Fortune nous sourit [Cosimo]

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Jormgard l'Infâme
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MessageSujet: Fortune nous sourit [Cosimo]   Fortune nous sourit [Cosimo] I_icon_minitimeDim 28 Jan 2018 - 21:37


Un verre tomba. Un rire éclata. Une puanteur d’alcool et de sueur pesait sur l’endroit, s’écrasant sur les hommes qui dilapidaient avec voracité leurs maigres économies, dans l’espoir qu’un miracle surviendrait, qu’un tour de main les sauverait. Mais pour s’enrichir, les uns devaient prendre aux autres; pour chaque fortune érigée, trois autres devaient s’écrouler. Rien ne se matérialisait du néant, après tout. Jormgard le savait mieux que quiconque, et pourtant, vautré sur son siège, sa main gantée, qui semblait détachée de son corps, tremblait autant d’excitation que d’appréhension en jetant les dés. Ils glissèrent un instant, insensibles à son destin comme à celui des misérables réunis autour de la table. Deux pièces de bois froides, aux motifs simples, dénuées d’ornement et de sympathie.

Jormgard, retenant son souffle, compta une, deux fois. Il releva sa tête et croisa le regard triomphant de l’homme assis en face. Ses épaules s’affaissèrent. La colère l’avait depuis longtemps quitté, ne laissant plus qu’un vide cruel dans le creux de son ventre, et de sa bourse. Il ne put s’empêcher de tourner son regard vers le ciel nocturne, éclairé d’innombrables traits brillants; des milliers de petits yeux lumineux; comme toujours, Il était là, attentif, l’observant. Aucune parole, aucun geste, seulement cette même contemplation silencieuse; ce regard du père qui, une fois de plus, contemple avec déception mais sans surprise les fautes répétées de sa progéniture. Malgré le coup de froid qui s’insinua sous sa cotte de lin, Jormgard, sa tête appuyée contre ses deux mains, sentit la marque honteuse, gravée dans la chair de son front, s’enflammer de plus belle.

Il n’avait pas d’autre choix. La chance basculerait tôt ou tard, il en était convaincu. Après tout, sa bourse avait assez souffert, il revenait à son tour de l’arrondir un peu. La soirée continua de cette façon, chaque défaite lui arrachant davantage de ses précieuses pièces, dont il se consolait d’une rasade de bière; chaque victoire gonflant davantage sa bourse comme son cœur d’espoir, qu’il célébrait d’une gorgée victorieuse. Comme il l’avait espéré, la table se mis à tourner et maintenant, c’était lui qui, peu à peu, accumulait les gains du jeu, au grand malheur de ses adversaires, dont l’expression s’assombrissait au même rythme que leurs chopes s’asséchaient. Bientôt, le silence s’effondra sur la table lorsque, pour une quatrième fois consécutive, Jormgard délesta ses voisins de leurs pièces restantes.

Il ne put s’empêcher de passer la langue sur ses gencives repliées dans un sourire narquois; à l’apparence d’un fauve se délectant des suites d’un goulu repas.

« C’est pas possible, ce salaud triche! » cria l’homme au cou épais en frappant son poing sur la table, son visage coagulant tandis que ces jointures blanchissaient. Jormgard ouvrit la bouche pour répliquer, lorsqu’il remarqua, un peu trop tard, sans doute en raison de la généreuse quantité d’alcool qui commençait à réchauffer son esprit, le poignard qui trouait son manteau, pointant vers son ventre, mais beaucoup trop court pour traverser la maille. Il sourit. L’homme tenta de reculer, trop tard; un poing percuta son visage, fracassant son nez dans une douleur suraiguë tandis que l’impact le propulsa sur le dos, le sang maculant les poils de sa moustache. Jormgard, satisfait, massa ses jointures en retournant vers son siège. Tout d’un coup, il remarqua que plus personne ne bougeait, ne parlait ou riait; l’endroit était maintenant plongé dans un silence étouffant, comme si chacun retenait son souffle. Comprenant alors que tous les yeux se posaient sur lui, Jormgard recula en glissant une main vers sa ceinture, tandis que des hommes aux regards carnassiers s’avançaient vers lui.
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MessageSujet: Re: Fortune nous sourit [Cosimo]   Fortune nous sourit [Cosimo] I_icon_minitimeMer 31 Jan 2018 - 18:18


