[Beronia] Pour l'heure du thé (Ange)

Tibéria s’éveilla dans un décor familier qu’elle n’avait pas vu depuis une éternité, au moins. La chambre de son enfance n’avait pas changé. Les mêmes portraits et les mêmes meubles étaient exactement là où elle les avait laissés quand elle et sa famille eurent quitté en catastrophe pour l’Ithri’Vaan. Elle fut même surprise de constater à quel point l’endroit était resté intouché pendant leur absence. Elle s’était attendue à ce que tout soit réduit en cendre, que la population ait effacé la moindre trace de leur passage, mais non. Sa tante avait surement tiré quelques ficelles et veillé à la sécurité des lieux. Cette demeure était la fierté de la famille, le symbole de sa puissance et de sa richesse. Elle tenait encore debout et revenir en ces lieux rassurait Tibéria. Elle vivait au palais maintenant et c’était sa maison, mais il y avait ici quelque chose de plus personnel, de plus intime ici. Elle se sentait à l’abri des regards et des jugements. C’était une maison. Il ne manquait plus que sa mère, une tasse de thé fumante à la main qui passait la porte pour s’assurer que tout allait bien. Ça n’arrivera pas cette fois. Leur mère n’avait pas fait le voyage de retour, décédée avant de voir le dénouement de cette histoire. Cette perte attrista beaucoup Tibéria, mais la douleur finit par passer, car la vie continue malgré tout. Toutefois, lorsqu’elle comprit qu’elle était enceinte, le vide créé par ce départ se fit une fois de plus sentir. Elle aurait aimé que sa mère soit là pour la rassurer et lui expliquer les changements qui s’opéraient dans son corps. Comme le jour où elle était devenue une femme et que sa panique avait mis toute la maisonnée en émoi. Cette femme avait accouché de quatre filles, personne n’était mieux placé qu’elle pour ce rôle, mais Tibéria devra composer sans elle et, surtout, de pas porter attention aux oiseaux de malheur.


Étendue dans son lit, Tibéria tourna la tête vers la grande porte-fenêtre qui donnait sur la terrasse. Les rideaux empêchaient la lumière de passer, mais elle devinait à l’intensité que le jour était levé depuis longtemps. Personne n’était venu la réveiller. Ça faisait changement de Cassio qui était très passif/agressif dans sa façon de la tirer du lit. Il ouvrait tous les rideaux de la chambre et lui parlait poliment, mais très fort. Franco, qui se levait toujours avant elle, n’avait jamais eu à vivre ça. Ce n’était quand même pas de sa faute si elle n’était une fille du matin. Tibéria n’avait aucun problème pour travailler jusqu’à très tard et même rester debout jusqu’à l’aube, mais qu’on ne lui demande pas de ce réveiller à une heure aussi hâtive. Elle en était tout simplement incapable.


