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| Palabres [Franco] | |
| | Auteur | Message |
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Roderik de Wenden
Ancien
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 27 ans (né en 982) Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Palabres [Franco] Mar 14 Mar 2017 - 23:25 | |
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Neuvième année du onzième cycle Première ennéade de Verimios - Hiver Le troisième jour...
La terrasse, imprégnée d'un délicat parfum de fleurs, baignait d'ombre et de verdure. Le déclin du jour colorait de teintes orangées un horizon de dômes et de coupoles, et les murmures lointains et estompés de la cité étaient rythmés par le doux clapotis de l'eau d'une fontaine. La soirée était calme. En sa qualité de Grand Chancelier du Royaume, Roderik séjournait en ses nouveaux quartiers, généreusement mis à sa disposition par son hôte le prince de Merval, et qui étaient plus confortables que tout ce qu'un arétan pouvait imaginer. Les bâtisseurs arétans préféraient ce qui était fort à ce qui était beau ; aussi l'homme du nord ne pouvait que s'émerveiller de la richesse de style et de l'ornementation qui habillaient les pièces et transformaient la demeure en un monde de couleurs et de fantaisies, comme doté d'une vie propre. Il ne pouvait pourtant s'empêcher d'avoir le mal du pays ; cette demeure aérée et exotique lui foutait le cafard. Parce qu'il se sentait dans la peau d'un étranger, il n'était pas difficile de voir qu'il en était un. Indifférent aux modes vestimentaires du sud, il s'habillait à l'arétane, et si le tissu de ses pourpoints était de qualité, leur couleur terne le rendait bien sobre dans une cour inondée de parures aux couleurs chatoyantes. Mais parce qu'il était le Grand Chancelier et qu'il fallait bien qu'on le remarque, cette particularité qui aurait dû le rendre discret le rendait plus visible encore, et on le regardait passer avec un haussement de sourcil intrigué, ce curieux personnage venu des marches du nord qui avait su gagner la confiance de Cléophas d'Angleroy. A Merval, les petites et grandes gens le désignaient sous le sobriquet de l'Arétan ; on usait de ce vocable dans son dos, comme si c'eut été une insulte. Roderik, pourtant, ne reniait rien ; s'il avait choisi de suivre le roi Bohémond, de vivre comme lui reclus à Merval dans l'attente de voir un jour Diantra reprendre son rôle de capitale du royaume, et si ses pas l'avaient de ce fait conduit dans le sud, il n'en demeurait pas moins un homme du nord.
Le sud le troublait, en vérité. Il avait grandi dans la méconnaissance de ces contrées lointaines où il évoluait aujourd'hui, et son imaginaire avait été façonné par les ragots, les on-dit, les idées reçues. Comparant aujourd'hui ce qu'il croyait savoir à ce qu'il pouvait voir, il s'étonnait d'affectionner ce pays par certains côtés, tout en découvrant, sur d'autres aspects, que les choses étaient pires encore que ce qu'il avait imaginé. Les mentalités, surtout, le déroutaient ; les gens du sud étaient ouverts sur bien des sujets qui, dans le nord, étaient tabous, si bien qu'on aurait d'abord pu croire qu'ils n'avaient rien à cacher ; mais ils étaient en même temps si dissimulateurs, si sournois ! Sans avoir beaucoup essayé, Roderik avait renoncé à les cerner ; il n'était tout simplement pas comme eux. Finalement, il se méfiait de tout le monde. Il se défiait des clercs de la Grande Chancellerie, ces intellectuels trop polis pour être honnêtes, trop respectueux de l'inculte qu'il était pour être vraiment dépourvus d'arrière-pensée ; il répondait aux salutations des nobles et des chevaliers mervallois avec un sourire forcé, et soupçonnait chaque vieil homme à barbe blanche qu'il croisait dans les allées du palais d'être un magicien adorateur des dieux-serpents auxquels Merval n'avait jamais vraiment renoncé. Le pire d'entre eux était certainement ce Lévantique, l'ombre de Cléophas d'Angleroy, dont l'on ne pouvait deviner ni même imaginer les intentions et qui était bien trop proche du prince de Merval ; paradoxalement, Roderik plaçait en Cléophas une confiance absolue. Cette confiance, qui était aussi sensée que la confiance qu'un enfant place dans les capacités de son père malade et alcoolique à subvenir à ses besoins - car papa est le plus fort du monde et que rien ne l'arrête - était inébranlable, elle était, au fond, son repère dans le noir, la main à laquelle il s'accrochait dans cet océan de mystères et de doutes. Et quand cela ne suffisait plus, le sourire et le calme du petit roi venaient atténuer ses doutes chaque fois qu'il se trouvait en sa présence, car il se rappelait, alors, qu'il avait fait le bon choix, qu'il avait choisi la cause juste.
Légère comme le vent dans sa fine tunique de soie blanche, ses pieds nus allant comme flottant sans bruit au-dessus des dalles, une servante vint changer les fleurs qui commençaient à faner et remplir la coupe vide de Roderik d'un vin doux de Hautval. Entre toutes ces choses qui étaient plus belles ici que dans le nord, il fallait, évidemment, compter les femmes ; pourtant Roderik continuait de jouer les nostalgiques. Il aurait aisément pu mettre une ou deux lingères du palais dans son lit pour compenser sa solitude, mais il craignait toujours que l'une d'elles ne soit la créature de quelque personnage de la cour désireux de le placer sous surveillance. Il s'astreignait donc à la sobriété, exercice compliqué quand tant de choses ici vous incitaient à la dépravation - quel était ce genre, que de garnir les allées et les couloirs de statues d'hommes et de femmes dénudés ? Observant ce que commandait la morale, il laissait ses pensées voguer vers sa maison, là où il avait laissé son épouse Iselda, enceinte, entourée d'une noblesse tapageuse et dans l'ombre menaçante du marquisat de Sainte-Berthilde et de la rancune des Saint-Aimé. Et ainsi il se souvenait du nord. Et ainsi, immanquablement, ses pensées dérivaient à chaque fois vers Maélyne de Lourmel... maudit soit-il de l'aimer tant ! Il ne pouvait rien y faire. Presque malgré lui, il avait prêté l'oreille à toutes les rumeurs qui lui parvenaient d'Etherna ; on disait que Jérôme de Clairssac avait abdiqué de son titre de baron en faveur de son frère Guillaume, l'époux de Maélyne - ce qui faisait de Maélyne la baronne ? Personne n'avait su le lui affirmer clairement, car bientôt le bruit se mit à courir qu'entre Odélian et Etherna le torchon brûlait, et plus que d'habitude.
Il fut tiré de ses rêvasseries par l'arrivée subite d'un jeune valet imberbe. « Une ambassade s'en vient, Messire Chancelier. - D'où ? - De Soltariel, Messire Chancelier. »
Roderik fronça les sourcils. Il n'avait pas imaginé rencontrer les soltarii aussi vite ; c'est qu'il les oubliait presque, depuis que le duché s'était englué dans une quête existentielle d'identité locale et avait rappelé à sa tête l'ancienne maison ducale, chassant au passage l'ambitieux et cupide Anoszia. Ce n'était pas sans bonne raison que Cléophas d'Angleroy avait fait sortir l'enfant-roi des palais de Soltariel ; l'air de la cité solaire fleurait bon l'intrigue, or cet air vicié ne seyait guère à Bohémond. Pourtant le nouveau couple ducal n'avait pas renié sa loyauté à la couronne, et parce qu'ils protestaient de leur fidélité, et parce que le roi ne pouvait se passer du soutien de Soltariel, il convenait de traiter ces gens-là avec tout le respect qui était dû à leur rang. Les audiences accordées par Cléophas étant de plus en plus rares, Roderik s'attendait à ce qu'on lui délègue une part de ces visites protocolaires ; il était temps qu'il fasse sa part.
Le nord attendrait ; le sud réclamait toute son attention.
