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 Hamartia

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Altiom d'Ydril
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Altiom d'Ydril


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MessageSujet: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeMer 1 Fév 2017 - 23:15

Hamartia Fbel
Tournoi de Serramire, neuvième jour des festivités, fin de soirée,
soit Tariho de la première ennéade du mois de Karfïas estival de la neuvième année du onzième cycle.
Et si tout finissait maintenant ? N'était-ce pas l'heure. Tout était bien, apaisé. Inachevé, soit, mais il n'avait plus la force, plus la foi. Sa cause, son oeuvre, tout cela gisait au fond d'un palud de souvenirs enfouis et de remords putréfiant. Son cœur était mort, son âme se consumait d'un feu noir qu'il n'éteindrait que dans le sang, il ne restait rien de lui, alors qu'attendait-il vraiment ? Fallait-il aller jusqu'au bout, jusqu'à la faute, la guerre et la chute, fallait-il faillir ? Ou être Altiom une dernière fois, embrasser l'ultime sacrifice, et s'effacer en silence, sans que le monde ne sache rien de ses actes, comme il en avait toujours été. Rien des tourments qu'il lui épargnerait. Ou peut-être fallait-il tout connement qu'il arrête de téter sur sa fiasque de gros qui tache comme un goret sur les pies de sa mère ! Incapable de garder l'esprit clair plus d'une poignée d'heures l'animal ! Et pas foutu de tirer la moindre leçon de ses tergiversations avinées, le voilà qui biberonnait rebelote ! Aaah mais après tout l'heure était aux réjouissances d'après-guerre, pouvait-on lui en vouloir ? Lui s'en voulait.
Épaule au mur, il errait en pensée dans l'atmosphère rigolarde d'un soir de festaille. Un bon feu craquait dans l'âtre, inondant d'or la grand'salle de l'auberge, coulant sur les solives au plafond, les murs de pisé, les visages grisés, luisant dans les yeux d'une collection de pochards déjà plus pleins que leurs pintes. Et puis, son regard roulant de tablée en tablée, il apercevait bientôt ses quatre zigomars de capitaines et ses deux dames de cœur, affairés autour d'un tarot tarégnan autrement plus épique que ce bête siège d'Amblère ! Et vas-y que ça menaçait d'abattre le coin du tabouret sur le museau du gonze d'en face, et vas-y que ça envoyait valser ses cartes dans les airs en grognassant que "MEUAR la partie est truquée et t'façon Z'ÊTES TOUS DE MÈCHE RAMASSIS D'ÉCORNIFLEURS ACOUARDIS !!", et vas-y que ça te cognait du poing sur la table en se tenant le poitrail, hilare jusqu'aux larmes avant d'à moitié s'étouffer dans ses glaires, tandis qu'un troisième larron ramenait à lui toute la grelintante galtouze des environs, l'outrageux rictus du couillon satisfait accroché aux lèvres pour la soirée ! Altiom souriait. Il y avait dans ces moments quelque chose qui le prenait aux tripes, qui l'emplissait si violemment, comme une crue un fleuve, menaçant de le déborder en larmes et le submerger d'un rire haut et clair ! Une étrange nostalgie heureuse, et douloureuse. Comme s'il n'était qu'un spectateur lointain et détaché, qui ressentait sans pouvoir partager vraiment, qui voyait sans vivre, voué à n'être que cette silhouette dans l'encadrure qui observe d'un œil tendre et triste avant de se retirer sans un mot. Un fantôme, présent mais à jamais hors de l'instant. Il était parti, un cadavre de verre vidé de ses dernières gouttes de carmin gisait au sol.
Seul, courbé, perclus, un éclat dans le noir et le râclement mat d'un fourreau. Un amas de carcasses cristallines s'entassait à ses pieds maintenant, un champ de mort d'après bataille. Ses mains tremblaient. La peur, ou les conséquences de son péché solitaire. Même Halvdan - cette espèce de barrique ambulante qui soutenait à elle seule la moitié de l’économie vinicole péninsulaire - se serait inquiété, s'il avait su. C'était le problème avec cette saloperie. Elle marchait.
La nuit glissa sur Serramire.
Une dernière victime vint rejoindre les autres. Ha ! le bougre aurait juré avoir terrassé plus de boutanches dans la nuit qu'ouvert de noirauds dans la guerre ! Pourtant c'était là bien plus terrifiant adversaire, et tout aussi mortel. Mais pas aussi rapide, pas assez rapide. Sa lame, toujours serrée dans sa dextre, remontait contre son torse. Il s'était relevé et se dressait maintenant, dans sa dernière heure, plus grand et plus noble qu'il ne l'avait jamais été. Altier. Sa senestre à son tour vint empoigner l'arme, pointée vers son sein. Bien campé sur ses jambes, il ne tremblait plus. Les tempêtes qui lui déchiraient l'esprit depuis des mois firent silence, les nues d'encre s'ouvrirent à l'azur et s'évanouirent, et avec elles ce poids qui l'accablait depuis deux ans. Alors avant la fin, il n'eut plus qu'une pensée. Sa fille. La froideur du fer lui mordit les chairs. Altiom sombra.


Une silhouette solitaire régnait sur la lande. Sur sa face marmoréenne deux yeux blancs et morts fixaient l'archonte. Aussi purs et pesants que les flocons des premières neiges tombant tout autour, accusateurs, accablants, et le condamnant comme le manteau lilial condamnait la plaine gelée, au silence. Il n'était plus un son, plus un chant, plus un vent sur la terre, et pourtant ses boucles de pierre semblaient s'animer comme à la faveur d'une dernière brise d'été, ses minces lèvres s'étirer en un dernier sourire d'adieu, son visage d'enfant s'éclairer sous les derniers rais dorés de l'astre roi. Mais son roi à lui n'était plus, et l'hiver l'engloutissait, avec ses rêves, et ses maîtres, et ses traîtres. Et ses traits se creusaient, et son sourire s'affaissait, et ses yeux s'éteignaient, son nez s'effritait, son buste se craquelait, sa roche s'ébréchait, son socle s'écroulait. Et ne subsistait de la sculpture victorieuse qu'un ersatz de gisant brisé. Et abandonné. Car Altiom l'avait abandonné en fin de compte, laissé en pâture aux serres du Dragon d'Or, à la sécheresse du Soleil Blanc. Sacrifié. Et de la pierre à la terre la ruine gagna toute la plaine à l'entour, la déchirant de grandes balafres vomissant flammes et fumerolles sulfureuses. Alors un râle métallique remonta en échos du creux du monde, et la grande bête s'extirpa de sa tanière infernale pour trahir à nouveau : à leur tour ce même Dragon et ce même Soleil entamèrent leur dernière danse. Les ans semblèrent des secondes et pourtant tout paraissait figé. Bientôt le feu eut raison du feu, et le serpent l'emporta. L'astre mourant passa par-delà l'horizon, peignant dans son déclin l'empyrée embrasée et la terre ensanglantée de ses dernières lueurs. Victorieuse, la créature partit se percher sur les falaises, comme pour moquer les eaux assoupies qui n'avaient su la défaire elles non plus. Car l'Hydre était retournée sous les flots, et avec elle toutes les chimères, les héros et les légendes de jadis. La vieille Ydril dormait au fond des mers, ce qui restait n'était qu'une terre matée, désunie, en lambeaux.
Ce ne fut qu'alors qu'Altiom la remarqua. Devant lui, au cœur des crevasses sillonnant la lande rougie, s'enfonçait une ouverture. Mais elle ne donnait pas sur ce monde, il savait quel Royaume l'attendait derrière. Ce devait être l'heure du choix. Le reptile toisait toujours son domaine usurpé, là-bas sur son promontoire d'argile. Et puis, avant la fin, une voix souffla comme un vent.

- Te daissaràs morir coma m'as daissat morir. (Tu te laisses mourir comme tu m'as laissé mourir.)
- Alasten ? À genoux, les mains encore crispées sur les fragments de la statue brisée, l'archonte se releva d'un bond, hagard et les yeux fous, cherchant de toutes parts la source du murmure. ALASTEN ONT SIÁS ? (ALASTEIN OÙ ES-TU ?) s'étrangla-t-il.
- L'Idrila viu encara. La daissaràs-tu morir ela tanben ? (L'Ydril vit encore. La laisseras-tu mourir elle aussi ?) Dans sa paume une moitié de visage le fixait d'un œil unique. Plaquant son front contre le front de marbre, se laissant choir au sol, Altiom murmura encore son nom, prostré, et encore, en une interminable litanie, et encore, comme le mantra d'un fou, jusqu'à le gronder, jusqu'à le hurler, râlant bientôt plus qu'il n'implorait, les yeux bouffis, le nez dégoulinant, la bave aux lèvres, chialant comme le pauvre gosse qu'il avait toujours été, qu'il avait toujours caché derrière les bravades et les actes héroïques et les litres d'alcool. Seul et apeuré dans ce monde d'hommes qui lui avait pris un à un tous ses êtres chers. Les derniers mots d'Alastein résonnèrent en lui. Alors, tout bas, il répondit.
- Jamai.
¤Fin de la zic¤

La poussière dansait dans la lumière d'un jour nouveau. La nuit était passée et ce monde était le sien. Il n'avait pas basculé, et son esprit n'avait jamais été aussi clair. Un soupir d'aise lui échappa, tout lui paraissait limpide désormais.
- Ah il émerge. Bien dormi duchesse ? grinçait Aarnis, bras croisés, dans le fond de la chambrée.
- Nautiòme ! Bondieus.. perqué ? (Altiom ! Bons dieux.. pourquoi ?) L'intéressé décrocha ses yeux du plafond. Alaric était là aussi, à son chevet.
- Ai pantaissat Alaric. Ai vist ma tèrra, ai vist la guèrra. L'Anòszia e l'Afelian s'entregafar, e Alasten. E m'a.. L'archonte se tut, baissant les yeux vers sa plaie. Los òmes sàbon-eles ? (J'ai fait un rêve Alaric. J'ai vu ma terre, j'ai vu la guerre. L'Anoszia et l'Aphelian s’entre-déchirer, et Alastein. Et il.. Les hommes savent-ils ?)
- Encara pas, non. Ara per ara tinas ta vinalha solament. (Pas encore, non. Pour l'instant tu cuves juste ta vinasse.)
- Plan. Partissèm. (Bien. Nous partons.)
- Quinament ? (Comment ?)
- Ça t'prend comme une envie d'pisser ?
- Assarra los òmes. Manda Òlvar, devi li parlar. (Rassemble les hommes. Mande Ollvar, j'ai à lui parler.)
- Ma parole t'es dev'nu barge en plus d'être suicidaire ? Sans répondre, ni même entendre semblait-t-il, Altiom écarta brusquement ses draps pour bondir hors de sa couche.
- NON NAUTIÒME ! aboya le capitaine en le plaquant sur sa paillasse. Ta plaga es encara dobèrt ! Nòstre mètge t'a linit e bendat la nafra mas deves téner lo lièch ! (NON ALTIOM ! Ta plaie est encore ouverte ! Notre mire t'as passé un entret et bandé la blessure mais tu dois tenir le lit !)
- Tu peux crever dans l'heure si tu remues l'bout d'un orteil, fais pas l'con Tiom. T'as déjà du cul d't'être à moitié loupé. Le châtelain ne souriait plus.
- Tira a pas saput me rapar anuèch, m'aurà pas aquel jorn. ARASSO ALARIC ! (Tyra n'a su m'emporter cette nuit, elle ne m'aura pas ce jour. PLACE ALARIC !) tonna tout soudain l'archonte, et tendant un bras vers le suderon désemparé, lui agrippant l'épaule, il arracha de l'autre ses bandages pour y apposer sa paume. Yeux clos, il se fit alors immobile, crispant parfois les mâchoires, tiquant des lèvres, fronçant des sourcils, étouffant un cri dans sa gorge. Déjà pâle, il vira au blafard, diable ! on l'aurait juré aussi blanc que les linges avec lesquels on l'avait saucissonné. Lorsque ses paupières se soulevèrent après une minute ou deux pourtant, ses iris brillaient d'une ardeur nouvelle. Ses chairs étaient guéries.
- La mascariá dessòlv tot. (La magie ne résout pas tout.)
- Non, l'escarida s'encarga del demai. (Non, la destinée se charge du reste.) Nu, des bouts d'étoffe lui pendant de part et d'autre du torse, collant à sa peau dégoulinante de sueur, il s’extirpait déjà de la morbide literie pour passer chausses et chainse, vacillant, ses jambes flageolantes le trahissant à chaque pas, se retenant d'un bras tremblant au moindre meuble à portée et manquant par six fois de s'écrouler tout à fait. Ses acolytes restèrent cois. Refricarai pas qu'un còp Ric : assarra los òmes, desentaulam aquelas tèrras. (Je ne le répéterai qu'une fois Rico : rassemble les hommes, nous quittons ces terres.)
- Mas.. deves encara fàser aicí ! (Mais.. tu as encore à faire ici !)
- Fàser ? E qué auque ? Avèm-nos pas salvadas las Marcas de l'enga eldenca ? A ! Menada la sacrosanta Guèrra del Nòrd ! Diga-me, qual ròtle ai jogat dins aquel conflicte tant luènh dels meus ? Aquel d'un bèstia vivandièr, vengut apasimar los pancèls lo temps d'un assètge ! D'un agrei de banairés bograssejant, d'un paure bandari al sang panturlament blavenc, qu'acòrda encara en denhant l'enviar en primairiá noirigar los caronhièrs ! M'auriái perilhat, Ric, ta un monde al qual devi pas nient. Basta. (À faire ? Et quoi donc ? N'avons-nous pas sauvé les Marches de l'enge eldane ? HA ! Mené la sacrosainte Guerre du Nord ! Dis-moi, quel rôle ai-je joué dans ce conflit si loin des miens ? Celui d'un bête vivandier, venu apaiser les panses le temps d'un siège ! D'une espèce de banneret au rabais, d'un pauvre saoulaud au sang vaguement bleuâtre, à qui l'on fait encore une fleur en daignant l'envoyer en première ligne nourrir les charognards ! J'aurais donné ma vie, Rico, pour un monde auquel je ne dois rien. Assez.) Il marqua une pause, dans ses paroles comme dans ses gestes. Blaquegi pas-mai tre ara. Ni davanç mos fondaments, ni davanç mos pars. Çò que vòli, lo preni. (Je ne cède plus désormais. Ni devant mes principes, ni devant mes pairs. Ce que je veux, je le prends.)
- E qué vòles ? (Et que veux-tu ?)
- Idril. Quelques heures plus tard, l'auberge du Baudet Badin était déserte.

Oglicos de la troisième ennéade du mois de Karfïas estival de la neuvième année du onzième cycle.
Les ombres s'allongeaient sur l'Aduram, et tandis que le monde s'éteignait, ses terreurs s'éveillaient. L'heure était aux monstres, et sous les frondaisons du bois maudit résonnait déjà l'indicible mugissement de quelque créature de légende.
- HUERHERHEEEEERRH !! Pardonnez ma méprise : d'un Halvdan. Ce qui en passant revenait au même. T'AS SÉRIEUSEMENT CAMÉ NOT' VICOMTESSE À L'OPIUM POUR R'TROUVER EIDREN ? HAHAHARH SACRÉ VAVAR !
- Mais bongû pas si fort t'vas attirer des salop'ries ! fulminait ledit Vavar. J'en avais soupé d'ces pécores ysarois, et l'était qu'écuyère dans l'temps. Écuyer. Bref, allez à ton tour : la pire bestiole qu'tu t'sois jamais tapée.
- Hraah.., soupirait le loustic dans un vieux relent vinasseux. Une Gunnlaug.
- Rien qu'au nom ça m'a d'jà pas l'air bien engageant. Ça sort d'où c't'affaire, des Hautes Terres ?
- Pas loin, des Wandres.
- J'suis né dans l'Silgosheim et j'en ai jamais entendu causer.
- Eh pourtant c't'une vraie légende locale ! Sauvage, indomptable, l'est v'nue à bout des chasseurs les plus endurants ! "Mille lances l'ont percée, nulle ne l'a terrassée" qu'on dit dans ces pat'lins. L'plus dang'reux c'est ses griffes. E' t'lacère l'dos d'un coup d'pattes schlaaaAAAK ! Et pis va pas rien oublier d'surveiller ses badigoinces, paraît qu'sa salive venimeuse t'fais pousser d'horrib' bubons partout sur la couenne, ou bien encore qu'elle te happe le bout ni une ni deux pour t'aspirer l'âme !
- Quel bout ?
- Devine, le gouailla-t-on tout badin.
- Ah vieux corniaud c'était rien qu'la putain du village ta Gunnlaug !
- HAHAHARHARHAR !
- Passe-moi donc un bout d'lard au lieux d'raconter tes conn'ries, gourmandait le vieux briscard en secouant du chef, un sourire en coin. Ainsi après s'être fait saigner les petons tout le jour durant sur les cheminons ronceux, nos drilles tuaient-ils le temps avec leurs histoires de jeunesse, en mastiquant quelque salaison racornie le cul vissé sur la racine tortue d'un vieil arbre, pour s'enfiler la nuit venue sous une espèce de tente débraillée couleur chiasse - manifestement délibérée - qui se fondait à merveille dans le bourbier du Malbosc. Ce réseau d'avant-postes camouflés, abandonné par les occhi à la fin de la guerre, avait mine de rien épargné à nos deux zigotos bien des péripéties (et mué de pesantes veillées à lorgner la moindre touffe d'herbe frémissante comme si tout l'ost drow s'y terrait en d'interminables jaspineries dignes d'une pyjama party langecine). À vrai dire, et contre toute attente, nos bougres avaient jusque-là traversé les bois sans trop de frayeurs après une courte étape au fortin désert de la Motteroy, où les attendaient les restes du pactole septmontois - d'une nature autrement plus clinquante que la part amenée au siège d'Amblère -, diligemment exhumés avant de filocher à tout berzingue. C'est qu'un tel abri avait la fâcheuse tendance d'attirer toute la canaille traînaillant dans le coin, de l'aventurier un peu attardé qui se paumait toujours deux bornes après la sortie du bourg à la bande de vrais de vrai : égorgeurs, rapineurs, arseurs et autres chauffeurs d'arpions à la redresse.
Mais trêve de vains détails ! Refaisons donc le trajet dans le bon sens : voilà bientôt deux ennéades que nos vadrouilleurs s'étaient mis à arpenter les traîtres sentes de cette terre torturée, tandis que le gros de la troupe avait filé vers les voies côtières, loin au sud, menant à Naelis ; Altiom et Aarnis devançant de plusieurs jours la colonne en marche pour atteindre l'Aurore au plus tôt. Après le confort tout relatif des routes nordiques, le long des Monts d'Or et en remontant sur Erbay, Halvdan et Ollvar quant à eux avaient décidé de bifurquer à l'orée du mort pays amblérois pour les ruines de Haurse-Porc. D'ici avaient-ils suivi quelque piste oubliée pour joindre la susnommée Motteroy et finalement tailler à travers brousse droit vers la Dross - car c'était là le véritable objet de leur échappée sauvage -, non sans un petit pincement nostalgique en s'y remémorant leur héroïque cavalcade aux côtés des légions naelisiennes.

