Fou est le marchand qui corrompt | Solo [en cours]

Au jour 1
De la 5ème ennéade
Bàrkios, mois d’automne
En l’an 9 du 10ème cycle

A l’arrivée du convoi de nobles à Etherna, venu d’Odélian, certains seigneurs prirent la décision de rester à la ville, estimant qu’un aller-retour n’était pas faisable en si peu de temps, d’autres partirent rejoindre leurs terres dans l’optique de retrouver leurs familles pour ensuite revenir à la ville lorsque le Marquis reviendrait de sa chasse.

A L’ouest, les seigneuries séparant l’Ack et l’Etherne ne manquaient pas et la plupart des seigneurs regagnèrent leurs pénates.  C’est là que notre bon vieil Hector entre en jeu. Partit depuis peu de la capitale, celui-ci fit une halte dans une seigneurie bien déterminée. Il demanda le logis au château, prétextant avoir à discutailler avec le seigneur locale, Athlaric d'Argon. Celui-ci fut présent en Odélian et vit son fils cadet être condamné à mort par le Marquis. Depuis, son fiston était retenu prisonnier en Etherna-ville et lui-même avait regagné ses terres en colère.

« Messire. » articula difficilement le vieil homme, déjà fatigué par ce premier voyage, lui qui aurait bientôt à devoir gagner Sainthe-Berthilde au détriment de sa propre santé.

« Parlez ! Et prestement ! J’ai d’autres chats à fouetter. »
« Je viens porter la parole de Messire de Caerlyn. »
« Caerlyn ? Pourquoi vous envoyez, vous, plutôt qu’un messager ? »
« Disons que la discrétion était de mise et qu’un vieux croulant de marchand comme moi ne se distingue que peu parmi les autres croulants de marchands. »
« Que me veut-il donc ? »
« Hum… permettez-moi… » Dit-il avant de reprendre un peu de forces en s’appuyant sur sa fille cadette.
« D’Etherna, et du Marquis. Il semblerait que celui-ci ne laisse point l’opportunité aux seigneurs de pouvoir s’entretenir en toute discrétion. »
« Et donc ? »
« Allez-vous donc assister à l’exécution de votre fils sans rien faire ? »
Il y eu un blanc, un silence qui se fit soudainement pesant. L’homme, âgé dans la cinquantaine invita le marchand à prendre place sur un tabouret  avant de réfléchir quelques instants.
« Je n’ai pas encore pris de décision quant à cette condamnation. »
« Néanmoins, n’estimez-vous pas qu’elle soit injuste ? »
« Bien évidemment qu’elle l’est. »
« Bien… bien. Je viens vous apporter la nouvelle. Par contre, êtes-vous certains  que nous soyons bien seuls ? Non pas que je soupçonne la présence d’espions, quoi que… si. En fait, si. Je souhaiterais garantir un huis-clos. Serait-ce possible ? »
« Qu’avez-vous donc à me dire de si important qui nécessite une telle précaution ? »
« Des choses intéressantes, messires, très intéressantes. »

Athlaric ordonna que tout le monde sorte de la pièce dans laquelle il avait accueilli le marchand. Il ne restait que lui, son fils ainé et deux gardes postés à l’entrée de la salle. Il fit également préparer une table garnis de quelques mets et de bons vins, là, les hommes pourront discuter sans avoir à hausser la voix pour se faire entendre.