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Dim 19 Mar 2017 - 13:15 | |
| ~ Un homme sans projet est l’ennemi du genre humain ~ « Grand amiral de la flotte royale ». Voilà les paroles qui avaient été ramenées à Franco par Tibéria lors de son dernier passage à Merval. Ce n’était qu’un titre certainement bien plus ronflant que ce qu’il signifiait en réalité, mais tout de même. Une allégeance forte du duché de Soltariel à la couronne était nécessaire pour faire avancer les choses. Alors que le trône ducal n’avait pas été contesté depuis maintenant plus de deux mois, force était de constater que la situation se stabilisait dans le duché. Et le couple ducal formé par Tibéria et Franco devait se trouver de nouveaux projets à mener à bien pour faire avancer les choses. Le chancelier du royaume, Cléophas d’Angleroy, avait confié la mission ardue à Tibéria de rendre de sa superbe à la flotte royale. Bohémond étant désormais un résident du sud, tout le monde savait pertinemment que l’influence dans ces régions se mesurait à la puissance maritime d’un souverain. Chaque duché, chaque baronnie, chaque comté possédait sa propre flotte, plus ou moins importante en fonction des ressources à la disposition des uns et des autres. Même si les seigneurs du sud soutenaient majoritairement le règne de l’enfant-roi, cela ne faisait pas de leurs armées ni de leurs bateaux les bateaux du roi. Les évènements politiques étaient nombreux en péninsule ces derniers temps : Diantra la déchue était une fois de plus tourmentée par des dissidents à la couronne, le duché de Langehack se murait dans un silence qui ne disait rien de bon … Le moment était venu pour Soltariel de s’affirmer aux côtés de Bohémond et de peser dans le calcul des rapports de force du sud de la péninsule. Franco avait pris la décision de se rendre à Merval afin de s’entretenir avec le chancelier du roi. Il n’avait jamais vraiment eu de discussion en tête à tête avec le prince de Merval. Le duc de Soltariel avait, bien évidemment, apprécié l’aide que lui avait fourni Cléophas lors du procès improvisé de l’Anoszia. Mais le chancelier paraissait malade à cette époque et limitait ses apparitions en public, ce qui avait contraint Franco à s’en tenir à une relation quasi-inexistante avec lui. Le duc avait des grands projets pour Soltariel. Il en avait parlé avec Tibéria, tous deux étant bien évidemment d’accord pour accorder un soutien ferme et fort à la couronne. L'étape suivante étant désormais d'en informer les principaux intéressés, c'est à dire les sujets les plus proches du roy. La délégation de Soltariel approchait rapidement de Merval. Franco était venu avec son serviteur personnel, une poignée de gardes et un scribe. L’escouade était plutôt réduite. Comme à son habitude, le duc entendait être rapide et efficace. A l'approche de la villle, ils furent accueillis par un messager portant les couleurs de Merval. La bannière sang et or de la principauté rappelant presque les couleurs du déchu Arichis d’Anoszia. Après avoir été annoncés comme représentants du duché de Soltariel, la délégation de Franco fut rapidement conduite au cœur même de la ville. Le grand brun était déjà venu à Merval plusieurs fois par le passé, souvent pour des affaires commerciales. La principauté étant tournée vers la Mer Olienne, cela en faisait un point de départ parfait pour commercer avec le Langehack, Nelen ou encore la lointaine Thaar. Cette fois-ci, Franco entrait par la grande porte. Il aurait préféré être discret afin d’être rapidement présenté au Chancelier. Heureusement, la ville n’était pas immense et ils eurent tôt fait d’en atteindre le château. En à peine quelques minutes, la délégation atteignit une salle d’audience réservée aux importants dignitaires. Un valet se dirigea vers Franco afin de l’inviter à patienter. - Messire Chancelier va venir à votre rencontre. Quelques secondes à peine s’écoulèrent. Puis il fut annoncé. - Messire Roderik de Wenden, chancelier du Royaume de sa majesté Bohémond. Roderik de Wenden ? Le comte d’Arétria ? Franco ne connaissait pas cet homme. Enfin, il connaissait son nom suite à ses exploits dans les batailles récentes qu’avaient mené les seigneurs du Nord contre les drows mais c’était à peu près tout. Le duc savait pertinemment que le prince de Merval était malade mais … était-il mort ? Et était-ce lui qui avait désigné un homme du nord pour lui succéder dans ce sacerdoce qu’était la tâche de Grand Chancelier du Royaume ? Les questions se bousculaient dans la tête de Franco à un tel point qu’il oublia l’espace d’une seconde la raison de sa venue ici. Alors que l’homme qu’il ne connaissait pas se présenta, Franco fit en sorte de garder son calme et de contenir son flot de questions. - Messire. Franco s’inclina légèrement. Pile au moment où Franco savait qu’il avait un allié parmi les hauts dignitaires qui entouraient Bohémond en la personne de Cléophas, il fallait que ce dernier soit remplacé par un autre. Cet autre était un homme du nord. Un homme du nord qui semblait jeune. Franco vit une opportunité et il ne put s’empêcher de penser « Pourvu qu’il soit inexpérimenté et facilement manipulable ».
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Jeu 23 Mar 2017 - 20:29 | |
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Lorsque Cléophas d'Angleroy tenait audience en sa grande salle du Porphyrion, les encensoirs qui ornaient les marches du trône déversaient un épais nuage de fumée au parfum entêtant qui auréolait le prince de Merval d'une aura mystique. Et par ce cérémonial savamment répété à chacune de ses apparitions, Merval entretenait le mythe. Si le royaume voyait aujourd'hui en Cléophas son régent et son gardien, ici à Merval il était bien plus que cela ; les mervallois considéraient leur prince comme un dieu, et comme le petit roi Bohémond leur était peu de choses, Cléophas, lui, leur était tout.
Mais les apparitions contemplatives du prince-dieu de Merval se faisaient rares ; et rares étaient devenus ces instants où la grande salle du Porphyrion s'emplissait d'une foule dévote de courtisans et de sujets venus requérir sa loi. Le Porphyrion, haut lieu où s'entrelaçaient étroitement le culte local, la politique et l'histoire de la cité de Merval, s'était mis en veille. Il attendait.
Et le jour de la venue du duc de Soltariel, le Porphyrion se transforma. Du traditionnel cérémonial local on fit l'impasse ; les grands encensoirs ne brûlaient point, et l'air n'était pas empli du parfum de la myrrhe et de l'oliban. Le trône du prince, visible de tous, était vide. Ce n'était point Merval qui investissait aujourd'hui le Porphyrion, mais le royaume ; ainsi le duc de Soltariel fut-il accueilli par des choeurs de jeunes filles aux cheveux tressés de lauriers répandant des pétales sur le sol de marbre et chantant les gloires des héros des jours meilleurs, et par un héraut proclamant d'un ton grandiloquent la titulature de ce prestigieux visiteur : « Son Altesse le Duc de Soltariel et Amiral du Roi, de la noble maison di Cellini, soltarii véritable. »
A l'ombre du trône du prince de Merval, le nouveau Chancelier du royaume, l'Arétan comme on l'appelait, se tenait debout sur les hautes marches. Le visage fermé dans une espèce de rigidité qui pouvait passer pour de l'attentisme voire de l'indifférence, il toisait en réalité le visiteur avec la plus grande attention. Franco di Cellini était un nouveau visage dans les hautes sphères du pouvoir, et parce qu'on ne savait rien ni de lui ni de ses intentions, il représentait cette part d'inconnu, ce risque qui à tout moment pouvait chambouler tous vos plans. Dans ces circonstances, l'attitude la plus naturelle était la méfiance. Mais n'en allait-il pas de même de Roderik ? Cet homme du nord, qui avait acquis on-ne-sait-comment la confiance du régent, lequel l'avait propulsé Grand Chancelier par lubie pure, ne manquait pas d'intriguer son monde. Ses apparitions s'étaient pour l'heure limitées à assister aux audiences du tribunal royal ; en théorie, c'était lui qui présidait, mais dans les faits il s'était contenté d'observer, se laissant porter par la petite armée de procureurs et de juges qui l'assistaient. Cette passivité humiliante l'agaçait au plus haut point, lui qui désirait ardemment mériter son rôle ; en dépit de tous ses efforts pour se montrer à la hauteur, il demeurait constamment largué lorsque les clercs évoquaient devant lui les rudiments des conflits de lois. Invariablement, il se promettait qu'à la prochaine, il saurait s'y prendre. Mais les audiences étaient finalement assez rares : les affaires qui touchaient à Merval ne relevaient pas du Chancelier, et celles qui touchaient le royaume parvenaient rarement jusqu'à lui. D'un bout à l'autre de la péninsule, il se trouvait finalement peu de justiciables pour prendre la route jusqu'à Merval pour y trouver la cour, et parce que le royaume restait désuni, parce que l'on rechignait encore à reconnaître la légitimité du petit roi, la justice royale subissait le poids de cette division. Pas pour longtemps, songeait Roderik avec une conviction proche du fanatisme.
« Soyez le bienvenu, Franco di Cellini », lança Roderik d'un ton un brin plus pompeux qu'il ne l'aurait voulu - il n'escomptait pas se laisser « changer » par son nouvel office, mais c'était à la fois inattendu et grisant pour un homme qui était passé de la noblesse d'un comté à la noblesse d'un royaume, que de voir un duc s'incliner respectueusement devant lui. « Voici donc l'homme qui rendra au roi le contrôle des mers ! » s'exclama-t-il, quittant son air guindé pour adopter une posture un peu plus guillerette, et surtout, détendre un peu l'ambiance coincée du fion qui régnait dans la salle. « Vous avez contribué à débarrasser le royaume de l'Anoszia, Messire, et nous vous en sommes tous reconnaissants ; et grâce à vos navires, il ne sera bientôt plus un lieu où pourront se réfugier les ennemis du roi qui fuient sa justice. Je gage qu'un amiral de votre trempe n'aurait jamais perdu Nelen ! Ah, mais nous la reprendrons un jour, oui... un jour. Mais voilà que je parle, je parle, et je ne vous laisse même pas en placer une ; racontez-moi un peu, Franco, parlez-moi de ce qui se passe à Soltariel, à moi qui connaît si peu le sud. »
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Mar 4 Avr 2017 - 11:52 | |
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En fait, Franco n’avait même pas remarqué la grandiloquence de toutes les préparations effectuées afin de l’accueillir. Il était certain que les hommes de la troupe qui l’accompagnait avaient été impressionnés ou même encore subjugués par un tel étalage de frivolités. Franco, lui, préférait faire fi de tout cela. Non pas qu’il n’appréciait pas être reçu luxueusement et que son nom soit loué aux quatre vents, mais il avait bien d’autres choses en tête. Lors de son plus jeune âge, son père lui avait appris à ne pas se laisser déconcentrer par les grandes frasques souvent usitées par la noblesse. Son conseil serait appliqué avec rigueur en ce jour, qui plus est dans cette contrée qu’était Merval.
Le duc prit un instant afin de dévisager le dénommé Roderik. Il semblait jeune. Jeune, mais pas tellement en fait. Comme nombre des hommes du nord, il avait l’air sérieux et assez sûr de lui. Sa barbe était bien taillée et ses vêtements laissaient penser qu’il s’agissait d’un homme qui faisait attention à son apparence. Bien, maintenant restait à savoir quelle mouche avait bien pu piquer Cléophas afin que ce dernier décide de nommer cet inconnu à sa place. Le nouveau chancelier prit la parole afin d’inviter Franco. Il employa des termes élogieux afin de parler de lui, ce qui laissa penser au duc que le chancelier avait besoin de lui. En fait, c’était une évidence, le roi Bohémond et ses suppôts avaient besoin de tout le soutien possible. Ne serait-ce que pour reconquérir les terres ancestrales qui lui revenaient de droit.
Puis vint enfin le nom de la ville chérie de Franco. Ah, Soltariel. Qu’il était bon de savoir que même le roi avait besoin des bonnes grâces de la capitale du sud afin de pouvoir établir des plans d’avenir. Sans plus attendre, Franco prit la parole.