- T'penses qu'on a une chance ? murmurait un Halvdan allongé de tout son long sous la tente, les mains jointes sur sa bedaine.
- De ? Réussir ou s'en sortir en un seul morceau ?
- Hrm. Ch'pas, n'importe, les deux.
- J't'aurais répondu non les trois dernières fois qu'Tiom nous a pondu une de ses idées débiles. Mais on est t'jours là en fin d'compte. Alors va savoir. À cette réponse le Sanglier des Wandres se tut quelques instants. Et puis reprit de plus belle.
- E'sont d'plus en plus tarées ses idées. Y a moment où ça pass'ra plus. Même pour lui. Ollvar voulut répondre, mais il n'y avait rien à dire. La chose était on ne peut plus vraie, et ils ne pouvaient qu'aller jusqu'au bout ensemble en attendant la dernière mesure.

Calimehtarus de la quatrième ennéade du mois de Karfïas estival de la neuvième année du onzième cycle.
Les quatre cavaliers achevaient leur périple, ensemble, séparés d'un millier de lieues. Halvdan et Ollvar, Aarnis et Altiom, démontaient de concert pour affronter leur dernière épreuve. Séduire et trahir.
- Halv', j'sais qu'ça t'démange déjà, mais tu dégaines pas tant qu'j't'en ai pas expressément donné l'ordre. Ça va s'jouer au poil de fion c't'histoire. Sourire angélique de l'intéressé. Tirant leurs montures par la bride jusqu'au cœur de la bourgade, les ambassadeurs de l'extrême s'étaient déjà attiré les œillades patibulaires de toute la truandaille locale. C'est qu'à la Dross on n'aimait pas trop les nouvelles tronches. C'est aussi et surtout qu'à la Dross on avait une corde et un arbre tout spécialement réservés à notre bon Ollvar depuis son dernier coup fumant. Remontant ce qui se voulait être une avenue principale vers ce qui se voulait être la grand'place, soit respectivement une rue où l'on pouvait passer à plus de deux sans avoir à se grimper dessus et un genre de terre-plein vaseux reconverti en souille à cochon, la fine équipe partit se poster bien au centre, à la vue de tous. Oh voilà longtemps qu'on avait reconnu sa face de fieffé faquin, et toute une meute de badauds s'agglutinait lentement à l'entour, pourtant devant l'audace folle de son retour l'assemblée n'en menait finalement pas large.
- A'ors, tu r'connais des potes à toi ?
- Ent' ceux à qui j'dois encore un d'mi-mois d'salaire, ceux à qui j'ai buté un frérot et ceux à qui j'ai cramé une bicoque hm.. mouep, m'a l'air d'y avoir la bande au grand complet.
- T'es ben sacrément couillu d'te repointer comme ça ! se mit à braire l'un des bougres, histoire de tâter le terrain. Et diablement couillon d'pas avoir am'né tous tes aut' soudards a'c toi !
- Ouais qu'est-ce t'en as fait d'ta bande de nègres ? aboyait un second, qui se sentait pousser des ailes devant le mutisme du pégriot. T'les as laissés en plan quand y z'ont commencé à piger qu'leur solde y z'en verraient jamais la couleur eux non plus ?
- Un esclave n'touche pas d'solde, rétorqua-t-on sèchement.
- Bah tiens ! J'me d'mandais aussi comment t'les étais trimballés si longtemps sans qu'y finissent par t'passer la corde au cou. Ces doux mots, savamment choisis, semblèrent au passage en avoir excité plus d'un dans le troupeau, et les gueulantes funestes se mirent bientôt à fuser.
- C'jamais trop tard pour y r'médier. Une clameur sauvage accompagna la remarque.
- Ma foi, faut bien rend' justice à nos morts, concéda-t-on, feignant presque le regret. Presque. Diable, la sentence avait été bien prompte !
- JUSTICE ! explosa tout soudain Ollvar d'une voix de tonnerre qui tint un instant tous ces remueurs de purin en respect. LA VOILÀ LA JUSTICE D'LA DROSS ? RENDUE PAR CEUX QUI N'ONT LEUR PLACE QU'SUR L'ÉCHAFAUD, PAR CEUX QUI CONDAMNENT LA VICTIME POUR S'LAVER D'LEUR PROPRE CRIME ? L'auditoire avait décroché à échafaud (un mot de trois syllabes faut pas déconner non plus). Comme prévu, donc. Créer la surprise pour momentanément briser l'élan meurtrier de la foule, prendre la masse sanguinaire à contre-pied avant de la retourner à son avantage, vous auraient déblatéré ces vieux croulants de rhétoriciens en se pignolant le cervelet devant leur insondable sapience. Pour notre part, nous nous contenterons d'un prosaïque : il en avait harangué de la foule le loulou, on irait pas lui faire tirer la langue au bout d'une ficelle si facilement ! Crois-pas qu'j'ai oublié ta sale gueule couperosée Gonzague, j't'avais chargé d'creuser les fosses et monter la palissade ouest, t'étais un bon gars. Jamais un pet d'travers, jamais j't'ai entendu chialer qu'le turbin était pas faisable, jamais t'es v'nu nous minauder à l'oreille comme une mich'tonneuse en manque de joncaille qu'la paye était un peu longue à v'nir. L'seul type à peu près honnête de c'trou à merde. Alors j'sais qu'l'idée vient pas d'toi.
- L'idée ?
- Ouais l'idée. On v'nait d'finir l'essartage, les douves, les fossés, la double enceinte, on attaquait à peine l'gros œuvre dans les gal'ries, la Dross commençait tout juste à r'ssembler à que'quechose, à prendre la gueule d'une place-forte à peu près potable. Et PAN ! Tout d'un coup la ville brûle, les carcasses jonchent les rues, les eaux mortes virent au rouge sang et ma troupe s'est envolée. La voilà l'idée. Tout m'accuse, l'coupable parfait, une saloperie d'lascar débarquant d'on sait pas où, qui s'retranche un peu plus chaque jour passant sous couvert d'retaper les vieilles défenses d'c'tas d'planches à moitié pourries qui vous sert d'bercail ! Un occupant, finalement, hm ? Illégitime, bien sûr. Un envahisseur, ni plus ni moins ! Qui décide, par une belle nuit merdique comme on en fait qu'dans vot' palud bourré ras la gueule d'moustiques gros comme mon poing, de fout' le feu dans tous les sens et s'carapater a'c sa bande de surineurs au rabais, la queue ent' les jambes après des ennéades à s'crever la paillasse pour vous fortifier tout l'lopin. Ça t'paraît pas un peu gros, qu'on laisse tout en plan à l'instant même où on touche au but ? Vous nous prenez vraiment pour des gros cons d'nervis finis à la pisse ma parole. Vous pigez pas qu'on nous a sauté su'l'râble au pire moment, le feu aux miches, alors qu'on était encore vulnérables, en essayant d'nous saigner comme des porcs pour piocher dans la trésorerie juste avant qu'on finisse d'remonter la cabane, histoire d'embarquer l'beurre, l'argent du beurre, la crémière et toute sa putain d'boutique au passage ? Et qu'est-ce qu'on était censé faire nous, tend' la gorge bien gentiment en souriant ? Évidemment qu'on vous a bousillé la gueule bande de cons ! Les yeux prêts à lui sortir de la face, cette vieille rouxstar de Varar fit une pause avant de renchaîner : j't'ai dit Gonzague, t'es un type honnête. Un poil trop pour qu'ils t'aient mis dans la confidence. C'est pas ta faute. Ledit Gonzague, légèrement ébranlé dans ses convictions par la diatribe, se devait toutefois de garder la face.
- J'ai clair'ment pas eu les mêmes retours.
- Oh non ? Et d'qui donc y v'naient ces retours ? Ça y était, tout ce jouait là. Un coup au pif. L’esbrouffe ultime, trouver la bonne poire, la victime idéale. Ohoho m'dis pas qu't'es allé cancaner a'c c'pauv' Jalbert, Gonzague, t'es pas godiche à c'point si ? Les traits de l'intéressé s'affaissèrent, il avait tapé en plein dans le mille. Soit, en misant sur l'outre à vinasse officielle du patelin on pouvait difficilement parler de prise de risque, le ladre n'ayant pour seule distraction que de ressortir le moindre commérage - plus vomi qu'articulé - passant le seuil de ses esgourdes à toutes les sauces. Mais eh, il fallait bien commencer quelque part. Pas un jour complet j'l'ai vu à son poste c'vieux pochard, et il avait encore l'culot d'venir m'réclamer sa paye en fin d'journée, la bouteille toujours à la patte et une haleine à t'couper la gueule à quinze pas ! T'fais sérieus'ment confiance à une ruine dans son genre ?
- On s'en torche d'son avis à lui, y en a d'aut' qu'ont tout vu. Comment tes mecs ont bouté l'feu à nos turnes dans la nuit, en s'croyant à l'abri des regards, comment ils ouvraient l'moind' péquin qui croisait leur ch'min, sans un mot, sans une sommation, avant d's'en aller disparaît' dans les marais. Voilà que ça fronçait fort des sourcils et que ça faisait venir la voix du fond de la gorge pour se donner une contenance ! Deuxième carotte.
- Me dis pas.. qu'tu t'es laissé flouer par l'aut' braillard d'service, souffla poussivement Ollvar, la moue d'un père déçu accrochée au museau. À nouveau il jouerait la prudence : la grande gueule du village. Vous l'écoutez encore l'Rouffier et ses contes à pioncer d'bout ? Ça vous a pas suffi la fois où il a fait évacuer tout l'bordel des Gâtines Clapoteuses sous prétexte qu'un myynark était rentré dans la piaule d'une fille, ou celle où il a fait démonter la baraque de c'te pauvre Banuette en jurant qu'elle planquait l'fameux trésor perdu d'la Dross ? On s'échangea quelques œillades mi-figue mi-raisin dans l'assemblée. Un ange passa, le maître de l'Occhio Basso prépara son plus convaincant ton d'orateur : si l'obscure trahison était réellement de mon fait, c'la voudrait dire que je s'rais revenu en sachant pertinemment que rien d'autre n'm'attendait ici que la corde. Et vous m'connaissez assez pour savoir que je n'suis ni stupide ni suicidaire. Ce que j'suis, en revanche, c'est vertueux, encore un mot à coucher dehors avec un billet de logement, mais ceux qui comprenaient faisaient la traduction à leurs petits copains et tout le monde s'y retrouvait à peu près, et magnanime. Bon là par contre fallait se calmer. À votre trahison je n'répondrai que par l'honnêteté : après avoir fortifié votre ville, excavé les antiques galeries naines pour y abriter vos familles, après avoir rasé les mauvais bois assiégeant vos murs, où rodaient mille créatures de cauchemar, après avoir pourchassé le Noiraud de par tout le Folbosc pour finalement le défaire sous les murs d'Amblère, avec l'ost des Marches, je reviens vous offrir ce qui vous est dû. À vrai dire dans ce repaire à poivrots on ne pouvait bien trouver d'hommes de confiance pour appuyer avec une réelle légitimité quelque dire que ce soit, et les accusations, pour peu que le bougre d'en face se révèle un tant soit peu enclin à la rhétorique, se cassaient assez rapidement la margoulette. Ainsi, sans les avoir convaincus, Ollvar avait toutefois instillé un terrible doute en eux. Ne restait qu'à administrer le coup de grâce : sans plus de cérémonie, cet histrion de suderon délia quelques sangles de son canasson, décrocha plusieurs cassettes grelintantes et les balança nonchalamment à même le sol dans un splouartch poisseux. Voici !
- Voici quoi ? refaisait l'autre chafouin après s'être sagement gardé de l'ouvrir durant le monologue enflammé. D'un geste du menton, Ollvar l'enjoignit à ouvrir le coffret.
- Voici la preuve. Et voici la promesse. Car voyez ! ceci n'est qu'un acompte, de pauvres arrhes versées tant pour vous rendre ce que je vous dois, que pour vous donner un aperçu de ce qu'amasserons ceux qui me suivront. Aux regards interloqués de l'auditoire, le Parrain ne répondit qu'un sourire satisfait. C'est qu'il aimait ménager ses effets ce vieux grigou, et une bonne dizaine de secondes plus tard seulement daigna-t-il préciser : mes bons, nous partons en guerre. Et cette guerre promet bien des butins. Je n'suis pas simplement venu honorer mes dettes, je suis venu vous offrir de quoi les rembourser par deux, par six, par vingt fois ! Je suis venu vous offrir la plus abondante terre des hommes sur un plateau d'argent. Je suis venu vous offrir Ydril. Joignez-vous à moi et ses richesses serons vôtres. Reprenant un ton sévère et paternel il ajouta : Gonzague, je t'accepte, mais parmi vous autres je n'choisirai que les plus robustes, les plus aventureux et les plus sanguinaires. Que les corps débiles et les cuistres d'esprit et les doux que meuvent un cœur de femme s'abstiennent ! Eh, il fallait bien créer la convoitise et l'ambition un dernier coup histoire de dûment motiver toute cette fange de basse extrace !
Voilà quelques heures, les deux cavaliers avaient pénétré la cité des voleurs seuls. Ils la quittaient maintenant à la tête de toute une colonne d'hommes en armes, prêts à dévorer le monde. Malgré tout, tordant du tarin en tous les sens sur son bourrin, Halvdan semblait tracassé par quelque nouvelle marotte de son cru.

