De l'inspiration pour une ballade - Fenris

De l'inspiration pour une ballade

10e année du XIe Cycle
6e ennéade de Barkios

Arkhuisa

Non, non et non ! Par Arcamenel que c'était hideux ! Odieux pour les oreilles, pénible à prononcer, rien n'allait. Autant de désespoir que de rage, Nàna chiffonna le papier et le lança sur le côté. La boule de papier fit un bel arc de cercle avant de retomber au sol et rebondir mollement. Croisant ses bras sur le bureau formé d'une épaisse branche de sa demeure Ardamiroise, Nàna posa sa tête dessus puis ferma les yeux. L'abattement commençait à la gagner. Depuis l'aurore rien ne lui venait à l'esprit. Les vers ne rimaient pas, la mélodie ne chantait pas.

Et ce n'était pas en se morfondant chez elle que les choses s'améliorerait. Tout du moins ainsi en avait-elle décidé. S'étant relevé d'un bond, elle s'approcha de la coiffeuse que sa sœur lui avait offert à l'occasion de son anniversaire afin de s'apprêter avant de sortir. Elfe de la scène qu'elle était, elle ne pouvait se permettre de sortir mal vêtue. Elle mit des perles nacré dans ses cheveux blancs, releva son regard de biche d'un peu de mascara et d'une ligne de khôl, puis enfila une tunique longue de lin d'un vert impérial, brodée de fils d'argent, ainsi que deux bas, l'un d'une couleur canard et l'autre ocre. Excentrique dites-vous ? Peut être oui... Prenant son luth qu'elle passa par-dessus l'épaule, c'est ainsi que Nàna sortit de son appartement, décidée à trouver l'inspiration dehors, dans la belle ville d'Ardamir.

Et ce n'était pas les sources d'inspiration qui manquaient dans la Cité aux Arbres. À chaque endroit où les yeux se posaient on pouvait y trouver une beauté insoupçonnée et insoupçonnable, dormant tranquillement dans la ville organique. Des Hauteurs jusqu'aux Racines, la nature régnant, mi-sauvage, mi-domptée, ne cessais d'offrir des gemmes inestimables pour l'âme des artistes et autres poètes du beau,  émissaires de la splendeur de l’Œuvre. Il n'était pas étonnant qu'Ardamir une telle ville culturelle et qu'Arcamenel y soit célébré comme dans aucun autre lieu. Pourtant, malgré toute cette magnificence, le cœur de Nàna n'y trouva aucune inspiration. Son cœur, bien que touché, ne savait retranscrire les sentiments qu'il ressentait. Les mots lui échappaient, illusions insaisissables.

Remontant le long de l'Elorëa pour regagner le cœur de la Cité, Nàna poussa un long soupir, son regard fixant vaguement le remous des eaux. Il fallait qu'elle se fasse à l'idée, les vers épiques dont elle était à la recherche, ce ne serait pas pour aujourd'hui. Pensée qui l'inquiétait. La prochaine représentation de la troupe rapprochait, et il était essentiel que de nouveaux vers soient chantés. Des cris l'arrachèrent à ses soucis. Tournant la tête, ses longs cheveux blancs flottant au vent, elle eut à peine le temps de reconnaître une bande d'elfons qui passèrent à son côté sans même la saluer, la bousculant au passage et lui faisant perdre son équilibre. Elle aurait bien pu finir à l'eau si une main salvatrice ne vint pas la stabiliser. Se retournant, elle écarquilla les yeux d'étonnements.

« Fenris ! »

Tout en s’écriant, elle se jeta au cou de son ami d'enfance sans même une seconde d'hésitation. Finalement, cette journée ne serait pas aussi noire que ce qu'elle aurait pu croire jusque là. Une question demeurait pourtant. Que pouvait-il bien faire à Ardamir ?

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