- Je vois que vous vous êtes bien renseigné sur ma personne, Messire Chancelier. Je ne puis que m’incliner devant tant de belles paroles à mon égard. Cependant, j’espère que vous pourrez constater par vous-même mes futures réussites. Pour ma part, j’ai déjà eu vent de vos exploits à la guerre, mais sur les terres. J’ose espérer qu’une alliance entre un grand guerrier et un grand amiral servira au mieux les intérêts de la couronne.
Comme à son habitude, Franco n’aimait pas les grandes phrases pleines de velléités. Il aimait les actions et comptait bien démontrer rapidement à son interlocuteur nordien qu’il n’était pas là pour échanger des politesses. Cependant, il se devait de paraître un minimum sympathique auprès de cet homme. Malheureusement, il ne connaissait pas grand-chose de lui et il ne pourrait pas s’éterniser beaucoup plus en éloges. Aussi, le grand brun saisi la perche tendue par le chancelier afin de parler de Soltariel. - Pour Soltariel, que de bonnes nouvelles, Messire Chancelier. Comme vous le savez très certainement, nous avons deux grands projets en cours.
Le duc marqua un temps d’arrêt afin de sonder le regard du chancelier. Il souhaitait voir si ce dernier avait l’air surpris de ce qu’il allait dire ou non. Le but étant bien sûr d’évaluer son niveau de connaissance sur l’état politique du sud de la Péninsule.
- Comme demandé par son Altesse Cléophas d’Angleroy, nous travaillons actuellement au rétablissement de la flotte royale. Le travail est long et, pour des raisons logistiques, nous avons commencé à acheminer les matières premières vers le port de Boniverdi. C’est un endroit sûr et à l’abri des regards de nos détracteurs. Nous travaillons également à l’unification du Duché. Nombre de nos vassaux ont été troublés suite aux altercations qui ont eu lieu avec le Dragon Déchu. Il est de notre devoir de les unir sous la bannière de Soltariel et de faire en sorte que la paix règne dans le sud.
Franco sourit. Il savait que les choses allaient bon train et force était de constater que depuis sa nomination au poste de duc tout s’était presque passé trop facilement pour lui. Comme à son habitude, il avait fait des plans et avait essayé de les exécuter en les appliquant le plus soigneusement possible. Mais Roderik, lui, avait-il des plans ? Le duc de Soltariel devait s’enquérir d’une pareille information. - Vous avez eu la sympathie de vous inquiéter pour mes projets, mais comment vont les vôtres Messire Chancelier ? Ma question va peut-être vous paraître étrange mais … Je pense connaître Cléophas. Et j’imagine qu’il ne vous à point nommé à ce poste sans vous confier un but à atteindre, je me trompe ?
La question était lancée. Elle était directe et sans fioriture. Mais peut-être que cela ne surprendrait pas un homme du nord tel que le nouveau chancelier. Quel était son premier objectif ? Récupérer les terres de la couronne ? Déclarer la guerre aux dissidents ? Ramener la paix en Péninsule ? En fait, Franco était curieux de le savoir. Et même si il souhaitait être sympathique avec ce nouveau chancelier, le duc ne pouvait se permettre de revenir de Merval sans la moindre information.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Mar 11 Avr 2017 - 21:22 | |
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La tradition tenait les hommes du sud pour les maîtres de l'art de la dissimulation ; on les disait aussi sanguins que ceux du nord, mais plus retors, plus cérébraux. Venant d'un homme dont la verve, en excitant les relents de chauvinisme local, lui avait gagné le soutien populaire et tracé la route vers le trône ducal de Soltariel - royaume des cabaleurs s'il en est - Roderik s'attendait à ne rien voir venir ; il s'était dit que le bon Celini, prince des bonimenteurs, réussirait à le mettre à genoux en deux trois belles formules de politesse, et ce sans même qu'il ne s'en aperçoive, tel un escamoteur subtilisant son pantalon à un passant et le laissant aller, le cul à l'air et sans que celui-ci ne se doute de quoi que ce soit.
Mais au lieu de ça, Franco di Celini lui demanda sans détour, devant toute une assemblée de courtisans et sans la moindre ambiguité, pour quelle raison le Régent du Royaume et ancien Chancelier l'avait nommé, lui, Roderik de Wenden, pour lui succéder à la Chancellerie. Comme ça, sans s'embarrasser de circonvolutions, il s'attendait à ce qu'on évoque des choses concrètes devant un parterre de nobles indiscrets, qu'on étale les secrets du royaume devant des badauds grassouillets comme on déballerait son linge sale en public. Ah, le pendard ! Roderik s'était attendu à être surpris, eh bien, il l'était ; mais pas comme il l'avait imaginé. Au moins, je n'ai pas perdu mon froc, se dit-il, préférant voir le bon côté des choses.
« Si vous pensez connaître le prince de Merval, Messire di Celini, vous avez de la chance », répliqua-t-il d'une voix qui tenait presque du chuchotement mais qui, se répercutant entre les murs de la vaste salle, s'entendait distinctement. « Les choix de Cléophas d'Angleroy semblent souvent obscurs au plus grand nombre, mais finissent par se révéler justes. Ne s'est-il pas trouvé des hommes pour douter de l'opportunité d'amener le roi Bohémond à l'abri entre les murs de Soltariel, quand le Boucher du Médian lui offrait la vie sauve et la sauvegarde de ses titres et privilèges contre la tête de Sa Majesté ? Cléophas aurait pu confier la Chancellerie à bien des hommes. Il a décidé que j'en étais digne, et je m'efforcerais chaque jour de l'être. »
Le discours de Roderik était presque aussi creux que les amabilités d'usage que Franco et lui auraient pu continuer à échanger pour faire croire à cette assemblée qu'ils se respectaient. Mais les mots n'étaient pas choisis au hasard ; devant tant de courtisans mervallois, dont une bonne partie devait adhérer au mythe local qui faisait de leur prince un demi-dieu - voire un dieu en entier - Roderik avait tout intérêt à faire étalage de sa loyauté pour l'homme qui l'avait nommé. Une loyauté qui, du reste, n'était pas feinte ; en dépit des différences colossales qui existaient entre Cléophas et lui, Roderik éprouvait un grand respect pour celui qui, à ses yeux, avait donné sa vie au royaume, au sens le plus propre du terme, car il n'ignorait pas que Cléophas en payait douloureusement le prix à l'abri des regards.
« Quoiqu'il en soit, le but recherché par notre bon Régent est celui que nous cherchons tous à atteindre. La rébellion de Velteroc, et celle, tout aussi honteuse, du Langecin, ont ébranlé le royaume comme rarement ; nous étions au fond du trou, duc. Mais aussi vrai que le beau temps succède à la pluie, les beaux jours reviendront. Au printemps, le royaume retrouvera son unité. Au printemps, Diantra rouvrira ses portes à son roi. Je ferais ce que je dois faire pour cela, Messire di Celini. En ferez-vous autant ? »
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Mar 25 Avr 2017 - 10:41 | |
| Franco agissait en homme égal à lui-même. Sûr de lui, il tenait à faire comprendre à ce nouveau chancelier qu’il aimait être efficace et surtout qu’il n’aimait pas perdre son temps. La réponse que lui servit Roderik était énigmatique. En fait, elle était à l’image des frasques habituelles de Cléophas : Nébuleuse et pleine de sens cachés. Le ton utilisé par le nouveau chancelier était plutôt solennel. Malheureusement pour lui, le duc de Soltariel avait déjà rencontré nombre de charlatans au cours de sa vie et il avait aujourd’hui un peu de mal à croire sur parole les inconnus. Cependant, ne souhaitant pas avoir l’air hostile à l’égard du nordien, il se contenta de le rassurer et d’accepter en apparence ses promesses.
- Vous avez raison, messire. Cléophas est un homme souvent incompris ici-bas, cependant ses choix se sont souvent révélés judicieux pour nous autres, serviteurs de la couronne. Franco se mit à parler moins fort comme si sa remarque était uniquement vouée à être entendue par lui-même. Je me demandais simplement ce que vous pouvez apporter à la couronne qu’il n’apporte déjà. Bref, passons.
Franco n’était pas venu ici pour mettre les représentants de la couronne mal à l’aise. Aussi, il n’insista pas plus pour connaître la raison de la nomination de Roderik de Wenden à ce rang capital dans l’organisation du royaume. Il préféra, comme à son habitude, prendre des positions sur des sujets d’avenir qui pourraient éventuellement faire évoluer la situation actuelle.
- Saviez-vous que j’ai cherché à entrer en contact avec la duchesse de Langehack, dès mon arrivée sur le trône ? Cette dernière m’a invité à sa cour. Au moment de mettre au point les préparatifs pour mon voyage, je n’ai soudainement plus eu de ses nouvelles. Langehack est un allié potentiel important pour Soltariel. Je ne comprends pas l’autarcie dans laquelle ils sont en train de s’enterrer …
Il laissa sa phrase en suspens. Roderik avait parlé de Diantra. Le duc n’avait pas d’avis tranché sur la question. D’un côté, c’était la capitale historique du Royaume. Elle était positionnée de manière plus ou moins centrale en Péninsule et de nombreux monuments en faisaient une ville de renom. Mais d’un autre côté c’était aujourd’hui une ville pauvre, une ville désenchantée où tout est chaos et désorganisation. Etait-ce vraiment le lieu le plus propice pour accueillir un enfant-roi ayant nombre de détracteurs tel que Bohémond ?
- J’aspire à ce qu’il y a de mieux pour notre roi. Croyez-vous sincèrement, messire de Wenden, que Diantra soit ce qu’il y a de mieux pour lui ? Je ne sais pas si vous êtes passé par ces terres récemment, mais la ville n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était autrefois. Certes c’est un symbole.
