Tout à une fin

Jérôme tournait en rond dans son bureau, il répétait ce qu'il allait dire sous peu et à chaque fois, il changeait quelque chose. Toute la noblesse éthernienne avait été convoqué dans la capitale pour une déclaration du Baron en titre. Et tous, outre quelques malades qui avaient envoyé des fils ou émissaires faute de pouvoir se déplacer en personne. Il fallait dire que Jérôme était célèbre à Etherna. Lors de sa prise de pouvoir, Etherna avait été conquise par Odélian et deux révoltes avaient été maté. L'on faisait grise mine dans les seigneuries, mais depuis que ce Clairssac était arrivé, Etherna avait remporté victoire sur victoire, que ce soit à Sainte-Berthilde lors de la guerre de l'Atral, ou encore contre Serramire, se payant le luxe de prendre la capitale. Il avait fait plier Alonna, puis Oësgard tout en participant à repousser les sombres. Les veuves et les orphelins n'avaient peut être pas tous la même vision des choses mais les nobles, avides de gloire, eux ils ne voyaient que ces faits d'armes, tout comme les territoires offerts à des nobles étherniens. La salle était donc comble et l'on se demandait pourquoi cette réunion avec l'intégralité de la noblesse. Une nouvelle campagne se profilerait elle ? ca faisait grincer quelques dents car outre les victoires et les ripailles, c'est que les caisses étaient très loin d'être pleine, voir même le contraire et qu'une nouvelle campagne aurait sans nul doute des répercussions désastreuses.

Jérôme avait prit sa décision plutôt rapidement en fait, dès lors qu'il avait décidé de mettre sa bêtise et sa bonne humeur de côté et de prendre en compte la réalité. Alors certes il était allé de victoire en victoire et il s'était taillé une réputation. Toutefois, chez les voisins, la vision n'était pas aussi idyllique, même si on ne pouvait lui retirer ses victoires. Il se souvenait d'une conversation avec Roderik à Wenden, avant qu'il ne devienne Comte. il se rappelait aussi ses déboires depuis qu'il avait accepté de plier le genou devant la régente Asinoé. Il se maudissait encore lui même d'avoir rompu son serment envers Odélian. Les concessions faites par le marquis de Serramire et sa régence étaient vus comme du pain béni. Pourtant, il se retrouvait maintenant avec une double vassalité. Et il se rappelait la dernière réunion ou Aymeric avait officiellement reconnu qu'il n'avait pas tiré un trait sur le serment d'Odélian à son égard. Il comprenait le marquis et il ne lui en voulait pas, le pourrait il après toutes les largesses qu'il lui avait fait. Mais qu'adviendrait il si les deux marquisats entraient en guerre ? il avait une idée et elle ne lui plaisait pas.

Gaston, le marquis d'Odélian, celui qui se disait son ami et qui lui avait pardonné sa traitrise. Il avait eut des déboires à Amblère avec Aymeric, il ressassait sans doute cela. Preuve en était qu'il ne s'était même pas rendu au mariage de Jérôme. Il n'avait pas non plus envoyé d'émissaire, ni même un courrier ou une excuse à son absence. Cela avait profondément blessé le Baron qui, après que la joie de son mariage, était redescendu, avait longuement réfléchit à cela. Ajoutons à cela ses problèmes personnels. Le mariage n'avait toujours pas été consommé, vu le traumatisme d'Aline. Il ne lui en voulait pas, il ne la brusquait pas et il ne voulait pas le faire. Toutefois, ses multiples responsabilités le tiendraient bientôt loin d'elle, à parcourir les routes. Et il n'avait pas l'intention de ne pas être la pour elle, pour la soutenir et être son épaule, l'aider à franchir les obstacles pour vivre une vie normale.