Tibéria avait besoin d’air. Rassemblant son courage, elle se leva. La veille, on lui avait fait boire un truc qui l’avait complètement assommée. Elle ne se souvenait pas d’avoir aussi bien dormi depuis longtemps, mais les effets se faisaient encore sentir. Elle était vaguement étourdie à moins que ce soit encore les symptômes de sa grossesse. Étrangement, elle était nauséeuse en plus d’avoir faim en même temps. Si elle essayait de manger, elle vomissait, mais ça ne l’empêchait pas d’être quand même malade malgré son estomac vide. Naturellement, ça l’épuisait et toute sa garde-robe était un peu trop grande maintenant. D’ailleurs, ses bagages traînaient dans un coin de la pièce. Ils attendaient surement qu’elle se réveille pour le faire. Elle souleva le loquet qui maintenait la porte fermé et la poussa. C’était une merveilleuse journée. Il n’y avait aucun nuage dans le ciel. Midi n’était pas encore passé, mais la matinée était bien entamée. Bien, elle n’avait pas trop dormi. Elle s’avança jusqu’à la balustrade qui donnait sur le jardin. Tibéria ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle se demandait si ses sœurs étaient dans les parages. Elles étaient sans doute réveillées depuis longtemps. Peut-être qu’elles étaient au petit salon que Tibéria pouvait atteindre en passant par le jardin. Antonia était plus probablement à la bibliothèque, mais Paula n’avait jamais été très assidue dans ses études. Alors qu’elle réfléchissait, elle ne remarqua pas la silhouette qui se tenait près du mur. Hernando montait la garde depuis près de deux heures. En voyant la porte s’ouvrir, il sut que Tibéria était réveillée, mais il ne s’attendait pas à la voir sortir sur le balcon pieds nu et vêtu seulement une fine chemise de nuit. Quand il l’avait porté jusqu’à sa chambre, elle était emmitouflée dans une couverture. Il n’avait rien vu qu’il n’aurait pas dû voir, mais là… Il se racla la gorge pour signaler sa présence. Évidemment, Tibéria sursauta et se tourna d’un bloc vers lui. « Mais qu’est-ce que vous faites là? » Demanda-t-elle d’un ton brusque. « Je monte la garde. » Rétorqua Hernando sur le même ton. « Mais nous sommes à Beronia. Il n’y a rien à craindre ici! » Tibéria croisa les bras sur sa poitrine alors qu’Hernando détournait poliment le regard. « Mais qui a l’idée de construire un escalier qui mène de la terrasse de sa chambre à coucher jusqu’aux jardins? » « Il y a un mur qui entoure tout le jardin! » « Un mur, ça s’escalade! » Que répondre à ça? Évidemment, il ne faisait que son travail, mais voilà qui en était fait de son intimité. Tibéria soupira. « Faites donc ce que vous voulez... » Sur ce, elle retourna à l’intérieur.

Deux heures plus tard.

Tibéria était assise dans le salon, habillé cette fois, où on recevait habituellement les invités en compagnie d’Antonia qui la regardait avec inquiétude et d’une femme d’âge moyen au visage plutôt ingrat, mais qui avait un petit quelque chose de rassurant chez elle. « Donc, vous avez été formé par la femme qui a assisté notre mère durant tous ses accouchements. Ne soyez pas vexé si je dis ça, mais est-ce que la dame en question n’est pas disponible? » « Elle est morte durant l’hiver d’une vilaine grippe. » « Oh... » Tibéria fronça les sourcils. « Vous savez, c’est encore très tôt… Je ne crois pas que vous me serez d’une quelconque utilité avant un moment... » Antonia lui serra doucement la main. « En fait, nous l’avons fait venir, car nous pensions qu’elle pourrait soulager tes malaises constants. » La dame acquiesça d’un geste de la tête. « Oui et je connais un remède qui pourrait vous aider. Apparemment, votre mère a souffert de la même affliction durant ses grossesses. » « Ça n’a rien d’encourageant pour la suite des choses... » Tibéria désirait plus que tout d’avoir une grande famille. Elle voulait au moins quatre enfants, mais si elle devait être malade à ce point chaque fois, ça remettait les choses en perspective. « Ce n’est que passager. Vous êtres plus souffrante que la moyenne des femmes, mais il y a un moyen pour vous soulager et les symptômes vont s’atténuer avec le temps. Il faut vraiment que vous avaliez quelque chose. » La jeune femme gloussa de rire. « Ce n’est pas un problème ça… C’est garder cette nourriture après qui est plus difficile. » La sage-femme sortit de son sac une racine grossière qui n’avait pas l’air très invitante. « Si vous me demandez d’avaler ça, c’est certain que ça ne va pas rester. » «C'est une racine de gingembre. On peut la manger, mais c’est préférable d’en faire une infusion dans votre cas, un peu comme un thé. C’est très bon pour l’estomac et ça soulage les nausées. Ça redonne de l’énergie aussi. » « Eh bien, si ce que vous dites est vrai, c’est presque miraculeux cette petite plante. Si vous en avez d’autres, je vais en prendre une cargaison pleine. » « C’est malheureusement assez difficile à obtenir. Il faut la faire venir de l’Ithri’Vaan est c’est cher. » « Ça, c’est plus embêtant. Bon, je ferais demander à des marchands de l’importer. J’en connais qui sont particulièrement doués pour dénicher des perles rares. » En attendant, elle devra se contenter de ce que cette femme avait à lui donner. Ça ne lui faisait franchement pas envie, mais si ça pouvait la soulager. Un esclave arriva avec une théière remplie d’eau fumante. La dame coupa quelques rondelles de la racine pour les faire infuser. « Ça sera prêt dans quelques minutes. Je dirais que plus longtemps elles infusent, mieux c’est. » « Eh bien, nous verrons cela… » Elle se tourna vers sa sœur. « Tu sais, ne t’empêche pas de vaquer à tes occupations à cause de moi. Je peux me débrouiller. » Antonia sourit. « Non, ne t’inquiète pas. Ça me fait plaisir d’être avec toi. On en a eu si peu l’occasion de se voir. » Au même moment, un esclave entrait dans le salon. « La dame Angelina de Solaria vient d’arriver. Puis-je la faire entrer? » Tibéria se levait déjà de son fauteuil. « Mais oui, quelle question! » La sage-femme se levait à son tour. « Je vais me retirer. Je passerai demain pour voir comment ça va. Si cette tisane ne fonctionne pas, nous verrons à essayer autre chose. » Sur ce, elle quitta au même moment où Angelina passait la porte.