- Jamais été bien foutu d'compter plus loin qu'mes dix doigts mais on commence pas à êt' à sec ? Tous ces souv'rains qu'tu leur as promis, c'du flan ?
- Hm. Crois-moi s'ils jouent l'rôle qu'Tiom leur a réservé ils auront pas l'occasion d'v'nir nous les réclamer.
- Oh. Voilà un langage qui parlait déjà plus au vieux brigand. Un sourire mauvais commençait à lui étirer la face, sourire que les jours à venir ne feraient qu'agrandir.
¤Fin de la zic¤

Ainsi donc, au même moment, deux autres trublions s'égosillaient devant les immuables battants en chêne de l'Aurore, là bas loin au sud. Ayant écopé, en guise d’interlocuteur, d'un vieux sorçaillon aussi sourd qu'un pot de chambre, les pauvrets avaient depuis longtemps franchi l'étape des courtoisies civilisées de rigueur pour entamer celle du concours d'insultes en bonne et due forme, désespérés de tirer quelque réaction de l'autre ancêtre.
- ARPALIAN !
- MARPAUD !
- RIBLEUR !
- BAISE-CUL !
- AIGLEFIN !
- VIEILLE COUÂNE !
- PÉNAILLON !
- CULVERT !
- QUE L'MAULUBEC TE TROUSSE !
- FOUTREDIEU AARNIS, IL N'ENTENDRA POINT RAISON !
- ET BIEN IL LA SENTIRA PEUT-ÊTRE ! ALLONS DONC LUI ASTICOTER LE GRAS DU FESSARD À LA POINTE DE NOS LAMES !
- ET PRIONS LA DAME DIEU QUE CELUI-CI SOIT MOINS CROÛTÉ D'ESCARRES QUE SES ESGOURDES DE CIRE ! Et tandis que nos deux drôles partaient crapahuter à l'assaut de la muraille sans autre artifice qu'un espèce de vagissement bestial à mi-chemin entre la marmotte et le sanglier (allez donc vous imaginer ça), voilà que se décidait à apparaître le quatrième acteur en scène ! Bougonnant traditionnellement tout ce qu'il savait à la face de notre paire de garagnas, l'antique archimage, décidément incapable d'enseigner quelque leçon de bienséance que ce soit à ses garnements, n’écopa que d'une paire d'yeux pétillants et d'un grand "PAPY !" enfantin. La suite se déroulerait au cœur de la forteresse.
Voilà déjà quelques minutes que l'on devisait et délibérait, passées les embrassades larmoyantes, autour de bons bols de soupe aux oignons, patates, lardons et fourme, où baignaient de gros morceaux de rouelle et quelques tranches de reinette grise, le tout arrosé au vin blanc langecin, saupoudré de cumin et bien poivré ! Le museau trempé jusqu'aux oreilles dans sa potée, Altiom rechignait à préciser la raison de sa venue. Mais pas comme un mioche un peu taquin qui cherchait à enquiquiner son vieux papy ronchon, comme il en avait l'habitude, non. Cette fois-ci il avait honte, il avait peur, il savait son sourire faux et sa requête vile. Et s'il n'avait jamais trahi qui ni quoi que ce soit, de son plus odieux adversaire à la plus pure amitié, il s'apprêtait aujourd'hui à meurtrir ce qui lui était le plus cher au monde. Sa famille.

- Nakor.. Quelque chose resta coincé dans sa gorge. Un dernier bout de lard ou de principe, trop dur à avaler. Nakor j'ai trop tardé. À accepter ce que je suis né pour devenir. À accepter ma charge. Aujourd'hui je ne peux plus reculer, je dois endosser mon rôle et devenir un homme. Je dois aller à la guerre. Attablés autour de leurs gamelles fumantes, le mage renié, le châtelain banni et le comte déchu laissèrent planer un silence, touillant mollement leur bouillon de temps à autre. Et mourir. Altiom n'y voyait pas d'autre issue. N'en voulait pas d'autre, non plus, vraiment. Reprendre sa terre, libérer son peuple, quoi qu'il advienne, et partir, après. C'était une fin. Une bonne fin même. Donner sans avoir le temps de recevoir en retour. Donner son sang et sa vie et son âme pour Ydril. La suite viendrait d'elle-même, sans lui, et peu lui importait. Il n'était qu'un personnage dans l'histoire.
- Mais Nakor avant de partir je dois accomplir une dernière tâche. Je dois être sûr d'une dernière chose qui me tient à cœur, et j'ai besoin de ton aide. Le nez dans ses morceaux d'oignons, il releva brièvement le chef. Je veux sauver mon roy, mon ami. Je veux sauver Glenn. Engloutissant ce qui lui restait de pitance, il mira un instant l'écuelle vidée avant d'enchaîner : un Zurthan dans mes rangs sait de vieilles choses, à propos des morts et leur Royaume. Il sait de vieilles façons, de vieilles magies. Oubliées par les nôtres, mais encore vivaces chez les siens. Il m'a dit être un diogiǯna, une sorte de sage ou de guérisseur, pour le peu que je comprends de sa langue. Altiom tut le véritable sens de ce mot. Sens que le péninsulaire aurait de toute façon peiné à traduire. Homme des assoupis sans nombre, homme des légions qui dorment. En somme un passeur vers l'autre monde, à l'art contre nature, servant la multitude des tourmentés, des accablés, des désespérés incapables d'accepter le trépas d'un proche. Et les servant par de bien sombres voies. Il avait tu ce sens car il savait l'archimage réticent à toute magie sacrilège et, entre la confiance d'un ami et la vie d'un second, il avait choisi quoi sacrifier. Il m'a assuré pouvoir ramener le roy mais.. même chez les siens les anciens savoirs se perdent, les traditions se font ténues, et les chemins qu'il arpente incertains. Il a besoin d'un soutien, d'une aide dans ses rituels pour être sûr de pouvoir les mener à bien. Et pour tenir à distance les périls d'un autre monde guettant les voyageurs qui s'engagent sur ce sentier, retint-il. Alors en un dernier souffle, comme une promesse faite aux Dieux, il acheva : dans les bois d'Aduram déjà j'ai défendu son corps de ma vie, je défendrai sa vie de mon corps désormais, quoi qu'il en coûte. Ramenons le roy, Nakor. Séduire et trahir.

HRP:


Dernière édition par Altiom d'Ydril le Sam 10 Mar 2018 - 17:04, édité 7 fois (Raison : EAURTEAUGRAF + liens zic morts + balises chrono listenonrepeat qui faisaient de la chiasse)
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeJeu 2 Fév 2017 - 20:03

Nakor avait fini par accueillir, après toutes ses péripéties, son cher petit Altiom et un de ses camarades, le fameux Aarnis. Comme à son habitude, il invita les deux compères dans son salon personnel et leur offra à manger et à boire. Après de longues discussions sur tout et rien, des silences étranges et une légère tension mensongère qui faisait tiquer Nakor, Altiom prit enfin la parole. Le vieux magicien avait alors un long verre à vin dans la main et le faisait tournoyer afin d'en exhaler les arômes de bois de santal. Les propos du jeune gourgandin avec qui, les quatre cent coup, ou plus, avaient été menés, devinrent subitement d'un profond sérieux. Cela amusa autant l'archimage que cela l'inquiéta intérieurement. En effet son cher petit-fils d'adoption avait prit presque toutes ces caractéristiques de son grand père chéri : toujours jovial, un brin excessif, presque fou de manière constante. Alors forcément, les très rares instants de philosophie, de sérieux et d'introspection étaient à saisir et enfermer dans un véritable écrin de cristal : fragile, sublime, inquiétant aussi. Et tout comme son homologue, la vieille barbe blanche se fit le sérieux personnifié, d'abord les yeux étrécit en concentration, comme s'il essayait de prévoir ce qui allait se dire, puis les yeux plus grandement ouvert quand il entendit ce qui devenait une litanie.

"Et mourir."

Les yeux presque exorbités, il entonna un puissant :

"Pardon? ... qu'est-ce que ... mais enfin je ... comment peux-tu ... hooooo ..."

Il souffla longuement en reposant son verre si fortement sur la table qu'il le brisa sans même broncher. Il faut dire que le vieillard, à six cent vingt huit ans, avait une poigne de fer forgé!

"Ne sombre pas dans le romanesque Altiom! La guerre, reprendre ses responsabilités, endosser ses responsabilités plutôt ... ça oui, mais partir en ne pensant qu'à la finalité la plus inacceptable ne peut mener qu'au néant! Qu'à l'échec! Je te l'ai déjà dis mille fois, devenir un homme ne consiste pas seulement à prendre des décisions mais surtout à en assumer les conséquences jusqu'au bout."

Un brin énervé d'avoir pu imaginer ne serait-ce que l'espace d'un instant, qu'Altiom allait de toutes les manières, un jour, mourir. Il était bien loin de savoir et de penser qu'en prononçant sa dernière phrase, il ne ferait qu'inviter son jeune petit-fils à aller véritablement jusqu'au bout de son plan. Il espérait lui indiquer qu'une fois le pouvoir repris sur ses terres, il faudrait avoir la force de survivre à cette guerre pour justement, gérer son peuple et assurer la paix et la justice. Mais non, le jeune fougueux allait plutôt attraper ces quelques mots pour se dire qu'il fallait en effet, mener ses petites manigances en faisant complètement fi des avis et des qu'en diras-t-on. Il allait assumer le bougre et le vieux Magistère du Firmament n'en savait rien. Le calme fut forcé de revenir puisque, relevant la tête de sa gamelle, il invoqua l'aide de son gentil grand-père. Nakor repris place dans son fauteuil, l'air faussement sévère et écouta avec attention. Une fois le discours terminé, il n'en fut pas pour son reste en bougonna autant dans sa barbe qu'à voix haute

"Hum ... un diogiǯna, je ne sais même pas ce que c'est! Des vieilles façons de Zurthans, des vieilles magies de guérisseurs ... dans quoi vas-tu encore aller te mettre pour sauver Glenn de son sort. Combien de fois t'ai-je prévenu à propos de la magie. C'est toujours la solution la plus dangereuse à choisir! Il faut être précautionneux avec, respectueux, délicat. Seul un excellent praticien peut se permettre de telles folies ... d'ailleurs quelles sont ces folies qu'il propose? Heinnnnnnn? Et tu crois que je vais te laisser seul affronter des rituels antiques de Zurthan ... et qui donc te prouves que s'en est vraiment un de Zurthan? Un charlatan lamentable oui! Qu'il déraille juste un instant et je lui montrerai ce que c'est que d'être un mage tu m'entennnnnnds!"

Voilà, le vieux fou était sur sa chaise, il n'avait rien vu venir, il s'était juste emporté en finissant par saisir par le col Altiom et en le secouant en faisant des bruits étranges de papy autant gâteau que gateux. Il relâcha sa proie et tomba lamentablement dans le piège.

"Dis moi où et quand jeune gourgandin! Que je puisse me préparer. J'ai malheureusement, et à ton contraire, des responsabilités ici, une grande guilde à faire tourner, des tonnes de documents à remplir, des leçons à donner et des dispositions à prendre avant de pouvoir te rejoindre."

Un léger silence, après tout ce petit discours sur un ton sec qui se voulait autant chafouin que taquin.

"Et n'oublie de dire à ton Zurthan qu'il sera sous le regard très attentif du plus grand sorcier humain de ce monde ... une erreur et ..."

Nakor tapa du poing sur la table. A l'instant même où il fit cela, toutes les bougies de la pièce virent leur flamme s'enfler en une sphère de feu éclatante et ardente qui réchauffa toute la pièce et manqua de brûler tout ce qui s'y trouvait. Les bougies redevinrent ensuite, ce qu'elle était : des petites lueurs qui luttaient dans l'obscurité.
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeJeu 15 Juin 2017 - 20:43

- Tavernier ! Ma choppe est vide, qu’attends tu donc pour me la remplir ? Tu laisserai une pauvre âme comme moi mourir de soif ?

Quelle chance pour Glenn d’avoir trouvé cette taverne. L’établissement était immense et ne manquait pas d’animation tant les clients étaient nombreux. De plus, il avait été accueilli en héros par ces gens qui connaissaient tout de ces faits d’armes. Le tavernier lui même n’en revenait pas de voir le Roi guerrier en personne chez lui et refusait alors de se faire payer. Glenn se retrouva donc debout sur une table, devant une petite assemblée de badauds, paysans sans le sou, marchand de camelote et aventuriers blessés par une flèche au genou. Sur cette table, où il avait été poliment poussé à monter, on le pressait de raconter son histoire, sa vie, sa légende.

- Mes amis, mes amis voyons, vous me demandez ma plus belle victoire ?

A cette question, Glenn hésita. Si la bataille de Ruven ou la prise de Naelis lui vint d’abord en mémoire, il se montra insatisfait. Ses victoires militaires étaient-elles ses plus belles victoires ? Avant qu’il ne puisse y répondre, un groupe de musiciens ydrilottes mît fin au silence posant en jouant une musique endiablée. Les belles danseuses elfes s’agitèrent alors et repartirent de plus belle dans une danse infernale. Pour couronner le tout, la tavernier revient vers avec deux nouvelles chopes pleines de bière maison.

Décidément, Glenn se plaisait ici.Il se mît à penser qu’il ne quitterait cet endroit pour rien au monde. D’ailleurs pourquoi partir, alors que dehors tout était sombre et froid ? Il avait longtemps erré dans le noir avant de trouver cette taverne, petite lueur d’espoir qui l’avait attiré dans le lointain. Il ne saurait dire combien de temps il avait marché vers cette lueur avant de pousser la porte de la taverne. Alors non, Glenn ne se risquerait même pas un seul regard par la fenêtre, tant l’extérieur ne lui manquait pas. Pourtant, une nouvelle lueur était apparu dans le lointain. Cette lueur était celle d’un feu, un grand feu : quelque chose brûlait, des gens criaient. Glenn ne l’entendait pas, alors même qu’il avait ses deux oreilles, tant il était absorbé par la musique ydrilote. L’une des danseuses elfes attirait son regard. Sa chevelure blonde et ses yeux bleus l’avaient séduis.


- Vous m’excuserez chers compagnons mais je crois que j’ai un rendez-vous. Oui, un rendez-vous avec l’amour, alors permettez, je vous raconterai la suite de mes exploits demain.


Glenn se leva maladroitement de table et faillit renverser sa chaise. Il faut croire qu’il avait consommé énormément d’alcool. Il ne remarqua même pas l’arrivée d’un nouveau client dans l’auberge.

Note:
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeJeu 22 Juin 2017 - 19:58

L’homme qui venait d’entrer en toute discrétion était trop richement vêtu pour faire partie des habitués du lieu. Très grand, l’homme avait de longs cheveux noirs qui lui descendaient jusqu’aux épaules. D’un geste délicat, il sortir une bourse bien remplie qu’il soupesa, à l’attention de l’aubergiste. Mais personne ne prêtait attention à sa personne, il n’était pas chez lui. Il lâcha un profond soupir : l’argent n’avait pas cours ici, seul les hauts faits, la gloire militaire comptait. Balayant la pièce du regard, il posa ses yeux malicieux sur Glenn. Ce dernier était en train de danser aux côtés d’une elfe. L’homme avança prudemment et se fraya un chemin jusqu’à lui :

- Eh bien Glenn, tu ne salues donc pas ton Duc ?

Glenn s’arrêta brusquement. Non il ne rêvait pas, Merwyn Séraphin, feu Duc de Serramire se trouvait face à lui et venait de lui parler.
- Duc Merwyn ? Mais qu’est-ce que ça veut dire, vous êtes mort !

Merwyn ne pût s’empêcher de rire :
- Mais dis moi cher Glenn, où te crois tu donc ?

- Mais je suis à… C’est chez moi ici enfin je…


Glenn prit alors conscience que tous ces gens de la taverne, avec qui il avait bu, joué, chanté et même dansé, ils ne les connaissaient pas, il ne les avaient même jamais vu auparavant.

- Tu es aux portes du royaume de Tyra, Glenn ! Aux portes de la mort.

- Non… Ce n’est pas possible, alors je suis… En train de mourir ?

- Oui. Tu es dans le coma Glenn. Tu as résisté à la mort depuis tout ce temps en créant cet endroit, cette taverne, par la force de ton esprit. C’est un chouette endroit, certes, mais ça ne te sauvera pas. Cette taverne et la relative sécurité qu’elle t’apporte ne fais que retarder l’inévitable.

- Mais alors, comment faire ?

- Il faut sortir Glenn.

- Sortir ? Mais c’est impossible, il fais trop froid, je ne tiendrai pas longtemps…

- Pourtant il le faut ! Au loin brûle un village où t’attends une amie commune. Tu dois t’y rendre et affronter tes peurs, sans cela tu ne sortiras jamais du coma. Mais tu n’es pas seul, je suis ici pour t’aider. Même si tu as été mon plus ardent défenseur, ne crois pas que c’est que je me sente redevable envers toi. Disons que je m’ennuie terriblement ici...


Merwyn, en digne représentant de sa lignée, avait toujours témoigné d’une fierté exacerbé. Cela ne l’avait pas empêché d’être un dirigeant juste et très bon avec son armée. C’est lui qui propulsa Glenn au grade de général, en le nommant maître de l’ordre des gardiens de Serramire, la garde personnelle du Duc. Toute sa vie, Glenn Hereon était resté fidèle au souvenir de cet homme qu’il respectait plus que tout. Et dans la mort, voilà que les rôles s’inversaient. Merwyn sortit alors un grand arc et attacha un carquois rempli de flèches à sa taille :


- Tu ferais mieux de t’équiper, dehors, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Tu t’es fais beaucoup d’ennemis pour avoir cette jolie couronne et ils feront tout pour t’empêcher de sortir.

- Tu as raison, mais je suis venu sans arme. Si seulement j’avais encore Typhon, ma hache d’armes, alors personne n’aurait pu nous arrêter.

- Votre majesté ! Pardonnez moi d’écouter ainsi votre conversation mais euh voilà j’ai cru comprendre que vous avez prévu de vous rendre à l’extérieur. Alors voilà, prenez-ça, vous en aurez besoin.


L’aubergiste lui tendit une longue épée.

- Ca fera parfaitement l’affaire ! Adieu aubergiste, adieu compagnons d’un soir ! Il est temps pour moi de continuer mes histoires. Mais ne vous inquiétez pas, je reviendrai… J’espère juste que ça sera le plus tard possible.