C'était tout ça qui l'avait aidé à prendre sa décision, celle qu'il allait annoncer à ses vassaux, à son frère qu'il n'avait même pas prévenu, à sa soeur qui était la aussi, en tant que dame d'Hyviène. Il sortit du bureau et il se dirigea vers le trône, une allée s'ouvrant sur son passage et les saluts sincères le suivant. Il leur fit face, tous les regards tournés vers lui. Il soupira puis il se lança

"Mesdames, messieurs, mes amis, je vous ai réunis pour vous annoncer une importante décision que j'ai pris"

Il posa son regard sur tous ceux qu'il pouvait, se rappelant les expériences vécues. Un silence s'était installé alors que tous étaient suspendus à ses lèvres.

"En effet, ce jour, j'ai décidé d'abdiquer de mon titre de Baron en faveur de mon frère Guillaume, ici présent"

Voila, c'était dit. il n'était plus temps de se poser des questions, il s'était lancé et il ne pouvait plus revenir en arrière.

Attablée dans sa chambre à Etherna, Maélyne regarda Guillaume faire les cent pas. Il était nerveux, anxieux et terriblement curieux au point de s’en mordre les lèvres. L’annonce du rassemblement des vassaux l’inquiétait. Jérôme n’avait point daigné lui faire part de la raison de cette assemblée. Guillaume se sentait mit à l’écart et cela ne lui plaisait guère. Après tout, n’était-il pas en charge de la Baronnie lorsque le Baron était absent ? N’était-il pas simplement son frère ? Jérôme aurait-il oublié tout cela ?

« Il nous prépare quelque chose… Quelque chose à laquelle je n’aurais point donné mon accord. C’est pour cela qu’il ne m’a pas parlé de cette réunion.  Il me cache quelque chose. Nous ne savons rien Mathilde et moi. »
« Jérôme doit avoir ses raisons, cessez-donc d’être si anxieux et suspicieux. Attendons ce qu’il a à nous annoncer. »
«  Comment rester calme lorsqu’il décide de convoquer toute la baronnie sans rien me dire ? »
« Je me doute bien que c’est difficile mais nous aurons bientôt la réponse, soyez patient. »

Guillaume se laissa lourdement tomber sur le lit soupirant son malaise. Il ne restait pourtant qu’une seule nuit avant d’avoir la réponse, d’être enfin fixé sur ce que préparait le Baron. Maélyne termina son ouvrage puis rejoignit à son tour le lit conjugal. Guillaume avait les yeux fermés mais il ne dormait pas. La jeune femme prit soin de se blottir contre lui avant de tenter de soulager sa conscience.

« Si cela se trouve, il souhaite juste annoncer la venue d’un héritier… Tu sais comment peut être Jérôme lorsqu’il est heureux, il en fait toujours trop. »
« Oui… sans doute, vous avez raison même si certains vassaux risqueraient de mal prendre un tel suspense pour… si peu. Mais oui, ce serait bien son genre. »

La Dame ne put s’empêcher de sourire lorsqu’elle vit enfin les traits du visage de son époux s’adoucir. Elle posa ensuite la tête dans le creux de son cou et ferma les yeux, pensant pouvoir quérir un sommeil réparateur. Guillaume lui, n’était pas de cet avis, profitant de la proximité de sa femme et d’avoir enfin un lit à leur disposition pour tenter à son tour de concevoir une progéniture.

Les premières lueurs du jour apparurent, Guillaume était déjà debout et habillée. Il termina de boutonner son pourpoint alors que son regard fixait la silhouette de son épouse, toujours endormie. Il prit la porte rapidement, rejoignant son bureau tout en essayant de quérir son frère pour tenter une dernière fois de lui soutirer les vers du nez. Celui-ci fut tout simplement indisponible, souhaitant se retrouver seul et ce jusqu’à l’assemblée prévue en fin de matinée.

Guillaume tenta même d’obtenir des informations auprès de sa belle-sœur tout en scrutant d’éventuelles rondeurs au niveau de ses hanches mais encore une fois, il fit chou blanc. Exaspéré, il décida finalement de retourner à ses affaires et de traiter quelques missives.