La question de Roderik était claire, est-ce que Soltariel était prête, ou non, à apporter son soutien indéfectible à la couronne pour mener son entreprise jusqu’au bout. Cela impliquait que si le besoin se faisait ressentir, les soldats aux ordres de Franco devraient prendre les armes pour reprendre Diantra et assurer la sécurité de la ville. Le duc savait pertinemment que la couronne manquait d’hommes sous sa gouvernance directe afin d’envisager une campagne militaire d‘envergure. D’autant plus que Roderik était un homme du nord, cela impliquait qu’il devait certainement trouver du plaisir à faire la guerre. Pour le coup, l’avis de Franco était assez partagé sur le sujet. Et il savait que sa femme, Tibéria, n’était vraiment pas prompte à partir en guerre, ce qui le refroidissait davantage.
- Je ne remets absolument pas en cause vos plans, messire. Mais je me permets d’émettre un doute sur l’utilité de fourbir nos armes dans le seul et l’unique but de reprendre possession d’un symbole. Je pense que vous n’êtes pas sans savoir que la guerre appelle la guerre. Peut-être qu’un pareil agissement nous créera encore de nouveaux détracteurs …
Franco soupira légèrement. Il ne voulait surtout pas avoir l’air défait face à cette situation, mais il aurait aimé être davantage maître de ses propres initiatives. Après tout, une allégeance, peu importe envers qui elle était vouée, amenait toujours des contraintes. Une solution diplomatique lui aurait en fait davantage convenu.
- Ne croyez-vous pas que nous pouvons faire les choses de manière moins radicale ? Nous pourrions nous rendre à Diantra, vous et moi. Une fois sur place, nous pourrions juger par nous-mêmes le niveau de danger qui plane sur les fervents serviteurs de la couronne dans la ville. Nous pourrions même faire une allocution en public. Je sais que c’est risqué, mais si nous entrons dans la ville avec un cortège de chevaliers, que penseront les autochtones ? Que nous sommes leurs ennemis venus les conquérir ? Les gens ont la mémoire courte, Roderik, je pense que nous avons tout intérêt à y réfléchir.
En faisant une pareille proposition, Franco s’exposait. Non seulement il s’exposait mais il mettait en position délicate le chancelier. Après tout, si Roderik souhaitait s’affirmer dans sa nouvelle fonction, le duc de Soltariel lui offrait une occasion de le faire. L’espace d’un instant, Franco pensa à sa ville natale de Soltariel. S’il devait s’exposer pour protéger ses terres, il le ferait.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Mer 26 Avr 2017 - 18:51 | |
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Roderik ne réagit pas immédiatement. Ce fut d'abord un sourcil qui s'arqua lentement, suivi d'un magistral écarquillement d'yeux, le tout au ralenti, si bien que nul dans l'assistance n'en manqua une miette. Ce n'était pas seulement de la stupéfaction, non ; c'était de la sidération pure et simple. Une veine de colère palpita un bref instant au niveau de sa tempe, et il fut très près de s'exclamer quelque chose dans l'esprit de « mais vous avez de la merde dans les yeux, mon pauvre ami ! » Il s'en garda heureusement, contenu par une retenue salvatrice ; il était exclu de sermonner publiquement le duc, et il ne pouvait se permettre de l'humilier devant la noble assemblée. Pourtant, lorsqu'il prit la parole, nul ne fut dupe ; et tout le monde dans la salle comprit que le duc, qu'il l'ait fait sciemment ou par maladresse, avait drôlement fait grincer des dents le jeune Chancelier.
« Allons, allons, Messire », lança Roderik en feignant une espèce de courtoisie mêlée de simplicité et de bonhomie, mais que démentaient les tics nerveux de sa mâchoire. « Vous savez aussi bien que moi que la question n'est pas là, et que Diantra est plus qu'un vulgaire symbole. »
Les propos du duc laissaient entendre que non, mais Roderik ménageait le différend ; plutôt que de le contredire frontalement, il allait faire comme s'ils étaient d'accord, comme si les mots du soltari n'étaient rien d'autre que des paroles en l'air qui ne reflétaient pas son point de vue. Et comme pour insister sur le fait qu'il n'était pas en train de débattre avec le duc, il se tourna vers l'ensemble des hommes et des femmes présents dans la longue salle du Porphyrion, et sa voix se mit à résonner entre les pylonnes.
« Qu'est Diantra aujourd'hui ? On m'a dit qu'elle n'est plus qu'une ruine noircie et morte depuis que le Boucher du Médian, furieux de se voir refuser la couronne, l'a livrée aux flammes. D'autres affirment au contraire que l'incendie fut vite contenu, et que la cité éternelle est restée florissante ; mais qu'elle s'est muée en ville franche, sous la coupe d'une bourgeoisie cupide qui s'approprie impunément ses franchises sans payer le moindre droit. J'ai ouï dire que des prêtres corrompus avaient investi le temple de Sainte-Deina et s'y adonnaient à des pratiques honteuses, tout en répandant des idées malsaines dans l'esprit des bonnes gens. »
Il fit la grimace, et ne s'étendit pas sur le sujet. Si chacun avait suffisamment d'imagination pour imaginer ce qu'on pouvait faire de malsain dans un lieu aussi saint, seuls les plus fins esprits pouvaient deviner de quels prêtres corrompus parlait Roderik. Ceux qui avaient l'habitude de souper en compagnie du jeune Chancelier savaient qu'il s'était ému, à plusieurs reprises, de ce que le clergé néerite diantrais n'ait jamais tendu de main secourable au roi Bohémond, ni même usé de son influence pour soulever le peuple diantrais contre ses ennemis. Pis, le clergé néerite avait plus d'une fois montré des accointances avec la Ligue. En homme pieux qu'il était, Roderik tolérait mal que les membres les plus hauts placés du clergé soient si indignes de leur charge.
« De tous les bruits qui courent, je ne saurais démêler la vérité », reprit-il. « Je n'ai jamais mis les pieds à Diantra. J'ignore à quoi elle ressemblait hier, à quoi elle ressemble aujourd'hui et à quoi elle ressemblera demain, mais je connais son nom depuis aussi longtemps que je me souviens connaître le mien. A combien de saccages, combien de calamités, combien de guerres civiles et d'épidémies a-t-elle survécu ? La mémoire des Hommes ne saurait les compter. Diantra aurait aussi bien pu être rasée trois fois depuis le passage du Boucher du Médian, cela ne change rien à ce qu'elle est. Elle est la cité éternelle des premiers rois pentiens, le siège de ceux qui fondèrent notre royaume millénaire et qui les premiers portèrent l'étendard de notre foi. Est-ce un symbole ? Nenni. Diantra est le royaume. Et le roi Bohémond devrait-il quémander, tel un miséreux espérant une faveur, pour qu'on lui rende son royaume ? »
Il se tourna de nouveau vers le duc ; il ne lui avait pas directement posé la question, mais il était clair qu'elle lui était implicitement adressée. Renouant avec le ton de la conversation, il poursuivit :
« Je suis d'accord avec vous, cher duc. » Mensonge éhonté ! « Il serait regrettable de faire couler le sang inutilement. Bien des vies pourraient être épargnées si le bon peuple de Diantra accueillait son roi à bras ouverts le jour venu ; mais le roi ne négociera évidemment point ce qui est déjà à lui. Bien sûr, sa miséricorde est immense, et ceux qui ne se trouvèrent dans le camp de ses ennemis que par erreur peuvent espérer son pardon ; mais je crains, oui, j'ai peur que les choses ne soient pas si simples, car on dit ces Ligards foutrement sûrs de leur bon droit, tant le Boucher du Médian leur a empoisonné la cervelle. Et si le sang devait couler, Messire, nous savons tous deux que cela ne serait point le fait de notre bon roi. Je souhaite que le bon peuple diantrais ait l'intelligence de comprendre qui fut le conquérant sanguinaire et qui est son seigneur ; mais si d'aventure il venait à s'y tromper, et bien, ma foi ! La fin justifiera les moyens. Comme vous l'avez dit, le peuple a la mémoire courte : tout comme ils ont oublié la main qui les a nourri et protégés, ils finiront par oublier le jour où cette main les châtia. »
Il acheva sa longue tirade le souffle presque court et, subitement rattrapé par l'éreintement de son débit de paroles, héla un jeune page pour qu'on lui apporte à boire. Il avait prit l'habitude, lorsqu'il était devenu seigneur de Wenden, de parler plus que nécessaire ; il avait dû s'habituer à en faire bien davantage lorsqu'il était devenu comte, à peine un an plus tôt. Mais tout cela n'était rien, rien à côté de ce qu'exigeait la Chancellerie. Et encore... pour l'heure, ses pas ne l'avaient pas conduit hors de Merval depuis qu'il occupait cette charge.
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Ven 12 Mai 2017 - 17:28 | |
| Les mots de Roderik étaient durs. Ils étaient froids et cruels. En fait, ils étaient à l’image de la manière dont Franco avait toujours perçu les gens du nord : brutaux et réactionnaires. Que croyait donc cette homme ? Que l’armée de Soltariel allait s’engager à ses côtés dans une cabale meurtrière et sans âme ? Quel était le but que les soldats allaient poursuivre ? Que Diantra soit une ville florissante et pleine de bourgeois ou une ruine pleine de manants ne changeait strictement rien. L’antique cité était hostile au roi. Et ça, Roderik ne le comprenait visiblement pas. Franco prit tout de même un instant avant de lui répondre, de manière à ne pas s’emporter comme venait de le faire le chancelier. Il cherchait une parade qui ressemblerait plus ou moins à un accord entre l’arétan et lui, en vain. Reprendre Diantra par la force était une idée stupide. Au mieux, l’affaire se solderait par une bataille avec les Ligards et une occupation militaire de la ville. Au pire, par un génocide de la moitié de la population pour pouvoir remettre aux locaux les idées en place. Quelle que soit la finalité, elle passait par des actes violents et mauvais.
Franco fit quelques pas, presque comme s’il tournait en rond, il en avait besoin pour détendre ses membres et ne pas avoir l’air énervé par la réponse de son interlocuteur. Il fixa Roderik droit dans les yeux et prit la parole.