Domaine de Solaria, la veille.

Après avoir été border Faustina, lui avoir conter une des aventures qui semblait tant passionnait l'enfant et l'avoir embrasser, Angelina avait regagnée non pas ses appartements, pour y prendre repos comme a l'exemple du reste du manoir, mais son bureau ou montagne de missives l'y attendaient. En prenant place sur sa chaise, elle jeta un regard désapprobateur aux rouleaux. Oh pas que s'occuper des affaires de ses terres l'ennuie, non le problème ne venait pas des documents présents mais plutôt de ceux qui n'y seraient pas. Il y'avait bien longtemps qu'elle n'attendait plu de recevoir de vélin de sa part et pourtant et chaque nouvelle livrée du courrier, elle ne pouvait empêcher son cœur d'avoir un faible espoir, sachant pourtant pertinemment que cela la mènerait a la désillusion d'une énième déception. Un an qu'il avait disparu de leur existence, il allait bien falloir qu'elle se fasse une raison, Oscario l'avait oublié et il faudrait bien qu'elle se décide a faire de meme tot ou tard.

Inspirant un grand coup elle prit a cœur de se mettre a l'ouvrage, reléguant ses tristes pensées dans un coin sombre de son esprit. Il y'avait pour l'heure plus important a penser, Ydril notamment dont elle espérait bien obtenir quelques nouvelles de part la paperasse qu'elle étalait devant elle. Les informations de ses divers contacts ne lui permirent guère de se sentir mieux, la situation se faisait préoccupante. Malheureusement tant que l'on ne manderait pas son assistance, elle ne pouvait s'en mêler de par sa position. Il ne manquerait plu que quelques esprit étriqués voient en ses actions un désir de récupérer le trône. Le dernier fanatique ayant eut fois en ce genre de délire ne lui était pas d'un souvenir des plus agréables. Tout en poursuivant sa lecture, elle étira ses jambes, celle ci se faisant toujours un peu raide quand elle restait immobile un peu trop longtemps. Alors qu'elle en était a considérer le fait d'écrire a Sarina, la baronne d'ysari et la femme du frère d'Oscario, chose qu'elle s'était jusqu'alors interdite pour des raisons évidentes, l'on frappa a la porte. " Vous pouvez entré. " C'est le corps bien charpenté de la cuisinière qui se montra bientôt a sa vue. Si elle s'étonna de la voir encore debout a cette heure, c'est sa mine soucieuse qui l'interpella bien d'avantage.

