Une affaire réglée [pv Louis]

Baignée par l'orée du soleil au petit matin, Aliénor se réveilla paisiblement. Depuis combien de temps n'avait-elle pas dormi aussi bien ? La jeune femme avait pour habitude de se lever tôt et profitait ainsi intensément des matinées calmes pour en général, vaquer à ses occupations. Toutefois ce matin était différent des autres matins. Roderik était vivant. Cette seule pensée avait le mérite d'illuminer son visage d'un sourire rayonnant de bonheur.

Se levant sans se presser, elle vint se poser sur les coussins qui se trouvaient au rebord de l'une des fenêtres baignées du soleil levant du sud. Elle l'ouvrit alors pour découvrir que la chaleur commençait à peine à émerger. Elle offrit alors dans un moment d'extase, son visage au soleil levant et la caresse de ses rayons qui parcouraient sa peau n'en était que bien meilleur encore.

Pour la première fois depuis un an, Aliénor se délectait d'un bonheur presque parfait. Depuis combien de temps ne s'était-elle plus sentie heureuse ? C'était comme si elle avait perdu une partie de son âme. Elle avait beau chercher, elle ne trouva pas. Elle se remémora alors tous les instants qu'elle avait vécu depuis qu'on lui avait appris la mort de Roderik. Elle repensa alors aux moments passés auprès du régent du royaume, son amitié, sa courtoisie qui l'avaient fait se sentir si soutenue et beaucoup moins seule qu'elle ne l'était.

Aliénor alors comprit. Lorsqu'il la repoussa n'était-ce pas plutôt son égo que son coeur qui avait parlé ? De la même manière, ne s'était-elle pas sentie diminuée, en infériorité de savoir qu'il lui préférait une femme plus âgée et par deux fois mariée ? Tout ceci était-il vraiment de l'amour ? N'avait-elle pas sentie qu'elle n'éprouverait aucune victoire à intriguer pour réussir à le faire revenir à elle par dépit ?

La réponse lui apparut tellement évidente, qu'elle quitta vivement la fenêtre pour rejoindre le petit secrétaire qui se trouvait dans la chambre. Dans l'un des tiroirs se trouvait des parchemins. Elle trouva dans un autre de l'encre et une plume et se mit à écrire ce pli :

À Louis de Saint-Aimé, régent du marquisat de Sainte Berthilde.
2ème jour de la 1ère énéade de Verimios, 10ème année du 11ème cycle.

Cher ami,

Vous avez dû l'apprendre maintenant mais je suis actuellement en Scylla et plus précisément au château de Laréror où une affaire de la plus haute importance a requis ma présence.

J'ai le bonheur de vous informer que la rumeur qui courait depuis maintenant 3 ennéades est véridique et que j'ai eu l'immense joie de retrouver mon frère, le chancelier du royaume Roderik de Wenden en vie et bien portant au château de Laréor.

Vous ne pouvez imaginer l'intense lumière que cet évènement a mis dans ma vie qui depuis sa disparition, m'avait semblée si vide, si grise et si amère. J'aborde désormais ma vie sous un nouveau jour et j'en éprouve une profonde satisfaction. Je me sens enfin soulagée de ce poids qui m'étouffait.

Par cette lumière de joie retrouvée, il m'est ainsi soudainement apparu et c'est là tout l'objet de ma présente missive, que les sentiments que je nourrissais jusque là pour vous et que je vous ai confié à Rochenoire, ne sont pas en vérité ce qu'ils étaient, un amour sincère et fort mais le simple reflet d'une perte trop grande qu'ils permettaient de combler.

Par conséquent, si j'ai pu vous cause du tort dans vos entreprises ou causé de l'embarras, je vous en fait mes excuses les plus sincères et vous souhaite de vivre un bonheur radieux dans la félicité du mariage, avec la baronne d'Alonna que vous chérissez si intensément. Je ne doute pas un instant que vous saurez profiter avec délectation du luxe qui vous est offert d'épouser l'être aimé. Nous n'avons malheureusement pas tous cette chance.

Pour ma part, je compte profiter un peu de la félicité du sud et de ce bonheur retrouvé pour apaiser les maux qui jusqu'à maintenant noircissaient mon esprit et mon coeur.

J'espère vous revoir prochainement à l'occasion de la suite de la campagne dans le sud.


Amitiés,

Aliénor de Wenden, Seigneur de Wenden et Régente du Comté d'Aretria et de la seigneurie de Karlsburg.

Satisfaite de son oeuvre, elle relu sa lettre, la plia puis la marqua de son sceau grâce à sa chevalière et à une des bougies de chevet qui se trouvait près de son lit. Elle s'habilla prestement de sa tenue de dame qu'elle avait étonnamment prit plaisir à reprendre (oui, chose impossible dans son esprit jusqu'à maintenant). Elle alla alors trouver l'un des gardes qui se trouvait dans son couloir pour faire venir l'un de ses messagers et lui confier le précieux pli.

- Pars au plus vite porter ce pli en Christabel et ne le remet qu'au régent du marquisat de Sainte-Berthilde et à personne d'autre.

Ainsi elle regarda l'homme s'éloigner. Une once de tristesse pinça son coeur car avec lui c'est autre chose qui s'en allait mais elle avait la satisfaction de savoir que c'était là la bonne chose à faire.