« Alors, dîtes-nous tout. » Reprit l’ainé d’Argon. « Qu’avez-vous de si important à nous dire ? »
« Avant tout, permettez-moi de vous demander ceci. Que pensez-vous des actions du Marquis ? Que ce soit sa déclaration en tant que Baron, l’envoi de troupes sur vos terres ainsi que le rassemblement du ban d’Odélian en Etherna ? »
Les deux hommes se regardèrent puis comprirent que ce marchand sera bavard à y passer la nuit.
« Venez-en au fait. »
« Un murmure parcoure actuellement les bouches de nombreux seigneurs, ceux-ci ne souhaitent plus être sous la coupe d’Odélian surtout au vu du caractère du nouveau marquis. Une envie de revenir aux sources semble avoir pris aux tripes de pas mal de seigneurs. »
« Fuir un tyrannique pour en gagner un autre. »
« Godfroy est décédé père, quelques tensions naissantes ont vu le pays se diviser entre ceux reconnaissant son fils, Louis comme héritier alors que d’autres souhaitent revoir leurs véritable suzerain, l’enfant du Sud, récupérer son dû. »
« Tiens, comme un air de déjà-vu. »
« Caerlyn n’a pas eu le temps de tout m’expliquer, alors je vous en prie, éclairez-moi sur la situation actuelle concernant les Clairssac. »
« Pfah. C’est simple, Jérôme a fui ses responsabilités en laissant Etherna à la merci de la pauvreté et de la famine, il nomma Guillaume comme étant son successeur, comme s’il ne savait pas que seul le Marquis peut distribuer la charge de Baron. Oh Guillaume s’est montré plus malin, il ne s’était pas proclamé comme tel face à nous, promettant de s’entretenir avec le Marquis mais il s’avère qu’il l’a bien eu dans l’os le petiot. »
« Comment a-t-il donc réagit ? »
« Il est resté en retrait sans pour autant dire ce que le Marquis voulait entendre. Il a à plusieurs reprises calmés les Etherniens. »
« Mais Cédric lui, n’a pas su la fermer ! »
« Il est jeune père, et tu sais qu’il est copain comme cochon avec Guillaume. »
« Et cela va lui coûter sa tête ! »
« Vous avez la possibilité d’agir. Réclamez sa libération. »
« Bien-sûr, pour qu’il soit exécuté plutôt que prévu ! »
« Vous pouvez faire pression, vous êtes le seigneur le plus respecté dans cette partie d’Etherna, les autres vous suivront facilement. N’êtes-vous pas intéressé de retourner sous la protection du Berthildois ? Cette région n’a-t-elle pas été trop longuement été délaissée après le bannissement de l’ancien seigneur d’Ack par le Marquis Grégoire ? »
« Et par Jérôme ! »
« Qui n’est plus là, aujourd’hui. Regardez donc la vérité en face. Odélian ne s’est jamais préoccupé de vous et maintenant que le Marquis tremble face à une éventuelle révolte, voilà qu’il envoi des hommes pour soit disant sécuriser le pays. »
« Il y a des bandits qui rodent, ces hommes nous sont nécessaires. »
« Vous en avez tout autant. Ne croyez-vous point estimer avoir mérité d’être nommé seigneur d’Ack, messire ? »
« Père est sans aucun doute le plus respecté et le plus méritant de cette région, sans lui, l’ouest aurait déjà été ravagé par de nombreux malfrats. »
« Nous nous sommes débrouillés tout ce temps, sans l’aide de Jérôme, sans l’aide d’Odélian mais les hommes qu’offrent le Marquis, je ne peux me résigner à les refuser. »
« Vous avez tenu cette région et pourtant voilà comment vous remercie le marquis ; en condamnant à mort votre cadet. Des hommes, vous pouvez en trouver ailleurs. Vous n’êtes pas le seul à être lésé dans cette histoire. Bon nombres de vos semblables ont le regard tourné vers le Berthildois. »
« Combien sont-ils ? »
« De plus en plus nombreux chaque jour, Messire. Actuellement le centre et l’est sont déjà épris par l’envie de regagner le cœur du régent alors que le sud n’attend qu’un simple geste de la part de Guillaume. »
« Pourquoi ne s’est-il pas encore manifesté ? »
« Je n’en ai fichtrement aucune idée. »
« Le centre, l’est, éventuellement le sud, et l’ouest. Si nous décidons tous de trahir Gaston... mais vous rendez-vous compte des conséquences que cela pourrait amener ? N’oubliez pas que d’ici une ennéade, l’armée du Marquis sera aux portes d’Etherna-la-ville. Il risquerait de répéter le passé en purgeant une nouvelle fois les terres Ethernienne. Croyez-vous vraiment que nous sommes en mesure de nous défendre alors que notre armée n’est même pas préparée ?  »
« Le temps presse effectivement. Je me rends d’ailleurs après notre entrevue dans le Berthildois pour m’entretenir directement avec le Régent. D’ici quelques jours, vous connaitrez la position de celui-ci et vous pourrez réévaluer les risques. »
« Qu’il en soit ainsi, je chargerais mon fils ici présent à porter la nouvelles auprès des autres seigneurs. »
« Soyez discret, pour l’instant, le Marquis ne se doute de rien. »
« Il ne verra déjà pas d’un bon œil que nous sommes rentrés dans l’attente de son arrivée à Etherna, il risque d’être suspicieux. »
« Que cela lui plaise ou non, je n’en ai cure ! Nous ne sommes pas ses chiens, et regagner mes terres lorsque cela me chante est un droit que je compte bien préserver ! »
« Bien, père. Je me charge de faire passer la nouvelle. »
« Quant à vous, monsieur... »
« Appelez-moi simplement Hector. »
« Hector, donc. J’attends de vos nouvelles et soyez bref, le temps joue contre nous. Mais tant que je n’aurais point de réponse de la part du Berthildois, je ne lèverais pas les armes contre le Marquis. »
« Je ferais donc au plus vite. Et pour votre fils ? »

Hector n’obtint aucune réponse, il fut bien vite amené à une auberge de la ville où il passe une misérable nuit puis il reprit la route pour Sainte-Berthilde dès le lendemain à l’aube. Quant au fils du seigneur d’Argon, il opta pour la même stratégie que Caerlyn, faisant passer un message clair et concis aux seigneurs de l’ouest, les informant du désir grandissant des seigneurs Etherniens à regagner la suzeraineté du Berthildois.