Agnés avait le sourire facile et dégageait toujours quelque chose de chaleureux. Elle était ce qui rapprochait le plus d'une mère aux yeux de la dame de Solaria. Elle faisait partie de sa vie d'aussi loin que ses souvenirs remontent et une réelle affection liée les deux femmes. " Que ma dame me pardonne cette intrusion tardive, mais il me semblait opportun de vous communiquer ce que je viens d'apprendre. " Angelina ne tiqua pas sur le terme employé par la domestique pour la désigner, elle avait eu beau batailler a maintes reprises pour qu'elle utilise un titre moins pompeux la cuisinière s'y était toujours fermement refuser. Elle se leva pour aller a sa rencontre, un sourire bienveillant illuminant ses traits. " Vous savez fort bien que votre présence ne me dérange jamais, quelque soit l'heure du jour ou de la nuit. Qu'est ce qui vous tourmente pour que veniez dont m'en faire part a cette heure ? " La domestique lui adressa un faible sourire. " Je crains ma dame que je ne soit un oiseau de mauvaise augure et que je n'ai une mauvaise nouvelle a vous apprendre. " La maîtresse des lieux en perdit son sourire, les dieux ne seront ils dont jamais plus cléments a son égare ? " Que se passe t'il Agnes, serait ce en rapport avec Ydril ? " C'était de loin la possibilité la moins inquiétante.

Par chance elle avait quittée Faustina il y'a peu et se doutait donc que ça ne pouvait concerner l'enfant, mais d'autres personnes a qui elle tenait pourraient elles êtres concernées, par chance la domestique mit rapidement fin a son trouble. " C'est son altesse la duchesse ma dame, on l'a dit souffrante. " Angelina s'empara des mains de la cuisinière, les pressant en quête de plus de renseignements. " De quel mal souffre t'elle ? Est ce un messager qui vient de vous le rapporter ? Pourquoi ne me l'a t'on pas envoyer ? " Agnés rougit légérement mais ne tarda pas a répondre. " Je ne saurais guère vous en dire plus. Je tiens cette information d'une des femmes de chambres, qui le tient d'un des gardes qui revient d'une permission, qui lui meme le tien d'un garde du palais ducal .. "Si elle n'avait pas été si inquiète, la dame de Solaria aurait levée les yeux au ciel. Elle détestait les commérages dont les domestiques s'abreuvaient et se rependaient un peu trop, mais il fallait avoué que parfois cela avait un aspect bien pratique, comme ce fut le cas présentement. " Tout ce que je sais c'est qu'elle était mal en point et qu'elle est partie en convalescence a Beronia, dans son domaine familiale. " Il n'en fallut guère plus pour convaincre Angelina de s'y rendre elle meme.

Le lendemain, dés le petit matin, elle prit la route. En seule compagnie de sa fidèle monture et en tenue de voyage. Il l'attristait de laisser Faustina a nouveau fois seule, mais ne connaissant guère l'état de sa cousine et avec l'agitation autour d'Ydril, il était plus prudent qu'il en soit ainsi. Le soleil était déjà haut dans le ciel quand elle arriva a Beronia, voila des années qu'elle n'y avait pas mit les pieds et pourtant elle s'en souvenait comme si ce fut hier. Le fait que les lieux soient restés étonnamment tels qu'ils furent jadis l'y aidant surement. Ne prenant pas le temps de se complaire dans ses souvenirs, elle sa hâte de gagner la demeure après avoir laisser son cheval aux écuries. Néanmoins avoir accès a Tibéria fut chose peu aisée, a la défense du pauvre bougre qui l’accueillie: Les cheveux aux vent, en pantalon et une dague pendant a la taille, elle ne ressemblait sans doute guère a l'image que l'on se faisait d'une Soltariel. Par chance une domestique la reconnue et quand son identité fut dévoilée et validée, le garde changea complètement d'attitude, après qu'il en eut fini de se répandre en excuses, il la laissa enfin pénétré a l'intérieur ou elle gagna rapidement le salon après que l'on eut informer la duchesse de sa présence. Alors qu'elle meme passait la porte, une femme quittait la pièce, son visage lui sembla familier mais bien trop soucieuse de l'état de sa cousine, elle se dirigea a grand pas vers elle et faisant fit du protocole elle lui prit les mains grandement soulagée de la trouver debout. " Tibéria, comment te sens tu ? Pourquoi ne pas m'avoir fait prévenir que tu étais souffrante ? Je serais venue immédiatement. Tu sais que je pourrais t’être bien plus utile que n'importe quel médecin n'est ce pas ? "

