A l'heure du thé

Le vent était contraire, l'esperenza ne bougeait qu'au fil des vagues et du courant qui la menait à son bon vouloir. Au loin, l'on percevait les côtes de l'infâme Meca. La cogue du capitaine Ernando paraissait bien seule au milieu de ces eaux dangereuses. Il était probable qu'on l'ait vu depuis longtemps d'ailleurs. Là-bas, les pirates devaient déjà se sentir nargués par cette embarcation venue jusque chez eux. Sur le pont du navire, Ernando et son équipage guettaient les moindres faits et gestes en provenance de la maudite île. Comme une sentinelle perdue en plein Eris, l'esperenza faisait jusqu'à présent son travail à la perfection. Un autre l'attendait, et les hommes sentaient l'agitation et la tension qui entouraient le la précieuse cargaison.

Le temps était clément, trop clément. La chaleur, presque suffocante, provoquait au sein de l'équipage une soif toujours plus insatiable. Et plus on attendait, plus on avait l'envie de boire. Surveiller ces scélérats des mers avait un coup, il fallait le subir. Pour l'occasion, et comme une provocation de plus, Ernando avait fait hisser le pavillon soltaar. La bannière était battue par le vent et la faisait paraître immense tout en haut.

– Aurons-nous la joie de les voir sortir par si beau temps ?

– Cela nous ferait prendre l'air, ah ! Répliqua Ernando, l'œil toujours rivé vers l'île.

– Ont-ils si peur de venir nous affronter pour rester ainsi cloîtré dans leur entre. Il paraît qu'une femme s'est emparée de leur commandement.

Ernando sourit à l'évocation de la fameuse reine choisie par la lie de la société.

– Ils sont tombés bien bas, reprit-il. Nous assistons peut-être à la fin de Meca. Cela fera des heureux, c'est sur !

L'équipage, en attente, se mit à rire si fort qu'on dut les entendre à des centaines de nautiques à la ronde.