronne sur sa tête. Sans ça, ta réputation d'impie continuera à vous entacher, toi et tes filles. Tu dois... »
Tu dois le tuer, était la phrase qu'il avait dans la bouche, mais il n'osa pas prononcer ce conseil. Assassiner son mari était quelque chose qu'il était difficile à dire à sa propre belle-soeur, pourtant, les crimes de lèse-majesté dont s'était rendu coupable celui-ci aurait fait de ce meurtre la plus grande preuve de loyauté au sang royal des Phyram, qui coulait dans les veines des filles d'Aetius et de Blanche.
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| | | Blanche d'Ancenis
Ancien
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Jeu 16 Fév 2017 - 0:48 | |
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Cette exclamation lui fit relever le sourcil, perplexe.
« Hosa-quoi ? »
Si l’émotion avait habité tout son corps l’instant précédent, elle l’avait quitté prestement, faisant place à l’incompréhension. Et puis, il y eut ce nouveau contact. Cette proximité la dérangeait. Elle ne saurait dire si c’était la conséquence de la récente rencontre avec le comte d’Arétria ou tout simplement le personnage qu’incarnait Gaston. Elle n’était même plus certaine de pouvoir maîtriser les ardeurs de son corps depuis. A moins que tout cela était le fait d’un mauvais tour de l’Infâme. Entre doute et méfiance, son cœur oscillait. Les billes lorgnèrent sur ledit calice et si son esprit rechignait encore, son corps lui ne souffrait d’aucune hésitation puisque ses mains saisirent le calice et elle bût. L’épais breuvage épicé dulcifié de miel mit un certain temps à racler sa gorge. Ceci fait, elle se dégageait de l’envahissante présence du marquis et se réfugia devant l’âtre de la cheminée en gardant ses billes cérulées ancrées dans celles du blondinet.
La simple évocation de la mort de sa cadette la prit aux tripes. Des morts encore & encore… Sa famille & ses gens avaient été décimés, emportés par l’étreinte de Tari. Et son époux – actuel – foulait plus souvent les marches des limbes plutôt que le monde des vivants. Même si sa rancœur envers sa puînée était présente, il lui serait difficile de la savoir gisante. Néanmoins, elle doutait de ce rôle de sauveur qu’il voulait se donner. Sa grand-mère Aemone, qui résidait normalement toujours au château, était une femme rusée et aurait certainement trouvé une solution… Du moins, l’aurait-elle espéré.
Alors qu’il entama sa plaidoirie, Gaston put voir qu’il avait toute l’attention de la Dame du Val dont une ride d’expression vint brouiller ce si joli front. Face à la demande totalement bluffante, elle tenta par tous les moyens de ne pas afficher son incrédulité. Croyait-il sincèrement qu’elle relâcherait ses otages comme cela ? Sans rien demander en retour malgré les arguments plutôt en la faveur du marquis. En quoi le fait de les rançonner prouvait une quelconque amitié entre eux ? Justement, c’était tout le contraire. La seconde partie de son plaidoyer n’était pas dépourvu de sens et même plutôt logique.
Malheureusement, il ne connaissait pas vraiment son passé. Blanche était une personne frileuse qui avait du mal à donner sa confiance. Elle s’était plusieurs fois trouvée en mauvaise posture à force d’avoir donné, trop donné. Beaucoup l’avait trahi, en témoigne la situation actuelle. Son mari, lui-même, l’avait trompée en se proclamant roi et en « déshonorant » ses filles. Elle ne savait pas quoi répondre sans blesser la fierté et l’honneur de son homologue donc elle préféra se taire. De toute façon, il n’avait pas fini.
Encore une fois, cette main vint s’amarrer à son épaule. Il la pressait, exerçant ainsi un soupçon de sa force dont il pouvait faire preuve. Était-ce anodin ou bien une menace tacite ? Blanche ne savait point. Elle se sentait plutôt démunie face à Gaston. Elle déglutit tandis que son ombre inquiétante submergeait la Dame qui ne cessait de s’appesantir sur elle-même. Elle n’était pas sourde à tous les échos qu’on susurrait à son oreille depuis quelques ennéades, ces mises en garde et ces conseils pointaient tous dans la même direction.