Merwyn et Glenn poussèrent alors la porte de la taverne et s’enfoncèrent dans l’obscurité. Le froid les faisaient frissonner et il apparut très vite que leur salut se trouvait dans ce grand feu qui se consumait, dans le lointain… Soudain, feu le Duc de Serramire se mît à rire de nouveau et ses yeux virèrent au rouge, sans que personne ne sache ni pourquoi, ni comment. Alors Glenn ria à son tour.
A Merwyn:


Dernière édition par Glenn Hereon le Lun 26 Juin 2017 - 18:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeSam 24 Juin 2017 - 10:49

Bons tchû d'bons tchû d'innocent ça pétaradait sec ! Cette canaille de nobliau avait encore su choisir les mots justes pour faire grimper papy dans les tours ! C'est qu'après toutes ces années il savait y faire l'animal. Ni une ni deux voilà que le vieux sapajou décollait ses miches du siège d'un bon fulgurant, histoire de te lui agripper l'encolure en l'enguirlandant vertement, et à raison ! Altiom aurait souri. En tout autre lieu, en tout autre temps, il aurait souri. Il aurait eu ce petit rictus espiègle au coin des lèvres, celui qu'il faisait tout pour retenir, chaque fois que l'envie le prenait d'asticoter son vieux sorcier, sans jamais pouvoir résister plus d'une poignée de secondes avant d'éclater d'un rire d'enfant. En tout autre temps. Ce soir il serrait les mâchoires, paupières closes, en attendant que la tempête passe. Mais la tempête, elle s'appelait Nakor foutredieu ! Une dernière mise en garde aux sinistres accents pour la route et SCHBLEUAM ! Deuxième service, la table se remangeait une patate de forain, les chandelles se mettaient à vomir l'équivalent d'un Puy d'Elda en éruption chacune et nos deux acrobates avaient droit à leur brushing express offert par la maison (qui dit-on fut à l'origine de la passion dévorante du blondinet d'Ack pour l'entretien capillaire, lui donnant quelques années plus tard l'idée d'ouvrir le premier salon de coiffure péninsulaire à Diantra). Et sans même sentir la chose arriver, Altiom rit comme il n'avait plus ri depuis Diantra, depuis Aetius. Depuis l'évasion de la Valliance à dos de carpette volante, depuis Valek et son escapade de foldingos vers Kirgan, depuis Celindel et sa rencontre des Grands Esprits finissant en concours d'asperges des Grandes Gueules (et en course dans Thaar, ladite asperge à l'air, pour ceux qui en avaient dans les braies). Depuis Ruven et la peignée mémorable qu'ils avaient foutue à ces salopards du Quatrième Ost ! Et l'espace d'un instant il se rappela ce que c'était de vivre.
- Tu d'vrais lui en remettre un coup par les oreilles, j'suis pas sûr qu'elle ait eu son compte, fit-t-il en lorgnant la table, l'air le plus sérieusement badin du monde accroché à la face. Et ils en resteraient là, sur cette plaisanterie, sentant l'un et l'autre que le vrai dans cette discussion leur échappait, à la seconde près, et qu'ils n'auraient jamais plus d'autre occasion.

Comment en était-il arrivé là ? Oh pas à ce stade de la branlée karmique qu'il se mangeait quotidiennement connerie après connerie, non non, comment en était-il arrivé à bouquiner cette vieille ruine croulante qui lui tenait à peine dans les pattes ? Il avait pourtant bien commencé, calant son fessard au creux d'un bon fauteuil de la grand'bibliothèque du Firmament, histoire de veiller un peu avant le départ dès l'aurore, prêt à enchaîner les classiques, attaquant par l'émérite ouvrage d'un certain Princeps d'un certain Firmament (un vieux camerluche à grandes esgourdes, toujours prompt à l'exhibition, de ses idées comme de ses parties ; idéalement des deux à la fois) traitant de ce que devait - ce qu'aurait dû être - la géopolitique miradelphienne pour s'éviter les guerres fratricides des siècles derniers et à venir, tout en développant sa fameuse théorie du chaos (que nombre d'érudits peinaient encore à cerner en ce jour, probablement distraits par l'avalanche de métaphores graveleuses à vous faire dresser le chapiteau toutes les deux lignes), pour enquiller derrière avec le très célèbre La Cuisine des Mousquetaires, best-seller du XIe Cycle que l'on s'arrachait à travers toute la Péninsule - avant tout pour le passage avec l'anguille -, d'une autre de ses vieilles connaissances qui semblait-il cuistançait toujours dans les entrailles du castel d'Ydril (et avait accessoirement mieux percé que lui dans la sphère littéraire, comme quoi la boustifaille vendait déjà plus que le fion). Et puis voilà que furetant d'allée en allée, au hasard des couloirs et des rares érudits errant encore entre les rayons, au travers des essaims de poussières éclairés d'un rai de lune, il avait fini par tomber sur un coin délaissé de la salle, une alcôve, tout juste entretenue, ses étagères trouées de part en part, ses rares ouvrages rongés de solitude. Et il s'était arrêté. Comme appelé, presque. Au sol trônait quelque recueil, ou traité, ou compendium, lui-même n'aurait pu en juger tant la couverture avait souffert. Et pas tant aux mains moites et maladroites de légions d'apprentis qu'au passage du temps lui-même. Pourtant il l'avait reconnu. Le cuir était bouffé aux mites, terni de crasse agglutinée, accablé d'oubli. Mais il l'avait reconnu. Ses coins cornés n'avaient plus connu les caresses d'une relecture, la douceur d'un doigt suivant ses lignes, d'une voix retraçant ses écrits, depuis tant d'années. Car il ne recelait que des vieux mythes, des histoires, des fabulettes enfantines. On y parlait des âges anciens, ceux d'avant les Cinq, on y évoquait les mille autres panthéons qui les avaient précédés, et dont les Pentiens avaient si bien su effacer la mémoire tout au long des siècles. On y parlait de ces choses qui n'étaient plus. Bah, quel intérêt après tout. Personne ne voulait se rappeler ceux qui avait failli. Qu'il soient hommes ou dieux. Reposant l'ouvrage jadis écrit de sa main, la Cosmologie Caustique des Plaisantes Peuplades d'Outre-Péninsule retrouva sa place, loin des regards. Altiom resta un instant immobile. Était-ce là toute l'étendue de son œuvre, était-ce tout ce que son intellect pouvait créer, son corps accomplir ? Un bête ouvrage, ressassant ce que le monde s'était accordé à oublier voilà des millénaires ! Où ne se lisaient que les radotages, légende après légende, d'un vieillard sénile, incapable de laisser le passé au passé. Rien. Il n'avait rien fait de son temps. Rien compris, rien conquis, rien acquis. Rien que des échecs, des erreurs et des regrets. Aujourd'hui il ne pouvait plus même se rappeler celui qu'il avait été sans sentir cette haine noire, cette envie de ruine le submerger. Et il eut peur tout à coup, seul dans la nuit, il eut peur de ce qu'il allait devenir.

Elenwënas de la quatrième ennéade du mois de Karfïas estival de la neuvième année du onzième cycle.
Reine et archonte se faisaient face. Elle drapée dans la splendeur du passé, d'une grande robe rappelant l'antique noblesse naelisienne ; lui paré de son harnois plain, main au pommeau, comme si la guerre l'attendait au détour du couloir. Ils étaient alliés, avaient été amis peut-être même, rapprochés de péril en péril, de guerre en guerre par les actes fous de l'Ydrilote. Éloignés depuis par les choix de la sylvestre. Car malgré la défense des villages elfiques, malgré Ruven, malgré la subjugation de la Dross et malgré la Marche d'Aduram, elle l'avait abandonné, trahi avant l'heure de gloire. Et s'il avait pardonné, il n'oubliait pas.
- Votre Majesté, lors de notre dernier échange, vous m'avez dit espérer pouvoir un jour remettre les choses en ordre. Vous m'avez dit vouloir prouver que le sort des miens ne vous est pas indifférent. Je viens aujourd'hui vous en offrir la chance. Fidèle à lui-même, le drille avait envoyé valser tout l'habituel merdier protocolaire pour en venir à l'essentiel. Au diable la bienséance sirupeuse et les minauderies de sycophantes écouillés, je parlerai vrai et bref : depuis le sud s'en viennent quatre cents de mes hommes, depuis le nord tout un bataillon drossois ; si votre intérêt rejoint celui des miens, je vous demande droit de passage et d'incolat provisoire en la cité de Naelis, pour moi et ma troupe, le temps que nous réunissions une flotte suffisante pour embarquer vers ma terre et quitter la vôtre. Accordez-moi cette maigre faveur et vous aurez retrouvé toute ma confiance. Ainsi que celle d'Ydril. Un instant pensif, les yeux au sol, sa dextre s'agitant sur son arme, il finit par lâcher un bref soupir. Et, lorsqu'il releva le chef, son masque de dureté avait disparu, ses traits avaient retrouvé cet air espiègle et cette étincelle dans le regard qui lui avaient tant manqué. Ah foutredieu.. à qui j'vais faire croire des couillonnades pareilles. Autant cracher l'morceau d'entrée : j'suis là pour sauver le Roy, Glinaina. Le reste c'est d'la pisse d'âne, du détail. Nakor et moi on a un moyen d'le ram'ner. Un.. genre de rituel. Ça va nous prendre du temps. Des plombes, pour êt' exact. Et y a des chances qu'on y laisse not' couenne. Mais c'est tout c'qui nous reste. C'est tout c'qu'on a. Et on lui doit ça. On lui doit mille fois ça. Voilà c'que j'suis réell'ment v'nu t'demander. Le droit d'aller chercher not' bon vieux Glenn par la peau du cul au find fond du Domaine de Tyra.


Dernière édition par Altiom d'Ydril le Lun 6 Nov 2017 - 23:50, édité 2 fois (Raison : Correction)
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeLun 26 Juin 2017 - 19:02

- Mais merde il fait trop froid là ! Merwyn, tu es fou de m’avoir poussé à sortir. La vie vaut-elle le coup de souffrir autant ?

Glenn grelottait, claquait des dents et souffrait terriblement. Mais il repensa à ce qu’il venait dire et trouva ça idiot.

- Oubli ce que je viens de dire. Bien sûr que la vie vaut la peine d’être vécu merde j’ai des… Qu’est-ce que c’est ?

Une nouvelle lueur apparut, discrète mais très proche. Glenn et Merwyn se tinrent sur leur garde, quelqu’un approchait. C’était un homme encapuchonné, portant une barbe grise. Des petites flammes crépitaient entre ces doigts : c’était un mage.

- Mon Roi. Je vous ai enfin trouvé. Après tout ce temps passé ici à errer, vous voilà enfin. Duc, je vous salue !

- Etias ! Mon mage, mon maître des arcanes ! Cela fait trop longtemps.

Etias était un ancien mage de Serramire qui s’était mis au service de Glenn et avait passé de nombreuses années à chercher les secrets que renfermaient les quelques lieux mystiques de la cité de Naelis, comme la tour ombreuse et la crypte. C’est dans cette dernière d’ailleurs qu’Etias périt, des mains d’une créature oubliée et d’un autre temps.

- Vous avez oubliez ceci. J’ai donné ma vie pour que vous puissiez la trouver, alors mettez là.

Il lui tendit une couronne d’or. La couronne des Draycan, cette même couronne qu’ils avaient trouvé ce jour là, dans la crypte. Glenn la prit immédiatement et la mît sur sa tête. Ce simple objet lui donnait une tel prestance que Merwyn ne put s’empêcher de faire la grimace :

- Pff, crois moi ça n’apporte que le malheur. J’en ai voulu une moi aussi et voilà où j’en suis. Quelle galère ! Continuons nous n’avons pas le temps de nous attarder ici.

Soudain, plusieurs sifflements se firent entendre. C’était un bruit si caractéristique que tout guerrier savait reconnaître. Le bon guerrier lui, en plus de le reconnaître, se couchait immédiatement à terre. L’excellent guerrier lui, attrapait ses compagnons et les poussaient à faire comme lui. C’est ce que fit Glenn. C’était des flèches, tirées par des archers enfouies dans l’obscurité. Le sol était plat et autour d’eux, le vide. Rien ne leur permettait de se mettre à couvert, c’était la fin. Une voix grave, profonde, s’éleva des ténèbres :

- Te voilà à ma merci Glenn ! J’attends ce moment depuis si longtemps. Je ne permettrai jamais que tu puisses partir, que tu puisses la rejoindre ! Non tu resteras avec moi et tu vas payer pour tout ce que tu m’as fait.

Glenn n’eut aucun mal à reconnaître par cette voix le chef mercenaire Casèr Gloral. Il repensa alors aux paroles de Merwyn «  Tu t’es fais beaucoup d’ennemis pour avoir cette jolie couronne et ils feront tout pour t’empêcher de sortir ». Des ennemis, Glenn en avaient eu de toute sortes. Mais parmi les morts, l’ambitieux et illuminé Casèr Gloral était l’un des plus terribles.

- Tu es pitoyable ainsi allongé. Crois tu vraiment que c’est ça qui ta sauvé des flèches de mes bûcherons ? Ils ne te visaient même pas ! Relève toi, je veux pouvoir faire face à mon rival.

Glenn se releva prudemment. Son rival l’attendait, marteau de guerre à la main. Lors de leur première rencontre, tous les deux étaient chef d’une compagnie de mercenaires. Ils avaient même collaborés et travaillés ensemble pour le compte de Merval. Mais on rencontre toute sorte d’individus dans le mercenariat. Les deux hommes étaient trop différents, l’un tenait plus du soldat et l’autre du pillard. Leur histoire commune aurait pu s’arrêter là mais en se séparant, Glenn emporta avec lui l’elfe Glinaina, auparavant prisonnière de Casèr.


- Tu en as toujours rêvé de ce duel, Casèr. Un duel pour une femme.

- Non tu te trompes ! C’est un combat pour l’amour que je porte pour Glinaina. Qu’as tu fais pour elle, dis moi ? Tu l’as abandonné en partant pour une guerre qui ne te regardait pas. Et maintenant te voilà, à errer dans le royaume des morts ! Tu lui a laissé un royaume à gouverner et deux enfants à éduquer, bravo, tu peux être fier de toi.

- C’est toi qui me parle d’amour ? Toi qui l’a fais prisonnière puis violentée ? COMMENT OSES-TU ?


C’en était trop pour Glenn. Il leva son arme et s’élança au devant de son adversaire.
A Etias:

A Casoair:
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeMar 27 Juin 2017 - 12:38

Assise sur le trône de mon mari - bien que depuis le temps, tout le monde avait tendance à considérer qu'il était désormais le mien - je regardais, le visage ferme et des plus sérieux, celui qui se présentait à moi. Une doléance ? Non... même si sa venue concernait effectivement une demande. Pour tout dire, celui qui me parlait à l'instant même selon la bienséance humaine était une connaissance, un ami de la famille désormais. Altiom d'Ydril... et dire que nos derniers échanges n'avaient pas été sous les meilleurs auspices...

Alors qu'il regardait le sol, tâtant de sa main le pommeau de son arme, je ne bougeais pas d'un pouce. Qu'il termine de dire ce qu'il avait à l'esprit et seulement après je lui répondrai. Mon intuition fut la bonne : l'archonte posa à nouveau les yeux sur moi et reprit avec un tout autre discours, changeant autant de type de langage que de sujet de venue. Là je retrouvais ce sacripan. Cet homme eut le don de m'arracher un fin sourire. Ainsi donc il était venu pour la guerre, certes mais surtout pour Glenn ? Pour tenter de le ramener des fleuves de Tari au moyen de la magie ? Je sentis Ust'kor s'étrangler en moi, râler même. Mais ce n'était pas le moment de jouer au changement de personnalité. Je me permis d'ailleurs de faire remarquer à mon double que ce serait par-là même l'occasion pour nous deux de revoir Nakor... et pour moi de tenir la promesse ue je lui avais faite à peine quelques jours auparavant.

"Vous êtes le bienvenu en ces terres, Archonte Altiom d'Ydril. Je me souviens très bien avoir écrit ces mots que vous avez cités et c'est en cet honneur que j'accède à votre requête en vous accordant droit de passage et d'incolat."

Alors je me levais, mettant comme toujours en application ce que le Protecteur Adantar m'avait appris - ou comment une elfe devait se tenir et se comporter lorsqu'elle se trouvait être une représentante politique -, et m'avançais jusqu'à l'humain. Alors mon sourire se fit plus prononcé, bien que mes lèvres restèrent fermées et qu'une pointe de tristesse apparaissait. Mes doigts fins vinrent cueillir le menton de l'ydilote dans un geste presque maternel, faisant que nos regards se croisaient.

"Tu sais que tu seras toujours le bienvenu dans cette cité, Altiom. Ne serait-ce que pour l'amitié que te porte Glenn. Et si je comprends cette envie que tu as de ramener Glenn... que je partage pleinement... tu sais que je ne suis pas des plus favorables à la magie. Que comptes-tu faire avec Nakor, exactement ?"