Elle faisait la bien entendue allusion a son don. Pourquoi sa cousine n'avait dont elle pas fait mandé son aide ? Par refus d'exploiter ses aptitudes ? Par sollicitude a son égare ? Ou par manque de confiance ? Bon nombres de questions se bousculaient dans sa tete mais bien consciente d'avoir été sans doute un peu trop prompte a s'emporter, l’inquiétude l'ayant emporter sur le reste, elle se tempéra en ajoutant plus douce. " Voila qui m'en fait oublier toutes bonnes manières.  Bonjour ma chère cousine, je suis heureuse de te revoir, meme si j'aurais aimée que ce fusse en de plus joyeuses circonstances. " Un sourire, une douce pression de mains, le tout en l'attente des révélations de sa cousine, avec l'espoir que les nouvelles ne soient pas trop mauvaises et que Tibéria la laisse lui venir en aide.

« Je ne sais pas ce que l’on t’a raconté, mais contrairement à la rumeur qui pourrait circuler, je ne suis pas en train de mourir. » Difficile à croire vu la pâleur de son teint, la fatigue dans ses traits, mais surtout les os de son visage plus visibles qu’en temps normal. « Va chercher Paula qu’elle vienne au moins saluer Angelina. » Dit-elle à l’intention d’Antonia. « Oui, bien sûr. Je suis ravie de vous voir dame Angelina. Si vous pouviez parvenir à convaincre ma sœur de se ménager, ça serait fort apprécié. » Antonia et Paula n’étaient pas aussi proches d’Angelina probablement parce qu’elles étaient encore très jeune quand leur cousine disparue durant plusieurs années. Sans être totalement une étrangère pour elles, le même lien qui existait entre Tibéria et Angelina n’était pas, mais ça ne les empêchaient pas d’être ravies de la recevoir quand l’occasion se présentait. Antonia s’inclina respectueusement devant son ainée puis alla à la recherche de sa jeune sœur. « Je ne crois pas que tu puisses faire quelque chose pour moi dans cette situation. » Dit-elle une fois qu’elles furent seules. Elle s’assit dans le fauteuil qu’elle venait à peine de quitter, se calant avec soulagement dans les cousins. Elle garda brièvement les yeux fermés le temps que le monde autour d’elle cesse de tournoyer comme une feuille morte au vent. « Désolée, si je reste debout trop longtemps, je deviens toute étourdie. Bon, je ne vais pas t’inquiéter plus longtemps… Je suis enceinte. Ça, c’est la bonne nouvelle. La mauvaise est que la grossesse me rend affreusement malade. Des nausées presque en permanence, fatigue, étourdissement. La seule chose que je suis capable d’avaler c’est un peu de bouillon de poule… Ce n’était pas non plus mon idée de venir ici, mais je me suis effondré devant des dignitaires et on a pris la décision pour moi que ça serait mieux si je m’éloignais quelques temps de Soltariel pour reprendre des forces. Donc je suis ici… Je dois avouer que l’endroit me manquait. » Elle sourit et serra la main de sa cousine comme pour la rassurer. « La nouvelle a voyagée très vite. Je suis arrivée hier dans la soirée. » Évidemment, son départ ne pouvait pas passer totalement inaperçu. Après, elle craignait les rumeurs que cela pouvait engendrer.