Le dernier mot qu’il ne voulut pas délivrer, résonnait pourtant désormais en son sein. Blanche tressaillit alors qu’elle avait fermé les yeux comme pour tenter de se contenir. Il fallait anéantir la source de discorde. Il fallait le tuer comme lui avait déjà suggérer l’Infâme. Mais la préoccupation première de la Dame était pourtant simple : en avait-elle seulement le courage ? Alors sans même s’en rendre compte, des larmes roulèrent le long de ses joues. Prendre une vie était là un si lourd fardeau.
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Mar 7 Mar 2017 - 19:17 | |
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Elle l'avait écouté avec une concentration appuyée, presque passionnée. Un instant, elle le regarda même comme si elle se fut défiée à fixer le soleil jusqu'à ce qu'il l'aveugla entièrement. Ils ne parlaient certes pas de sujets triviaux. Et quand Gaston termina son plaidoyer, il lut dans le regard de sa belle sœur qu'elle savait ce qu'il attendait d'elle. Il comprit qu'elle avait compris. Pris d'assaut par cette soudaine épiphanie, il lisait la pièce différemment. Il se sentait fort, puissant. Trop fort et trop puissant. Il pesait de toute sa hauteur sur sa sœur qui plus d'une fois déjà s'était détachée de sa présence envahissante. Elle lui apparaissait affaiblie à cet instant. Elle n'était alors qu'une femme acculée. Près de son regard courroucé, celui d'Orengarde, naissait une larme.
Il secouait un sac de nerfs déjà mis à rude épreuve, s'apercevait-il. Il lui dessinait la peinture d'une sœur pendue à un arbre, d'un mari empoisonné dans son sommeil. Ses mots portaient mille promesses de malheur et de désolation. Il avait décrit tous ces maux parce qu'il voulait lui dire la vérité, emporté par le besoin de lui expliquer la dure réalité dans laquelle ils se trouvaient ensemble. Pourquoi, en cet instant, avait-il oublié tous les enseignements des bardes ? Pourquoi, soudain, méprisa-t-il les spires verbeuses, les synonymes hypocrites, tous ces outils apaisants ? Il aurait pu, dans une belle et longue tirade, épargner la fille. La ménager, la séduire dans l'exorde, l'emporter dans la narration, l'abattre dans la confirmation. Pourtant, il avait laissé le vrai, aussi cruel était-il, s'exprimer pleinement.
Et maintenant, il s'en amendait. Il n'aimait pas faire pleurer une fille. Il n'aimait demander à personne de tuer son époux.
« Tu dois le tuer, Blanche. » Il le fit quand même. Il prononça cette phrase sacrilège en regardant ses yeux brouillés de larmes avant de s'éloigner et lui tourner le dos. Le remords l'assaillait, mais il préférait cette honte. Pour funeste qu'était ce conseil, il savait – s'en convainquait-il – qu'il aurait regretté à tout jamais de ne pas l'avoir prononcé. Si ignoble, si abominable put-il être, il l'aurait rongé jusqu'au bout de sa vie. Et si elle l'écoutait, alors ? Alors il aurait sauvé des centaines de vies, des milliers peut-être. Il aurait évité un autre des Champs pourpres, il aurait écarté le deuil et la tristesse des les siens et de tant d'autres ; et ce ne lui aurait coûté qu'une infamie.
Si elle ne l'écoutait pas, alors il se réfugierait dans cette phrase. Il avait fait tout ce qu'il pouvait, voilà ce qu'il pourrait se dire quand la guerre éclaterait. Il l'avait exhorté à ramener la paix, aussi crasse soit-elle. Maigre réconfort mais réconfort quand même. Dans les deux cas pourtant, la consolation était faible, amère. L'échange était inéquitable. Le sacrifice qu'il demandait était trop grand, et au fond, il savait bien que, pour toujours, il s'en voudrait d'avoir prononcé cette sale sentence.
« Tu peux dormir ici, si tu le souhaites. C'est mieux qu'en bas, crois-moi. Quelqu'un t'apportera ce que tu veux. » dit-il. La conclusion était abrupte. Il lui tournait toujours le dos.
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| | | Blanche d'Ancenis
Ancien
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Mer 22 Mar 2017 - 13:17 | |
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Un soubresaut secoua ses frêles épaules une fois qu’il eut prononcé la phrase fatidique mais elle retint un hoquet et demeura silencieuse. La paume contre la bouche, celle-ci vint essuyer ses larmes et elle tenta de renifler le plus discrètement possible. Inspirant profondément, Blanche ferma un instant ses paupières comme pour baisser le rideau sur une scène qui venait de se conclure. Il fallait passer à la suite.