- Diantra appartient au roi, vous avez raison. Au même titre que Sainte-Berthilde, Edelys, Nelen, Scylla, Caïssa ou ne sais-je encore quel exemple prendre. A-t-on vraiment besoin que le roi soit sur ces terres pour affirmer que ce sont des domaines royaux ? Je vois en vous un fidèle sans faille à l’égard de notre roi bien aimé. Ne faites pas l’erreur de vous laisser aveugler par votre fanatisme, Roderik.
Les mots employés par Franco risquaient de mettre le chancelier encore plus en colère. Peu importe, c’était maintenant et à tout jamais que le duc de Soltariel jaugerait le niveau d’estime qu’il aurait à l’avenir pour cet homme. Après tout, ce n’était pas parce qu’il avait été élevé au rang de Grand Chancelier du Royaume que cela lui conférait la science infuse. Franco reprit la parole, sur un ton calme et posé.
- Vous venez de dire vous-même que vous ne connaissez pas Diantra. Je vous invite donc une nouvelle fois à vous rendre sur place pour démêler de vous-même les bruits que vous avez entendus. Ne soyez pas comme ces monarques qui prennent des décisions sans même savoir de quoi ils parlent.
La proposition était claire. Franco était prêt à accompagner Roderik sur les terres dévastées de l’ancienne capitale. L’opération était potentiellement dangereuse, et alors ? Ce n’était pas en restant ici, bien à l’abri du danger, que la situation évoluerait. Quoiqu’il en soit, un peu plus tôt le chancelier avait posé une question très claire au duc de Soltariel. Etait-il prêt, oui ou non, à engager l’armée qui était sous son commandement sous la bannière du royaume afin de reprendre Diantra ? La réponse était toute trouvée.
- Messire chancelier, peu importe vos argumentations et peu importe ce que je pense. S’il y a une certitude dans tout ce mystère, c’est la suivante : Soltariel ne peut pas se permettre de demander à ses soldats de s’engager dans une guerre sans connaître le motif réel de la guerre ni le résultat que celle-ci aura en cas de victoire. Si vous souhaitez réellement marcher sur Diantra dès demain et avec les informations que vous avez actuellement et votre possession, je vous invite à engager des mercenaires. Il parait qu’ils sont plutôt talentueux pour égorger les enfants.
Un sourire presque sadique se dessina sur le visage de Franco. Ce qu’il disait était horrible, mais le but était de faire prendre conscience à cet homme de la gravité de ses paroles. Tout en espérant que le chancelier serait assez intelligent et ouvert d’esprit que Franco était un allié de la couronne et le resterait.
- Vous devriez faire attention Roderik. N’oubliez pas que ce semblant de guerre revancharde que nous menons plus ou moins contre l’ogre du Médian depuis plusieurs mois approche de son terme. Il y aura une vie après la guerre. Nous préparons aujourd’hui le monde de demain. Je pense, en toute franchise, que nous devrions tous veiller à choisir nos alliés avec prudence et justesse.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Ven 12 Mai 2017 - 21:49 | |
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« Mais pour qui me prenez vous, Messire ? »
Les mots étaient sortis dans un mélange de colère rentrée et de stupéfaction ; et stupéfait, Roderik l'était sincèrement, comme le montrait son visage éberlué, choqué, et, même, vexé.
Il avança de quelques pas, le cuir de ses bottes résonnant contre les marches de marbre qui descendaient vers la cour. Un silence pesant s'était installé, prouvant qu'ils avaient définitivement plombé l'ambiance. Cette fois, plus de vaine tentative de sauver les apparences ; les paroles du duc avaient clairement mis en lumière leur différend. Pis, elles montraient combien le duc prenait le jeune Chancelier pour un imbécile. Mais ce n'était pas tellement cela qui bouleversait Roderik ; il réalisait, à présent, combien il était facile d'être mal jugé lorsque l'on représentait le plus haut pouvoir. Combien chacune de ses paroles allait être détournée de son sens véritable, combien on chercherait à dénaturer son image pour mieux le déstabiliser, le contraindre, et, au bout du compte, le manipuler.
« Lorsqu'a prit fin la guerre de l'Atral, j'ai regagné mes terres sur un cheval à moitié cané, dans une armure en lambeaux, épuisé et affamé. Mon père était mort sur le champ de bataille, ce qui faisait de moi le seigneur de Wenden : je croyais encore, alors, avoir une maison, un foyer. Mais je n'ai regagné mes terres que pour découvrir qu'on me les avait prises. Qu'on avait égorgé mes gens, dans ma propre maison ; les rares survivants m'ont raconté ce qu'ils ont fait subir à ma femme avant de lui trancher la gorge. Ils m'ont raconté la manière dont ils ont battu à mort mon fils Sigebrand, comment ils lui ont cogné la tête sur le pavé jusqu'à en faire de la bouillie. Il avait quatre ans, Messire ; il en aurait sept aujourd'hui. »
Il s'interrompit, le visage grave, les traits tirés, et dans l'assistance on retint son souffle ; pendant un instant, les yeux du Chancelier brillèrent d'une émotion immense, et ils furent plus d'un à penser qu'il allait se mettre à pleurer comme un gosse devant tout le monde, oubliant toute dignité. Mais il se ferma aussitôt ; son expression se fit plus neutre, et il poursuivit d'une voix rauque :
« La DameDieu et le Guerrier m'accordèrent la faveur d'avoir ma vengeance : j'ai repris mon titre et mes terres, mais cela ne m'a jamais rendu ma femme et mon fils. Ils ont été tués par le même genre de mercenaires dont vous parlez, Messire Duc ; ne refaites jamais l'erreur de me comparer à ces gens-là. Je ne vous appelle pas à une quête de vengeance stérile, car je sais combien la vengeance est vide de sens. Je ne vous appelle pas plus à marcher sur Diantra en aveugle pour un assaut mal préparé, car croyez-le, je ne suis pas novice à l'art de la guerre et j'en mesure toute la difficulté. En fait, je ne vous demande rien ; je n'attends rien de plus, et rien de moins, que votre soutien pour rendre à Bohémond le foyer dont il a été privé. Je n'attends rien d'autre de votre part que de reconnaître que Diantra est sa maison comme Wenden est la mienne. Il en a été chassé par les égorgeurs des champs pourpres, mais les Cinq m'en soient témoins, il y retournera. Notre bon régent, Cléophas d'Angleroy, a toujours dit qu'il privilégierait une solution pacifique, et je le suivrais sur cette voie : mais la paix ne se fait pas au détriment de la justice. Je n'appelle pas au massacre d'innocents, Messire. Mais je ne ramperais pas pour autant devant ceux qui ont voulu ravir la couronne et qui, aujourd'hui encore, usurpent Edelys, Nelen, Christabel et tant d'autres domaines. La miséricorde du roi se mérite, elle ne s'achète pas. Vous devriez comprendre ça, Franco : ce mouvement qui vous a porté au pouvoir chez vous, ces... Vrais Soltaris... ils n'étaient pas si complaisants avec l'Anoszia, au moment où vous clamiez que Soltariel était aux Soltaris. »
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Lun 22 Mai 2017 - 10:19 | |
| « Ah, il fait donc partie de ceux-là » fut la première pensée qui traversa l’esprit de Franco quand Roderik évoqua la perte de sa femme et de son enfant. Pas besoin d’être sorti des plus grandes écoles du continent pour voir que le cœur du grand chancelier était noirci. Noirci par la haine, aigri de rage et meurtri par la guerre. D’autres disaient souvent qu’un homme qui avait vu la mort en face était inconsciemment prêt à tout pour revivre cette situation. N’ayant pas connu de guerre aussi violente que celles auxquelles sont habitués les nordiens, Franco essayait de prendre un peu de distance et se disait bien qu’il ne pouvoir pas comprendre tout ou partie du raisonnement de cet homme. Le duc de Soltariel avait lui aussi perdu une femme et un fils quelques années plus tôt. Helena et Matteo … La vie est faite de hasards, de violences et c’est ceci qui forge les hommes forts du futur. Pour ceux qui meurent, c’est la fin de la partie. Pour ceux qui restent, c’est un peu de force en plus pour affronter les étapes suivantes.
Franco fixa Roderik. Il vit dans ses yeux que quelque chose n’allait pas. Bien évidemment, l’homme venait de parler de choses horribles qu’il avait vécues. Il était donc presque normal que son visage se laisse transformer par l’émotion. Pourtant, l’homme qui était en face de lui cachait ses émotions. Il y avait quelque chose de bien plus profond et de bien plus complexe que la simple pudeur qui était inhérente à son rang de grand chancelier. Cette conversation telle qu’elle était entamée ne mènerait à rien. L’émotion et les convictions personnelles empêchaient toute décision rationnelle en ces lieux. Roderik en était presque arrivé à menacer le duc de Soltariel. Bien au-delà des règles de politesse, son attitude montrait que le dialogue ne serait pas fructueux. Quel régent du royaume avait assez peu de jugeote pour avoir des mots agressifs envers les autorités de la force économique et militaire la plus importante des environs ? Cette conversation était stérile et sans intérêt. Il fallait y couper court. Heureusement, l’attitude de Roderik n’avait pas le moins du monde changé les convictions de Franco. Il était important que le duc fasse connaître sa position devant l’assemblée pour éviter toute ambigüité.
- Messire, je vous prie de croire en mes plus sincères excuses pour avoir ravivé dans votre cœur ces souvenirs douloureux. Je sais de quoi vous parlez, j’ai moi-même perdu une femme et un fils.
Le but n’était pas de faire passer Roderik pour un émotif notoire. Simplement de mettre un terme à cette enchère inutile de légitimité par la souffrance.
- Sachez, Messire chancelier, que vous avez, comme depuis longtemps, le soutien de Soltariel pour aider notre bon roi à rétablir sa souveraineté sur le royaume. Nous ne débattrons plus de ce sujet en cette heure. Aussi, je vous prie d’accepter de me recevoir ce soir afin que nous puissions finir cette discussion en des lieux plus calmes. Je saurais apprécier si vous accepteriez de me recevoir seul à seul.
