Deuxième ennéade de Bàrkios,
De la neuvième année du onzième cycle.
Appartements du PalaisIl était maintenant temps d’annoncer la grossesse d’Arwain. Maintenant qu’ils ne pouvaient visiblement plus le cacher. Ils préféraient l’annoncer clairement plutôt que d’entendre des bruits de couloir, des questionnements sans réelles réponses. Ils voulaient éviter toute maladresse, toute hésitation quant aux références qu’on pouvait y faire. Et à vrai dire, il avait aussi envie de partager cette nouvelle avec son peuple. Parce qu’il avait presque renoncer à devenir un jour père, parce qu’il n’avait pas cru possible qu’après tant d’essais infructueux, celui-ci soit le bon. Sa femme lui avait demandé de ne pas annoncer les jumeaux, seulement sa grossesse. Elle avait peur que quelque chose se passe mal, peur qu’elle perde un des deux, si ce n’était les deux, en son absence. S’il avait envie, au fond de lui, de passer les ennéades restantes auprès de sa femme il savait qu’il devrait sans doute s’absenter bientôt. Il n’avait pas bougé d’Alëandir le mois dernier et on l’appellerait sans doute à le faire dans peu de temps. Que ce soit pour Quatrième-Saison ou pour tout autre protectorat.
Au fond du lit, Arwain bougea et fit bruisser les draps. Basculant sur le dos, elle posa sa main sur son ventre rebondi et sourit à Anorn, les yeux à peine ouverts. Il fit de même, tout en dégageant les cheveux sur son front pour y déposer un baiser. Son autre main se posa sur celle qui était déjà presque au contact de leurs enfants. Il en profita pour vérifier qu’ils allaient bien, tout en veillant à ne pas les déranger. C’était devenu une routine, qui avait perdu en inquiétude et en stress au fil du temps. Au début, ils avaient toujours une légère appréhension. Mais aujourd’hui, les jumeaux grandissaient sans heurts et de manière presque parfaite. Chaque fois qu’il les sentait, il ne pouvait s’empêcher d’être émerveillé par l’unisson parfait de leur coeur. C’était la douce symphonie de la vie et il aimait l’entendre. Elle lui donnait cette sensation qu’il n’arrivait pas à expliquer, presque euphorique et en même temps tellement douce. Arwain finit par l’attirer à elle et il passa un bras sous elle pour la serrer contre lui.
- Tu n’es pas inquiet ? - Mmmh…Une profonde inspiration fit entrer dans ses narines la douce effluve que dégageait toujours le corps de sa femme. Celle qui le réconfortait souvent, celle que lui seule connaissait. Celle qui n’avait pas changé depuis tous ces siècles et qu’il pourrait identifier toujours. Il profita un peu de pouvoir ne pas répondre, parce qu’il avait envie de rester un peu plus dans sa bulle. La main d’Arwain caressait doucement son dos, jouait parfois avec ses cheveux. Ses doigts remontèrent dans son cou pour mieux redescendre au creux de ses reins. Il sentait parfois la fraîcheur de sa bague frapper sa peau et un frisson naissait. Qu’elle s’évertuait à effacer aussitôt. Il aurait pu rester là des heures, sans se rendormir, juste pour profiter. Ces instants étaient sans aucun doute ceux qu’ils préféraient de ses journées. Mais elle bougea, manifestant l’envie de quitter ses bras.
- Excuse moi, il faut que je me lève, pour… tu sais, ils appuient un peu sur ma vessie. Sans ça je resterais ici pour l’éternité.Sa paume caressa sa joue et ses lèvres se posèrent délicatement sur les siennes.
- Evidemment. Nous rattraperons l’éternité une autre fois. Je ne suis pas inquiet. Sortant du lit, il en fit le tour pour l’aider à se lever. Elle pouvait encore le faire seule sans problème mais il aimait prendre soin d’elle. Il s’assura qu’elle tenait bien debout avant de la lâcher. Quand elle revint pour se préparer, il avait déjà passé une sous-tunique blanche, si légère qu’elle en était transparente.
- Vous êtes en grandes pompes Régent, une annonce importante à faire aujourd’hui ? Il est certain que la foule aura toute votre attention, dans cette tenue. Vous êtes resplendissant. - J’espère bien, j’ai passé énormément de temps à peaufiner ma tenue. Avec la précieuse aide de mon épouse. Et il entendit son rire éclater dans la pièce. Un sourire amusé étira ses lèvres. Quand il fut finalement prêt, elle l’était aussi. Du vert émeraude était porté par sa femme et il avait opté pour du vert empire. Une tresse épaisse avec quelques détails pour Arwain et deux fines tresses de part et d’autre de son visage pour Anorn. Le reste de ses cheveux était lâché et tombait sur ses épaules.