De son côté, Maélyne se réveilla doucement, s’apercevant que Guillaume était déjà partit. Cela ne l’étonna guère. Elle prit soin de s’apprêter correctement, endossant une robe sobre tout en se parant d’un minimum de bijoux.  On vint ensuite la quérir, lui signalant que les vassaux se rassemblaient déjà dans la salle du trône, une fois cette dite salle rejointe, Maélyne put s’apercevoir du nombre de têtes présentes. Elle eut un léger doute sur l’importance de l’annonce que comptait faire Jérôme. Effectivement, celui-ci avait pour habitude d’inonder la Baronnie de son bonheur mais peut-être pas à ce point. D’un regard, elle remarqua Guillaume, discutant avec quelques vassaux. La jeune femme prit soin de le rejoindre passant de tête en tête ce qui lui permettait non seulement de se remémorer certaines d’entre elles qu’elle avait déjà croisé à son mariage mais d’en connaître des nouvelles.

Le Baron fut alors annoncé et chacun prit alors sa place plus ou moins respective. Guillaume et Maélyne, tout comme Mathilde se retrouvèrent près du trône lorsque Jérôme arriva. La lourmelloise remarqua qu’il adressa un regard à son frère et à sa sœur mais cet échange ne rassura en rien l’amie qu’elle était.

« (...) En effet, ce jour, j'ai décidé d'abdiquer de mon titre de Baron en faveur de mon frère Guillaume, ici présent »

« Quoi ??? » Se permit Guillaume, qui semblait être celui qui fut le plus étonné de toute l’assemblée, à un tel point qu’il n’arriva plus à sortir un seul mot de plus. Son regard se posa sur son frère, Jérôme put distinguer la stupeur de celui-ci mais également une certaine déception. Il s’avança lentement, se posant entre le Baron et le restant de l’assemblée toujours stupéfait par l’annonce, Guillaume se permit alors de questionner son frère sur la raison qui le poussa à mettre fin à son règne. Toute la salle fut ensuite pendue aux lèvres du Baron.

Jérôme s'attendait à entendre un grand brouhaha dans la salle, que tous parlent en même temps et qu'il faille ramener le calme. Ce fut tout le contraire, Guillaume fut le plus prompt à réagir, lachant un simple "QUOI". Vu son air, l'on ne pourrait pas dire que la chose avait été préparé, il était indéniablement surpris, autant, voir plus que les nobles présents. Le Baron ne baissa pas le regard lorsque son cadet s'avança vers lui, presque menaçant et demanda une explication à cette soudaine décision. Jérôme était bien embêté, il avait préparé mais aucun mot ne semblait être à la hauteur de ce choix. Faisant aller son regard dans la foule, d'un côté à l'autre et en le ramenant sur son frère, il se lança, improvisant malgré toutes ses préparations

"Pourquoi ? et bien je pense que tous savent ce qu'il s'est passé ces derniers temps. J'ai fais des choix, pas toujours les plus judicieux. Cependant, nous avons bien tiré notre épingle du jeu et Etherna est maintenant une terre avec laquelle il faut compter, une terre ou l'on sait qu'il sera difficile d'attaquer, que nos hommes sont vigoureux et qu'ils savent combattre. c'est très bien mais la situation politique est tout autre. Alors oui nous sommes sur le devant de la scène, mais à titre personnel, j'ai maintenant deux serments, l'un au marquis d'Odélian, l'autre envers Aymeric de Brochant, le marquis de Serramire."

Il marqua une pause, pour l'instant rien d'extraordinaire qui justifiait sa décision

"Tout le monde sait que Odélian et Serramire ne sont pas les deux marquisats qui s'entendent le mieux. Aymeric de Brochant souhaite récupérer le dernier fief qui lui échappe encore pour retrouver l'aura d'antan de Serramire et je doute que Gaston Berdevin veuille plier genou devant qui que ce soit. Son absence à mon mariage montre clairement ses sentiments, ou plutôt devrais je dire ressentiments, à mon égard. Je pensais que le pardon qu'il m'avait donné était sincère, aujourd'hui je doute."

