C'est un fameux trois-mâts ...

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Franco di Celini
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MessageSujet: C'est un fameux trois-mâts ...   C'est un fameux trois-mâts ... I_icon_minitimeLun 26 Fév 2018 - 12:39



~ Partir, c’est mourir un peu, mais mourir, c’est partir beaucoup ~


5ième ennéade de Barkios,
An 10 du 11ième cycle

Manoir de la famille di Celini, en fin d’après-midi.


Franco était las. Cette vie l’ennuyait. Il était las de cette ville qu’il avait tant protégée. Las de ce manoir qui l’avait vu grandir. Las du palais de Soltariel où jamais rien ne se passait. Las de ces assemblées interminables avec les notables de la ville. Finalement, il s’était lassé de sa propre vie.
Le duc s’était battu pendant des années durant pour obtenir ou conserver tout ce qu’il possédait aujourd’hui. Et c’était maintenant qu’il avait enfin atteint cet état suprême, le trône de la ville qu’il chérissait tant, qu’il se rendait compte qu’il n’était pas heureux. Dans sa vie, tout n’était devenu que protocole. Si avant ses amis étaient heureux de faire affaire avec lui, aujourd’hui ils étaient heureux de faire affaire avec la couronne de Soltariel. Paradoxalement, la pseudo-célébrité avait une fâcheuse tendance à dévorer de l’intérieur l’individu concerné.

Puis ce qu’il voulait le moins au monde était arrivé. Oubliant les années de malheur qu’il avait vécu à essayer de sauver son premier fils, Matteo, le duc avait consenti à s’engager un peu plus avant dans sa relation avec Tibéria. La duchesse voulait des enfants, quoi de plus normal pour une femme de son âge avec une situation aussi stable ? Si elle était enceinte, pour l’instant, le duc n’arrivait pas à l’accepter. La nouvelle lui avait fait l’effet d’un coup de massue derrière le crâne. En faisant cela, il avait l’impression de trahir la mémoire de Matteo. Si sa première femme, Helena, lui avait été imposée, son fils n’avait été que bonheur et fierté pour lui. Alors, depuis tout ce temps, il regrettait de ne pas avoir pu faire plus pour le sauver.

Un bruit vint tirer Franco de ses rêveries. C’était surement son fidèle serviteur, Cléandre, qui comme à son habitude venait lui proposer des rafraîchissements.
- Merci Cléandre, je n’ai besoin de rien.
D’ordinaire, lorsque le chef de la famille di Celini parlait ainsi, le serviteur savait qu’il devait se retirer sans poser plus de questions. Mais cette situation durait déjà depuis plusieurs ennéades et commençait à inquiéter sérieusement tout l’entourage proche de Franco. La scène était presque théâtrale. Le duc, accoudé au balconnet de sa chambre, semblait admirer le paysage, l’âme emplie de mélancolie. Tandis que Cléandre, dans l’ombre, constatait avec dépit la déliquescence de son maître qu’il admirait tant. Quelqu’un qui ne connaissait pas Franco aurait pu penser qu’il envisageait de se suicider. Mais Cléandre, lui, connaissait bien l’homme. Il savait qu’il aimait trop la vie et qu’il était trop déterminé pour ce genre de choses. Le serviteur, voyant que la situation ne faisait que s’enliser, préféra ne pas obéir et tenter quelque chose pour réveiller l’âme de l’homme qu’il aimait tant qui se cachait quelque part au fond de ce corps déprimé.