Une esclave passa alors la porte du salon et s’inclina devant les deux jeunes femmes en demandant d’une voix douce. « Voulez-vous que je vous apporte quelque chose? » « Oui, du thé pour la Dame de Solaria. Pour ma part, je vais me contenter de cette affreuse infusion. » Elle se tourna vers Angelina. « La dame que tu as croisée en arrivant est une sage-femme. Elle a été formée par celle qui s’est occupé de ma mère. Antonia pensait qu’elle pourrait peut-être m’aider. Elle a proposé une infusion faite avec une racine qui soulagerait mes nausées. Ça ne me semble pas très invitant si tu veux mon avis. » Elle se pencha légèrement vers l’avant pour soulever le couvercle de la théière. Une odeur légèrement piquante et peu familière commençait déjà à se répandre. « Remarque, si ça peut me permettre de manger normalement. Voilà longtemps que je rêve d’être enceinte et d’avoir des enfants, mais jamais je n’ai pensé que ça puisse être aussi… difficile. Ça gâche un peu la joie que je m’en faisais… »

Avec un sourire contrit, Angelina répondit d'une voix douce aux premières paroles de sa cousine. " Mon inquiétude est peut etre quelque démonstrative, mais rassures toi l'on ne te dit pas mourante. A dire vrai je t'ai sue souffrante de par les commérages entre domestiques .. tu sais ce que c'est. " Elle leva les yeux au ciel pour témoignait de ce qu'elle en pensait. Elle adressa ensuite un sourire sincère a Antonia, s'excusant par la meme de ne guère l'avoir mieux saluer. " Je manque a tout mes devoirs, il me fait bien entendu plaisir de te revoir également, mais je pense que tu peux comprendre que mes craintes aient prit le pas sur le reste. Quand a la demoiselle fort têtue qui vous sert de sœur, je ferais au mieux pour la convaincre de prendre du repos sois en assurée. " Quand elles furent seules, les inquiétudes de la dame de Solaria ne s'apaisèrent guère quand elle vit la duchesse prendre place dans un fauteuil et fermer les yeux. Elle n'eut pourtant pas le temps de se poser d plus amples questions que Tibéria lui dévoilait d'une traite le pourquoi de son état. Angelina s'était attendue a beaucoup de choses, mais certes pas a cela, si bien qu'elle en resta un instant interdite, tout bonnement incapable de dire le moindre mot. La surprise passée, elle se ressaisie néanmoins rapidement et alla s'agenouiller devant sa cousine, le regard débordant de tendresse. " Oh Tib, c'est une merveilleuse nouvelle. "

Elle laissa échappée un petit rire avant d'ajouter. " Je parle bien entendu de l'heureux événement que tu attends et non pas des "petites déconvenues " qui l'accompagnent. Je crains de ne guère pouvoir t'aider a soulager ce genre de maux si ce n'est par quelques tisanes ou conseils, mais pour le reste je suis bien évidement a ta disposition si tu avais besoin de quoi que ce soit. " Elle posa un regard maternel sur la jeune femme. Elle était sincèrement heureuse pour elle, meme si au fond de son cœur, une ombre de tristesse lui causait moult douleurs. La grossesse de sa cousine était le rappel qu'elle meme n'avait encore jamais eut la chance d’être enceinte et qu'au vu du peu d’intérêt de son époux a son égare, elle ne le serait probablement jamais. Néanmoins elle s'interdisait de s'apitoyer sur son sort, il y'avait Faustina dans sa vie, et si elle n'était pas sa mère de sang, elle l'était pour tout ce qui comptait réellement et cela la combler plus que toute autre chose. " Les commérages voyagent toujours plus vite que toute autre chose et pour une fois j'en suis ravie, cela m'ayant permit d’être rapidement a tes cotés. "

