Mauvais augure [Tibéria]

Fin première ennéade de Vérimios, an X, XIe cycle

A son altesse Tibéria de Soltariel, duchesse de Soltariel.

C'est en ces heures sombres qu'il me faut vous annoncer une triste nouvelle, ma dame. En ma qualité de Vice-amiral, vous n'êtes certainement point sans savoir que l'ordre m'a été donné de contrôler l'archipel de Nelen afin de nous assurer le blocus de tous navires venant d'estrévent avec de mauvaises intentions à l'encontre de notre bon royaume. Hors, il s'est avéré que votre époux, monsieur le duc de Celini, ait été aperçu à Port-Cinglant. L'on m'avait déjà annoncé son départ et certains de mes hommes n'ont eu de mal à le reconnaître malgré ses efforts pour se camoufler dans la populace. L'un des hommes du Roi a payé cette découverte de sa vie, puisque son corps a été découvert peu de temps après que la trace de votre époux ait été perdue. Sachez, ma dame de Soltariel, que Port-Cinglant est en proie à un mouvement de révolte soufflé par des forces étrangères. Nous craignons que votre époux ait rejoint les rangs de ce mouvement de sédition à l'encontre du royaume.  

Je me dois, par respect, vous prévenir que le Sénéchal et le Chancelier du Royaume seront informés de la situation.  

Que les dieux vous viennent en aide dans cette épreuve qu'il vous faudra surmonter. L'union maritale peut-être autant empli de bonheur que d'épreuves.

Francesco Cortès di Castigliani, vice-amiral de la marine royale.

Les formes étaient mises. L'apprentissage de l'écriture lui avait également appris la bienséance et la politesse. Néanmoins, si l'on creusait un peu, il était toujours possible de découvrir les motifs cachés. La duchesse de Soltariel, en étant liée par le mariage à son époux Franco di Celini, risquait purement et simplement que ses détracteurs réclament sa destitution pour les méfaits de son époux; dès lors, bien sûr, qu'ils seraient tous mis au courant les uns après les autres.  

Pour le meilleur et pour le pire, le mariage nous liait à jamais.

Cinquième jour de la deuxième ennéade
Verimios
An 10 du 11ème cycle

Vice-Amiral,

Premièrement, veuillez me pardonner du retard dans ma réponse, mais les choses ici me gardent fortement occupé. Vous n’êtes pas sans savoir qu’Ydril est présentement sous le contrôle du traître Altiom d’Ydril et de ses suivants. La guerre est à nos portes, reléguant ainsi les faits et gestes de Franco loin derrière dans mes soucis.

Je tiens à spécifier que je ne suis en rien responsable de ses actions. Il me semble que Franco, aussi insensé qu’il puisse paraître présentement, est parfaitement maître de lui-même. Il a quitté précipitamment Soltariel alors que je surmontais les affres du début de ma grossesse après avoir feint un étrange malaise, me laissant seule face aux traîtres et en salissant le nom de l’enfant à naître. Croyez-moi, vous n’êtes pas le seul à vouloir mettre la main sur lui et la justice royale sera douce comparativement au sort que je lui réserve...

J’ai envoyé un émissaire au sénéchal plus tôt en Barkiòs, mais je n’ai reçu aucune nouvelle. Sans doute est-il trop pris par la guerre au Médian. Quant au chancelier, il est présentement à mes côtés à Soltariel afin d’assurer officiellement la présence de la couronne. Je comprends les motifs derrière votre lettre. Le serment qui me lie à Franco me rend, selon certains, aussi responsable que lui de ces actes. Comme je l’ai dit plus haut, je ne le suis pas et je ne les sanctionne aucunement. J’ai déjà surmonté les égarements d’un premier époux aveuglé par le pouvoir, l’histoire semble se répéter pour moi, mais je vais surmonter cette nouvelle tempête. Dans l’immédiat, je m’efforce d’honorer le serment que j’ai fait au roi en défendant et protégeant ses terres contre l’envahisseur. Je crains, par ailleurs, que ce combat soit plus difficile que prévu suite à une récente découverte dont je n’ose vous parler maintenant. Le chancelier sera informé et il le sera certainement au moment où vous lirez cette lettre.

Dans une union arrangée au coin d’une table, le bonheur est une utopie, vice-amiral.

Que les cinq vous gardent.

Tibéria de Soltariel, duchesse de Soltariel.