Le nain était décidément bien mal tombé. Les mercenaires n’aimaient pas les tricheurs, et encore moins quand ceux-ci étaient de nouveaux-venus. Un camarade qui vous plume, ça n’est que partie remise après tout. La fortune tournerait bien dans votre direction quelques nuits plus tard, et vous récupéreriez votre mise. Une paire de bottes pouvaient passer de jambes en jambes avant de retrouver son propriétaire d’origine. Mais un inconnu, ça pouvait se carapater sans retour dès l’aube et disparaître à jamais avec vos godasses. Très fâcheux !  Et puis l’autre venait de tirer le premier sang, le pauvre Hermann en pissait à gros bouillon par le nez. Les compaings se serraient les coudes dans ce genre de situation, et les joueurs de la trempe de Jormgard avaient tôt fait de se retrouver dans un fossé avec quelques pouces d’acier dans les reins.   Il fallait bien aider la fortune quand elle se gourait un peu trop dans les dés.  

Un ton narquois brisa le silence qui précède généralement la curée :

« - Tout pour se faire remarquer hein ? Un nain bien loin de ses montagnes,  qui vient chopiner et laronner la clicaille de mes maroufles aux dés comme si de rien n’était ! »


Cosimo fendit le demi-cercle menaçant des compaings, et s’avança vers l’inconnu. Ça faisait un bout de temps qu’il n’avait pas vu de représentant du petit-peuple :

« - On a rien contre les suce-debouts hein !  Encore moins quand ils sont marqués comme des vaches, ça montre qu’il y a des ordures chez tout le monde. Mais c’est quand même foutrement curieux. »


A vrai dire, seule cette curiosité du capitaine, pétrie par l’ennui du siège, l’avait poussé à intervenir dans ce qui était un incident franchement banal. Et puis ce petit plaisir coupable de tenir la vie d’un individu à sa merci.

« - Allons bon, qu’est-ce que tu fous dans le coin ? Pas de bobards mon bon, ou je te fais rôtir les petons. »


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MessageSujet: Re: Fortune nous sourit [Cosimo]   Fortune nous sourit [Cosimo] I_icon_minitimeDim 4 Fév 2018 - 17:41


Jormgard sentit ses traits se durcir. Si pendant quelques instants, un sourire de satisfaction s’était épanoui sur ses lèvres en contemplant l’homme qui, étendu au sol, les deux mains appuyées contre son visage grimaçant, faisait de son mieux pour empêcher le vomi sanglant de s’épandre, maintenant, en remarquant tous ces yeux durs qui le dévisageaient, il sentait toute joie s’en échapper; il réalisait la profondeur, une fois de plus, du tas de merde dans lequel il s’était enfoncé; et avec quelle difficulté il aurait à s’en décrotter.

Il tourna la tête d’un bord et de l’autre, espérant trouver une issue; une foule aux regards meurtriers s’était formée autour de lui, l’encerclant, et Jormgard comprit qu’ils ne le laisseraient pas filé gentiment. Sa main rencontra la poigne froide de son épée, lorsqu’un homme, la moustache jaune et le chapeau plumé, s’avança vers lui.

« Tout pour se faire remarquer hein? Un nain bien loin de ses montagnes, qui vient chopiner et laronner la clicaille de mes maroufles aux dés comme si de rien n’était! »

Les hommes semblèrent se détendre un instant comme si, seulement par ses paroles, le moustachu parvenait à empêcher le troupeau, pour le moment du moins, de précipiter sa justice sanguinaire.