La dame de Solaria laissa son regard erré dans la pièce et au delà. " Je comprends que tu aimes cet endroit. Je n'y avais plus remit les pieds depuis l'annonce de votre exil et aussi incroyable que cela puisse paraître, il me semble que malgré les années les lieux n'aient guère changés. " Elle s'écarta de sa cousine, reprenant position debout de façon un peu raide, quand une domestique entra pour leur proposer une collation. Elle acquiesça aux paroles de Tibéria quand a la femme qu'elle avait croisée a son arrivée. " Il me semblait bien l'avoir aperçue quelque part, nous avons sans doute dues nous croiser aux chevets de femmes enceintes. Si je ne m'abuse, elle a due te prescrire des infusions de Gingembre. Cela peut paraître ragoutant mais c'est fort efficace et si le gout t'ait difficile au palais demandes en cuisine a ce qu'ils y ajoutent de la cannelle. " Elle alla a son tour prendre place dans un fauteuil. " Je sais qu'il ne doit guère etre plaisant d’être ainsi mise a l'écart et au repos. Cela m'a rendue folle pendant l'année qui vient de s'écouler, mais je pense que c'est une bonne chose. La cours peut se montrer épuisante tout comme les affaires politiques et en ton état mieux vaut éviter tout stress ou fatigue inutile. Pour l'heure tu ne vois que les désagréments des prémices, mais bientôt tu savoureras des joies qui te feront oublier tout le reste, les premiers mouvements du bébé notamment. " Un sourire tandis qu'elle ne peut s’empêcher de penser a Faustina, elle ne l'a certes pas porter mais elle a assistée a sa naissance et malgré le drame qui s'ensuivit elle n'oublierait jamais ces instants.

" Tu feras une mère formidable je n'en doute pas un seul instant. Concentres toi sur ta santé afin de mettre au monde un bébé en pleine forme et ne te soucis de rien d'autre. Au besoin tu sais que je suis la, que ce soit personnel ou politique .. Puis Franco ne manquera pas de t'épauler dans ta chacune de tes taches j'en suis sure. " Elle glissa un regard perspicace dans celui de la duchesse. " Comment le futur père prend t'il la nouvelle ? " Elle n'avait beau le connaitre que bien peu, Angelina n'ignorait pas que le nouveau duc de Soltariel pouvait semblait assez froid et distant de prime abord, elle se demandait donc si leur relation avait quelque peu évolué et si il avait été capable de témoigner de ses sentiments, quand a la naissance a venir, devant son épouse. Elle se garda pourtant bien de poser directement la question, laissant le loisir a Tibéria de décider si elle avait ou non envie d'aborder le sujet. La dame de Solaria savait se montrer une bonne conseillère au besoin, mais tout aussi bonne oreille compatissante selon ce que la situation exigeait. Présentement toute sa personne irradiait de son soulagement quand a l'état de sa cousine, elle n'était pas souffrante mieux encore elle portait la vie .. Que de bonnes nouvelles dont se réjouir et au vu de la dernière année écoulée c'était une bouffée d'air frais des plus appréciables.

Tibéria n’était pas surprise d’apprendre que l’information ait circulé de cette façon. Le château était rempli de langues bien pendues qui n’avaient pas toujours conscience des conséquences que leurs bavardages en apparence innocents pouvaient avoir. « La source première n’est pas tant les domestiques que les gardes qui se tiennent aux portes. De par leurs fonctions, ils entendent et voient toutes sortes de choses et bien qu’ils soient tenus d’être discrets, ils ne sont que des hommes. Ce n’est pas nécessairement facile de tenir sa langue lorsqu’on détient une information importante. Je crois qu’il me faudra avoir une petite discussion avec certains d’entre eux pour leur rappeler l’importance d’être discret. » Tibéria ne pourra jamais être totalement au repos, car on ne peut tout simplement pas l’empêcher de penser. Tout ce qui a été fait et tout ce qu’il y a à faire, la liste s’allongeait sans cesse. Elle avait peut-être laissé le boulot à Franco pour quelque temps, mais elle pensait déjà au moment où elle rentrerait. Puis Cassio était supposé lui transférer les lettres qu’elle recevrait en espérant qu’il soit plus rapide que Franco pour les intercepter. « Le jour où j’arrêterais complètement, je serais morte. Les responsabilités ne se sont pas envolées simplement parce que je ne suis pas à Soltariel pour l’instant. Je sais que vous voulez mon bien, mais le contexte actuel est délicat et c’est le moins qu’on puisse dire. »

