De Thaar à Alëandir, où l'on demande l'improbable. [Enoriel]

3ème jour de la 1er ennéade de Favrius, An 10 du XIième Cycle

Citation :: De Milynéa Lythandas, Princesse-Marchande de Thaar,
A l'attention de Enoriel Valiendal, Historienne et Mage d'Alëandir.

Bien que les temps soient troublés, il me faut me tourner vers vous pour une demande singulière.

Un homme est récemment revenu à Thaar, affecté et lié à une créature que je n'avais jamais vu jusqu'à présent. Mes médecins m'ont affirmé ne rien pouvoir faire, car la dites créature semble magique, et les mages auxquels j'ai fait appel se sont montrés incapable et ignorant quant à ce qui pouvait arriver à cet homme autant que de la manière de l'en séparer, si cela devait lui nuire.

Lorsque j'étudiais la magie, votre nom s'était glissé dans les leçons, votre sagesse, votre savoir autant que votre curiosité me sont parvenus, et c'est ce trait qui m'a le plus attiré. C'est à ce savoir et à cette curiosité que je souhaiterais faire appel, c'est un homme qui m'est cher.

Je suis consciente des événements récents ayant frappé l'Anaëh, tout comme je le suis des réactions que pourraient susciter un humain dans vos contrées. Toutefois, je vous assure que cette créature vous intéressera, tout comme je vous assure que cet homme se pliera à toutes les exigences, toutes les règles qu'on lui soumettra, qu'il n'est pas un fauteur de trouble mais un homme de paix et de valeur.

Je peux lui attacher les services d'un interprète, si vous acceptiez, sang-mêlé né et éduqué en Anaëh, mais je requiers votre assistance pour l'aider et lui assurer un sauf conduit jusqu'à vous.

« Si elle devait accepter cette requête, tu devras t'assurer qu'il n'y ait effectivement pas de dérapage. Les temps sont suffisamment durs pour ne pas avoir en plus à devoir gérer et réparer les dommages que vous pourriez causer dans mes relations avec l'Anaëh. »

Il avait fallu beaucoup de persuasion et une révélation tout aussi délicate et dure à faire avaler pour convaincre la Princesse Marchande qui promit qu'un tel service coûterait cher, et davantage si cela devait avoir un impact négatif par la suite.
Mais elle avait accepté, une réminiscence de foi peut-être... Ses origines étaient autant en Anaëh que dans l'ancien Empire Nisétien, et tant qu'il n'avait pas d'intention indésirable pour Thaar – ce qu'elle voulait bien croire de ce qu'elle avait vu et connu d'Arthur -, venir en aide à un possible dragonnier paraissait profitable sur le long terme.

« Nous serons sages, ne t'en fais donc pas. »

Sage, de la part de Eärnil, c'était une chose qui l'inquiétait, même si il s'était effectivement assagit depuis qu'il était entré à son service. Mais c'était la première fois qu'il retournerait là-bas depuis de très nombreuses années.

« Et n'oublie pas... Il me devra une faveur à son tour, le jour où il cessera de cacher au monde ce qu'il est devenu. »

Une faveur, toute simple mais importante à ses yeux, elle l'avait déjà en tête et guetterait ce jour qui viendrait assurément.

« Je le lui dirais, même si il doit s'en douter. »

« Ce qu'il est changera les choses, qu'il le veuille ou non... »

La région était déjà un peu secouée à la moindre rumeur de dragon dans les plaines, la cité avait été folle plusieurs jours après que de multiples témoins aient assuré avoir vu un dragon blanc venir de la mer et traverser la ville... Rumeurs qui s'étaient trouvés renforcés par le témoignage de quelques voyageurs et marchands itinérants ayant rapportés avoir vu un dragon blanc en chasse.
Alors, quand un dragon et un dragonnier se découvriraient, nul doute que cela modifierait la donne, quand bien même Arthur n'aspirait qu'à la tranquillité et n'était guère intéressé par le pouvoir.

Le message fut envoyé par le réseau d'oiseaux qu'elle avait personnellement mis en place pour sa relation avec l'Anaëh.