Franco aurait pu surenchérir une fois de plus. Car Roderik l’ignorait certainement mais les Vrais-Soltaris avaient pris le pouvoir par la voie diplomatique. Aux dernières nouvelles, l’homme en la personne d’Arichis d’Anoszia était encore vivant. Et encore, sa sanction avait été prononcée par l’autorité royale et non pas par les alliés directs de Franco. En fait, le duc de Soltariel ignorait ce qu’il se racontait, bien loin dans le nord, mais le sang n’avait pas coulé au cours de cette « révolte ». Et la justice avait tout autant été rendue.
Quoiqu’il en soit, Franco espérait que Roderik accepterait son offre de le rencontrer plus tard dans la journée. Cela permettrait au chancelier de retrouver son sang-froid et à Franco d’affuter sa stratégie. S’il fallait reprendre Diantra, elle serait reprise. Mais cela ne se ferait pas uniquement pour les beaux yeux du chancelier.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Jeu 25 Mai 2017 - 10:20 | |
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La tension redescendit d'un cran, au grand soulagement de l'assistance. Roderik, accoisé par le mea culpa du duc, regretta d'avoir si ouvertement trahi ses émotions et se promit que la chose n'arriverait plus. Il considéra son hôte, réfléchissant à son invitation - ou plutôt sa demande à être invité. Voilà qu'un homme qui vient de me chier publiquement à la gueule me demande tout de go de l'inviter à bouffer, pensa-t-il, et pourtant il n'hésita pas à acquiescer d'un signe de tête. « Bien entendu, Messire Duc, vous serez le bienvenu à ma table », dit-il, entérinant ainsi la fin de leur bisbille. C'était mieux ainsi : au dîner, ils pourraient à loisir s'envoyer des fions sans mettre publiquement en doute leur capacité à s'entendre ; mais peut-être qu'il en ressortirait aussi quelque chose de constructif.
L'audience se poursuivit sur des banalités destinées à donner le change ; puis le Chancelier et le Duc échangèrent les politesses d'usage en réaffirmant la confiance inébranlable qui existait entre la couronne et Soltariel. L'entretien s'acheva peu après, une fois que l'on eut achevé de flatter les egos et de ménager toutes les susceptibilités. Après quoi Roderik regagna ses appartements, et réfléchit longuement à l'impression que lui avait laissée ce premier face-à-face avec le puissant aristocrate sudier.
La lune flottait au-dessus du Porphyrion quand on conduisit Franco di Celini aux appartements du Chancelier. La porte, à deux battants et aux poignées de bronze, s'ouvrit sur un longue pièce au mobilier ouvragé et aux murs pourpres, en une perspective rouge et or que rehaussait l'éclat de lumière chatoyante des bougies. Un large balcon, séparé de la pièce par un fin rideau transparent de soie estréventine, offrait une vue imprenable sur la ville et la mer, vous figurant un panorama nimbé de rayons de lune. Au centre de la pièce était dressée une belle tablée garnie de vaisselle d'or. Debout, les mains posées sur le dossier d'un fauteuil, Roderik attendait son visiteur.
« Il semble que nous ayons mal débuté, Messire Duc. Mes manières de nordien ont pu vous donner de moi une image éculée ; je paye la fougue de mon jeune âge et l'intransigeance de mon sang, et il est certain que certaines paroles ont pu dépasser ma pensée. Toutefois, une entrevue sans dispute est, en mon pays, aussi ennuyeuse que ne l'est, par chez vous, hem... disons, une entrevue sans poésie. Quoiqu'il en soit, Franco, vous êtes mon invité, et c'est de bonne grâce que je vous accueille à ma table. »
Et désignant d'un geste le fauteuil qui lui faisait face, il invita le duc de Soltariel à prendre place, tandis qu'il en faisait de même. On vint leur servir à boire ; profitant de ce sentiment de jovialité qu'ils affectaient tous deux, et ne pouvant aborder de sujet sensible tant que des serviteurs se trouvaient dans la pièce, Roderik lança la conversation sur un sujet plus léger que ce à quoi Franco pouvait s'attendre.
« Je m'étonnais de ce que votre fraîche épouse ne soit pas du voyage », lança-t-il avec tranquillilité. « Je n'ai pas eu le bonheur de la rencontrer, pas même de l'entrevoir. Notez que je n'en prends aucunement ombrage : je suis moi-même marié, et je sais combien il est parfois grisant, pour un homme lié devant Néera, que de se retrouver quelque temps loin de sa rombière, entre mâles ! »
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| | | Franco di Celini
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Ven 26 Mai 2017 - 11:29 | |
| Franco fut soulagé quand il vit que Roderik acceptait volontiers sa demande à reprendre la discussion un peu plus au calme lors d’un repas, plus tard durant la soirée. Voyant que le nouveau grand chancelier avait tendance à s’emporter assez facilement, il avait craint l’espace d’un instant que ce dernier ne rejette sa requête. C’aurait été une lourde faute diplomatique et un manquement à la bienséance adéquate au rang de Franco mais … Après tout, Roderik incarnait le renouveau et une ère nouvelle pour la politique en Péninsule. Les dirigeants d’hier commençaient à se retirer. Les grands noms tels que Velteroc ou d’Angleroy seraient certainement bientôt relégués dans des pages de manuscrits des historiens. C’était aujourd’hui que se décidait quels noms seraient sur les lèvres de tous les nobliaux de la Péninsule durant ces prochains mois. Et il semblerait que le comte d’Arétria comme le duc de Soltariel avaient bien cerné cet enjeu.
La journée se déroula sans plus d’anicroches et Franco put même prendre quelques instants pour profiter du somptueux spectacle qu’offrait au quotidien la cité de Merval. Port ouvert sur l’Olienne, on pouvait observer ici une activité débordante tout au long de l’année. Cependant, Merval n’était pas Farembourg ou Sybrondil. Cette cité aujourd’hui protectrice de sa majesté Bohémond avait quelque chose que les autres n’avaient pas. Une sorte de cachet inexplicable qui faisait que l’on se sentait forcément bien ici. Quoique Franco avait pu constater de par sa vie passée qu’il était difficile pour un non-Mervalois de s’imposer par ici. Il s’imagina d’ailleurs certaines difficultés que devait rencontrer l’ami Roderik, lui qui venait d’un nord si lointain. L’espace d’un instant, le duc se demanda même quel homme nordien serait assez fou pour venir s’exiler sur une terre aussi particulière. Cléophas n’avait certainement pas dû lui donner tous les détails avant de l’inviter à venir le remplacer.
Bien plus tard, Franco était de retour dans le Porphyrion quand il fut invité à rejoindre le grand chancelier. Il fut conduit à travers les couloirs du palais et on l’informa bien rapidement que la soirée se déroulerait dans les appartements privés du chancelier. Force était de constater que, si Roderik avait un discours de brute, il savait pour autant écouter les demandes de ses interlocuteurs. Une fois l’ultime porte menant aux appartement de Roderik franchie, Franco fut agréablement surpris. Non seulement, le chancelier avait su écouter sa demande. Mais en plus il ne s’était pas payé sa tête. L’endroit était somptueux. La pièce offrait une vue à couper le souffle sur la baie de Merval et la décoration des lieux était unique. Le duc était sensible à ce genre de choses et vit en cette réception le signe que le chancelier arétan voulait aller plus loin dans sa relation avec lui.
- Vous vivez en des lieux splendides, Messire. Je vous remercie de bien vouloir me faire partager un tel cadre. Ne vous inquiétez point pour l’entrevue de cet après-midi. Il me semble évident que si nous nous sommes tous deux mis d’accord pour nous revoir ce soir, c’est que nous souhaitons aborder ensemble les choses d’une manière plus … appropriée.
Le chancelier semblait serein. Allait-il faire une proposition à Franco ? Il était curieux de le savoir. Suite à son invitation, le duc prit place face à son hôte. Le repas s’annonçait fin et certainement plein de rebondissements inattendus. En fait, il s’annonçait passionnant. Les paroles de Roderik confirmèrent les pensées de Franco. A voir son attitude, il semblerait que le chancelier n’avait pas envie de lui rentrer dedans immédiatement.
- Oh, Tibéria ! dit-il, presque comme s'il l'avait oubliée. Vous savez, elle a fort à faire au palais et elle avait rencontré Messire d’Angleroy il y a peu. Cependant, je suis certain qu’elle serait ravie de faire votre connaissance prochainement. Franco sourit en réaction à la boutade de Roderik. L’homme qu’il avait en face de lui devait se sentir bien seul, ici exilé dans le sud, loin de la femme avec qui il était uni. J’ai toujours été assez indépendant, je ne comptais pas sur le mariage pour m’enlever ce loisir. Je serais un menteur si je vous disais que je préfère un dîner avec ma femme à une bonne tablée avec des camardes.
Franco se mit à rire, ce qui était une chose assez rare. D’autant plus qu’il était en face de l’un des notables les plus importants du continent. Voyant qu’on lui avait servi un vin qui semblait des plus raffinés dans une coupe tout aussi raffinée, le duc s’en empara afin de lever son verre. - A vous et moi, Roderik ! Puisse nos règnes être prospères et nos vies emplies de plaisir.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Lun 29 Mai 2017 - 13:52 | |
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« A nous, Franco », lança un Roderik tout sourire tout en trinquant avec le duc, spontanément et suffisamment fort pour que se mélange le vin des deux coupes entrechoquées. « Puissions-nous mener... une existence bien remplie », ajouta-t-il.