Une nouvelle pause théâtrale afin de laisser les gens présents digérer l'information

"Je n'ai pas envie de me retrouver tiraillé entre deux puissances, qu'Etherna se retrouve embourbé dans une situation inextricable. C'est pour cela que je choisis de céder ma place à Guillaume. Tes talents politiciens sont indéniablement meilleurs que les miens et je sais que tu sauras diriger Etherna sur la bonne route, Je te fais une entière confiance comme je l'ai toujours fais"

Depuis son retour d'Estrevent, Guillaume avait été son bras droit et son maréchal sur toutes les campagnes militaires. Il avait mené les hommes à la bataille et il avait gagné leur respect. Jérôme savait que son autorité ne serait pas remise en question et que la noblesse le suivrait. S'ensuivit tout de même le fameux vacarme auquel il s'attendait, des "non" de la part de ses amis, ou de ceux dont il avait conquit le coeur sur le champ de bataille.

Guillaume resta muet, s’écartant de son frère pour ensuite lui tourner le dos. Les mains sur son visage, il mit un certain temps à se remettre de ce qu’il venait de dire. Ses pensées allaient vers Jérôme mais également vers Maélyne. Le Baron ne semblait pas se rendre compte de ce qu’il venait de dire.

Dans l’assemblée, les murmurent se changèrent en discussion à haute-voix. Des groupes s’étaient formés, entamant ainsi moults discussions. Puis, un homme s’avança, monta quelques marches tout en restant à bonne distance du Baron.

« Puis-je ? » Dit-il d’une voix assez portante pour attirer l’attention de la salle. Cet homme n’était autre que le seigneur de Romeno. Lorsqu’il obtint la permission de parler tous les regards étaient dirigés vers lui.

« Votre Honneur. Avec tout le respect que je vous dois. Pourquoi devrions-nous accepter Guillaume, votre frère, comme Baron alors qu'il vient de se lier matrilinéairement avec une Dame venue de Serramire? Vous prétendez abdiquer dans le but de permettre à Etherna de s'extirper de sa situation politique ambiguë mais en léguant la Baronnie à votre frère vous ne resolvez en rien les problèmes actuels, vous ne faites que les concéder à votre frère. »

D’autres voix se levèrent pour appuyer les paroles du seigneur de Romeno.

« N’oubliez pas que votre famille doit sa place grâce à Grégoire d’Odélian, frère de l’actuel marquis du Marquisat du même nom en vous nommant Baron d’Etherna. Que ce même homme, après avoir purgé les terres Etherniennes a délibérément placé plusieurs nobles d’Odélian pour y assoir un contre-pouvoir. Je pense, sans toutefois me permettre de parler au nom de mes confrères, que nous souhaiterions qu’Etherna s’en retourne à son suzerain qu’est Odélian. »

Son regard se tourna ensuite sur Guillaume puis revint sur Jérôme.

« Que nous proposez-vous pour pallier à ce problème, votre Honneur ? »

Guillaume se permit un regard à son frère, il espérait qu’il comprenne l’erreur qu’il venait de faire. C’est bien pour cela qu’il aurait préféré se concerter avec lui avant une telle annonce. Ensemble, ils auraient pu trouver une solution aux problèmes qu’auraient potentiellement soulevés les vassaux. Maélyne de son côté n’avait pas bougé, ni même réagit à quoi que ce soit. L’annonce de l’abdication de Jérôme lui avait fait un choc. Elle venait d’assister à l’envol de l’influence qu’avait Serramire sur Etherna et cela ne lui plaisait guère sans parler de son mariage qui vient d'être remit en cause par les vassaux d’Etherna.