Elle savait.
Pour l’instant, sa seule envie était de se réfugier dans les bras réconfortants de sa sentinelle et amie, Odeline. Elle n’avait plus que cette affection au monde et elle ne comptait certainement pas sur l’amour d’une nuit que pouvait lui apporter la présence d’un homme, c’était trop éphémère. Certes, elle avait ses enfants mais ces derniers étaient souvent loin d’elle. Extirpant un mouchoir d’un repli de sa robe, elle nettoya l’écume qui venait de mouiller ces cils et autant qu’elle put ce khôl qui avait creusé ses cernes. Elle se moucha ensuite et tenta de reprendre toute sa contenance.
« Merci. »
UComme pour noyer son chagrin, sa main se saisit du godet d’hypocras qu’elle avait laissé là préalablement et aussi édulcoré qu’il puisse l’être, elle le descendit d’une traite. Et alors un soupire s’échappa de ses lèvres et son corps s’échoua sur une banquette ou cathèdre qui trainait là avec toute ce manque de motivation caractéristique des dépressifs ou condamnés… Elle ne dit rien d’autre, tout simplement car elle n’en avait pas envie et que ses pensées étaient dès à présent tourné vers la morale admonestée par le culte de Néera mais aussi car des questions fusaient : comment ? quand ? par qui ? où ? Elle faisait là une piteuse compagnie. Et elle se rendit compte ce pourquoi la Dame laissa échapper.
« Je suis navrée d’être… de… mauvaise compagnie. »
Et puis, c’est tout.
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| | | Gaston Berdevin
Humain
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| Sujet: Re: Des roses naissent les épines | Gaston Jeu 13 Juil 2017 - 13:19 | |
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Il s’était attendu aux pleurs, il se serait attendu aux cris. Peut-être aux coups, aussi, peut-être aux malédictions. Mais ces remerciements, il ne s’y attendait pas. Il l’avait d’abord entendue renifler dans son dos, ravaler ses larmes et sa détresse comme si elle en avait honte. Certes il comprenait pourquoi cette femme qui avait dû si souvent jouer au seigneur essayait d’arborer un visage neutre vis-à-vis du monde, mais il aurait eu bien de la peine à l’imaginer ne pas s’émouvoir d’entendre son propre frère lui conseiller de tuer son propre mari.
Il finit par se retourner vers elle quand s’excusa de n’être pas d’humeur très sociale en ce moment même. La marque noire de son kohl s’était laissé dégouliner aux creux de ses joues et de son nez et sur ses pommettes bombées. La voir larmoyante lui rappela son épouse Madeleyne et éveilla sa pitié. Elle était dans ce même état de prostration qu’il avait connu à sa femme il y a quelques mois. Elle ne regardait rien, surtout pas les yeux de Gaston. Lequel alla prendre assise – précairement – sur le bord de la banquette où Blanche s’était abandonnée. Il posa une main sur l’épaule de la dame fatiguée. « Ce n’est rien, » lui dit-il en prenant part à cette conversation surréaliste où il semblait que le bourreau donnait son pardon à l’agnelle. Sa main finit par abandonner son épaule et le marquis enveloppa entièrement la dame du Val de ses deux bras et contre lui sans rien dire. C’était à son tour de regarder ailleurs, honteux d’être là à assister une ennemie dans son chagrin. Il finit par soupirer profondément avant de lentement relâcher son étreinte. Il repensait à tous ces hommes qui l’attendaient dans la pièce à côté, espérant qu’il extirpe de cette curieuse rencontre entre sa belle-sœur et lui des nouvelles réjouissantes pour son frère Philinte et les deux fils du seigneur Foulques de Prademont.
Une fois près de la porte, pour ne pas trop, plus tard, se moquer de lui pour sa propre faiblesse, il lui promit quelque chose avec une politesse froide : « La fatigue vous assaille, madame. Demain, nous reparlerons de tout cela. » La porte se referma derrière lui et il embrassa d’un regard dur les chevaliers qui avaient patienté au sommet du donjon. De nouveau, il eut une longue et lente expiration. Les hommes le regardaient avec de grands yeux interrogatifs. « Allons-y. » C’est la seule réponse qu’ils auraient ce soir.
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