Le serviteur déposa son plateau de rafraichissement sur une table et s’approcha du balconnet. Il pensait connaitre les gouts de son maître, il était censé savoir ce qu’il voulait ou ne voulait pas. Cléandre, sans trop hésiter, s’approcha de Franco et le pris dans ses bras. Le serviteur était plus petit que le duc, mais peu importe. Il commença à caresser l’homme qu’il admirait tant. Ses gestes étaient légèrement hésitants, après tout, ces derniers temps Franco avait des réactions de plus en plus étranges. Soudain, le duc saisit la main de Cléandre et stoppa net son geste affectueux.
- Stop, Cléandre.
Le duc prit une grande inspiration, puis expira comme s’il était profondément déprimé par cette situation.
- Mon ami, à compter de ce jour, tu ne travailles pour moi en tant que domestique. Tu peux faire ce que bon te semble. Proposer tes services aux autres membres de notre famille ou …
Le duc laissa sa phrase en suspens. Se trouvant dans une situation embarrassante, le domestique se libéra de l’emprise de Franco avant de s’éloigner de quelques centimètres afin que son corps ne soit plus en contact avec celui du duc.
- Je vous écoute, messire ?
- Ou je te propose de m’accompagner. Je pars demain matin à l’aube pour des terres bien plus intéressantes que celles-ci. Je me suis encrouté ici, cette vie ducale m’a rendu faible. Tout cela ne m’intéresse plus, du moins pour l’instant.  Ah, et tu vas devoir apprendre à ne plus m’appeler messire.
Un silence suivi l’annonce de Franco. Cléandre savait que l’homme détestait perdre son temps et, par extension, il détestait les questions inutiles. La réponse qu’il lui formulerait se devrait donc d’être claire et concise.
- Je vous accompagne, bien évidemment mess… Franco di Cel… Franco. Vous êtes tout pour moi.
- Très bien, nous avons donc du travail.
L’ancien serviteur de la famille di Celini se mit à sourire. Il reconnaissait enfin l’homme qu’il admirait tant. Celui qui avait disparu depuis bien trop longtemps maintenant.
- Cléandre, veux-tu bien prendre un vélin et une plume ? J’ai quelques informations à transmettre à Tibéria.  


A Tibéria de la famille Soltari-Beronti,
Ma chère et tendre épouse,

Tibéria, j’ai appris que vous m’aviez couvert en informant les notables de ce monde de mon indisponibilité temporaire. J’ai le regret de vous apprendre que la plupart des serviteurs sont prêts à vous dire bien des choses en l’échange de quelques pièces sonnantes et trébuchantes. Je viens par cette lettre vous rassurer sur mon état de santé et vous informer que je quitte la ville de Soltariel pour une longue mission.
La guerre en péninsule arrive à son terme. Nous devons maintenant nous concentrer afin de ne point ignorer les menaces qui viennent de l’extérieur de notre continent bien aimé. Si les hommes aiment se battre entre eux, ils oublient parfois trop rapidement qu’ils ne sont pas l’espèce la plus dangereuse qui existe en ce monde.

Nous avons un exemple récent, l’invasion des terres ydrilotes par des estréventins n’a pu être ni prévue, ni anticipée. Pour le bien de notre duché et pour éviter à nos enfants de devoir vivre dans un monde à feu et à sang, je m’en vais donc nous chercher d’autres alliés à travers le monde. Ma première destination sera le continent estréventin.

Par la même occasion, je profite de cette lettre pour vous autoriser de manière officielle à prendre les décisions qui seront nécessaires à la bonne gestion du duché en mon absence. Je fais confiance à votre bon sens ainsi qu’à votre intelligence pour ne pas agir de manière précipitée et vous entourer des bonnes personnes dans cette épreuve.

N’oubliez jamais que Soltariel n’a d’allégeance qu’envers la couronne. Que tous ceux qui ne sont que des parvenus n’ont aucun droit sur nos terres et ne peuvent rien nous réclamer au nom du roi que le roi lui-même n’a demandé.


Je vous souhaite bien de l’amusement, surtout avec les vieilles familles de cette ville,
Franco




Cléandre tendit le vélin à Franco pour qu’il y appose son seau.
- Cela vous convient ainsi ?
Le duc s’empara de quoi faire couler de la cire ainsi que du sceau de la famille di Celini qu’il avait l’habitude d’utiliser.
- Et si tu me tutoyais ? Nous avons une dernière missive à faire parvenir à l’une des seules personnes en qui j’ai confiance sur ce continent. Enfin, nous allons peut-être nous servir d’un revenant pour nous adresser à lui …


A Roderik de Wenden
Chancelier du Royaume et tout ce qui s’en suit,

Cher Roderik,
Croyez en ma stupéfaction lorsque j’ai appris que j’avais eu l’honneur de côtoyer de mon vivant l’homme qui, en plus d’avoir le pouvoir de diriger le continent le plus véreux de ce monde, avait le pouvoir de rire au nez et à la barbe de Tyra.

Je ne me perdrai pas en phrases grandiloquentes. Vous apprendrez sous-peu que j’ai quitté la Péninsule afin de remplir une mission pour le trône de Soltariel. Il se peut que je revienne de cette mission dans quelques mois comme dans quelques années.