Guillaume semblait accablé par la nouvelle, pour sur qu'il ne devait pas apprécier la nouvelle sans avoir été prévenu à l'avance. Mais cela faisait parti des choix de Jérôme. L'étonnement le rapprocherait aussi des nobles qui verraient en lui un semblable. Ce n'était pas sympathique pour son frère mais le Baron espérait qu'il comprendrait, il l'aimait son frère et il savait que Guillaume en avait conscience. Lorsque l'un des plus grand vassaux s'avança pour demander la parole, le silence se fit. Le regard que Jérôme lui lança une fois qu'il eut terminé sa tirade l'obligea à baisser les yeux. La déception que le Baron renvoya aux nobles qui l'avaient suivit de victoire en victoire était palpable. Puis vint un autre, plus glacial bien que le ton resta neutre

"Je n'oublie jamais rien, tu devrais le savoir"

Jérôme employait le tutoiement pour marquer sa supériorité ainsi que la camaraderie qui avait lié tout ce beau monde durant les campagnes militaires

"J'ai servis Grégoire du mieux que j'ai pu, je lui ai obéis et je n'ai jamais faillis, toujours présent pour le soutenir. Ce n'est pas pour rien qu'il m'a nommé moi et pas quelqu'un d'autre."

Un léger silence avant de reprendre

"Grégoire m'a nommé Baron et le titre se transmet à mes héritiers, c'est ainsi et personne n'a rien à redire la dessus. Aujourd'hui mon héritier est Guillaume, c'est donc à lui que revient la baronnie. Si je vous ai réunis, c'est par camaraderie et par égard envers vous car je vous aime tous. Je ne vois pas pourquoi vous voulez remettre cela en cause, c'est ainsi que sont les règles. Je comprends vos craintes mais sachez qu'il n'est pas question qu'Etherna ne soit plus auprès d'Odélian. Aussi il a été convenu lors du mariage entre la dame de Lourmel et mon frère que le premier fils serait un Clairssac. La première fille aura Lourmel, il n'y aura donc plus de problème de double vassalité. Alors que pour ma part, mon fils aurait hérité des deux titres et tout aurait perduré."

Le regard intense du Baron allait de l'un à l'autre, jaugeant tout comme il jugeait quiconque de remettre en question son droit et son titre

"Aujourd'hui, je suis le Baron et vous me suivez sans rien remettre en question. Demain il en sera de même avec Guillaume. Il a largement fait ses preuves envers la noblesse et le peule éthernien de sa dévotion à son et à votre égard. Je ne pense pas qu'un mariage puisse changer à ce point votre jugement. Non, je ne compte pas rendre Etherna à Odélian, j'ai mérité mon titre et je compte bien le transmettre à ma famille en héritage comme vous transmettrez vos titres à vos descendants. Oui Guillaume sera fidèle à Odélian et la baronnie ne changera pas d'allégeance, vous n'avez aucune inquiétude à vous faire. Il a d'ailleurs moins d'attache avec Serramire que je n'en ai vu mes relations avec le marquis de Brochant."

Jérôme ne semblait pas comprendre le problème actuel auquel Etherna devait faire face. Certes, tel enfant hériterait de tel territoire mais en attendant, ces enfants se devaient d’être pondus ! Et ceux-ci devaient encore grandir et ils ne succéderaient qu’à la mort de leurs parents.  Ce qui nous laisse la possibilité à Guillaume de gouverner Etherna durant encore plusieurs dizaines d’années. Et que durant ces dizaines d’années, il aurait encore et toujours cette épouse Serramiroise.

« Si Messire Guillaume pouvait assurer, ici devant nous tous et ce, maintenant, son soutien au Marquis d’Odélian plutôt qu’à celui de Serramire. Je gage que certaines de nos inquiétudes s’envoleront sans plus attendre. » La plupart des vassaux réagirent immédiatement, approuvant la demande du sieur de Romeno. D’autres, par contre, restèrent muets, préférant ne pas déclarer publiquement leurs avis sur la question, par discrétion, sans doute.