« On a rien contre les suce-debouts hein! » dit-il. « Encore moins quand ils sont marqués comme des vaches, ça montre qu’il y a des ordures chez tout le monde. Mais c’est quand même foutrement curieux. »

Jormgard eut l’impression cette fois qu’une véritable longueur d’acier se glissait entre ses côtes; son visage brûla de honte, l’engourdissement de son esprit bientôt remplacer par le martèlement de ses tempes. Reconnaissait-il la marque? Rares étaient ceux qui avaient l’audace de la mentionner, mais avec tout cet attroupement, même l’homme le plus couard aurait puisé un peu de courage. Jormgard se renfrogna, son visage s’affaissant, comme si le tiraillement de toutes ces années avait fini par en enfoncer les traits; ses jointures blanchirent contre le manche de sa lame.

« Allons bon, qu’est-ce que tu fous dans le coin? Pas de bobards mon bon, ou je te fais rôtir les petons, » dit l’homme au sourire narquois.

Jormgard, réfléchissant un moment, finit par hausser les épaules. Lui-même ne parvenait pas à s’expliquer sa présence en ces lieux. Un trou de fiente au milieu d’un pays qui lui était étranger, à patienter pendant que d’autres orchestraient la fabrication de machines qui permettraient la prise d’un autre fort quelconque. L’appât du gain, sans doute, l’avait attiré au siège de Christabel. Le vagabond ne possédait pas le luxe de désigner une cause comme sienne; semblable au revenant, il se contentait d’errer sans aucune signification particulière derrière le chemin qu’il empruntait. En fuyant les autres, l’impression le poursuivait, surtout, de se fuir lui-même.

Jormgard examina l’homme chapeauté : malgré ses airs bravaches, il transpirait plutôt la puanteur monotone et fatiguée de celui qui, quotidiennement, hasarde ses mains crasseuses pour délier au destin le pain qu’il s’entêtait à lui refuser. Une idée ridicule, sans doute, mais Fortune lui offrait peut-être une opportunité. Qui voulait gagner devait s'aventurer.

« Je cherchais du travail honnête, » dit Jormgard en désignant le fer accroché à sa ceinture, « et je crois avoir perdu mon chemin, » continua-t-il en désignant, cette fois, la foule mécontente; « peut-être pourrais-tu pointer un vagabond dans la bonne direction? »
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MessageSujet: Re: Fortune nous sourit [Cosimo]   Fortune nous sourit [Cosimo] I_icon_minitimeMar 6 Fév 2018 - 13:11



L’inconnu ne se laissait pas démonter, c’était déjà de ça à son avantage. Le moindre signe de faiblesse aurait sonné l’hallali. Mais Cosimo tenait sa meute, et admirait le rare bestiau qui lui faisait face. Il appréciait en connaisseur les réactions que ses piques provoquaient chez le nain, la légère tension qui réchauffait l’air frisquet de la nuit. L’armure et le bon acier que portait ce visiteur valaient mieux qu’un long discours sur ce qu’il entendait par du travail honnête.

Et la compagnie manquait cruellement de bras après la bataille de Valdrant. On avait pu regarnir un peu les rangs en embrigadant quelques vauriens ambitieux qui traînaient sur les traces de l’ost nordien. Un guerrier nain valait plus que cette mauvaise racaille tout juste bonne à gonfler le carré.  Pour avoir combattu à la bataille d’Alonna, Cosimo connaissait la valeur de ces êtres teigneux qui semblaient avoir des rancunes contre chaque adversaire. Mais mieux valait être certain qu’il ne s’agissait pas d’un vulgaire escroc usant de son origine pour impressionner ses pigeons. Après tout, il venait de plumer sans vergogne plusieurs compaings. Et ces derniers voulaient assurément faire rendre gorge à ce rongeur de cailloux. Une idée de compromis lui vint.