Retrouver Glenn ? C'était un rêve éveillé, une joie que je gardais au fond de mois depuis plus d'un an. Mais j'avais peur de ce qu'il venait de dire... pour avoir plusieurs fois eu affaire à la magie, je la redoutais plus que tout et savais qu'à toute entreprise pouvait se trouver un effet secondaire tout à fait indésirable. Alors s'il s'agissait de reprendre mon mari à Tari ?
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeVen 30 Juin 2017 - 19:39



Casoair para avec habilité le coup porté par son adversaire. Mais Glenn conservait l’initiative et continuait de frapper avec fureur sur Casoair. Acculé, ce dernier n’eut d’autre choix que de se retirer brusquement par un bond sur le côté. Puis il frappa à son tour, avec toute la puissance de son marteau :

- Je vais oser, de la même façon que ce marteau t’écrase tous tes os et que mes hommes danseront sur ton cadavre, risible capot, roi auto proclamé d'une terre qui m'aurait juré allégeance si j'avais eu plus de temps…

Légèrement touché sur son flanc, Glenn tituba. Mais il se ressaisit et para proprement le deuxième coup avec le plat de sa lame. Sans attendre, il profita de son allonge pour adresser un formidable coup de pied dans le tibia de Casoair, qui chancela et relâcha son emprise sur son marteau. D’un revers, Glenn le désarma et lui adressa un autre coup de pied qui le mît à terre :

- Il est temps pour toi de mourir… Une deuxième fois.

- Glenn, emporte avec toi mon ultime pardon. Je vous ai causé du tort, mais même ici, mon cœur brûle encore de cette passion qui m'a animé. Dis lui que je ne souhaitais pas rejoindre les ténèbres sans la revoir encore, dis lui que je suis désolé... Adieu, compagnon, fidèle bras droit... Roi de Naelis.


Alors, le chef mercenaire disparut comme il avait apparut, par un coup de vent sombre et glaçant. Et ses archers, ses bûcherons barbus, firent de même.

- Tu avais un autre destin Casoair, mais tu n’as pas voulu le saisir. Qui sait ce qui ce serait passé si tu n’avais pas participé à cette folle entreprise en Missède ? Glinaina serait peut être toujours avec toi. Adieu Casoair, nous nous retrouverons… Mais pas tout de suite !


Glenn fut fortement secoué par cette rencontre. En plus de l’émotion causé par ses retrouvailles avec un hommes mort depuis 4 ans, la douleur du marteau était bien réelle. Mais il fallait continuer. Le chemin qu’empruntait nos trois compagnons arrivait à un croisement. La route de gauche s’enfonçait dans la montagne et menait droit au village qui continuait de brûler. A contrario, celle de droit descendait vers un plateau plat et grisant. Quand ils furent assez près, ils virent que le plateau était occupé par une vaste troupes d’hommes en armes. Ces soldats portaient haut et fier leur couleur : le lys d’or.

- Voilà de nouveaux ennuies. Les hommes du Roi ! Soupira Merwyn.

Aussitôt, les soldats les repérèrent :

- Ils sont là ! A l’assaut mes braves, MORTS AUX TRAITRES !

Les soldats du lys d’or crièrent d’une même ferveur avant de s’élancer au devant de nos compagnons. Ne perdant pas de temps, Merwyn bandait déjà son arc et commençait à arroser ses ennemis de flèches. En arrière, Etias se concentrait et préparait ses sortilèges. Mais les soldats étaient très nombreux et il était illusoire de penser qu’ils s’en sortiraient à trois. C'est alors qu'un hennissement se fit entendre. Derrière eux avançait un cavalier, au pas. Le cavalier portait une lourde armure de plates. Son visage à découvert laissait entrevoir de longs cheveux bruns qui lui descendaient jusqu’aux épaules.

- Vous voilà dans une situation des plus délicate. Sieur Glenn décidément, si je ne suis pas votre ange gardien, que suis-je alors ? Courez, ne vous arrêtez pas ! Je m’en vais retenir ces marauds, moi le seul, l’unique, le grand, Anseric de la Rochepont, Comte d’Arétria ! Aya chargez !!!


Le cavalier chargea, épée au clair, droit sur la masse de troupiers qui lui faisait face. Etias saisit le bras de Glenn.

- Mon Roi, c’est notre chance, allons y pendant que ces braves les retiennent !

- Et les abandonner ? Je veux me battre à leurs côtés, j’ai toujours une dette envers le Comte.

- Eux ils ne craignent rien ici, ils sont déjà morts. Mais vous, non ! Alors suivez-moi.


A contre coeur, Glenn suivit Etias dans son ascension de la montagne. Derrière eux, Anseric et Merwyn se battaient comme des diables, l’un renversant ses ennemis avec élégance, l’autre les frappant avec une précision mortelle. Au bout d’une dizaine de minutes de course, Glenn et Etias arrivèrent à une petite clairière. Un homme, de grande taille leur faisait face. Si Glenn n’avait pourtant jamais vu cet homme, il le connaissait et n’eut aucun mal à le reconnaître tant la couronne d’or et ses yeux blancs, absents, étaient éloquents.

- Les hommes n’ont qu’un seul Roi. Alors dis-moi, que fais tu avec cette couronne, lui demanda Trystan d’Erac.

- Ton Royaume a sombré Trystan. Plus personne ne reconnaît son autorité. Les grandes familles ont pris le pouvoir, c’est pourquoi j’ai échoué en Ithri’Vaan où je suis Roi d’un jeune royaume mais un royaume juste. Juste et libre !

- Crois moi, cela a toujours été mon idéal. Mais obtenir une couronne est une chose et la porter en est une autre. L'unité a toujours été mon but et pourtant tu vois où j'en suis. Je regrette juste de... ma famille n'aurait pas du connaître le même sort que moi. Ma fille, mon fils, auraient du vivre. As tu des enfants ?

- Oui, j'ai moi même des faux jumeaux. Mais mon Royaume n'est pas plus stable que l'était le tien et leur avenir sera sombre.

- Alors prépare les. Tu es Roi mais tu es aussi un père. Prépare les car il faut qu'ils…


Trystan ne put terminer sa phrase. La lame d’un long poignard s’enfonçait dans son corps, juste entre ses poumons…
A Anseric:
A Trystan:
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeVen 21 Juil 2017 - 0:59

Et pendant ce temps, pas farouche, voilà que l'autre frangine venait carrément nous titiller l'archontal menton du bout des doigts ! Un sourcil en l'air et un rictus en coin, l'arsouille de service ne manqua pas d'agrémenter l'attention d'un taquin "sauf votre respect ma Reine, j'suis hélas réservé à ma gueuse", avant de se forcer à un poil plus de sérieux.
- Que comptes-tu faire avec Nakor, exactement ?
- Me d'mande pas d'te pondre une thèse sur toutes ces simagrées d'sorçaillons levantins Glin, j'suis déjà pas foutu d'cerner c'que j'fais avec ma propre magie. (Sans grand succès à l'évidence). Mais rien d'dang'reux pour ton bonhomme, ça j'peux t'le jurer sur ma vie. L'seul qui risque d'ramasser dans l'histoire, c'est son loyal et dévoué serviteur, rassura-t-il avec un grand sourire en se pointant du pouce. L'air un peu plus grave, il reprit : Glinaina, je dois le voir. J'ai.. Sa mâchoire se crispa dans un spasme. J'ai cette image de lui, ce souvenir qui ne me quitte plus. Après sa chute. Ses derniers hommes et moi, autour de son corps. Gisant dans son sang, face dans la fange. Et ses yeux grands ouverts.. morts et sans lumière. Il faut que je le voie respirer Glinaina. Accédant à sa requête, on lui assigna alors une escorte et il put se retirer. Mais pas sans un dernier geste idiot. Comme toujours, sa raison se tut pour laisser parler son cœur, elle qui n'avait de toute façon plus grand sens en ces moments-là, et Altiom enserra la reine de ses bras.
- Je te le ramènerai, fit-il à ses oreilles, comme un serment. Il relâcha son étreinte, posant les mains sur ses épaules, avant de quitter l'endroit, le regard bas mais la tête haute. Et puis, tandis qu'il passait les grands battants de chêne de la salle du trône, son sourire l'abandonna et ses iris perdirent leur éclat, ses traits se raidirent à nouveau. Et c'était à se demander quelle face lui servait réellement de masque. Lui-même n'en savait plus rien à vrai dire.

Oëstkjǫrd déclinait. Derrière ses murs blanchis et creusés par le temps, par-delà ses jardins en friche, sa demeure était vide, son âtre éteint. Blafard et décharné, rongé de barbe et enseveli sous de lourdes couvertures, le vrai Oëstkjǫrd, le vrai fort protecteur de Naelis, celui de chair, celui de sang, s'écroulait. L'âme du Roy s'en était allée, il n'était plus de feu en lui, plus qu'une gangue sans vie que gagnait lentement la ruine. Pourtant, loin dans les limbes le souverain livrait encore bataille, et lorsque les vivants viendraient l'en délivrer, il serait prêt. Ses adieux faits, ses vieux démons pourfendus, l'homme qu'il fut aurait à jamais disparu pour laisser place au conquérant qu'il deviendrait.
- Mon frère garde espoir, car me voici venir. La mort n'a su me séduire, et il n'est plus de frontière que je craigne braver. Les Portes de Tari ne sauront me contenir, ses chaînes tomberont, ses battants cèderont devant moi, ses hordes damnées s'écarteront de ma route, je foulerai son domaine et le soumettrai à mon ire. De sa dextre l'archonte agenouillé empoigna celle du roy. Je ne suis plus loin Glenn. Entends les cors annoncer ma venue dans les landes désolées ! Entends les cieux gronder comme tes légions grondent de te savoir terrassé ! Entends-les implorer ton retour, désespérer de te voir prendre leur tête à nouveau, de te voir les mener à la conquête de notre monde ! Entends le vent des siècles se lever sur notre futur, sens-le nous porter vers la grandeur, nous élever jusqu'aux héros sans âge et leur héritage éternel ; vois-le balayer les osts, les ducs, les princes, les roys, tous ces fous qui se dresseront sur notre chemin ! Vois tout ce qu'il nous reste à accomplir encore ! Ensemble nous ferons trembler les hommes et plier les Dieux, Glenn ! Garde espoir mon frère, me voici venir. Voix et mains tremblantes, Altiom se releva pour se pencher sur son ami, lui baisa le front, et sans plus un mot tourna les talons. Ses derniers doutes l'avaient quitté, il irait jusqu'au bout pour le Roy, jusqu'à l'ultime sacrifice.

Mois de Karfïas estival de la neuvième année du onzième cycle.
Quelque chose avait changé. À voir ce grand camp bigarré prendre racine au pied de la cité de Naelis, à voir la vieille chimère ressortie des eaux pour dominer du haut des étendards cette mer de trefs, de reîtres et de passions vengeresses, à la voir s'animer, de sable et d'or, sous la brise de la tempête naissante, le fils d'Ydril pouvait le sentir. L'Hydre s'éveillait, en lui comme en ses hommes. Leur longue marche touchait à sa fin, elle ne les mènerait plus à la leur. Sa vaste troupe était assemblée, ses capitaines réunis, ses ordres donnés. L'Occhio Basso devait pour l'heure recontacter quelques anciens loyalistes, vétérans de Ruven et féaux parmi les féaux, épargnés dans la paix du Roy mais déchus dans la colère du Dragon. L'Ydril serait prête. À d'autres, on avait confié la fastidieuse - quoique plutôt plaisante - tâche d'écumer ports et tavernes du Grand Levant à la recherche de ce bon vieux Gildebert et toute sa menue truandaille d'outre-mer.
Mais surtout l'on avait entamé les préparatifs au rituel. Pour l'heure notre guenaud psalmodiait ses guenauderies et s'affairait à religieusement empuantir les appartements royaux (la literie était déjà condamnée au-delà de tout salut, bonne à foutre au feu oui !) par tout un tas de procédés menaçant tant de vous voir dégobiller vos trois derniers gueuletons que de tout bonnement vous pétarader à la tronche, le tout à grands renforts de fumerolles fuligineuses et autres résidus putréfiant - vaguement assimilables au règne animal - passés par à peu près toutes les couleurs de la création. Bientôt les chants obscurs et inévitables transes mystiques s'ajouteraient au tableau, puis viendraient les danses sauvages, les masques inhumains et les tambours gravés de glyphes profanes, frappés dans des rythmes toujours plus étranges et dissonants à l'oreille péninsulaire. De vieilles incantations, en une langue oubliée des Zurthans mêmes, résonneraient tout à coup en échos au cœur des couloirs, infectant l'air de leurs accords contre-nature, à toute heure du jour et de la nuit. Certains déjà éviteraient l'endroit, quitte à se farcir deux colimaçons supplémentaires en le contournant sur tout un étage, et nul ne s'y aventurerait plus sans se signer de la croix pentienne à chaque pas. On n'oserait à peine porter de quoi se sustenter au diogiǯna et ses acolytes peinturlurés. Évidemment il y aurait quelques incidents, le rituel montant en puissance et le choc des cultures aidant. Voilà qu'un soir, tandis qu'on finirait de sonner les vêpres, une espèce d'affolée de service débaroulerait en vagissant à la sorcerie, aux démons et à la fin du royaume dans la chapelle d'Oëstkjǫrd, à moitié en train de se compisser devant tous les sang bleu de l'endroit ! Filant droit à travers la nef, accablée d'œillades et d'un silence de mort jusqu'au pied de l'autel, pour y réclamer grâce aux Cinq, prostrée et en pleurs. Une souillon censée porter la potée du soir aux quimboiseurs levantins, apprendrait-on bien vite, et qui serait tombée dans la chambre royale sur quelque impensable sacrifice. Et quoi, n'avait-elle jamais égorgé un trio de volailles dans les cuisines pour la tambouille du soir ? Et bu leur sang à même leur cou étêté ? Et tracé avec les dernières gouttes quelques symboles impies sur le torse de son roy comateux, pour en dévorer les carcasses dans une litanie de mantras fous, prise de convulsions frénétiques ? Diable, ces Naelisiennes tenaient finalement plus de la pucelle effarouchée que de ces féroces femelles du Haut Nord qu'on se fantasmait dans les cités suderonnes.
Les neuvaines passèrent sur le royaume, au gré des nouvelles défections parmi la valetaille terrorisée. Le camp prenait lentement allure de faubourg, ses étals et ses bordels, alors de toiles et de rumeurs, se muaient en cahutes de planches branlantes. Et tout doucement on initiait les Drossois aux joies de la discipline (et des salades de phalanges dans les gencives, quand par malheur leurs incessantes grognonneries dépassaient le seuil de tolérance sonore d'un Halvdan encore fourbu de sa dernière cuitasse). Avec Favriüs vinrent les célébrations du Dieu Honni en la capitale, déchu lui aussi dans le cœur des Péninsulaire et ne trouvant grâce qu'en ces lointaines terres. Altiom se surprit à éprouver quelque sympathie pour le bougre. Mortel ou non, il fallait croire qu'ils restaient tributaires du jugement de leurs pairs. Et si le dieu était ainsi semblable à l'homme, était-ce lui qui tenait de l'humain, ou l'humain du divin ? Entre deux godets de cervoise parfumée d'un gruit drossois dont on ne voulait pour rien au monde apprendre la composition, les réflexions avinées du drille l'emportaient vers de bien dangereuses considérations. Qu'étaient les Cinq sinon des enfants auxquels on avait donné trop de pouvoir, trop d'importance, trop de crédit ? N'étaient-ils pas soumis aux mêmes désirs de conquêtes, aux mêmes besoins de dominer, n'étaient-ils pas empêtrés dans les mêmes querelles puériles qu'un cadet jalousant son aîné, sujets à la même douleur qu'un cœur épris d'un amour sans retour, la même colère qu'un amant rejeté, n'étaient-ils pas esclaves des mêmes passions, des mêmes pulsions que le dernier des mortels ? De quoi pouvaient-ils se prétendre maîtres s'ils ne pouvaient l'être d'eux-mêmes ? Des symboles vides, des idéaux faux. Des usurpateurs. Sortant tout soudain de sa torpeur, les pattes sur les épaules de ses camerluches déambulant de droite et de gauche dans les entrailles de la cité enflammée, le fils d'Ydril leva haut sa pinte et clama bien fort :
AUX CENT DIABLES CETTE BITE MOLLE D'ARCAM ET TOUS LES SIENS, VIVE NAELIS, VIVE LE ROY !! À L'ÂGE DES HOMMES ET À LA CHUTE DES DIEUX !! La vinasse faisant son office, on se mit à scander tout autour la formule sacrilège, comme pris d'une rage euphorique envers l'ordre du monde. Le soir mourut dans les braillées enfiévrées et les tonnelets éventrés.