Il s'était abstenu de reprendre le terme de « règne » qu'avait employé Franco. Un tel mot, en effet, aurait passé pour bien trop présomptueux dans la bouche de Roderik. Si Franco évoquait pour lui-même son règne ducal, Roderik était, en cette salle et en ce palais, bien davantage le Chancelier du Royaume que le comte d'une terre lointaine ; et parler de « règne » pour l'un des premiers serviteurs du roi eut été un pas dangereux sur le chemin de la lèse-majesté. Car il ne régnait pas, et que les décisions qu'il prenait ne devaient servir ni son nom ni ses intérêts ; or, la limite entre les intérêts du Roi et ceux de son Chancelier était parfois ténue. Sa jeunesse parfois le prenait en défaut, lui faisant prendre conscience qu'il manquait par moments du recul nécessaire. Au bout du compte, c'était une chose étrange, que d'être le dépositaire d'un pouvoir aussi sacré que la royauté ; c'était étrange, que de manier le droit tout en s'obligeant à une forme de distance morale, car l'on a tôt fait, lorsque l'on est le gardien d'une telle chose, de s'en croire le maître, et que dès lors plus rien ne nous distingue du tyran.
Roderik garda pour lui-même ces considérations concernant la tentation fantasque qu'exerçait sur lui la Chancellerie. Ils devisèrent gaiement, évoquant quelques banalités, Roderik s'enquérant des conditions de voyage du duc en ce début d'hiver. Il évoqua brièvement la raréfaction du gibier depuis les premiers gels et son regret de ne point pouvoir chasser, nostalgique qu'il était de ses grandes étendues de chasse dans le nord.
Les serviteurs les interrompirent de nouveau pour disposer sur la table un plat de cailles braisées aux épices et aux fruits secs, dont l'odeur entêtante rappela à Roderik combien il était affamé, comme en témoigna son ventre en criant bruyamment famine. Il réclama qu'on leur resserve leurs coupes, puis on les laissa de nouveau seuls.
« Il me vient une fantaisie en tête », dit-il en piochant à pleines mains dans le plat pour s'emparer d'une cuisse, « je suis sûr, mon cher Franco - et je vous prie de ne point me mentir pour me ménager, cela ne servirait de rien - je suis sûr... » il s'interrompit pour mordre dans la chair chaude et se mit à mâchonner bruyamment, « chgchrrrchrrmgh, je suis sûr, disais-je », la sauce lui dégoulinant des lèvres, « que vous avez, ici dans le sud, quelques bons mots, quelques quolibets farceurs à notre endroit, nous les gens du nord. Après tout, nous-même n'en manquons pas sur vous et, plutôt que d'en prendre ombrage, nous devrions saluer l'imagination fertile qui s'est nourrie de siècles d'animosité entre nous. Gaussons-nous ensemble, Franco, et contez-moi ce qui se dit par chez vous sur les gens du nord, si rustres, si dépourvus de manière, si sales... nous savons au fond que tout n'est que force exagération », conclut-il tout en s'essuyant la bouche d'un revers de manche.
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Mer 7 Juin 2017 - 14:59 | |
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Franco ne connaissait pas beaucoup d’hommes du nord. En effet, au cours de sa vie il avait plutôt fréquenté ses pairs du sud afin de négocier avec eux nombre de contrats commerciaux. Cependant, depuis qu’il avait accédé au trône ducal, il avait eu quelques occasions de rencontrer ces gens habitant des pays lointains. Si d’apparence les nordiens ressemblaient à s’y méprendre à leurs voisins méridionaux, c’était pourtant bien deux peuples distincts l’un de l’autre. Les coutumes, la culture, les habitudes, tout les différenciait dans la vie quotidienne. Roderik semblait être un homme du nord qui se détachait du lot. A chaque minute que Franco passait à ses côtés, il comprenait un peu mieux le choix qu’avait fait le prince de Merval.
Le repas fut servi progressivement et les habitudes du chancelier laissaient transparaitre son éducation nordienne. Cependant, force était de constater que, même si l’homme n’était pas de la même culture que Franco, il devait certainement être l’un des nordiens les mieux éduqués qu’il connaissait à ce jour. Aussi, dans chacun des actes de l’arétan se cachait une surprise. C’était un homme surprenant et le duc aimait vivre des expériences inattendues.
- Une fantaisie, vous dites ? Oh, vous savez par ici lorsque l’on se livre à des fantaisies, les soirées comme celle-ci peuvent parfois avoir des fins bien inattendues.
Souhaitant rester énigmatique afin d’attiser la curiosité du chancelier, Franco lui lança une sorte de regard de défi. Ainsi, cet homme voulait savoir ce que pensaient les hommes du sud des hommes du nord ? Si ce n’était que ça, le chancelier allait être servi.
- Puisque c’est vous qui m’y invitez, je vais donc parler sans équivoque. Il se dit par chez moi, que vous autres, nordiens, êtes des hommes rustres. On vous prétend loyaux mais avilis par la soif de pouvoir et obsédés par la vengeance. On dit également que votre rancune n’a d’égal que votre violence. Il me semble avoir même déjà entendu que vos plus fiers guerriers sont ceux qui ont eu la foi de s’abreuver du sang de leurs ennemis. Quant à votre noblesse, les surnoms qui reviennent allégrement sont ceux de pisse-froid, de consanguin, ou encore de houlier à ribaudes.
Franco marqua un temps d’arrêt, après tout il ne faisait qu’entrer dans le jeu de son hôte tel que celui-ci le lui avait demandé. Aussi, pour assurer de sa bonne foi, il se mit à rire.
- Mais je gage que vous n’êtes pas comme vos pairs, Roderik ! Je vous imagine mal boire mon sang après m’avoir égorgé.
La boutade était grasse. Si le chancelier voulait jouer, Franco jouerait. L’arétan venait de s’engager sur un chemin semé d’embuche et le soltarii adorait ça.
- Et alors, concernant les gens d’ici, que dites-vous mon ami ? Que nous sommes des sortes de sodomites sans honneur ? Que nous sommes vénaux à en crever ? Dites-moi, je suis curieux.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Sam 10 Juin 2017 - 0:58 | |
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Bien qu'il l'ait invité à le faire, Roderik ne prit pas si bien la boutade de Franco. Des consanguins, vraiment ? Mais je les emmerde, ces fils de jardiniers de sudistes de mes deux, pensa-t-il très fort, tout en s'efforçant de rester souriant - ce qui eut presque pour résultat de lui bloquer la mâchoire. Trouvant les quolibets xénophobes beaucoup moins drôles lorsque ça visait son peuple, Roderik n'était plus tellement chaud pour plaisanter ; mais Franco avait joué le jeu, aussi devait-il donner le change, et faire semblant d'avoir un peu de second degré.
« Très amusant, et vraiment très original », commenta-t-il en arborant un sourire en carton. « A part ça, vous avez compris l'idée. Sodomites, vénaux, imberbes à tel point qu'on ne distingue pas les femmes des hommes. Notez que dans votre cas à vous, ça ne marche pas, Franco : votre barbe vous rend très viril, je vous assure. Bon, toujours dans le registre de votre amour du pognon, il y a aussi une histoire assez marrante à propos d'une douche dorée, mais nous sommes à table, je vais donc vous l'épargner si vous le voulez bien. »
Il évacua rapidement le sujet un brin sensible qu'il avait lui-même mis sur la table, et se promit d'arrêter ce genre de fanfaronnade à l'avenir ; ça ne lui réussissait pas. Il mordit à nouveau la cuisse de caille à pleines dents pour la déchirer en deux ; un morceau de viande tomba par terre. Devait-il le ramasser ? Bah, les grouillots nettoieront. Puis, comme ça, l'air de ne pas y toucher, il résolut d'amener tranquillement la conversation vers un sujet bien plus sérieux.
« Puisque nous sommes là, à l'abri des oreilles indiscrètes, j'aimerais requérir votre conseil, Franco. Vous m'invitiez tout à l'heure à négocier avec les nobles réfractaires qui occupent les domaines royaux et ne reconnaissent pas la légitimité de notre roi. Comme vous le savez, la route de Diantra nous est fermée tant que nous ne contrôlons pas les domaines royaux alentours ; or, si j'envisageais - et c'est une supposition, bien sûr - une rencontre avec leur représentant, ce Niklaus d'Altenberg, celui qu'ils appellent le duc du Garnaad, que devrais-je lui proposer, d'après vous ? Si vous étiez à ma place, Franco, comment procéderiez-vous ? »
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Ven 16 Juin 2017 - 9:44 | |
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Roderik avait voulu jouer alors Franco avait joué. Cependant, les suderons étaient bien plus afficionados des jeux que leurs voisins du nord. Aussi, le duc constata rapidement que ses mots étaient en train de causer bien des maux au pauvre esprit du chancelier. Voyant qu’il essayait de contenir sa réaction, Franco parut amusé. En fait, les gens du nord étaient pareils à l’image que l’on se faisait d’eux. Le duc choisi de sourire devant le malaise de son interlocuteur et de lui répondre avec humour et sur un ton légèrement énigmatique.
- Un compliment sur ma virilité venu d’un homme qui a acquis sa renommée de par ses faits d’armes me touche sincèrement. Je n’aurais jamais pensé qu’un homme brave comme vous puisse éprouver un quelconque intérêt pour les avantages masculins d’un homme du sud.
Même si Roderik semblait vouloir mettre fin au jeu, Franco aimait jouer. Ne souhaitait pas pousser le chancelier trop loin dans ses retranchements, le duc se contentait de laisser quelques phrases énigmatiques en suspens. A l’arétan de les interpréter comme bon lui semblait.
- Ah, ce genre d’histoire vient donc jusque chez vous ! C’est impressionnant le peu de choses que peuvent parfois retenir les hommes d’une conversation …
Le duc aurait bien ajouté « Etes-vous donc venu ici, à Merval, pour gouter à ce genre de plaisirs inconnus dans votre patrie ? » Mais il se retint car il savait pertinemment que ça ne passerait pas. Franco n’était pas boute-en-train de caractère, cependant cette situation légèrement inattendue l’amusait beaucoup. Il fut presque déçu lorsqu’il vit que le chancelier voulait ramener la conversation vers des sujets plus … politiquement corrects. Roderik se mit à parler de Niklaus d’Altenberg. Cet homme qui, soit disant pour protéger la noblesse locale, s’était érigé un poste de duc autoproclamé. Mais il ne s’était pas arrêté là, après nombre de tractations il avait même réussi à convaincre le veltérien et la dame du Val de le laisser accéder au plus haut poste de l’hérésie ligarde. Aujourd’hui, alors que le glas de la Ligue était sonné, l’homme du nom d’Altenberg allait bien évidemment chercher à se rallier à la couronne pour sauver ses intérêts. Franco le voyait comme un opportuniste.