« - Du travail honnête ! Fichtre, il n’y a ici que d’honnêtes compagnons, artisans en picquerie et orfèvres de la mauvaise guerre. »

Tête Pelée avisa un des joueurs déconfit qui contenait mal ses envies de meurtre :

« - Ciro, fait nous voir si ce vagabond est aussi bon avec son fer qu’avec les dés. »

Le spadassin scylléen grogna de contentement en tirant un long coutelas de sa ceinture. Aussitôt, les compaings trépignèrent d’assentiment et formèrent un cercle vociférant, jury d'un entretien d'embauche d'un genre particulier. Jormgard fut brutalement poussé de l’avant par plusieurs paires de bras. Le chemin du nain s’arrêtait ici, pour le meilleur ou pour le pire.
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MessageSujet: Re: Fortune nous sourit [Cosimo]   Fortune nous sourit [Cosimo] I_icon_minitimeVen 9 Fév 2018 - 5:50


Les brasiers rougeoyants, témoins taciturnes de la scène, éclairaient les lieux de leurs lueurs fuyardes, comme s’ils préféraient rester en retrait. À intervalles réguliers, leurs braises poussaient de faibles crépitements qui, suspendus dans l’air un moment, planaient au-dessus de l’auditoire à la manière d’une bouffée de ricanements. Leurs ombres, bloquées par la foule grandissante, s’étalaient dans son centre en prenant l’apparence de formes monstrueuses, reflet de la soif bestiale qui agitait la meute.

« Du travail honnête! Fichtre, il n’y a ici que d’honnêtes compagnons, artisans en picquerie et orfèvres de la mauvaise guerre, » annonça l’homme en se tournant vers un de ses compagnons au regard meurtrier. « Ciro, fait nous voir si ce vagabond est aussi bon avec son fer qu’avec les dés. »

Jormgard sentit son cœur se serrer à mesure qu’une brûlure émergeait de ses entrailles, se propageant dans tout son corps. Pour qui ce salaud se prenait-il? Il n’était pas une bête de foire qu’on faisait danser d’un claquement de doigts pour divertir son public.

Peu importe où ses pas l’entraînaient, une ombre funeste s’était attachée à lui, le poursuivant sans jamais lui accorder aucun repos, attirant autour de lui sang et destruction. Lorsque le malheur survient une première fois, le destin peut être blâmé, la mauvaise fortune, mais quand la ruine se construit tout autour de soi, peu importe le chemin emprunté, alors le regard devrait se tourner vers l’intérieur. Mais le regard tend à se détourner du répugnant.

Des mains le poussèrent vers l’avant. Il manqua trébucher. La foule s’était rassemblée dans un cercle compact ne laissant aucun doute : personne n’en sortirait tant que les spectateurs ne seraient pas rassasiés. Tous ces yeux braqués sur lui, ces sourires niais, se délectant du sang qui ne tarderait pas à éclabousser leurs lèvres gercées.

Le dénommé Ciro s’avança, grand gaillard aux yeux exorbités, muni d’un fer ébréché aussi long que son avant-bras et vêtu d’un jaque troué et tacheté tombant jusqu’à ses genoux. Ses épaules jetées vers l’arrière, son torse bombé, il ressemblait à l’amuseur de foule appréciant le moment précédant sa performance, anticipant les clameurs à venir des spectateurs. Il roula sa langue contre ses dents curieusement blanches.

Jormgard sentit un frisson lui traverser l’échine en dégainant sa lame froide et réconfortante. Il la serra un moment, se concentrant pour calmer les battements de son cœur. Sa cuirasse, normalement légère sur ses épaules, semblait s’être alourdie d’un poids nouveau. Il s’avança.

Le premier coup explosa avec une telle force qu’il résonna jusque dans son poignet. La foule hurla d’excitation. Un deuxième fendit l’air; Jormgard le repoussa juste à temps d’une torsion du poignet. Il n’eut pas le temps de respirer : une entaille déchira le tissu couvrant son bras dans une morsure écarlate. Il recula. Son adversaire semblait flotter dans l’air, apparaissant d’un côté pour aussitôt frapper de l’autre, toujours imprévisible dans ses mouvements, comme si son arme se déplaçait trop vite pour être suivie des yeux. Autour de lui grondaient des acclamations. Le public avait choisi son favori, et ce n’était certainement pas le vagabond. Jormgard leva un instant les yeux : Ciro souriait.