Quatrième jour de la deuxième ennéade de Favrius, An 10 du XIième Cycle

Allongée sur mon lit, mes affaires depuis plusieurs heures prêtes pour ce départ pour Uraal, je regardais pour la... troisième... non quatrième... septième fois ? la missive que j'avais reçue dans la matinée. Une drôle de lettre, qui m'intriguait sur bien des points : le manque de détails et le fait qu'elle était rédigée par une princesse-marchande de Thaar. Brrr... Je n'avais jamais entendu parler de cette cité d'Ithri'Vaan en bien, ne serait-ce par le fait que les Drows la manipulaient de fond en comble. Et pourtant, vu le nom de cette femme, elle semblait avoir plus d'ascendance elfique que sombre... Alors que faisait-elle là-bas ?! Drôle d'idée ! Rien ne valait l'Anaëh.

Je réfléchis encore quelques instants, regardant à gauche et à droite, faisant des mimiques du visage qui auraient peut-être fait rire un enfant, et surtout posant le pour et le contre d'une quelconque réponse à cette lettre. Je ne partais pour Uraal que dans trois jours et mes bagages étaient déjà faits. Si je ne répondais pas là, je risquais d'oublier. Le fait qu'il n'y ait pas de nom concernant cet humain qu'elle m'appelait à aider me faisait soit penser à un canulard, soit à une affaire qui était plus importante qu'elle n'y paraissait. Et diantre, cela attisait ma curiosité au point que je n'arrivais pas à en trouver le sommeil. Pour ce qui était de me brosser la manche en m'assurant avoir entendu parler de mon nom lors d'études magiques, je ne savais trop que penser de cette flatterie... Etais-je si connue que cela ? Peut-être... je m'en fichais... en tout cas il fallait bien qu'elle ait entendu parler de mon nom.

Après un long moment je finis par me lever, prendre un parchemin et écrire une réponse à la dénommée Milynéa Lythandas. La missive partirait au matin, et ainsi cette histoire ne serait plus dans mon esprit pendant tout le temps des recherches à Uraal.

Citation :

De Enoriel Valiendal, Maître de l'Académie de Magie d'Alëandir,
A Heri Milynéa Lythandas, Princesse-Marchande de Thaar.

Heri Milynéa,

J'ai bien reçu votre requête qui, je dois l'avouer, m'interpelle. Il est rare qu'une telle demande me soit faite, notamment venant de la Prime Oeuvre, et c'est un honneur que vous m'accordez-là en vous adressant à ma personne.

Mais je ne puis à l'heure actuelle accéder à votre requête : vous connaissez quels temps traverse l'Anaëh et n'avoir aucune précision concernant l'individu que vous me demandez d'aider ainsi que la créature qui lui semble s'être liée à lui ne m'aidera aucunement à lui permettre d'entrer dans la forêt. Comprenez également que j'aimerais savoir à quel individu, dans le cas où j'accepterai de l'aider, aurai-je en face de moi.

J'attends de vos nouvelles avant d'aller plus avant. Ne vous inquiétez aucunement si ma réponse tarde à venir, je serai loin de mon foyer pour quelques temps.

Puisse Kÿria veiller sur vos pas,
Enoriel Valiendal.

Troisième jour de la troisième ennéade de Favrius, an 10 du Onzième Cycle

« Qu'Arthur écrive quelque chose, je le traduirais pour elle. »

Le sang-mêlé revint un jour plus tard avec un mot qui fut traduit.

Citation :: De Arthur, Compagnon du Dräke Monarth et du Vent d'Ouest Zéphyr,
A Enoriel Valiendal, Maître de l'Académie de Magie d'Alëandir,

Je ne peux que comprendre vos soupçons, mais je n'ai pas la prétention de croire pouvoir les dissiper avec comme seuls alliés des mots, d'autant que mon ignorance des manières des vôtres joue contre moi.
Pas plus que les mots, mes compagnons ne pourraient m'y aider, un tel voyage, pour Monarth, m'endetterait auprès de lui pour des siècles même si il pourrait, d'une pensée, vous convaincre, et l'éloignement de son grand cousin, Zéphyr, nous pèserait trop pour s'infliger un tel supplice, d'autant plus inutile qu'il est moins communicatif que le premier.

Puissiez-vous comprendre, dès lors, que je ne peux rien vous dire, qu'il vous faudra seulement faire acte de foi, et les vents qui soufflèrent jadis sur Nisétis vous convaincre de la sincérité de ma démarche, de l'intérêt que vous trouverez à m'y aider.

Il est des choses qui ne peuvent être dites mais doivent être vu, des savoirs oubliés dont il faut se souvenir.

Arthur

Le mot portait, sur son scellé, le cachet de Milynéa, comme le précédent.