Apparemment, si Angelina avait eu le temps de se faire tout un tas d’histoire dans sa tête, l’idée d’une grossesse ne lui avait pas effleuré l’esprit. Tibéria sourit. « En effet, j’attends ce moment depuis longtemps. Pour la cannelle, j’en prends bonne note et si c’est efficace, c’est tant mieux. Je dois absolument recommencer à manger normalement, car je m’épuise. » Elle posa une main sur son ventre plat, ayant du mal à imaginer qu’à l’intérieur, il y avait une petite étincelle de vie qui allait lentement grandir. Ce processus la fascinait, cette capacité à donner la vie. Comment ne pas être émerveillé par cela ? En même temps, cela apportait son lot d’inquiétudes et de peurs. Les choses pouvaient très mal tourner et son cœur ce serait à l’idée qu’il puisse ne pas s’accrocher… « Oh, il est heureux. C’est même lui qui m’a fait remarquer qu’il y avait peut-être quelque chose qui se passait… Finalement, il est peut-être plus attentif que je le pensais. Tu sais, il a déjà été marié. Sa femme est tombée enceinte, mais elle est décédée à l’accouchement et le petit n’a pas dépassé les deux années de vie. Je crois qu’il a peur que ça recommence et… je dois avouer que je partage ses inquiétudes. C’est normal, toutes les femmes ont cette crainte lorsqu’elles réalisent qu’elles sont enceintes. C’est un risque à prendre, mais toutes les histoires ne se terminent pas mal, car il n’y aurait plus personne en ce monde si c’était le cas. » Un sourire à la fois triste et rêveur se dessina sur son visage. « Je voulais garder le secret plus longtemps. Si je n’avais pas été aussi malade, je n’aurais rien dit avant… un certain temps. Je voulais en profiter un peu, tu comprends ? J’ai aussi peur qu’il ne s’accroche pas… » Il y avait quelque chose dans sa voix qui sonnait étrange, comme si ses propos étaient basés sur quelque chose de vécu. Elle ne dit rien de plus, ses sœurs entrant dans le salon. « Je l’ai trouvé dans la bibliothèque. » « Vraiment ? » Tibéria semblait surprise de l’entendre. C’était connu que Paula n’accordât pas tellement d’important aux études ou à la lecture. Il fallait qu’elle soit motivée par quelque chose pour s’y retrouver. « J’ai le droit de lire si j’en ai envie. Tu es la première à me dire que je devrais accorder plus d’importance à mes leçons. » Marmonna la jeune femme, agacée qu’on puisse juger ses activités de la sorte. « Loin de moi cette idée ! Je me demandais simplement où tu étais passé ce matin. Je suis contente d’apprendre que tu es plus assidue dans tes leçons. » La jeune femme sourit. Âgée de 19 ans, elle ressemblait beaucoup à Tibéria, mais la dépassait de quelques centimètres sur la grandeur, faisant officiellement de la duchesse la plus petite femme de la famille. « Ce n’est rien. Bonjour cousine Angelina. J’espère que vous allez bien. Allez-vous rester à Beronia ? » Tibéria regarda Angelina « Si tu le souhaites, je peux mettre une chambre à ta disposition. Tu es la bienvenue aussi longtemps que tu le voudras. » Tibéria était la seule à tutoyer Angelina. Ses sœurs gardaient toujours cette distance respectueuse. Paula, par exemple, n’avait pratiquement aucun souvenir d’Angelina. « Vous serez là au moins pour le repas. » « Je l’espère bien. » Ajouta Tibéria avec un sourire. « Bien que j’ai tendance à me tenir loin de la table à manger ou encore des cuisines. Cette infusion aura peut-être l’effet escompté. »