« Salopard, » murmura-t-il en secouant la tête. Son manteau étroit l’étouffait, son bras l’élançait, sa tête tournait; il avait l’impression qu’un brouillard se formait autour de lui, et pourtant, une sensation nouvelle, mais familière, commençait à s’emparer de lui. Une sensation effrayante.

Les lames s’entrechoquant étincelèrent dans l’air. Ciro chargea à nouveau, son coutelas élaborant un rapide moulinet dirigé vers la gorge; son adversaire esquiva de justesse. Ciro redoubla d’ardeur en fouettant sa lame, ce qui provoqua un nouvel éclat. Aussitôt sa lame décrivit un arc que Jormgard para d’un coup du poignet. Ciro vit une ouverture, il leva le bras pour en finir, mais sa main ne lui répondait plus. Baissant les yeux, il remarqua sa gorge grande ouverte d’où s’échappait une coulée sanglante : Jormgard souriait.

« Qu’est-ce que… » tenta-t-il de dire, mais seul un gargouillis incompréhensible s’échappa de sa bouche. Il porta la main à sa gorge en s'écroulant à genoux.

L’endroit tomba dans un silence stupéfait, chacun observant le moribond qui faisait de son mieux pour ne pas s’étouffer sur son propre sang.
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MessageSujet: Re: Fortune nous sourit [Cosimo]   Fortune nous sourit [Cosimo] I_icon_minitimeLun 12 Fév 2018 - 18:23


Pas avant le souper merde, songea Cosimo en voyant le pauvre Ciro subir les affres d’un égorgement. Paniqué, il tentait d’aspirer quelques goulées d’air à travers le trou béant dans sa gorge, qui préférait pisser du sang à qui mieux-mieux. Ce genre d’agonie pouvait durer un peu trop.  Cosimo tira un mince poignard de sa ceinture. Il tâta un instant pour ne pas frapper les côtes et enfonça à fond sa lame, droit au cœur. Ciro eut un dernier hoquet sanglant. Les spectateurs étaient cois, on ne pouvait pas nier que le nain avait gagné à la loyale. L’ambiance de la soirée serait plombée. Tête Pelée ordonna qu’on se débarrasse discrètement du corps. Mieux valait que ce genre d’affaires reste entre eux. Les badauds se dispersaient comme si de rien n’était. Ca n’était ni la première ni la dernière fois qu’ils assistaient à ce genre de scène. Cette justice du poignard avait le mérite de régler les différends une fois pour toutes, et d’éviter les scènes une fois en campagne. Les officiers la toléraient, et en faisait largement usage.

Tête Pelée rengaina sa lame en toisant le nain. Un sacré jeu d’épée, un peu crade mais fichtrement efficace. Cosimo avisa un tabouret et s’y planta en soupirant. Derrière lui, deux cerbères patibulaires gardaient leurs yeux sur le nain. D’un geste de la main, Cosimo invita ce dernier à s’assoir. On leur apporta à boire. Le capitaine leva son godet :

« - Buvez donc messire nain, ça donne toujours soif d’estourbir un clampin. »


Il ne se fit pas prier pour engloutir sa boisson d’un long trait. Sa manche essuya sa moustache éclaboussée. Cosimo se resservit :

« - N’enculons pas les mouches, je pourrais avoir besoin d’un gars comme vous, au moins pour garder mes effectifs à niveau maintenant que l’aut’ va causer avec les asticots.»