- Je crois savoir que, l’homme du nom d’Altenberg que vous mentionnez, a prévu de se rendre à Soltariel au cours de ce mois. En ce qui me concerne, je n’ai pas vraiment prévu d’être des plus chaleureux avec lui. Je pense que c’est un arriviste. Pas forcément un mauvais arriviste, mais un arriviste. Si vous arrivez à vous faire de lui un allié, Roderik, vous gagnerez beaucoup de temps dans votre projet de reprise des terres royales. Il se fera un plaisir d’aller batifoler auprès de tous ses amis afin de les convaincre de vous suivre, vous et la couronne. Cependant, soyez prudent. Le pouvoir appelle le pouvoir. Si cet homme a su profiter de la dislocation du royaume pour se hisser à l’un des plus hauts rangs de la noblesse c’est qu’il aime le pouvoir. Disons simplement que, si j’étais à votre place, je n’aimerais pas me retrouver dans cette même salle avec lui. Un coup par derrière est si vite arrivé … Seulement cette fois-ci le royaume aurait du mal à s’en relever.
Franco prit un temps de pause. Il savait que ses mots étaient dur. Cependant, ce qu’il savait de Niklaus d’Altenberg ne pouvait que l’inviter à être méfiant.
- Je pense que le royaume à tout intérêt à s’en faire un allié. Mais maîtrisez-le, dominez-le. Ou vous pourriez très vite vous retrouver, vous et le royaume, six pieds sous terre.
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| | | Roderik de Wenden
Ancien
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Ven 30 Juin 2017 - 7:27 | |
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« Si cet homme a su profiter de la dislocation du royaume pour se hisser à l’un des plus hauts rangs de la noblesse c’est qu’il aime le pouvoir. » Cette remarque de Franco laissa Roderik songeur, car si elle visait Niklaus d'Altenberg, elle seyait fort bien à Franco lui-même, qui s'était octroyé le droit de jouir du titre ducal - ainsi que de la duchesse Tibéria - à la faveur de l'instabilité du pays de Soltariel. Cela étant, ça s'appliquait tout aussi bien à Roderik lui-même, et à bien des égards. Nous sommes tous l'ambitieux de quelqu'un, se dit Roderik avec sagesse.
« Vous avez sans doute raison. Ma volonté première eut été de le traiter en traître du début à la fin, mais comme vous le dites, le temps nous manque, et l'Altenberg détient les clés du Garnaad. J'aimerais que le roi recouvre une partie de ses domaines avant la fin de l'hiver, pour mieux couper l'herbe sous le pied de nos ennemis. Alors, soit, Franco ; j'entendrais ce que l'homme a à me dire, et je lui donnerais une chance de réparer ses torts, quels qu'ils soient ; une chance, une seule. Ensuite, j'aviserais, et s'il devient gênant, je lui ferais mettre une muselière. »
Ainsi la chose fut dite et décidée, et scellée entre le Chancelier et le Duc en trinquant une nouvelle fois avec leurs coupes de vin. Se balançant négligemment dans son fauteuil, Roderik se détendit ; et se laissa aller à une confidence qui, pour une fois, ne suivait aucune arrière-pensée.
« Je suis fort aise de pouvoir compter sur vos sages conseils, Messire Duc. Et je me réjouis de vous trouver vous, en lieu et place de l'infâme Arichis, car la conversation que nous avons en cet instant n'aurait pas été aussi plaisante avec lui. » Il accompagna cette phrase d'un sourire cordial, espérant que son invité ne prenne pas ombrage du fait que Roderik évoquât, devant lui, le nom de l'homme qui l'avait précédé dans le lit de la duchesse Tibéria. « Oh, je ne l'ai jamais rencontré... mais fut un temps, cette vieille canaille plaçait ses pions partout en péninsule. Savez-vous que l'une de ses filles était promise au comte Wenceslas ? Cette même fille, d'ailleurs, m'a fait des avances plus tard, après la déchéance de son père ; pauvre gamine perdue. En tout cas, non content d'envisager que l'une de ses filles devienne comtesse d'Arétria, Arichis multipliait les offres d'alliances. Celle qui est aujourd'hui mon épouse, il la voulait aussi pour l'un de ses neveux ou cousins, je ne sais plus lequel ; il briguait même la main de ma soeur Aliénor. Il voulait tout le monde. Le sang Anoszia était bien parti pour se répandre comme une peste en péninsule, et c'est Cléophas et vous-même, Franco, qui avez finalement endigué cette peste. Grâce à vous, il n'est guère qu'en Ysari que les symptômes de la maladie persistent. A ce propos, ce jeune baron Anoszia que vous avez pour vassal, ce... Sybis, Sysil... non, comment était-ce ? Syphilis d'Anoszia, c'est cela ? J'espère qu'il ne vous pose pas de problèmes. »
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| | | Franco di Celini
Humain
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| Sujet: Re: Palabres [Franco] Mer 12 Juil 2017 - 8:21 | |
| Si Franco n’aimait pas l’attitude du dénommé Niklaus d’Altenberg, il n’en demeurait pas pour autant opposé à une solution pacifique, tel que le proposait Roderik. Pour le duc de Soltariel, la guerre était à proscrire dans la mesure du possible. La guerre devait être un moyen pour arriver à un but plutôt qu’une finalité en soi. Et sur ce point, le soltari se savait bien différent de ses homologues du nord de la Péninsule. Franco vit que les paroles du chancelier étaient claires et simples et il se contenta de faire une réponse qui l’était tout autant.
- Nous sommes bien d’accord. Au plus vite les terres de la couronne reviennent sous le giron du roi, au mieux ce sera. Une partie de ces terres est déjà facilement atteignable par votre majesté. Quoiqu’il en soit, n’oubliez pas que la politique n’est qu’un moyen et pas une fin en soi. Si vous vous servez de ce Niklaus durant cette intrigue, il essayerait surement de se servir de vous à son tour dans une autre. Soyez prudent, Roderik.
Le ton se voulait amical. En fait, Franco n’avait strictement aucun intérêt à vouloir du mal au nouveau chancelier. L’homme, même s’il n’était pas natif des contrées suderonnes, était moins complexe et plus abordable que pouvait l’être Cléophas d’Angleroy. Ainsi, le duc accepta volontiers de trinquer une nouvelle fois avec lui et de lui affirmer sa sympathie.
L’Anoszia … Franco était bien au courant des habitudes expansionnistes de l’homme, mais il n’en connaissait pas tous les détails. Aussi, il ne fut pas vraiment surpris lorsque Roderik lui parla des plans passés du vieil ambitieux qu’était Arichis. En fait, peut¬-être que la justice du roi avait été trop douce à son égard. Parce que le seul moyen d’endiguer une épidémie restait bel et bien d’en exterminer la moindre trace jusqu’à ce que plus aucun doute ne subsiste.
- Ce que vous dites ne me surprends pas. En dépit de sa vieillesse, l’homme était prêt à tout pour atteindre la plus grande influence diplomatique possible. Si je devais donner une définition de l’expansionnisme à outrance, je pense que je parlerais d’Arichis. Roderik parlait ensuite du fils de ce dernier qui était marié à la baronne d’Ysari. Le dénommé Sysiphe d’Anoszia avait été marié avec la baronne avant que toute cette esclandre ait lieu. Aussi, même s’il avait perdu ses titres acquis par naissance et l’héritage potentiel en provenance de son père, la logique voulait qu’il puisse conserver les titres qu’il avait acquis en tant qu’adulte et par alliance.
- Il faut être lucide face à la situation. La baronne d’Ysari est une de mes plus fidèles alliés. Je ne vais pas lui imposer d’exiler son mari pour des crimes qu’il n’a lui-même pas commis. Ce dénommé Sysiphe ne me pose pas de problèmes à ce jour, je crois savoir qu’il s’occupe plutôt bien des affaires de la baronnie. Je me devrais cependant d’être plus intransigeant si je le vois s’imposer comme son père et notamment réclamer les titres qui lui reviennent de par son sang. Espérons que la maladie obsessionnelle de son père ne coule pas dans ses veines.
Il n’était pas forcément dans les habitudes du duc d’être magnanime. Cependant, il ne pouvait pas se permettre de s’attirer les foudres de la dénommé Sarina qui était, qui plus est, actuellement enceinte de l’héritier déchu Anoszia. Franco prierait pour qu’elle est l’intelligence de ne pas nommer son fils comme son grand-père.
- Je compte bien me rendre à Ysari à la suite de mon entrevue. Je n’ai pas encore rendu visite à la baronne depuis ma nomination en tant que duc et Ysari est un allié important pour Soltariel.
Franco aimait bien voyager. Même s’il avait rarement quitté le sud de la Péninsule car il s’y sentait bien, il appréciait voir des paysages et des contrées différentes. Si les affaires du palais ainsi que son mariage avec Tibéria avaient tendance à le retenir à Soltariel, le duc avait pris le décision de prendre le temps pour effectuer un voyage chaque mois. Si en Verimios il était venu à Merval et finirait à Ysari, il se demandait bien où ses pas l’emmènerait durant le mois de Karfias à venir. Il fit le choix de partager sa réflexion avec le chancelier.
- Si ce mois je compte bien me rendre à Ysari après mon passage à Merval, je me demande où me guideront mes pas durant les mois à venir. Diantra, Missède, Langehack, nombreux sont les lieux qui m’intéressent et où j’ai fort à faire. Quoiqu’il en soit je pense que mes pas me feront arpenter les ruelles de Diantra-la-déchue le mois prochain. De cette manière, je pourrais prendre la température sur place et essayer de voir ce qu’il s’y passe réellement. Bien entendu, mon voyage sera anonyme et je compte sur votre discrétion pour m’éviter quelques désagréments.
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