***
Esplanade du Trône BlancL’annonce était prévue pour la fin de matinée. Quand le soleil éclairait encore agréablement l’Esplanade. Cette dernière avait été préparée sommairement. Il n’y avait pas de quoi être en grande pompes, seulement de quoi faire une annonce. Un peu en retrait, ils attendaient que l’espace se remplisse. Là où ils se présenteraient tous les deux sous peu, un conseiller appelait au rassemblement. Quand suffisamment d’elfes furent présents, il demanda le silence. Le régent s’avança alors, aux côtés d’Arwain et salua les elfes présents. A certains endroits, des mages amplifiaient sa voix, pour être certains que personne ne manque une parole d’Anorn. Ceux qui le connaissaient bien pouvaient dire qu’il avait l’air radieux. Mais ce n’était rien comparé au sourire éclatant de son épouse.
- Je vous remercie d’être venu si nombreux aujourd’hui. Comme annoncé, ce rassemblement n’est pas signe d’un énième souci à venir, au contraire. Si nous sommes ici devant vous, aujourd’hui, c’est pour vous faire part d’une heureuse nouvelle. Mon épouse, Arwain'míriel Nedi Lûcannui est enceinte. Elle porte ce qui sera une partie de notre futur à tous. Une certaine effusion ne tarda pas à envahir la foule. On manifestait la joie que provoquait cette annonce, bruyamment pour certains, plus sobrement pour d’autre. Le sourire de sa femme avait grandit et ses propres lèvres ne purent s’empêcher de tressaillir. Il était heureux de pouvoir partager leur bonheur. Quand ils retrouvèrent un semblant de calme, il reprit la parole.
- Je ne ferai pas de long discours. L’important aujourd’hui est que vous sachiez que nous attendons notre premier enfant. Cependant, nous célébrerons sa venue comme il se doit et, ce jour là, nous ferons un grand discours. Puisse la Mère être remerciée comme il se doit pour le cadeau qu’elle nous fait à tous. Chaque enfant est un don de Kÿria pour notre peuple. Puissions nous en être à la hauteur. Ils avaient tous une part de responsabilité dans la vie que mènerait leur progéniture. Parce qu’ils influençaient tous, d’une manière ou d’une autre, l’avenir de leurs enfants. C’était sans doute pour cela que tous se réjouissaient d’une naissance à venir. Parce que finalement, celui qui était à naître était plus une partie du futur que leur offrait la Déesse Mère que la descendance de deux elfes. Ils le porteraient tous durant sa vie, joueraient tous un rôle à un moment où à un autre dans son évolution.
Leur apparition avait été brève et la foule ne mit pas bien longtemps à se disperser. Il avait choisi ce moment pour cela, d’ailleurs. En fin de matinée, alors qu’ils entamaient pour la plupart à peine leur pause. Il avait promis ne pas prendre trop de temps et c’était chose faite. Il avait craint un instant que peu d’elfes viennent mais il n’y avait pas eu lieu de douter. Quand le régent appelait au rassemblement, rassemblement il y avait. Reprenant le chemin par lequel ils étaient venus, les elfes qu’ils croisèrent les félicitèrent et leur promirent d’aller remercier la Mère. Il avait passé une main dans le dos de son épouse tandis qu’elle avait les siennes posées sur son ventre. Elle sentait qu’on la regardait plus que d’habitude. Sans doute parce que c’était la première fois où elle sortait sans chercher à cacher son ventre. Il n’était pas encore énorme et des vêtements amples laissaient planer le doute, surtout dans certaines positions. Ceux qui remarquaient un changement étaient trop polis pour demander ce qu’il en était vraiment. Alors maintenant qu’ils avaient la confirmation qu’elle attendait effectivement un enfant, ils ne détournaient plus le regard.
- J’irai prier au temple ce soir. Tu viendras avec moi ? - J’en profiterai pour demander une entrevue à la Haute-Prêtresse. - En espérant qu’elle puisse m’en accorder une rapidement. - Ne t’en fais pas, pour toi tout le monde a le temps, nín meleth*.Un sourire sur son visage et elle s’appuya un peu plus contre lui.
- Spoiler:
nín meleth : mon amour