Tariho de la deuxième ennéade du mois de Favriüs automnal de la neuvième année du onzième cycle.
Il soufflait en cette nuit un drôle de vent sur Naelis. Une bise froide et humide qui ne connaissait point d'entrave, qui se glissait sous les huis, entre les pierres, glaçait le sang et les os. Qui semblait venir de la terre, porter ses murmures, s'échapper du creux du monde comme un râle sépulcral.
Les vents coulis s'étaient fait maîtres des entrailles désertes de la citadelle d'Oëstkjǫrd. On n'y voyait plus une âme, plus une lueur ; deux ou trois valetons téméraires arpentaient encore ses dédales ombreux, voletant de torchère en torchère, se démenant pour les rallumer plus vite qu'elles ne s'éteignaient. Mais un malin courant d'air avait tôt fait d'étouffer les frêles flammèches, et la grande forteresse se voyait plongée dans un autre monde. Toute la cité à vrai dire semblait avoir basculé. Jamais l'on avait vu ciel aussi étrange, paré de constellations inconnues, d'astres incertains qui semblaient paraître et disparaître à leur gré, de grandes sphères évanescentes, sanguines, blêmes ou d'une noirceur inconcevable. Nos sens nous trahissaient. On voyait ce qui ne pouvait être vu, rêvait une ombre du coin de l’œil, une grande silhouette penchée sur notre épaule, pour n'y rien trouver en nous retournant. On oubliait la couleur naturelle des choses, tout semblait avoir revêtu une teinte terne et lointaine, comme couvert d'un lourd linceul. Les yeux comme les doigts ne touchaient plus au réel, tout se dérobait sous notre paume. Et il s'élevait par-delà l'horizon de longues et languissantes plaintes, grotesques et pathétiques, mais plus épouvantables que tous les hurlements de loups et les mugissements de kerkands qui aient jamais déchiré la nuit. Des profondeurs ils appelaient. Tous se terraient dans le silence, portes closes, âtres morts. On attendait les choses qui s'en venaient dans l'obscurité, nos prières fébriles comme ultimes remparts, nos croix pentiennes tremblantes et nos chapelets moites de sueur comme ultimes glaives.
Quelque chose glissa sous les lunes, vomie par les ombres, vers la grande citadelle. Ça et là, d'une venelle oubliée, d'un taudis branlant, d'une maison de passe forcée, elle s'assembla en une lente procession. Elle chancela, tangua, rampa dans les larmes et les gémissements étouffés, à l'assaut des avenues abandonnées. Grimpa poussivement les pentes aux pavés luisant sous l'éclat mauvais des astres d'ailleurs, approcha comme une sourde menace, indifférente au temps, aux hommes, aux obstacles dressés sur sa route. Corps de garde vacant, herse levée, battants ouverts, elle s'invita en la forteresse sans qu'on l'y vît entrer. Ses soupirs envahirent ses tréfonds, remontèrent en ses tours, pour s'en aller mourir dans l'air du soir. Et puis elle pénétra la chambre du Roy.
Ici régnaient les terreurs. Pas un pan de mur, pas une étoffe, pas une dalle n'étaient épargnés. Glyphes et symboles, gravés dans la sueur et tracés dans le sang, de burins et de surins, avaient arraché ces murs au monde. Les boucs pourfendus, éventrés du chef au fondement, pendus par les pattes à quelques cordelles et ficelles, corps à l'envers, têtes vers l'enfer, déversaient d'abjectes viscères et révélaient leurs vérités cachées. Le nègre du Levant plongé dans sa transe lisait en eux comme l'érudit de Péninsule perché dans sa tour lisait en ses volumina. Et les morts lui parlaient. Cette nuit avait été désignée. Les frontières du Domaine Interdit, érodées par des mois d'un siège ininterrompu, n'avaient jamais été aussi ténues qu'en cet instant. Prêtes à céder, elles n'attendaient plus que le dernier assaut. Les sombres silhouettes fraîchement arrivées tombèrent leurs capuchons, révélant un plus noir faciès encore. Des Zurthans du déchu, menant du bout de leurs lames du malingreux, de la gouape, du goussepin et de la putain qu'on était allé piocher dans ce membre gangréné qu'était le quartier du Voile. Altiom à leur tête. Mais dans les rangs de la coterie on ne discernait point les yeux de pierre d'Alaric et leur intensité contenue, la face de sanglier de ce bon vieux Halvdan, l'étincelle bleutée du regard d'Aarnis ou la barbe frémissante d'un Ollvar furibard. Nakor seul avait été prévenu voilà peu, et devait déjà être en route. Ses capitaines, ses éternels compagnons, il les avait trahis eux aussi. Laissés dans l'ignorance de ses menées, des damnations qui prendraient place en ces lieux. Il avait craint qu'ils ne le retiennent, qu'ils refusent l'évidence, la seule solution. Il avait trahi pour ne pas être trahi. Il n'était pas de sacrifice assez grand pour sauver un roy ! Ne pouvaient-ils le comprendre ? Ou le pouvaient-ils. Et peut-être l'auraient-ils suivi. Alors, c'était lui qui leur avait failli. Assez ! Il était trop tard pour les regrets, trop tard pour les remords, il était allé jusque-là alors qu'il achève ce qu'il avait commencé, qu'il cesse de douter, qu'il cesse de fuir une bonne fois !

- Qu'on en finisse. Les chants et les prières s'intensifièrent tout autour. On rassembla les pauvres bougres, quatre élus pour quatre dieux que l'on bafouerai, avant et devant Tyra. Pour Kiria une mère brehaigne, pour Othar un nervi aviné bouffé par la couperose, pour Arcam un giton poudré qui se rêvait trouvère, hélas plus habitué à pousser des gémissements que la chansonnette, pour Néera une putain défraîchie à la langue coupée. On disposa tout ce beau monde en croix, l'archonte au centre, puis l'on dessina au charbon, à chacun, son symbole sur le front. De grandes pattes basanées sur les épaules, une pointe entre les côtes, la gueusaille rédima promptement sur la chouinasserie, comprenant qu'on s’apprêtait à trancher leur sort. Et leurs gosiers, quoiqu'un poil trop tardivement. L'humeur gicla ça et là sur quelques pouces, tantôt noirâtre, tantôt carmin, tantôt fluide, tantôt visqueuse. On eut bien à supporter une piaulée d'agonie ou deux, mais rien de tout à fait indécent, et nos convives eurent la bonhomie d'éviter la surenchère dramatique avant de gargouiller leur dernier soupir.
- Imerado theonguna dieiu prrosil asseei amala (Au jour des dieux morts l'affront lavé dans le sang.), se mit à réciter le noiraud. Ila tolgol. Ila ettilna monei. Ilate kolgul galleiu dioika adelpoguna. (Vienne la dernière. Vienne la sœur esseulée. Viennent les enfers ouverts au tueur des frères.) On présenta alors à Altiom une dague et une fiasque de casse-pattes.
- Pour courage, tenta l'un des braves du désert en parler de Péninsule. Mais l'archonte n'en pouvait plus d'attendre. Il refusa du chef et tendit son poignet. D'un geste, on lui ouvrit les veines, ainsi qu'au roy. On recueillit un peu du vermeil ichor dans deux petits bols en bois. On amena des fers chauffés à blanc, on les plaqua sur les plaies. Il n'y eut qu'un hurlement retenu et le chuintement des chairs brûlées. Puis l'on échangea les coupelles pour les porter aux lèvres du suderon et du souverain. Chacun but le sang de l'autre, et c'en fut fait. Le rituel enfin put s'accomplir.
- Uwopesskguka sundeiu oesidal diera doroml tarapokalipt. Iskitla mendredeiu terdiesǯiso doromgul kosmgulo mentelo tersinnto. (Aux deux âmes liées par mortelle essence la voie se dévoile. En landes jamais foulées se croisent les routes où mondes sans fin s'encontrent.) On agenouilla l'Ydrilote, doucement on lui prit l'arrière de la tête, doucement on la lui approcha d'une cuvelle d'eau miroitante.
- Assauel aioiguk. (Crainte soit aux éternels.)
- Epe sooigul na-teruleftee. (Car les vivants s'en délivrent.)
- Ngo terassauei mendieigul. (Et tremblent les immortels.)
- Epe sooigul terki. (Car les vivants s'en viennent.) On immergea son visage, une ferme poigne l'y maintenant de longs instants.
- Nfne err-gargul ngo sookk Apssola. (Quitte nos rives et bascule dans l'Abîme.) Altiom sombra.

La Porte était brisée. La grande arche obsidienne vacillait, ses battants d'ébène jetés à bas. Ornée de colosses pleurants, de corps décharnés, enchaînés, de gargouilles figées, comme tant de gardiens et démons prêts à fondre sur l'intrus, elle dominait seule cet horizon de néant. Aussi haute qu'une montagne. Pourtant elle avait cédé. Nu, Altiom s'avançait dans les abysses. À ses pieds de la cendre, dans les cieux ses yeux. Où il ne voyait nul astre, nulle couleur. Tout ici lui était obscur. Il avait franchi la dernière frontière. Aujourd'hui les vivants foulaient la terre des morts.
- Garde espoir mon frère, me voici venir.


Dernière édition par Altiom d'Ydril le Lun 6 Nov 2017 - 23:33, édité 6 fois (Raison : Corrections + EAURTEAUGRAF + balises chrono listenonrepeat qui faisaient de la chiasse)
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Glenn Hereon
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeDim 30 Juil 2017 - 17:42



Trystan d’Erac s’effondra. Son corps s’évapora dans une fumée noire avant qu’il ne touche le sol. Il dévoila alors son meurtrier, l’usurpateur et traître Aetius d’Ivrey. Ce dernier souriait tandis qu’il essuyait le sang à peine frais de son poignard.

- Je ne m’en lasserai jamais. »

C’est à cette même scène qu’avait du assister l’archimage Nakor. Il avait été impuissant, comme l’avait été Glenn à l’instant. Mais s’il avait pu changer le cours des choses, l’aurait-il fait ? Peut-être pas. L’un et l’autre avait été son ennemi… Et ils avaient sombrés tout deux. Il n’était pas question que Glenn sombre à son tour. Après tout, n’était-il pas le dernier Roi humain digne de ce nom ? Glenn s’avança et défia l’Ivrey du regard.

- Sais tu te battre autrement que par la tromperie le bâtard ?

- Tiens donc, voilà que le centaure aboie. Tu tiens plus du chien que du cheval, aussi servile et aussi… Insignifiant. T’es tu déjà demandé quel intérêt avait ton existence ? Tu as toujours été un simple pion sur l’échiquier des puissants. Et tu sais, ce genre de pion, qu’on ne touche jamais et qui ne bouge pas de toute la partie. Il ne bouge pas parce qu’on en a même pas besoin. Crois tu que ce soit très différent depuis que tu as cette couronne ? Ton Royaume vaut à peine la puissance d’une Baronnie ! Ta récente mésaventure en Aduram est la nouvelle preuve de ton insignifiance.

- Alors dis moi, pourquoi es tu là Aetius ?  Si mon existence n’en vaut pas le peine, pourquoi me barres tu la route ? Laisse moi reprendre ma vie de pion tranquille. »


Aetius sourit. Il rangea son poignard et dégaina son épée, prêt à combattre.

- En fait je me… AAAAAAAAA »

L’Ivrey hurla à mort. En effet, il venait de se prendre une violente attaque magique de la part d’Etias. Un éclair avait jaillit droit des mains du magiciens qui avait concentré toute sa puissance dans ce sort. Le régent disparu dans l’ombre.

- Je n’ai jamais put le supporter celui-là, avec ces grands airs, exliqua Etias. Derrière, regardez ! C’est un village qui brûle. Allez-y courrez, je vous rejoindrai. Le temps juste de retrouver mes forces… »

Le mage Etias avait concentré toute sa puissance dans ce sortilège. Encore un allié que Glenn laissait derrière lui… Après un adieu bref, Glenn se mît à courir dans l’obscurité vers la seule lumière, ce phare qui l’avait guidé depuis sa sortie de l’auberge des braves.




Maintenant qu’il était assez près il voyait que cette lumière était produite par un grand incendie. Des masures en bois brûlaient mais sans se consumer. Glenn comprenait le sens de ce message et se préparait à affronter sa pire ennemie. Au fur et à mesure qu’il s’approchait, des cris d’enfants et des hurlements de femmes se faisaient entendre. Des drows étaient là, en nombre et lui barraient la route. Aussi noirs et terrifiants que lors de sa première rencontre avec cette espèce. Tyra lui lançait donc un défi de taille, revivre cette fameuse nuit de ses dix huit ans qui le hantait chaque jour.


- Allez-y bande d’enfoirés… Je ne suis plus un gamin maintenant, j’ai tué plus de vos semblables que vous ne pourriez l’imaginer ! HAAAAAA ! »

Poussant un cri de rage, Glenn Hereon s’élança au devant de ses adversaires. Par un coup vif et précis, il trancha les poignets de son premier adversaire avant d’enfoncer sa lame dans la poitrine du deuxième sombre, impuissant. Pris de vitesse, il ne put dégager son arme du cadavre et dut se résoudre à envoyer un formidable coup de pied sur le troisième larron qui le chargeait. Le coup d’arrêt propulsa le sombre au sol. Surpris, il lâcha son arme. Profitant de l’ouverture, Glenn se jeta sur lui et le roua de coup de poing. Il ne s’arrêta que quand le corps du sombre s’évapora dans la brume.

- Garde ta rage mon fils, tu vas en avoir besoin : nos ennemis sont encore nombreux. »

Naval Hereon, avec sa barbe grise et son armure de cuir bouillie, posa délicatement sa main sur l’épaule de son fils. Il n’était pas seul, deux autres hommes l’accompagnaient. Le premier était équipé de toute une panoplie aux couleurs d’Oësgard et son visage était caché par son casque. Le deuxième était très grand, ses longs cheveux blonds lui descendaient jusqu’aux épaules. Il tenait fermement dans sa main droite une hache à double tranchant d’une taille monumentale : Typhon.

- Père ! Comment vont mère et Iris ? Donan et Adin, vous êtes là vous aussi !

- Nous allons t’aider pour ce combat final Glenn. Ta place n’est pas parmi nous, tu as encore tant de choses à accomplir. Ta mère est à mes côtés mais Iris… Iris n’est pas ici. Ecoute, tu dois te rendre à notre village et trouver la cave sous la maison de Kassir. Là tu sauras la vérité sur notre famille.

- Nous n’avons pas le temps de discuter, les sombres sont là et nous attendent, coupa Adin.


En effet, les drows étaient là et ils étaient nombreux. Des dizaines et des dizaines d’elfes noirs, armés jusqu’aux dents avançaient prudemment vers les quatre humains, les fixant de leurs yeux. Des yeux rouges empli de malice. Au centre de cette marée noire marchait la plus terrible et la plus cruelle créature du continent, la némésis du Roi conquérant : Ilinsar Vedrin. La drow aux cheveux de sang qui lui avait arraché son oreille droite. Malgré le nombre, Glenn ne reculerait pas, c’était le dernier combat à mener. Donan l’Oësgardien jeta alors une lance aux pieds de Glenn. De toutes les armes qu’il savait manier, c’était celle où il était le plus habile. Criant à plein poumon pour se donner du courage, les quatre braves s’élancèrent au devant de leurs ennemis. Glenn chargea et enfonça sa lance dans la première poitrine qui s’offrait à lui. D’un coup sec, il retira la lance du corps avant de pivoter sur lui même pour l’enfoncer dans la trachée d’un autre sombre. Le Roi de Naelis était d’une agilité nettement supérieure qui surprenait ses adversaires. Ses compagnons tenaient bon à la vague noire. Naval tenait bon malgré son âge avancé, il tranchait les drows à la pelle, à l’aide de l’épée familiale Héron. De son côté, Donan s’imposait par sa lourde armure et son ardeur indéfectible, attirant sur lui de nombreux sombres. Mais sans contexte, c’était Adin qui s’en sortait le mieux. Le chef mercenaire repoussait ses adversaires avec une facilité déconcertante : telle était la puissance de la hache Typhon. Comment un tel guerrier équipé d’une telle arme avait-il pu succomber ?

- ILINSAR ! VIENS A MOI QUE J’ACCOMPLISSE MA VENGEANCE ! »

Le visage du Roi était défiguré par la rage. Sa némésis répondit à cette provocation en empoignant son arc. Prenant un peu de hauteur, elle encocha une première flèche. Glenn se trouvait a moins de cinquante pas. Vulnérable, il continua de courir en direction de la drow tout en levant bien haut sa lance. La première flèche lui érafla l’épaule. Grimaçant de douleur, Glenn continua de courir. Ilinsar encocha sa deuxième flèche. C’est alors que le Roi envoya sa lance avec toute sa force et tout son poids sur la drow. Si le coup manquait, elle ne le louperait pas. Mais Glenn avait visé juste ! Ilinsar roula sur le côté et évita la lance de justesse. Mais elle avait lâchée son arc et le Roi se trouvait maintenant au dessus d’elle. Il lui écrasa son poing en pleine face.


