Auxilium et consilium

6^ème jour de la 1^ère énéade de Karfias, 10^ème année du 11^ème cycle.

L'élévation d'Aymeric au sénéchalat avait été un coup de pied dans la fourmilière, et le marquis, qui avait désespéré de ne déceler qu'un entrain modéré de la part de ses voisins, à l'évocation de leur guerre printanière, entreprit de mener lui même la barque qu'il avait initialement conçue manœuvrée à part égale par tous. Oncques mais! Si sa Majesté le Roy avait daigné donner sa bénédiction à l'entreprise du marquis, et lui en remettre la direction, ce dernier eut été bien fol de s'embarquer seul, aussi vit-on bientôt quitter de Serramire nombre de coursiers.

L'un d'entre eux s'en alla à destination de Froissart, désormais la résidence principale de Jérôme de Claissac, depuis que ce dernier avait renoncé à ses fiefs en pays éthernien, ainsi qu'à ses charges en Oesgardie. Si de leur dernière entrevue, Aymeric avait nourri de la déception, tant il est vrai que l'homme autrefois si intrépide lui avait paru tant abattu, il ne désespérait pas que la campagne future puisse rendre à Clairssac sa fougue d'antan. Le marquis avait donc écris sans attendre à son vassal la lettre suivante :

Citation :

À Jérôme, de la maison de Clairssac, seigneur de Froissart et Maréchal du Royaume,

Au 4^ème jour de la 1^ère énéade de Karfias, à la 10^ème année de notre cycle,

Cher ami, bon vassal, c'est votre aide et votre conseil qu'il me faut aujourd'hui vous demander. La guerre se profile à l'horizon, et de cette noble entreprise, qui verra, si les Cinq sont justes, la défaite des félons et le restauration du Royaume, sa Majesté le Roy m'a confié le commandement, ainsi que sa bénédiction, en remettant le sénéchalat.

Cependant, je n'oublie pas que vous aussi avez mis votre épée au service de sa Majesté, qui vous a fait en retour Maréchal. Je n'oublie non plus l'adresse avec laquelle vous avez défait les rebelles alonnais, emporté les château d'Oesgardie, ni l'ardeur avec laquelle vous avez combattu à mes côtés contre le drow, sous les murs d'Amblère et à Nebelheim.

C'est cette ardeur et cette adresse que je sollicite, cher ami : quoique le sort ne vous fut toujours heureux, vous n'avez jamais été vaincu à la guerre, et de ce talent, sa Majesté et moi-même saurions faire bon usage, le printemps venu. Adonc, lorsque l'hiver touchera à sa fin, accourez, car je requiert votre personne pour m'assister dans la préparation et la conduite de la prochaine campagne.

Que la DameDieu vous garde,

Aymeric de Brochant, marquis de Serramire

L'hiver était rigoureux, la neige ne cessait de tomber, rendant pénible les travaux ou les corvées pour retirer la neige qui s'accumulait partout. Jérôme passait son temps entre ses entrainements avec les soldats, sa lecture devant la cheminée, et surtout avec Aline. La saison rendait les voyages périlleux, les visites étaient donc rarissime, et même les gens voulant justice ne se déplaçant que rarement jusqu'à la forteresse. Les journées étaient souvent ennuyeuses et répétitive, lui laissant tout le loisir de progresser dans l'art ou il excellait, à savoir la guerre et le combat.

Il était justement en train de batailler avec un sergent lorsqu'on lui amena un courrier qui grelotait. A l'inverse, transpirant à souhait sous l'effort, Jérôme prit le pli et l'ouvrit sans attendre, ordonnant qu'on réchauffe le malheureux et qu'on lui offre le couvert en attendant la réponse, s'il devait y en avoir une. L'ancien Baron fut surpris et tiraillé entre plusieurs sentiments alors qu'il parcourait les lignes couchées sur le parchemin. Le Marquis avait œuvré de main de maitre et les Seigneurs n'avaient guère plus aucune autorité sur l'ost, ils étaient donc devenus superflu pour Aymeric qui n'avaient plus besoin d'eux pour le lever et partir guerroyer. Il était par contre indéniable que Jérôme n'avait jamais été défait dans aucune bataille, ni guerre, et que la victoire avait été son lot à chaque fois qu'il était partit en guerre. Aigri par ce qui lui était arrivé, il avait abandonné ses titres un peu sur un coup de tête. Il ne l'aurait pas forcément regretté si tout s'était bien passé, mais ce n'était pas le cas, et son frère en pâtissait aujourd'hui. Suite à cette missive, il était partagé entre son envie de rester auprès de sa bien aimée, et le bien être qu'il avait ressentit lors des campagnes qu'il avait vécu. Il se demandait si son démon reviendrait par la même occasion, à savoir sa fidélité à Néera ou Mogar. Enfin, de toute façon, il était vassal et il n'était pas question de désobéir, encore moins après toutes les largesses que lui avait fait Aymeric. Il abandonna donc son entrainement, alla faire sa toilette avant de répondre

A son excellence Aymeric de Brochant, Marquis de Serramire,

J'ai bien pris acte de votre demande, et c'est en bon vassal que je répondrais à votre appel, conscient du devoir que est le miens à votre égard. Je vous félicite pour votre nomination au titre de Sénéchal du Royaume, Serramire et vous même le méritez.

Je ferais bien entendu diligence pour vous rejoindre au printemps, mon épée sera votre durant la campagne qui s'annonce. J'espère être à la hauteur des espérances que vous portez à ma personne. Je prierais les cinq pour que l'ardeur que vous réclamez, et les bénédictions qui m'aidèrent à acquérir la victoire soit encore parmi nous.

Pour Serramire, pour le Roy et la couronne

Que les cinq veillent sur vous et votre famille

Jérôme de Clairssac, Seigneur de Froissart