En mon absence, j’aimerai sincèrement revenir sur certaines paroles que j’avais prononcées lors de notre entrevue. Ces mots résonnent aujourd’hui encore dans mon esprit et je pense que vous en parler me libèrerait de ce tourment. Je souhaite vous faire savoir que votre idée d’intégrer messire Niklaus d’Altenberg au sein du conseil de régence est une idée brillante. En mon absence, et tant que messire d’Altenberg n’est pas nommé, je souhaiterai donc vous confier ma voix au sein du conseil de régence. Si Niklaus intègre ce conseil, j’aimerais que ma voix lui revienne.

Je crois en vous ainsi qu’en cet homme pour bâtir un avenir radieux à la couronne de la lignée Phyram et aux bons habitants de notre chère et tendre Péninsule.

Avec tout mon soutien dans vos épreuves à venir,
Franco




- C’est parfait. Je pense que cette fois, mes affaires sont closes. Puisqu’ils veulent jouer, ils ont toutes les billes en main pour le faire. Pour ma part, j’ai assez joué aux billes.
Franco se posa dans un fauteuil et prit un air songeur.
- Je te laisse faire porter ces lettres à leurs destinataires respectifs. Après cela, tu n’auras plus qu’à réunir tes affaires. Nous partons pour Boniverdi demain à l’aube. Rejoins-moi ici dès que tu seras prêt. Le plus tôt sera le mieux.





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Roderik de Wenden
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MessageSujet: Re: C'est un fameux trois-mâts ...   C'est un fameux trois-mâts ... I_icon_minitimeMer 28 Fév 2018 - 12:18


Laréor, comté de Scylla

« Il y a quelque chose de pourri au royaume de Soltariel », murmura Roderik après avoir achevé la lecture du document. « C'est manifestement un faux ; le duc ne peut pas avoir écrit ce tissu d'inepties, dit-il en tendant la missive à Lysandus.
- Le sceau paraît authentique, observa le jeune clerc.
- Mais rien de ce qui y est écrit ne l'est.
- Que comptez-vous lui répondre ?
- Hmm ? Rien. Absolument rien. Rangez ce torchon, ou brûlez-le, que sais-je, servez-vous en pour ce que vous voulez, Lysandus. »


Si la lettre était authentique, elle illustrait fort bien la duplicité du duc. Celui-ci, s'amusant visiblement d'avoir réussi à faire croire à tout le royaume qu'il tenait le lit et affrontait la maladie depuis des mois, ne trouvait pas plus approprié que d'annoncer son départ à l'étranger, peut-être définitif, à l'heure où la guerre grondait à ses portes. Il ne se justifiait de rien. En d'autres termes, il fuyait.

Plus troublant encore, il se prévalait d'une voix au sein d'un conseil de régence qui n'existait pas, et, là encore sans se justifier le moins du monde, demandait à ce que cette voix soit confiée à Niklaus d'Altenberg. Pire, il prétendait que Roderik lui-même avait projeté de nommer l'Altenberg au sein de ce conseil - ce qui était faux. Ce dernier était un officier de la couronne qui, après avoir flatté le rebelle Nimmio de Velteroc quand cela était plus sûr, s'était finalement rallié au trône dès l'instant où le parti de Bohémond avait paru le plus fort. Roderik n'avait pas traité l'Altenberg en traître, car il avait besoin de l'influence de ce dernier dans les terres de la couronne ; mais il avait tout de même pris le plus grand soin de le tenir à l'écart des hautes responsabilités.
Que cherchait le duc Franco en tentant maladroitement de promouvoir un tel homme ? Au vu des dernières actions - ou inactions - de Soltariel, une telle recommandation était tout sauf un atout pour l'Altenberg. Si les deux hommes étaient de mèche, cela ne faisait qu'accroître la défiance de Roderik à leur égard.

« En fait, conservez-la, recommanda-t-il à Lysandus.
- On la conserve ?
- On la conserve, oui. Si jamais cette missive est authentique, elle pourrait nous être utile un jour ou l'autre. »


Lysandus acquiesça et entreprit de classer la lettre parmi d'autres documents que la Chancellerie gardait de côté. Roderik le regarda faire, pensif. Puis, parlant plus à lui-même qu'au jeune clerc :

« Il faudrait garder un œil sur Port-Royal », dit-il. « Franco di Celini s'exile juste après qu'on lui ait ôté la charge d'Amiral. Ça sent le coup fourré. »

Là-dessus, il réclama plume et encre, et s'attela à la rédaction d'une note à l'intention de Francesco di Castigliani, l'homme qui s'efforçait de tenir en place la Marine Royale en gestation depuis que Franco avait été relevé de ses fonctions. L'homme était un pion posé là par le Chancelier, en attendant de pouvoir procéder à la nomination d'un véritable Amiral ; celle-ci devrait attendre que le futur gouvernement du royaume se dote d'un cadre plus définitif. En effet, il n'entrait pas dans les pouvoirs de Roderik d'attribuer de telles charges - ni même de les ôter, en fait. Roderik savait néanmoins employer à bon escient le meilleur des prétextes : l'urgence.