- J’ai enfin ma vengeance ! Tu vas payer pour tous ceux que tu as tué ! Ma mère, mon père, Donan, Adin, mes compagnons à Alonna et à Ruven… Tu vas payer ! »

Dans sa folie, Glenn assimilait Ilinsar Veldrin à la race drow toute entière, voire même au mal de ce monde. Elle hantait ses nuits depuis 17 ans et pour cause, elle était responsable de tout. Tout à coup, un tonnerre effroyable retentit. Un éclair mauve déchira le ciel. Le voile du Royaume des morts était percé et un intru en avait profité pour y rentrer, sans y être invité. Alors, des forces obscures sorirent lentement de terre, pour y prendre racine, tel des monstruosités d’Aduram. Tyra n’allait pas laisser son Royaume se faire violer sans réagir.

A Aetius:

A Ilinsar:
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeJeu 17 Aoû 2017 - 15:24

Il n'avait emporté avec lui que des mots. Une bête phrase à réciter comme une prière, dresser comme un écu que rien en ces lieux ne saurait abattre. Sa chair nue s'alourdissait sous les vents cendreux, ses pas sous la morsure du verre noir, son regard sous l'infini néant. Ni cieux ni sol où trouver le moindre signe, la moindre trace à suivre. Tout se semblait, chaque direction menant au même vide, chaque heure de marche voyant défiler l'exact même paysage désolé, chaque souffle se perdant dans l'absolu silence. C'était à en devenir fou. Il entendait son propre sang battre à ses tempes, son propre cœur ébranler son poitrail, ses propres pensées résonner dans les landes. En fin de compte le Royaume était son propre gardien. En ce monde et tous les autres, il n'était de chimère assez terrible pour l'égaler.
Combien de temps passé déjà à s'écorcher la corne des pieds sur ce sable stérile, était-ce des jours, simplement des minutes ? Était-ce le temps qui se distendait, son esprit qui le trahissait, ou l'universelle constante n'avait-elle tout bonnement plus prise ici-bas ? Rien n'avait de sens. Rien n'avait d'avant, d'après. Rien ne changeait ni n'évoluait plus dans la mort. Il n'avait pas avancé d'un arpent. L'oppressante arche le toisait toujours. À vrai dire, n'était-elle pas plus haute qu'une montagne même ? Il lui semblait maintenant qu'elle s'étirait jusqu'aux nues d'encre, non plus haut encore, monolithique, plus vraiment une porte, mais une borne marquant l'entrée de cette réalité après l'autre. Avait-elle changé d'aspect ? Il n'y comprenait plus rien. Rien n'avait de taille, de temps, de teinte. Rien n'était véritablement. Et il se sentit défaillir. Il avait erré, des jours, des siècles, des instants longs comme l'éternité. Ses yeux étaient morts et tout s'était illuminé, il avait chuté et se retrouvait debout, à arpenter ces sentes inexistantes, les pieds meurtris mais le pas sûr. Sûr de quoi, trouver un sol sous lui ? Voilà que celui-ci l'abandonnait à son tour, la plaine se dérobant comme une trappe, et il tombait en bas, en haut, en dedans. Son esprit se disloquait. Plus rien n'allait. Ni cieux ni sol, ni lois ni logique, nulle part ni chose où trouver le moindre ancrage. Les sons, les sens, tout cela commençait à s'amalgamer et s'estomper, ses pupilles goûtaient un vent indigo, sa peau frémissait sous les caresses d'une voix d'automne, et l'heure bleue annonçait dans la mélopée du jour qui meurt les effrois du lendemain. Il n'y comprenait plus goutte, ses propres pensées lui semblaient venir d'un ailleurs qu'il n'avait jamais que soupçonné, qu'il ne pourrait jamais qu'effleurer, un royaume sans frontière ou vie et mort n'étaient que de lointaines notions.
Il n'avait emporté avec lui que des mots, qu'il récitait à perdre haleine, mais les mots mêmes ne voulaient plus rien dire. Il n'était plus de où, de quand, de comment, il n'était plus même de rien, et il se sentit disparaître. Et il aurait pleuré. Mais il voulait vivre. Il voulait sauver le Roy ! Voilà tout ce qui lui restait, voilà son arme, voilà ce qu'il amenait avec lui d'en-dehors de ce monde sans sens ! Une raison, un but, un devoir. Il avait un rôle à jouer. Quelque chose de sûr, de vrai. Quelque chose auquel se raccrocher. Son âme tiraillée par la déesse s'apaisa. Il put penser, ne subissait plus les lames de fond d'un univers qui s'écroule. Mais il lui fallait encore pouvoir se mouvoir, appréhender ce réel étrange qui n'était destiné qu'aux morts. Il lui fallait trouver une substance, une essence transcendant les sphères, commune à toute existence. Et tandis que tout se mêlait encore, il la sentit lentement affleurer. Roulant sur sa peau, coulant sur son âme, la grande vague le ballotta doucement dans son flux et son reflux. Sa chaleur l'étreignit sans plus le quitter, et il put voir paupières closes. En ces landes délaissées aussi, rien ne se dérobait à la grande trame. Ses courants, sa houle vive et blanche, son chant d'ailleurs ; si crainte par les hommes, elle serait son dernier repère. La première mer. Le seul vrai océan, celui que Tyra n'avait jamais su que copier. La magie, qui seule régnait en vraie déesse. Pourtant lui n'avait jamais été un grand érudit, un archimage écrasant de sapience et de sortilèges imparables les malheureux s'opposant à lui, il n'avait jamais su défaire les montagnes, déchirer les cieux ou ramener vie en un corps mort, mais il avait toujours su plonger en ses eaux. Comprendre ses flots miroitants, la voir pour ce qu'elle était. Ni plus, ni moins. Sa nature et sa substance lui étaient familières, amies presque. Sans la dompter, il avait su la déceler. Et tandis qu'elle l'amenait vers les berges, il sentit une féroce flamme, un immense brasier éclaboussant l'horizon. Il régnait ici une âme encore vaillante, un cœur apte à embraser celui des morts mêmes. Il l'avait trouvé. Altiom se releva.


Hors d'haleine, le fils d'Ydril s'élançait vers son frère d'Oësgard. Rien ici ne subsistait plus, sinon les feux qui brûleraient à jamais. Et les grandes silhouettes distordues d'un vieil esprit accablé. Aduram, Bòscabrant en son parler du sud, bois fou au cœur de feu. Celui que l'Homme avait enfreint, celui qui avait enfanté le Sombre, celui qui avait emporté le Roy. Ses branches égrotantes, comme des mains griffues, encerclaient le souverain. Une bataille depuis longtemps achevée se déroulait en ces lieux, un écho de cris et de coups. Comme à travers la brume, étouffée et vaporeuse, mais encore proche. Comme en un souvenir. À vrai dire Altiom non plus n'avait jamais quitté cette clairière damnée. Pas une nuit sans qu'il ne la rêve, pas un jour sans qu'il n'y revienne et revive la chute du Protecteur de l'Est. Cette mémoire qui l'avait tyrannisé chaque seconde passant, lui l'avait affrontée maintes et maintes fois, bouteille à la main, vomi aux lèvres, avant de s'écrouler tout à fait pour comater jusqu'à l'aurore, terrassé. Rien d'autre que ses saouleries débridées n'avaient su faire taire ses fantômes. Il avait failli à son ami, il n'avait pas été assez vif, assez prompt, et les monstres l'avaient emporté.
- NON ! Ramassant l'arme sans nom d'un mort sans visage, il fondit sans peur sur les horreurs sans nombre. GARDE ESPOIR MON FRÈRE, ME VOICI VENIR ! Et s'abattant comme un fléau de fin des âges sur toute cette meute aberrante, le démon vint crever l'œil d'une des grandes bêtes, percer l'entre-pattes d'une autre, se mettre dos à dos avec son camarade de toujours. PELS LAMAS E LO SANG, TA LA GLÒRIA ET L'ONOR !! TABÒ ! TABÒ !!! se mit-il à gronder dans son patois d'Ydril, parfaitement enragé ! Autour d'eux, on vit alors les braves, ceux que les chansons de geste avaient adoubés Derniers Hommes du Roy, ceux qui de leurs vies avaient protégé la sienne, se relever dans la mort, et se dresser à nouveau, dans ce monde comme dans l'autre, en un mur éternel. On aperçut parmi eux la face sévère de Celtibald le Hardi, général des Légions, roc imperturbable, paré de son calme presque surnaturel. Et à son tour le voilà qui vociféra puissamment : FORCE ET HONNEUR ! Et d'une seule voix tous firent résonner le cri de guerre dans les terres de silence. Et l'archonte d'envoyer valser quelque abomination du plat de lame par-ci, et d'en fendre une autre en deux par-là ; voilà que l'animal se mettait à faire tournoyer l'arme en tous sens, qu'il lui prenait tout à coup de beugler un chant martial bien de chez lui, qu'il s'entichait d'embrocher le premier tas de viande venu du cul jusqu'aux mandibules, en extirpant son fer dégoulinant pour s'en aller le renfourner dans une autre gueule béante, sans omettre d'arroser le tout de ses vagissements d'outre-monde et leur averse de glaviots écumeux ! Il avait eu tant de temps pour ressasser ce combat, pour comprendre ses erreurs et ne pouvoir les corriger qu'en pensées, tant que cela l'avait rongé. Mais cela payerait ! Enfin il put mettre à profit ces ennéades de tergiversations avinées, ces beuveries maladives à cogiter, chercher une solution à un problème qui n'avait plus de sens ; tous l'avaient déjà refourgué au passé, mais lui s'était entêté ! Il avait continué, il avait erré en ses souvenances, ses souffrances, et il avait trouvé le moyen ! Abattre la première créature sur sa gauche, éloigner la seconde, embarquer le Glenn un bras autour des épaules vers l'abri des arbres, endurer la première vague côte à côte, la tenir en respect et s'effacer alors, chacun derrière un tronc. Et se préparer, et fondre et fendre tout soudain ! Et occuper la dernière monstruosité, tandis que l'autre la contourne, et tenir bon ! Et attendre, et entendre, alors, le cri victorieux d'un Roy, le crissement d'agonie de l'arachnide lorsque l'acier glisse en elle, et bientôt le tonnerre de pattes tout autour ébranler les bois dans la débâcle !
La bataille avait trouvé sa fin. Troncs et cadavres, Celtibald et les siens, un ultime sourire accroché aux lèvres, s'en retournaient à la poussière. Le Domaine enterrait ses chimères, les deux hommes leurs souvenirs. Enfin ils émergeaient du passé pour affronter l'avenir.

- BORDEL DE TCHÛ GLENNOUILLE ! ALORS ÇA FILOCHE QUASI DEUX ANS CHEZ L'AUTRE VIEILLE PUT'RELLE FLÉTRIE ET ÇA DONNE PLUS D'NOUVELLES ! SALOPARD VA, T'COMPTAIS T'ENFILER DES GODETS TOUTE L'ÉTERNITÉ AUX FRAIS D'LA DÉESSE SANS QU'LA REINE AIT SON MOT À DIRE HEIN ?! AH C'PLUS SIMP' QUE D'TROUVER UNE EXCUSE EN R'VENANT D'LA TAVERNE ROND COMME UN COING HAHAHAR !! Et sans laisser à notre bon souverain le temps d'encaisser pareille apparition (ni ses tympans s'en remettre), ce bougre d'archonte s'en vint nous l'asphyxier d'une espèce de grande accolade qu'un frakkar en rut n'aurait point reniée ! PAR LES CENT BITES D'L'HYDRE GLENN ÇA A MARCHÉ !! Le drille n'en pouvait plus ! Hilare, il se laissait tomber à genoux, la tête dans les mains, riant et chialant jusqu'à manquer d'air ! ON L'A FAIT BORDEL DE CUL !!! Il était comme fou ! Il l'avait trouvé ! Il avait réussi cette fois ! Le bestiau releva le museau. GLENN ! T'ES LIBRE ! VIVANT ! ADURAM A PERDU ! TYRA A PERDU ! PLUS RIEN N'PEUT NOUS ARRÊTER ! Une furieuse rage de vivre l'enflammait, il ne pouvait plus la contenir ! Lui-même revenait de si loin ! Il se sentait si prodigieusement bien, si parfaitement invincible ! Et la face illuminée, enchaîna : ta femme t'attend ! Tes enfants ! Tes légions. Ton Royaume tout entier Glenn. Te l'ai-je seulement dit ? Amblère est sauve ! Le Nord a été purgé ! Les Eldans ont péri par milliers sur ses champs, en ses eaux, dans ses rues ! Tout le Septentrion s'est unifié à leur encontre, et la sombre engeance a brûlé ! Il prit une seconde alors pour savourer ses propres paroles, et se rappeler la souffrance de l'adversaire ancestral. Lui aussi commençait à le haïr. Après toutes ces tentatives pour en faire un allié, prouver que l'on pouvait y trouver un ami, un égal, après toutes ces trahisons, tous ces espoirs bafoués. Le noiraud, le Puysart, le Doeben, qu'importe, tout cela était de la même race dégénérée, tout cela n'était voué qu'au feu et à la ruine ! Altiom jeta un œil au brasier à l'entour. On y devinait le vestige d'un village. Une dernière épreuve. Ainsi le Roy aussi avait vu la terre de son enfance meurtrie par l'Eldan. Les traits de l'Ydrilote s'affaissèrent. Il comprenait maintenant.
- Viens Glenn, rentrons.

Les Princes Déchus n'étaient plus. Tous deux avaient été amis, ils se savaient frères désormais. Un lien traversant les mondes les unissait, ensemble nul obstacle ne saurait plus les contenir.
- Un pas et t'es chez toi. J's'rai pas loin derrière, fit Altiom, un sourire rassurant aux lèvres. Juste, t'formalises pas s'tu tombes s'r'une chèvre qui pend du plafond ou deux trois bricoles dans l'genre en débaroulant dans ta piaule. J'manquais d'temps. Fallait qu'je trouve d'quoi ram'ner ton cul fissa. Une dernière accolade, et le Roy s'en fut par la Grande Arche. C'était aussi simple que cela.
Puis il y eut comme un bref soubresaut. Les étendues asséchées tremblèrent, les couleurs vacillèrent, les poils de bras d'Altiom s'hérissèrent. La Porte s'écroula. La voilà qui venait.
Il n'eut qu'un bref soupir.

- Foutredieu mais c'qu'on t'attendait plus toi !
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeVen 18 Aoû 2017 - 1:37


Grande était la Peine.

Grande était la Peur.

Grand était le Sacrifice.

Grand était le Sacrilège.

Grande serait la Punition.

Alors qu'un mortel était tiré de son sommeil, la trame du monde s'ébrouait, mécontente. Les Mortels avaient retourné le Don des Dieux contre l'Ordre lui-même.

Glenn ouvrit les yeux dans l'hideux antre que son ami avait fait de sa chambre. Sur la scène, au milieu des organes éparts et des chants gutturaux qui vous prenait aux tripes, sourds comme le vrombissement d'une centaine d'insectes, un regard aussi noir que l'abysse et aussi profond que le ciel flottait, fumée parmi les ombres. L'apparition toisait le revenant. Un instant. Puis elle fondit sur lui, le replongeant dans un sommeil qui n'en était pas un le temps que la tragédie qui se jouait ailleurs trouve une issue.

L'espace étroit du Voile que parcouraient les inconscients et les fantômes s'était arc-bouté pour retrouver son intégrité. Les Limbes, miroir insaisissable de ses occupants, transformées en lieu de souffrance et de regret par la présence d'Esprits torturés, avaient ouvert leurs portes malgré elles. Derrière l'intrus : la Porte Brisée. Devant lui : une autre porte...

Là ou le Téméraire s'attendait à une apparition terrible et grandiose de la gardienne d'un royaume dans lequel il n'était pas encore, il n'y avait qu'une porte close. Une porte entre-ouverte. On aurait dit celle d'une demeure. Une demeure qu'il connaissait bien... Elle était bien plus simple que l'arche d'obsidienne. Bien plus vieille... Bien plus attirante. Alors qu'il observait l'insondable, elle lui rendait l'attention, le vieux bois scrutant les tréfonds de son être. Qu'il en détourne les yeux, elle serait toujours là. Toujours au coin de son œil. Toujours à sa main. D'une simple pensée il en toucherait la poignée.

Elle le regardait. Elle lui susurrait la Vérité. Douce comme une mère. Attirante comme une femme. Charmant les plus bas instincts d'un mortel voyageur pour lui promettre repos et paix. La Délivrance de toute douleur et de tout doute. Passion et Sérénité liées en un même sentiment de plénitude qui l'effleurait et se dérobait à lui tout à la fois. Et plus l’œil du mortel parcourait sa surface, plus la tentation grandissait.

Tout était vrai. La plénitude et la douceur seraient au rendez-vous s'il passait la porte. Mais cette fois, il n'y aurait pas moyen de retour. Jamais.