« Il pense que ça peut fonctionner ? »

Milynéa doutait, la mage s'était montré plutôt sceptique et soupçonneuse, comme elle le craignait. Cette demande était simplement folle, mais pas davantage que la vérité qui en était à l'origine, à bien y regarder.

« C'est un pari à tenter, si elle peut lire et comprendre les multiples allusions, elle pourrait déduire ce dont il parle... Le reste, comme il dit, est un acte de foi... Même si il l'affirmait, elle le prendrait pour un fou ou un menteur cherchant à la duper... Si elle comprend ce qu'il suggère, le secret lui accorde du crédit. »

Ce n'était pas un mauvais raisonnement, de toute manière, ils ne se trompaient pas en partant du principe que c'était le pari et la foi qui pouvaient les faire parvenir à leurs fins. La raison calculée et contrôlée n'avait simplement pas sa place. De la même façon qu'Arthur pariait, tant sur le fait de comprendre ce qui se disait entre les lignes et, plus loin, sur cette inconnue pour garantir sa sécurité dans un territoire hostile, il fallait que cette mage mise sur la possibilité de ce qu'il prétendait.

« Cela risque de prendre du temps, ça va aller pour lui ? »

Même si les délais étaient courts, la mage affirmait partir pour un temps... Avec les elfes, ce qui pouvait apparaître un temps court avait des chances paraître excessif à un humain, surtout dans sa situation.

« Il a prévu de quitter les murs de la ville, il n'y passera que de temps en temps pour prendre des nouvelles. »

Elle ignorait si une telle réponse avait valeur d'affirmative ou non, mais c'était tout ce qu'Eärnil semblait avoir à lui offrir sur l'instant. En tout cas, parier sur les connaissances éventuelles des Elfes sur les Cultes Nisétiens étaient un pari osé, venant d'un individu qui prêtait probablement davantage de sagesse et de connaissance à un peuple dont il ignorait beaucoup.

Premier jour de la troisième ennéade de Barkios, dixième année du XI° Cycle,
Alëandir.

L'elfe, s'assit, les différentes lettres en main. Elle lut, lut à nouveau, relut encore une fois, puis relut la missive qu'elle-même avait reçue il y a peu. Mais par les Cinq, que lui était-il passé par la tête ?! Et elle voulait... Que Kÿria la garde et ne lui jette pas l'opprobe, elle n'en avait pas besoin et ne faisait que répondre à une... dette... qu'elle devait à sa propre cousine. L'elfe millénaire se leva, le port des plus altiers, et retint un soupir de résignation comme de désespoir. Pourquoi... mais pourquoi ?! Pourquoi fallait-il qu'elle ait accepté d'entrer dans les appartements d'Enoriel - et de feu son oncle, surtout - pour répondre à ce mystérieux humain ? Un éphémère qui, elle devait se l'avouer, écrivait quelques allusions un minimum intéressantes. Peut-être Enoriel avait-elle raison, qu'il pouvait avoir sa chance... mais qu'il essaie seulement une seconde de déshonorer la grande mage qu'elle-même était et il se retrouverait réduit en tas de cendres !

L'air comme toujours hautain, la grande mage leva une main experte et claqua en rythme ses longs doigts graciles. La lumière sur le bureau se modifia et une très légère odeur de brûlé se fit sentir à ses narrines d'elfe alors que le velin vierge qui se trouvait à côté des missives se voyait au fur et à mesure gravé de lettres. Elle n'allait quand même pas s'abaisser à écrire avec les mêmes moyens qu'un non-initié !

Citation :

De Cyarniën Valiendal, fille d'Altaraniën et nièce de l'archimage Beliandar Valiendal, Maître de la Grande Académie de Magie d'Alëandir,
A Arthur, Compagnon du Dräke Monarth et du Vent d'Ouest Zéphyr,

A la demande de la Maître et Chercheuse Enoriel, je vous adresse ces mots pour vous signifier que ma cousine a accepté que vous soyez sous sa tutelle lors de votre séjour en la Prime Oeuvre. Si elle devait être retardée ou si malheur lui advenait lors de sa mission, je me chargerai de vous guider jusqu'à notre capitale et sa bibliothèque. Sachez dès à présent que vous êtes attendu au camp se trouvant à la frontière entre le sud de Wyslena et l'Oliya en le cinquième jour de la sixième ennéade de Barkios, où l'une de nous deux se trouvera déjà.

Puisse Kÿria veiller sur vous d'ici votre venue,

Cyarniën Valiendal, Maître de l'Académie d'Alëandir.

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