Roderik de Wenden a écrit:
A l'intention de Francesco di Castigliani, Vice-Amiral de la Flotte de Sa Majesté,

Messire, recevez ce jour mes amitiés. En ces temps de changement, il me faut vous prodiguer quelque recommandation. Les récents mouvements de flottes ennemies nous obligent à la prudence, et je ne saurais trop vous conseiller de vous entourer de gens de confiance. Il me semble, à cet effet, que vous devriez tenir à l'écart des responsabilités tous les familiers de votre prédécesseur. Les hommes qui doivent leur situation à un maître ont tendance à vouloir lui rester fidèles, et si une telle loyauté est louable, elle est dangereuse une fois qu'il leur en faut accepter un nouveau.

Je vous prierai également d'armer des navires en vue de réinvestir prochainement l'archipel de Nelen. Les rebelles ont cessé de revendiquer ces îles et y reconnaissent aujourd'hui la suzeraineté de Scylla, mais nous avons déjà trop tardé à mettre en oeuvre sa restitution. Un gouverneur sera prochainement nommé à Port-Cinglant, et le fortin de l'île d'Achid Kamil, improprement baptisé Fort-Méliane, sera également réinvesti. Il sera peut-être opportun de rebaptiser l'endroit Fort-Arsinoé, du nom de la mère de notre souverain, un nom qui n'évoquera pas la honte et le déshonneur des Langecins.

Mes vœux de réussite vous accompagnent.

Au troisième jour de la sixième ennéade de Barkios, en la dixième année de notre cycle, la troisième année du règne de notre roi Bohémond,

Roderik, fils de Ganelon de la maison de Wenden, Illustrissime, Pourfendeur des drows d'Oësgardie, Héros d'Amblère et de Nebelheim, Champion du Grand Tournoi de Serramire, Grand Chancelier du Royaume par la grâce de Notre Seigneur et Roi Bohémond, le premier de son nom de la maison Fiiram, Marquis de Sainte-Berthilde, Comte de Scylla, Baron d’Olyssea, Seigneur-Protecteur de la Roseraie, Gardien fidèle de la foi, le Sérénissime Soleil Noir de la Rayonnante Ys, Archonte d’Ydril, Vicomte de Calozi, Seigneur de Velmonè, Seigneur consoeur de Beronia, Seigneur-dragon de Calozi, Sénéchal d’Ydril, Grand Chambellan d’Honneur de la Grande Traverse, Erudit de Prestige de la Destinée de l’Aube, Maître des Enfants de la Nébuleuse Ecarlate, Grand Voyer du Duché et Grand Argentier du Royaume, par la grâce de la Damedieu, toute bonne et toute providentielle.
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Francesco di Castigliani
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MessageSujet: Re: C'est un fameux trois-mâts ...   C'est un fameux trois-mâts ... I_icon_minitimeMar 6 Mar 2018 - 0:53



Port-Royal avait perdu de sa splendeur passée. Non pas que le lieu était plus petit où moins clinquant, au contraire. L'activité ne désemplissait jamais au point que le port pouvait se targuer d'être le seul endroit du royaume à ne jamais dormir. L'arsenal quant à lui, figurait indéniablement comme le plus important de la péninsule. Durant des décennies, les rois successifs s'étaient évertués à transformer un petit port de pêche en une véritable base portuaire où l'on s'égosillerait à montrer le fleuron de la marine royale. De nombreux grands bâtiments étaient passés par là et s'en étaient allés sillonner les mers et les océans. La majorité, suite à de bonnes années de service, avaient terminé leurs courses effrénées sur les quais. Et ce, jusqu'à ce qu'on les saborde pour les envoyer dans le fond où qu'on les démembre du mieux possible pour la construction d'autres navires.

