Neo de Cléruzac
Humain
Nombre de messages : 192 Âge : 33 Date d'inscription : 21/07/2015
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 38 ans Taille : Niveau Magique : Non-Initié.
| Sujet: Dévots Rabougris • Shagga Mer 19 Avr 2017 - 18:19 | |
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L'air froid de tous les diables s'est désormais accaparé des bouches estréventines, qui parlent du temps et qui râlent, que l'année précédente était plus douce, moins ceci ou moins cela. Au loin le vent ricane car il sait que c'est lui le fautif, le mesquin, le glacial soupir qui charrie avec lui gersures et morsures acerbes... Le bois alimente les feux casaniers et l'alcool apporte aux corps une chaleur bienvenue... La plupart des citadins ont troqués les salades de l'été contre les potages de l'hiver, et si ce n'est l'alcool, ce sont les repas et les boissons chaudes qui redonnent aux Thaari la force tous les jours de se lever et d'aller travailler. Car en effet dans les rues grouillent les gens, de races et d'âges confondus, chacun vacant à ses occupations, honnêtes ou pas, divertissantes ou pas. Les commerces et leur activité n'ont subi aucune contrainte, notamment dans le grand bazar couvert où, dans les chaudrons mijotent bouillons et gruaux ; les senteurs d'épices de tout horizon se mélangent aux odeurs corporelles de mâles et de femelle de toute race, et de toute espèce... Ainsi vont les affaires, les cris de négociants avides ou de quelque rixe de santé, rivalisant avec les rires d'enfants ou les murmures de diseuse de sort... Dans cette ville, dans ce marché, les écus restent trébuchants d'allégresse, puis les transactions nombreuses.
Neo, lui, porte une gratitude sans borne à la couche isolante de poils épais qui recouvre son visage fermé. Mais s'il est clos ce visage aux esquisses de froncement sourcilleux, le faciès renfrogné du guerrier renvoie vers vous quelque sentiment probable. On lit dans cet homme une colère au puit sans fond, et dont la profondeur n'est certainement pas à votre portée. Il y a autre chose qui chagrine le visage du claudiquant personnage... Une certaine amertume ponctue les mimiques du religieux, qui doucement s'engage dans le marché, et déjà ses oreilles se réchauffent sensiblement... S'il n'est pas alerte, le barbu est confiant... Un des atouts majeurs est cette toque noire, avec par-dessus une veste en fourrure soyeuse, mais surtout chaude et résistante. Et la bourse est son unique objet de valeur, dans laquelle pèsent discrètement écus et souverains. Mais l'ironie du sort est que la bourse en cuir pend non loin de l'autre faite de peau vivante, tout du moins dans la même atmosphère, car le cuir souple frotte contre sa hanche nue.
Lorsque l'homme justement achève des haricots noirs exquis avec leur tendre bout de viande d'agneau, servi dans un bol désormais vide, il retrousse le bas de sa robe et soutire de sa ceinture le prix de son repas. Le geste ne passe inévitablement pas inaperçu aux yeux de tous, d'aucuns rigolent car l'idée n'est pas si mauvaise après tout, et très peu se tâtent de détrousser le rusé, l'effronté ; il est moine pensent-ils à voir sa robe et ses sandales, pas plus d'un sous à chipper supposent-ils, une bonne tronche d'adepte rabougri, membre d'un quelconque ordre de misère, imaginent-ils enfin en voyant son bâton qui soulage sa boiterie...
Son bâton est fait d'un bois robuste, qui après avoir été brûlé pour en retirer l'ecore il se pigmente d'une couleur ocre basané ; qui aussi par le feu a été asséché pour dès lors adopter une droiture immuable. C'est un sorbier, le bois qui ne travaille pas. Il mesure un mètre quarante et malgré une circonférence plus importante au bas, pour une question de balancier, le bâton reste assez régulier dans son ensemble. Neo se demande quand est-ce qu'il pourra à sa ceinture pendre la hache, plutôt que de faire le guignol avec un bâton plus que saugrenu...
Passe alors un curieux personnage dont le corps est tout de bleu pigmenté, si cette chose n'est pas une pièce d'art, alors elle est certainement un drôle d'individu. Les oreilles peuvent excuser aux yeux de Neo la bizarrerie du concept, mais il se laisse à penser aux choses de la vie, la tête ailleurs, les yeux rivés sur la femme... En voilà un de gignol saugrenu... Et moi donc... Que suis-je dans ce monde, sinon un estropié ? Alors les échos de la guerre font rejaillir en lui avec la force indomptable d'une cascade haute très haute, les aigreurs d'un homme dévot ayant été maltraité par un dieu trop haineux... Le sien. Son dieu.
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