Guillaume de son côté, avait encore du mal à se remettre. Il était anxieux et réfléchissait à la nouvelle. Lorsqu’il fut interpella par ce vassal qu’il trouvait trop bavard, il sortit de ses pensées et revint auprès de son frère.

« Si tel est ton souhait Jérôme, si tu y as MÛREMENT réfléchit, alors j’accepte de délivrer tes épaules de cette lourde tâche. » Dit-il d’abord quasiment au creux de l’oreille de son frère. Son regard se posa ensuite sur Maélyne, comme s’il tenait à avoir son approbation également, mais l’échange qu’il eut avec son épouse était bien trop complexe pour qu’il comprenne quoi que ce soit à ses attentes. Il décida donc de répondre au sieur de Romeno sans la consulter verbalement.

« Je serais honoré de remplacer mon frère dans ses fonctions de Baron d’Etherna, tout comme je serais honoré de servir en tant qu’allié et vassal son excellence Gaston d’Odélian. Je gage également que mon mariage avec la Dame de Lourmel n’apportera que des bienfaits à la baronnie tout en apportant un semblant d’apaisement avec Serramire. Est-ce que vous êtes dorénavant tous rassurés ? »

En réponse, Guillaume n’obtint qu’un simplement hochement de tête avant que le dit homme ne regagne les rangs. Le nouveau baron aurait certainement énormément à prouver, et ce, aussi bien auprès de ses vassaux, que de son suzerain.

« Bien. J’irais donc à la rencontre du Marquis d’Odélian et ce, dès que possible. »

Il se retourna vers son frère à qui il adressa un regard triste et emplit de déception, il n’attendait qu’une seule chose : se retrouver en privé avec son frère pour lui lâcher le fin fond de sa pensée.

Le regard que Jérôme lança lorsqu'on demanda à Guillaume d'attester sa préférence au marquis d'Odélian obligea certaines personnes à baisser les yeux. Il n'y avait pas plus ethernien que Guillaume, encore plus que Jérôme, c'était peut être pour ça au final qu'ils avaient quelques craintes. Jérôme avait fait son écuyage à Odélian. Le Baron, bientôt "ex" Baron, était déçu, ces hommes l'avaient suivi lors de tous ses périples. Ils n'avaient même pas osé se rebeller lorsque Jérôme s'était parjuré contre Odélian, avide de ses conquêtes victorieuse et l'encensant dès que c'était possible, et maintenant, ils osaient réclamer. Jérôme allait répondre mais Guillaume prit la parole. Un nouveau coup de massue devant le ton de son frère, Jérôme le connaissait et il savait qu'il n'était pas emballé, voir en colère. Décidément, l'ainé, le fameux patriarche, faisait beaucoup de choses qui n'allait pas dans le rassemblement familial. Alors certes, il faisait un beau cadeau en le nommant Baron, titre inespéré pour le cadet mais il le mettait une fois de plus, comme son mariage, devant un fait accomplit, et surtout sans lui avoir rien demandé auparavant.

Après que Guillaume eut prit la parole, Jérôme ajouta

"Je suis très déçu, messires, par votre manque de confiance. Je pensais que nous étions plus lié que ce qu'il semble à cet instant"

Les têtes qui ne s'étaient pas baissées le firent

"Nous procéderons dès demain à mon abdication, je ne vous retiens pas"

La froideur de ces derniers propos rejeta la honte qu'il devait ressentir au plus profond. Ils avaient partagé bien des campagnes, batailles cote à cote et vaincu ensemble. Les liens de camaraderies sont très forts lorsqu'on se côtoie à la guerre. Jérôme n'attendit pas que tout le monde sorte comme il était de coutume, il fendit les rangs qui s'écartèrent sur son passage alors qu'il sortait le premier. Guillaume comprendrait que cela n'avait rien contre lui, bien au contraire.