Ciro était un brave compaing, mais l’addition d’un guerrier nain à leur troupe serait un trophée de choix. Combien de capitaines en Péninsule pouvaient se targuer d’avoir un nain dans leurs rangs ? Ça ferait chouette dans les tavernes.
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MessageSujet: Re: Fortune nous sourit [Cosimo]   Fortune nous sourit [Cosimo] I_icon_minitimeVen 16 Fév 2018 - 3:41


Jormgard contemplait le malheureux qui, les deux mains serrées contre sa gorge, s’efforçait d’obstruer la plaie béante d’où jutait son sang chaud, coulant contre ses mains, arrosant le sol. Ses yeux grands ouverts semblaient hurler autant de surprise que de douleur. La vie pissait de sa blessure à grandes gouttes. Il se débattait, pris d’un côté, sombrant peu à peu de l’autre, comme le témoignait son visage se vidant de ses couleurs. Bientôt, tout ce qu’il aurait connu s’effacerait, son corps rejoindrait la poussière en même temps que son existence. Rien ne pouvait y changer.

L’homme au chapeau plumé, un court poignard en main, s’approcha. Ciro poussa son dernier râle lorsque la pointe toucha son cœur. Si Jormgard l’observait l’instant d’avant avec fascination, il avait désormais l’impression de ressentir une certaine déception en voyant le corps s’effondrer contre le sol, son regard maintenant désincarné. Une nouvelle dépouille qui rejoindrait les autres. La foule qui paraissait surprise pendant un moment, se dispersa rapidement, chacun reprenant doucement ses activités; tout cela n’était qu’une distraction passagère, un spectacle qu’on observe avec une certaine simplicité et qu’on oublie tout aussi rapidement.

Jormgard s’assit sur le banc désigné par l’homme. Des verres leur furent amenés. Une soif lui agrippait la gorge.

« Buvez donc messire nain, ça donne toujours soif d’estourbir un clampin, » dit-il en vidant son verre d’un trait. « N’enculons pas les mouches, je pourrais avoir besoin d’un gars comme vous, au moins pour garder mes effectifs à niveau maintenant que l’aut va causer avec les asticots. »

Jormgard contempla le liquide de sa chope un moment puis, en haussant les épaules, la vida à son tour. Il hocha la tête.

« Jormgard, au plaisir. Ça risque d’être intéressant. »

Il tendit la main : pas qu’il appréciait particulièrement les contacts physiques, au contraire, surtout dans un geste aussi ironique que de tendre la main — notamment dans le métier de mercenaire, où elle risquait davantage, tôt ou tard, de vous poignarder — mais il aimait éprouver la trempe d’un homme par sa poigne.
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Cosimo Tête Pelée
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MessageSujet: Re: Fortune nous sourit [Cosimo]   Fortune nous sourit [Cosimo] I_icon_minitimeVen 23 Fév 2018 - 14:21


Voilà une affaire rondement mené. Tête Pelée n’aimait pas perdre son temps, et le laconisme du nain avait tout pour le réjouir. Le nain lui tendit la main. Cosimo se pencha de l’avant et tendit sa pogne aux doigts calleux d’écorcheur patenté. Le geste avait pour lui de l’importance, celle d’un contrat entre le capitaine et son nouveau compaing. Il décocha un sourire jaunâtre au nain :

«Cosimo. Mais on me nomme Tête Pelée dans ces parages, rapport à ma caboche. »


Le capitaine se releva en éclusant son godet.  Il avait grand faim :

« Allons manger une bricole, je tiens plus en l’air. »


Dans le campement, les compaings s’assemblaient autour de marmites où cuisaient des brouets brunâtres. Cosimo lança à la cantonade en s’approchant du plus gros attroupement :

« Les gars, voici Jormgard, qui sera des nôtres dorénavant. Qu’on lui fasse bon accueil ! »

Les mercenaires présents hochèrent de la tête en saluant le nouveau venu. Chacun avait pu apprécier son talent avec une lame, et mieux valait commencer d’un bon pied les relations. Spontanément, on tendit une écuelle pleine et une cuillère au nain. Quelques morceaux de viande barbotaient tristement dans le ragoût. Le siège allant, les vivres se faisaient rares et surtout chers. Mais les chauffeurs avaient toujours quelques tours dans leur sac pour améliorer l’ordinaire. Ce fut à ce moment-là qu’Honoré, le trésorier de la troupe, se pencha au-dessus de la foule, inquiet :

« Quelqu'un a vu mon chien ? »

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