Dans la noirceur de leurs perceptions, les mortels s'enferraient contre le Voile lui-même. Pour rétablir l'ordre, des ombres naissaient les Ombres. Monstruosités aux formes multiples n'ayant qu'un but : refermer la Brèche. Et pendant que les mortels se battaient contre leurs propres démons, façonnant autour d'eux le monde qu'ils méritaient, elles étaient arrivées à terme. A quoi bon se battre contre une seule entité étrangère quand l'absorber rééquilibrerait la Trame ?

Sur les ruines de la Brèche se tenait soudain une silhouette aux contours mouvants.

" Sacrilège. " vomissait la créature dépourvue de bouche. " Sacrilège. "

Glissant. Suintant. La créature se contorsionna tout en se répétant. Encore et encore et encore. Jusqu'à ce qu'une silhouette féminine aux couleurs ternes se dresse devant le mutin. Un visage fin et un regard connu.

" Sacrilège. Du Don tu as fait une arme pour attaquer son Origine.
Et Sacrifice, et Blasphème pour plus de sang versé.
L'Ordre est à préservé et tu l'amputes pour des raisons malignes.
Penses-tu qu'un tel Sacrilège reste sans retombée ? "

La voix était à la fois légère et dissonante. Le timbre d'Eliwa soutenu par un accord d'une profondeur indescriptible.

" Sacrilège. Altiom le Blasphémateur. "

La silhouette se délita en quatre. Les quatre sacrifiés avec lesquels il avait blasphémé le nom des Cinq et nourrit le royaume des mort. Ceux auxquels ils s'était accroché pour trouver la voie.

" Quelle vie à le plus de valeur ? demanda le trouvère.
- La tienne ? susurra le sang qui avait bafoué Kyria.
- Celle du guerrier arraché à son destin ? ricana le soiffard.
- Ou la Chair de ta chair ? " sourit paisiblement la putain, avec ou sans langue.

Car telle était la cruauté du Monde Bafoué.

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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeLun 9 Oct 2017 - 23:53

Repos et paix. Tout ce à quoi il avait jamais aspiré, pour lui, pour tous, tout ce pour quoi il s'était jamais battu, tout ce pour quoi il avait tant sacrifié. Les deux plus chers souhaits de l'ancien Altiom ; les deux pires cauchemars de l'actuel. Un mois, un bête mois plus tôt, et tout aurait été différent. Il aurait cédé, dans l'instant, il aurait regretté, peut-être, bien sûr, mais sans un doute, aurait tendu la main, et dans la seconde franchi le dernier seuil. Aujourd'hui tout de cette porte le révulsait. Dans sa Vérité, il voyait une duperie. Dans sa Délivrance, une fuite. Dans sa Passion, sa perte. Dans sa Sérénité, le renoncement. Toutes ces choses simples et pures ne pouvaient plus que cacher d'autres mensonges, d'autre souffrances à ses yeux désormais. Car l'enfant en lui était mort, l'homme l'avait tué.
Et voilà que s'en venait le sermonner quelque incertaine créature, semblance d'un souvenir à demi oublié, ombre d'un spectre qu'il n'avait jamais laissé le hanter. Celle qui aurait pu, qui aurait dû, le sauver, celle qu'il avait aimée au-delà de toute raison, qui n'était maintenant qu'une autre raison de ne plus aimer. Cette chose croyait-elle le déstabiliser ? Elle n'avait su que l'aliéner.

- Sacrilège. Altiom le Blasphémateur.
- Ma foi ça m'chang'ra toujours d'Altiom le Pique-Assiette. C'tait temps qu'on m'forge un nom d'guerre qui en impose un minimum. Fatal'ment fallait qu'ça vienne d'une espèce de bestiole dégénérée du fin fond du trou du cul des mondes et on m'appell'ra toujours le Drôle dans mes pat'lins, continua-t-il pour lui-même, m'enfin on fait avec c'qu'on a, hein ! Ladite bestiole alors se fit quatre, et quatre fois l'affligea de ses péchés, pour qu'il y réponde enfin, après tous ses affronts, toutes ses galéjades insouciantes, toutes ses rodomontades avinées.
- Quelle vie a le plus de valeur ? Il aurait dû le savoir pourtant.
- La tienne ? On pouvait braver les Dieux.
- Celle du guerrier arraché à son destin ? Mais nul ne menace leur suprématie.
- Ou la Chair de ta chair ? Hélas, eux d'entre tous auraient dû le savoir.
- Aucune. On pouvait braver un père. Pas plus que n'en a votre Ordre. Mais nul ne menace sa fille. Bah, qu'est-ce que j'm'emmerde à causer à c't'affaire, j'me fais chier à débarouler dans l'royaume des morts c'pas pour m'coltiner du grouillot, EH VIEILLE GROGNASSE ! TENDS L'OREILLE ÇA T'CONCERNE : TON ORDRE TU PEUX T'LE FOUTRE AU CUL ! beugla-t-il tout soudain aux cieux, bras grands ouverts, présentant dos et croupion à l'autre VRP d'outre-monde (qui s'habituait tout juste à voir l'archontal sifflet lui gigoter sous le nez), le bougre n'ayant toujours pas trouvé - ni spécialement cherché remarquez - de quoi se vêtir depuis sa venue. TU PARLES ! L'ORDRE D'UN MONDE OÙ Z'ÊTES PAS MÊME FOUTUS D'TENIR EN LAISSE UN SEUL DES VÔTRES ? L'ORDRE QUI VOUS D'MANDE D'ABANDONNER DES MILLIERS D'SES FILS À LA COLÈRE D'UN PÈRE INDIGNE ? D'LAISSER LES ROYAUMES DES HOMMES, DES NAINS, DES ELFES, DES ELDANS S'ÉCROULER, L'ORDRE QUI DOIT VOIR MIRADELPHIA BRÛLER ? ET FAUT V'NIR RENDRE DES COMPTES POUR LA VIE D'UN SEUL PAUV' GUS AU MILIEU D'CES LÉGIONS D'OUBLIÉS DERRIÈRE ? Il avait enfin la chance, ici, maintenant, de dire aux Dieux tout sa haine et son incompréhension, vomir son ire une bonne fois, qu'importe le résultat. Il avait tant voulu croire, sans jamais pouvoir rien discerner du divin en eux ; depuis le Voile rien ne lui apparaissait plus que le monstrueux. Tout ça n'a aucun sens, et la raison est simple. Comme nous, vous êtes des enfants, paumés dans un monde qui vous dépasse. Juste un peu plus grands, juste un peu plus vieux. On vous vénère comme un gamin vénère son aîné, mais ça fait pas de vous des adultes. C'était simple. Simpliste même. Mais en fin de compte il n'y avait rien de plus à dire. Votre Ordre, je le renie, votre choix, je le refuse.


Dernière édition par Altiom d'Ydril le Mar 10 Oct 2017 - 0:11, édité 2 fois (Raison : EAURTEAUGRAF)
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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeDim 15 Oct 2017 - 13:41


Grande était l'Erreur.

Grande était l'Insolence.

Plus grande serait la Punition.


Les visages des sacrifiés se tordirent d'un sourire satisfait devant le refus de l'humain.

« Alors aucun ne sera sauver. » répondirent-ils tous de concert avant de s'évaporer en une forme brumeuse et noire.

Le monde se mit à trembler. De partout et de nulle part à la fois sortait une voix douce et stricte, grave et aiguë, terrifiante et apaisante.

« Repent toi. Car par ta faute, ton monde connaîtra le froid de la mort par le vent et la glace.
La vie que tu as prise, nous la récupérerons au centuple dans la nuit d'hiver.
Mais lorsque les rayons du soleil réchaufferont à nouveau la terre, prend garde.
Ils annonceront la fin de cette mascarade pour celui auquel tu as voulu redonner vie. »

La brume noire gommait tout le reste. Il était entouré, bercé, oppressé. Puis, une voix enfantine lui caressa l'oreille. Un murmure à peine audible qui se gravait pourtant à coup de lame dans les entrailles de l'humain.

« Maudit soit-tu, Altiom l'Hérétique.
Ta chair et la chair de ta chair porteront la marque de ceux qui se sont détourner de nous. »


Les ténèbres. Rien de plus que les ténèbres.

« Toi, le mortel qui s'est pris pour un Dieu. »

Une douleur fulgurante lui frappa le coeur.

L'image d'une Cité blanche aux murs couverts de lierre. D'un arbre gigantesque aux racines courants en tout sens. Une mélodie grandiose et magnifique. Un nom. Alëandir.

L'image d'une roche effondrée. D'une ruine souterraine mystérieuse et riche. Le bruit de l'acier et la chaleur de la lave. Un nom. Kirgan.

L'image d'un sol sec. Plat. Arride. Salé. Une côte. Oubliée. Morte. Des ruines complexe. Le rugissement d'un dragon. Un nom. Nisetis.

L'image d'une ville qu'il ne connaît que trop bien. Plongée dans l'ombre et le sang. Le chant des prêtres d'Arcam et le ton grandiloquent des comédiens. Un nom. Naelis.

L'image d'une ville grouillante de vie. Des bâtiments serrés. Les pleurs des bébés. Les rires des enfants. Les sourires des vieillards. Une brise sur son visage. Un nom. Diantra.

Et juste avant que sa conscience ne l'abandonne, il perçu la voix d'Eliwa. Lointaine.

« Tu iras chercher le Vrai Repentir. »

D'un même souffle, Glenn et Altiom reprirent conscience dans la chambre ensanglantée. Au cœur du blasphémateur, une certitude parmi d'autre : Si ses pas ne le dirigeait pas vers les les cinq emplacements dont il avait eu la vision. S'il résistait encore aux dieux. Il s'éteindrait à petit feu.

L'odeur du sang. Le goût du cuivre. Rien de cela ne l’atteindrait plus désormais.




Malédiction d'Altiom:

Malédiction Glenn:

Malédiction Mirmae:

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MessageSujet: Re: Hamartia   Hamartia I_icon_minitimeDim 22 Oct 2017 - 13:17

Nakor avait reçu une bien étrange missive signée hâtivement de la main d'Altiom lui demandant de le rejoindre très rapidement à Naelis. Ce n'est pas ce qu'il avait été prévu. Ils devaient se donner rendez-vous à une date plus tardive et faire la route ensemble. Que diantre préparait le jeune gourgandin. Le temps de mettre en ordre ses affaires et de donner les ordres adéquats et le Magistère du Firmament quitta, sur son étoffe violette maintenue en l'air par la magie, le quartier générale de sa guilde, l'Aurore. Volant, bras devant lui, paume ouverte, il partait droit en direction du château de Glenn Hereon. Que fichait son petit fils d'adoption et qu'allait-il faire avec un Zurthan famélique. Si jamais un mauvais coup était tenté, c'est avec toute l'étendue de son pouvoir que Nakor balayerait la troupe de nomades.

"Que prépares-tu donc Altiom? Pourquoi ai-je cette pointe dans le coeur depuis le moment où on m'a donné l'enveloppe contenant ton message?"

Et déjà, la nuit était là, il fallait se hâter mais la route était encore longue. Plus il se rapprochait de la citadelle plus sa sensation de malaise se faisait grande. A un certain moment, Nakor ressenti une puissante distorsion au sein même des forces de la nature et une présence d'une noirceur sans fin. Il ne lui en fallait pas plus. Il se leva sur son tapis volant et activa ses pouvoirs en fermant les yeux pour atteindre un niveau de concentration maximal. Sa vitesse de déplacement céleste s'accéléra et il fit tout son possible, sa nervosité étant palpable. Mais c'est alors que, le château très loin à l'horizon, Nakor manqua de perdre le contrôle de ses pouvoirs! La mort était là bas.

"Le Voile!"

Cette terrible sensation lui rappelait ce qu'il avait vécu lors du déchirant Voile. Les dieux étaient revenus sur le monde. Peut-être pas tous, mais la déesse la plus définitive qui soit était là, chez Glenn Hereon. Qu'avaient-ils osé faire dans la profondeur de la nuit. Toute forme de magie se retira très brusquement alors qu'il ne lui restait plus que quelques centaines de mètre avant d'être au pied de la tour centrale. Il n'y avait pas de temps à perdre : bien campé sur son tapis, fonçant vers le mur oriental, il fit faire de grands cercles avec ses mains avant de balancer une colossale bombe de feu qui fit sauter un pan de mur suffisamment grand pour que lui et son tapis volant entrent dans le couloir du palais. Il fit ainsi le tour nécessaire, puis arriva devant la porte source de ses inquiétudes les plus noires. Le tapis se rangea presque instantanément dans la manche de sa robe et il fit valdinguer la porte par un poing d'air qui fit même craqueler le chambranle et le mur d'en face. Ce qu'il découvrit alors termina de faire bouillir le sang du vieillard.

"Qu'est-ce que ..."

Altiom et Glenn étaient là, ils semblaient exsangues, hagard et sans vie. La lumière les avait quittés. Autour d'eux, le sang, l'horreur, la mort et les infamies. Et au dessus d'Altiom et Glenn, les Zurthans, responsables et souriants. Ils tentèrent de lui parler avec un ton hautain et dédaigneux qui était l'ultime signal. Les yeux de Nakor se mirent à luirent d'une intensité dangereuse, l'air vibra, les murs se fissurèrent et il avança lentement dans la pièce. A chaque nouveau pas, la pression magique s'élevait dans l'air et les Zurthans reculèrent machinalement. Des éclairs coururent le long du corps du Magistère qui se mit à parler avec une voix qui résonna dans toute la citadelle

"Quelle magie honnie avez-vous convoqué en ces lieux? Qu'avez-vous fait pour appeler la mort et le désastre? Vous n'auriez jamais dû mettre un pied ici. C'était votre dernière erreur ... votre heure à sonné."

Le temps de dire cela, il avait atteint le lit, rempli de sang. Cette vision de son petit-fils mort et du seigneur Hereon, époux de sa douce Glinaina. Toute la magie du vieillard émanait de lui. Les Zurthans tentèrent d'unir leurs forces pour attaquer le vieux fou, mais c'était trop tard. Nakor balayait l'air devant lui, de sa main droite puis de sa main gauche, toutes deux tournants en cercle dans le même sens. A chaque nouveau mouvement, un cercle de flamme se formait, si chaud, si dense, si intense qu'il menaçait de même faire fondre la pierre du castel. Il termina par hurler de rage après le septième mouvement de cercle. Les Zurthans hurlèrent de douleur en brûlant sans que leur petite tentative de riposte ne puisse se faire. Toute la pièce était plongée dans le feu pur. Tout, sauf un léger cercle entourant Nakor, Altiom et Glenn. Le sang, les cadavres, la magie noire, les meubles, l'air. Tout brûla jusqu'à disparaître sans même laisser de cendre. C'est en sentant le bras d'Altiom attraper légèrement sa robe que le vieux fou put enfin se rendre compte qu'ils n'étaient pas morts. Le sol rougeoyait tant il commençait à fondre, tout comme les murs et le plafond. Le Magistère du Firmament, seul Archimage humain de ce monde, fit lentement s'arrêter la calamité de feu qu'il avait déclenché. Doucement, l'intensité fut moins forte, les flammes disparurent en s'écartant du trio de plus en plus jusqu'à disparaître. La température était hallucinante dans la pièce où plus rien ne restait. Soufflant longuement, Nakor ferma les yeux et usa de ses pouvoirs de maître de l'air pour dissiper au mieux, l'étouffante atmosphère de la pièce en usant de l'air dans le couloir. Les fenêtres avaient entièrement fondus, ce qui amena une deuxième source d'air bienfaitrice. Ce que l'on pouvait dire c'est qu'ici et à jamais, sur la pierre maintenant noircie pour l'éternité par le feu dévastateur du magicien, tout était purifié. Tout, sauf les deux humains qui gisaient à ses pieds et qui se réveillaient lentement d'un sommeil bien étrange. Et c'est alors que, les mains toutes tremblantes, Nakor s'abaissa jusqu'à Altiom, les deux genoux à terre sur la pierre encore chaude et lui saisit le visage. Faisant fi du sang qui avait séché, il planta son regard perçant dans celui du jeune homme pendant quelques longues secondes d'un silence pesant comme la mort.

"Mon pauvre enfant ... qu'as-tu fais? La vie n'est plus en toi. La lumière t'a quitté."

Des larmes coulèrent des yeux du vieillard fatigué par la vie et les épreuves avant qu'il ajoute

"Tu as sauvé de la mort un jeune compagnon, mais à quel prix? En donnant ta vie en échange, et ton âme à la déesse sombre. Voilà une folie à laquelle je ne t'espérais pas capable Altiom ..."

On sentait dans la voix du vieillard, une déception si intense qu'elle lui brûlait le coeur et que sans doute, plus jamais rien ne serait pareil entre eux deux. Une barrière immense avait été franchie par le jeune garçon et l'antique magicien n'était pas certain de pouvoir le suivre si loin dans les profondeurs du monde. Il n'était pas certain, ni de le pouvoir, ni de le vouloir. Et les larmes continuaient de couler alors que quelques gardes et serviteurs approchaient de la pièce morte.
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Hamartia
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