Ce jour d'huis, beaucoup de choses avaient changé, et guère de la bonne manière. Devant Francesco, la plupart des quais étaient vides sans nulle ombre d'un navire. A cela s'ajoutait un manque de marins expérimentés. Ce n'était pas faute d'avoir fait venir ses fils et quelques-uns des brillants capitaines soltaar avec qui il avait parcouru les océans. Non, il en manquait à la racine. Ceux-là même qui s'embarquaient sans jamais savoir s'ils pourraient regagner terre. De toute évidence, il n'était pas aussi aisé de trouver de solides gaillards dans les domaines royaux que dans le duché soltaar. Et ce, à son plus grand regret.

Vice-amiral, voici une missive du chancelier, bredouilla l'un de ses seconds.

Trop longtemps accaparé par les centaines de rapports faisant état des problèmes rencontrés par la marine royale, Francesco en avait oublié le bon Léandro. Celui-là était un jeune marin prometteur issu d'une noble famille suderonne. Depuis qu'il l'avait rejoint, Francesco s'était contenté de ne lui fournir qu'un travail bien peu appétant en lui demandant de l'assister dans ses travaux.

Surpris tout d'abord par l'arrivée impromptue d'une telle missive, il mit un certain temps avant de défaire le sceau. Il pensa un instant que ce dernier était un faux. Aux dernières nouvelles, le chancelier de Wenden avait rendu l'âme en faisant naufrage. N'ayant plus reçu aucun ordre depuis, l'amirauté s'était abstenue de toute action d'envergure. L'amiral lui-même était signalé absent, souffrant, où même mort selon les rumeurs.

En découvrant les lignes écrites de la main même du chancelier, il ne put qu'être saisit d'une certaine perplexité. Il n'était pourtant plus possible d'en douter, le courrier n'avait rien d'un faux et semblait faire l'annonce officielle d'une tragédie à venir. Non seulement venait-on de lui demander de se soustraire des officiers loyaux du duc de Celini, mais on venait également de lui donner un ordre bien présomptueux.  

Tout va bien ? S'enquit Léandro, soucieux de voir le vieux loup de mer en proie à l'inquiétude.

Doucement, ses yeux vinrent foudroyer le jeune second.

Amène moi mon encrier et ma plume...

Au Chancelier Royal Roderik de Wenden, [ses titres]

C'est avec grande joie que j'ai reçu votre missive. Je prends bonne note de vos recommandations quant à l'éloignement des hommes encore loyaux au duc de Celini. Néanmoins, vous serez probablement surpris d'apprendre que la plupart se trouvent encore à Soltariel afin de s'assurer de l'avancement des chantiers navals ordonnés par le Régent du Roy, Cléophas d'Angleroy. Je ne me risquerai point à vous demander la raison de cet ordre vis-à-vis du duc de Celini. Ce dernier n'ayant guère été très présent ces derniers mois, je dois vous avouer que la marine royale est restée ensommeillée. Il me faut donc vous avertir, messire, que de nombreuses choses viennent obscurcir la prestigieuse marine de sa Majesté Bohémond. A commencer par le manque cruel de marins. A ce jour, nous ne disposons que d'un peu plus de la moitié des effectifs d'il y a dix années. Je vous demande dès lors la permission d'envoyer mes hommes parcourir les domaines royaux afin d'y trouver des volontaires et d'autres ayant l'expérience de la marine marchande.

Par ailleurs, il me faut vous prévenir que les navires commandés par le Régent d'Angleroy et administrés par l'ancien amiral, nous sont parvenus avec nombre de défauts empêchant ainsi leur bonne utilisation. Cela étant probablement dû au délais de deux mois ordonné et qui n'a malheureusement guère permis de rectifier tous les problèmes d’étanchéités. De facto, la plupart d'entre eux sont revenus dans nos ateliers et ne pourront donc être utilisés dans l'immédiat. Il faut néanmoins relativiser et apprécier le fait qu'ils existent. .

J’envoie sur le champ nos navires assurer la protection de l'archipel de Nelen. Comme vous l'ordonnez, Fort-Méliane sera rebaptisé Fort-Arsinoé et nous contrôlerons aussi bien que possible les navires s'arrêtant à Port-Cinglant.

Que les cinq veillent sur vous et sur sa Majesté Bohémond.

Vive le Roi, vive la marine.



Francesco Cortès di Castigliani, Vice-amiral de la marine royale



Il avait hésité à évoquer les tristes nouvelles survenues d'Ydril. Mais le chancelier n'en avait fait nulles mentions. Sûrement que l'amirauté royale n'avait point à s'en préoccuper. C'est qu'il y avait déjà bons nombres de choses à faire et de problèmes à régler le plus prestement.

Triste temps pour la marine...  

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